"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

lundi 28 juin 2010

La culture de l’excuse


Il y a deux jours je profitais d'un incident survenu à la Courneuve lors de la venue inopinée du Président de La république pour m'insurger contre le fait que même le premier personnage de France était considéré comme indésirable dans certaines parties du territoire qu'il dirige.
La clémence du jugement rendu contre celui qui a fait remarquer en termes fleuris l'incongruité de sa présence au Président m'a laissé pour le moins perplexe. Car au-delà du fait que maintenant certains peuvent considérer qu'on peut insulter à peu de frais le Président de la République, ce jugement finalement avalise le fait que la présence de celui-ci dans certaines zones est inopportun. A moins que cette clémence soit dans la droite ligne de ce que certains nomment la culture de l'excuse.

 
Cette culture semble imprégner bien des esprits. N'a t-on pas vu des commentaires qui finalement minimisaient le fait, voire le justifiaient en le rapportant à d'anciens propos du Président qui de fait rendraient légitime l'insulte à sa personne confondant la haine qu'ils ont pour un personnage et l'irrespect de la fonction présidentielle. Elle imprègne aussi vraisemblablement les juges. Le nombre de faits divers mettant en cause des personnes « connues des services de police », déjà interpelées 1 fois, 5 fois, 10 fois, 20 fois et plus sans jamais avoir été condamnées ne manque pas de surprendre. On peut d'ailleurs s'interroger sur cette indication liminaire qui précède tous les jugements « Au nom du peuple français », car à vue de nez, en lisant et en écoutant les commentaires qui suivent ces fais divers assez graves pour être signalés, on peut se demander à bon droit si les juges ou certains juges ont encore conscience de rendre la justice au nom de ce peuple. Les juges peuvent certes interpréter la loi, individualiser leurs sentences, il n'en est pas moins regrettable que certains de leurs jugements ignorent complètement la loi, votée également au nom du peuple français par ses représentants, tout ça au nom de la culture de l'excuse : ce que tu as fait n'est pas bien, faudra pas recommencer. Mais tu n'es pas réellement coupable, alors rentre chez toi, va retrouver ta bande pour de nouvelles aventures, et à bientôt.
La culture de l'excuse peut même aller très loin. On a vu récemment un « manifeste » publié sur Libération assimilant les émeutiers et même les tireurs de policiers comparés eux à des membres d'une force d'occupation aux communards, donc à des révolutionnaires attaquant légitimement une société pourrie. Nous considérerons ce texte comme le produit de pseudo-intellectuels mal dans leurs têtes pour nous concentrer sur la culture ordinaire de l'excuse.

 
Depuis des années, dès qu'un événement se passe en banlieue, accourent dans les médias un certains nombre d'individus, intellectuels, sociologues, psychologues, …, qui viennent vous expliquer doctement que les délinquants et les criminels ne sont finalement pas responsables de leurs actes. Les responsables, ce sont les autres dont les victimes. Les autres, ce sont ceux qui ont la chance de ne pas habiter ces banlieues et qui rejettent les banlieusards majoritairement d'origine étrangère parce qu'ils sont racistes, ou parce qu'ils ne veulent pas partager leurs richesses ou leur travail. Bref, les banlieues sont discriminées. Et il ne manquerait plus que ça qu'en plus on les stigmatise parce que de temps en temps ils expriment leur révolte. Les vraies victimes du système injuste qui est le nôtre, ce sont eux, les banlieusards, pas ceux qui subissent leur violence. Analyse somme toute sommaire qui ne prend pas en compte ceux des banlieusards, les plus nombreux qui subissent les violences de leurs voisins de palier, d'escalier, d'immeuble, de cité , qui se voient priver de leur voiture qui leur sert pour aller travailler par le feu ou des transports en communs brûlés ou caillassés, qui ne peuvent plus profiter des lieux de culture ou de loisirs mis à leur disposition par la communauté, qui doivent faire des kilomètres pour acheter une boite d'allumette car aucun commerçant doté d'un minimum de raison n'irait ouvrir une échoppe en ces lieux, mais dont les enfants n'auront que deux pas à faire pour acheter leur dose. Surtout ne pas parler de ça : il ne faut pas stigmatiser les banlieues. Ne pas parler non plus des problèmes ethniques qui existent au sen de ses banlieues car on ne pourrait pas déplorer le manque de mixité. D'ailleurs ne jamais rappeler que la mixité a existé mais que se sentant étranger en leur propre pays, étrangers là où ile étaient parfois nés, ceux qui en ont eu la possibilité ont fui le quartier et même le département ou la région.

 
Voyons maintenant l'absurdité de cette culture de l'excuse.
Dire que les banlieues sont abandonnées, sont devenus des ghettos est à la fois vrai et faux. C'est faux parce qu'on a injecté des sommes faramineuses dans les banlieues, qu'elles disposent comme partout ailleurs d'écoles, de crèches, de centres de loisir et culturels, qu'elles ont bénéficié de commerces. Bien des petites villes et villages de province, pour certains bien enclavés et loin de tout centre urbain important, auraient apprécié qu'on leur donne autant de moyens. C'est vrai parce que toutes ces choses sont la proie des vandales des banlieues à chaque mouvement d'humeur. Comment alors imputer à la République les manques imputables aux seuls voyous des banlieues ?
C'est la même chose pour les ghettos. J'en ai parlé déjà plus haut. Ceux qui le peuvent fuient la barbarie de ces zones, ne laissant sur place que ceux qui n'ont pas les moyens de les limiter. C'est donc vrai qu'il y a concentration de misère dans les banlieues, c'est faux que se soit une volonté délibérée. Par ailleurs, les problèmes ethniques existent au sein des banlieues auxquels se rajoutent également des problèmes religieux. Etre blanc dans certains quartiers, ne pas adopter certains comportements de vie liés à l'islam, surtout pour les filles, constitue un danger réel à son intégrité physique.
Les ghettos, s'ils existent, sont le fait de la racaille qui ne tolère pas l'autre et le menace, voire le presse à dégager, qui détruit les symboles de la République, les écoles en particulier, et les autres commodités mises en place par 'Etat et les collectivités, et qui isole son lieu de vie en s'attaquant aux moyens de transport qui relient sa cité aux centres-villes.

Dire que les banlieusards sont discriminés en termes d'emploi, c'est également vrai et faux. C'est vrai que la réputation des banlieues n'incite guère les employeurs à embaucher leurs habitants. Ce n'est pas excusable si c'est l'unique raison. Il n'y aura donc pas ici une parodie à l'envers de la culture de l'excuse. Par contre si le banlieusard se fait éliminer parce qu'il a un comportement dans ses paroles, ses attitudes, sa manière de se vêtir qui n'est pas conforme à ce que l'employeur est en droit d'attendre, il n'y a plus d'excuse pour le candidat. Si par ailleurs ce même candidat a préféré faire le con dans sa jeunesse plutôt que de s'instruire et d'acquérir au moins les rudiments linguistiques faisant de lui un citoyen à part entière, la responsabilité n'est pas à chercher chez l'employeur potentiel qui n'est ni assistante sociale, ni éducateur. Il faut aider les banlieusards qui, souvent dans l'adversité, se faisant au mieux traiter de bouffons, se faisant au pire tabasser régulièrement, ont fait les efforts pour devenir membres à part entière de la société. Cela veut dire qu'on ne doit pas stigmatiser un banlieusard parce qu'il est banlieusard. Il y a un effort à faire dans ce sens, c'est vrai. Mais il ne faut pas oublier la responsabilité de ceux qui ont donné aux banlieues cette réputation détestable qui les dessert dans le cadre particulier de l'emploi.

Passons enfin à la mère de toutes les excuses : les habitants des cités, parce qu'ils sont majoritairement d'origine étrangère, africaine pour être précis, sont victimes du racisme ordinaire des Français. Des Français de souche, bien sûr, bien blancs. Au passage on pourra en déduire qu'il existe deux types de Français : les mauvais, c'est-à-dire ceux qu'on nomme désormais les souchiens et forcément racistes, et les bons, ceux qui sont victimes de ce racisme. Victimes et ayants droits. Car ne sont-ils pas les héritiers de ceux que nous avons colonisés, réduits en esclavage, et tout et tout. Et nous, au lieu de régler cette dette de nos ancêtres, même si la grande majorité d'entre eux étaient étrangers à tout ceci, même si d'ailleurs eux-mêmes étaient étrangers, mais blanc, horreur, nous perpétuons leur racisme.
Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir voulu nous inculquer ce sentiment de repentance, au travers des lois mémorielles, au travers maintenant des programmes scolaires stigmatisant sans nuances, celles-ci étant interdites, les conduites passées. Mais nous sommes sans doute en bonne voie et l'expiation finira bien par arriver. A ce moment-là, enfin, nous comprendront que ces descendants d'esclaves, mais aussi d'esclavagistes (nom de dieu, je ne suis pas encore mûr pour la repentance), de colonisés, mais dont certains avant de l'être furent aussi des colonisateurs (mais c'était avant donc ça compte pour du beurre), sont des ayants-droit. En attendant ce moment, nous devons donc comprendre que leur violence, leur mise sous coupe réglée de certains quartiers au détriment des autres habitants qui sont sans doute des ayant-droits passifs, est emprunte de la plus grande légitimité.

Voilà donc exposés les fondements un peu branlants de la culture de l'excuse qui nous permettent de nous indigner quand des hooligans blancs sèment la violence sur leur passage, mais doivent nous faire faire preuve d'empathie quand certains banlieusards sèment le désordre. Cette culture, pourtant ne fait qu'empirer les choses. Elle ne fait qu'encourager la récidive. Elle ne fait que déresponsabiliser les voyous de ces banlieues si mal loties grâce à eux. Elle ne fait que prolonger et empirer une situation qui amènera à des troubles beaucoup plus violents que ceux qu'on a connus jusqu'ici, des troubles qui se traduiront par des morts.

5 commentaires:

  1. Si j'excuse, je pardonne les exactions, les comprend, les légitime , voire m'en sent responsable
    "où ai je failli"?
    La culture de l'excuse est l'image du père qui abandonne son autorité, qui abandonne donc
    Ainsi le courant "excusant" devient meurtrier à ne pas exiger,à garder sous tutelle , sous dépendance

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  2. Mouai!... Et on n'est pas sortis de l'auberge. On en est à un type qui veut faire un constat de collision automobile et que tuent à coups de poings les frères de la bonne femme qui lui est vraisemblablement rentrée dedans.

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  3. @ J.Michel
    En fait je suis plus intéressé au fait qu'un premier ministre prenne sur son temps pour venir inaugurer un mosquée. Je me posais la question de savoir si une seule église, un seul temple, une seule synagogue avaient été considérés dignes de cet honneur depuis 1905. Si vous avez la réponse, faites moi signe.
    Mais pour répondre au sujet de l'article que vous mentionnez, je serais personnellement contre les crucifix dans les salles de classe des écoles publiques, en France, bien sûr.

    L'Italie n'est pas à proprement parler un pays laïc et a un rapport privilégié et affirmé avec le catholicisme au moins au niveau culturel. « les principes du catholicisme font partie du patrimoine historique du peuple italien » : c'est écrit dans le concordat qui lie l'église à l'Etat. C'est peut-être donc davantage aux Italiens de se prononcer qu'à la CEDH qui ne me parait pas très compétente pour traiter d'aspects culturels. Mais le plus drôle, c'est que cette même CEDH va peut-être retoquer notre (future) loi sur la burqa.

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  4. Marius, je comptais justement faire un billet sur cette affaire qui concerne nos CPF.

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