Comme je l'ai indiqué dans mon précédent billet, il n'y a pas grand chose à se mettre sous ma dent en ce moment à part les péripéties peu glorieuses, à en croire les résultats, de notre équipe de France de football.
Comme j'imagine que le Kirghizistan, ex-république de l'URSS, qui est un pays éloigné d'Israël, qui n'a ni pétrole, ni gaz et dont les habitants perçoivent un salaire moyen inférieur à 100$/mois, n'intéresse personne, je ne parlerai pas du conflit ethnique qui le ravage actuellement et qui l'oblige à demander l'aide de la Russie voisine.
J'ai néanmoins relevé un événement sans doute passé largement inaperçu qui met en relief les rapports qui peuvent exister entre les magistrats et les forces de l'ordre, appelés aussi auxiliaires de justice, ce terme comme nous le verrons étant sans doute pris comme un synonyme de "loufiat de service à ma botte" par certains juges.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, on sait déjà que les rapports entre les magistrats et les forces de l'ordre ne sont pas forcément au beau fixe, les secondes reprochant, sans doute à juste titre, une large mansuétude des premiers vis-à-vis des délinquants parfois même relâchés avant que leurs victimes n'aient achevé leur déposition. Si, comme moi, vous êtes friands de faits divers dont l'insignifiance est pourtant révélatrice de la santé de notre société, vous n'aurez pas manqué de constater que ceux qu'on arrête enfin pour crimes et délits graves sont généralement bien connus des services de police, au mieux, et plus généralement multi-récidivistes.Les forces de l'ordre estiment donc, à force d'avoir à faire aux mêmes individus, qu'il y a un défaut de complémentarité entre leur action et celle de ceux censés faire appliquer la loi.
Dans le cas qui va être développé, nous verrons que la mansuétude des juges peut être à géométrie variable. Si peuvent en bénéficier les délinquants, ce n'est pas la même chose avec les membres des forces de l'ordre, surtout s'ils tiennent un rang assez élevé dans la hiérarchie.
Venons-en aux faits. Hier, le colonel Blériot commandant le groupement de gendarmerie de mes Ardennes natales a été privé pendant une durée de un an de son habilitation d'officier de police judiciaire, ce qui dans les faits le prive de certaines prérogatives et doit sans doute le priver de la prime afférant à cette habilitation. On remarque tout de suite l'intelligence du verdict car priver un officier de gendarmerie de son habilitation d'OPJ revient à lui interdire de mener une enquête ou de placer des gens en garde à vue, ce qui va bien sûr aider la justice dans son efficacité. De fait le juge prononçant ce verdict punit la justice.
Mais qu'a donc fait cet officier pour en arriver là. A t-il abusé de ses pouvoirs d'OPJ en séquestrant des innoçents ? A t-il délibérément saboté une enquête ? Et bien non, ce n'est pas ça.
Il faut remonter à quelques mois pour comprendre comment on en est arrivé là. En février une juge d'instruction lui demande de fournir un gendarme et une gendarmette dans le cadre de la reconstitution d'une agression sexuelle. Cette demande étant jugée inhabituelle et ne correspondant pas à ce qui peut être demandé à un militaire de la gendarmerie, le colonel n'obtempère pas, en accord avec sa hiérarchie, mais trouve une solution en faisant appel aux services d'acteurs amateurs. Il pense sans doute être débarrassé de ce genre de sollicitations, mais en avril une juge d'instruction encore lui demande une gendarmette et un un gendarme, ce dernier au cas où le vrai meurtrier "flancherait" dans le cadre de la reconstitution d'un meurtre. Cette fois la demande est très précise : il faut impérativement une militaire mesurant 1,61m et pesant 75 kg. Un gabarit tout de même particulier. Le colonel expose par écrit ses réticences : "Il me paraît relever de mon devoir fondamental de chef de les préserver autant que se peut des situations stressantes que le service ne leur impose pas" et revendique la possibilité " de faire des choix et d'établir des priorités, dans des temps où les finances et les personnels se font rares" et suggère au juge de recourir aux services d'acteurs amateurs. La juge a préféré faire appel à des membres du greffe. Mais n'en est pas restée là avec le colonel récalcitrant et l'a trainé en justice devant la cour d'appel de Reims devant laquelle il a comparu le 3 juin. Comme quoi parfois la justice peut être rapide. La chambre d'instruction de la cour d'appel a rendu son jugement le 10 juin qui prive donc le colonel de son habitation d'OPJ et de délégué des juges d'instruction.
Le verdict est contesté par le parquet qui fait un pourvoi en cassation estimant la peine infligée disproportionnée.
Car ce type de verdict et rarissime. Mais surtout il met en évidence une opposition frontale entre les juges et les "auxilliaires" de la justice que sont les gendarmes, et sans doute les policiers. Car le colonel Blériot s'est appuyé sur sa hiérarchie pour opposer les deux refus précédemment cités, de fait pas vraiment des refus, mais de réticences accompagnées de solutions de rechange. Par ailleurs, pendant la procédure il a été soutenu par sa hiérarchie jusqu'au plus haut niveau ainsi que par le ministre de l'intérieur lui-même. C'est donc plus qu'une sanction, mais un message que veut faire passer le juge de la cour d'appel en question : "nous restons les maîtres". Et il n'y a aucun doute quand on se réfère au délibéré. Le juge considère en effet que : " la hiérarchie militaire dont dépend le colonel Blériot ne peut se substituer au législateur" […], " que la police judiciaire défère aux réquisitions des juges d'instruction " et que donc "ledit colonel ne pouvait pas opposer ses refus à chacun des magistrats instructeurs ". Cette affaire dépasse donc le cadre du seul refus du colonel Blériot mais constitue un affrontement délibéré entre les juges et la hiérarchie militaire au sujet des modalités de la subordination des gendarmes vis-à-vis de la justice. Les militaires semblent effectivement dire que si dans le cadre des affaires de police judiciaire, ils sont, bien entendu, subordonnés à la justice il ne faut pas en déduire qu'ils en sont les larbins et qu'ils doivent faire n'importe quoi. Ce que le juge ne semble pas vouloir entendre. Cette affaire semble être d'autant plus un prétexte d'affrontement que la chancellerie admet que dans le cadre de reconstitutions il peut être fait appel à des acteurs ou à des mannequins articulés. Il y avait donc possibilité de faire autrement comme l'a prouvé le précédent du mois de février. Cette fois, par contre, la juge d'instruction s'est arc-boutée sur ses prérogatives supposées et a peut-être voulu se payer un officier dont les cinq rangées de décorations acquise comme officier dans la légion puis dans la gendarmerie sur à peu près tous les terrains d'opération qu'a connus l'armée française depuis une vingtaine d'années, montrent son sens du devoir et du service. C'est peut-être de trop pour une juge, certainement de gauche, plus habituée à de la compassion vis-à-vis de truands qu'au respect de l'action des serviteurs de la France et de l'ordre.
Affaire à suivre donc.
Je n'ai pas encore lu ton ci-dessus texte (je rentre de la ville et n'ai pris ce matin que le temps de gribouiller un truc pour Soula, qui semble bon prince). j'y vais donc; mais avant il faut que tu saches, peutèêtre le sais-tu d'ailleurs depuis St petersbourg : Les fENNECS algériens entrent en scène au Mondial des footeux : Ambiance à prévoir à marseille ce soir, et comme tu écris plus facilement et plus lisiblement que moi, il faudrait que tu nous sortes un petit bidule (ici et chez l'Obs) bien documenté et argumenté...
RépondreSupprimerOh, punaise! J'envoie ça directo à Benson et à Pascal Sheid (le lorrain)tous deux colonels des gendarmes ER.
RépondreSupprimerEt aussi au Préfet Yves Bonnet l'ancien Gd patron des RG (ami intime de Benson)...
Je leur file aussi l'adresse de ton blog, ici et chez l'Obs.
il existe un phénomène de subordination entre Justice et Police/Gendarmerie
RépondreSupprimerLe deuxième camps assurant au premier la "fourniture" à plaider, la sécurité de l'ensemble du processus
La Justice, condescendante ne s'avouant pas que si elle devait se prendre les pieds dans la robe pour courser le délinquant, rien n'existerait
c'est la justice qui décide si le boulot policier est pertinent qui lle détaille par le menu
De là on en arrive au "larbinage" de l'une sur l'autre