"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

vendredi 31 août 2012

Faut-il que l'armée rentre dans les cités?


La demande de la sénatrice-maire (d'arrondissements) de Marseille de voir l'armée intervenir dans sa ville pour lutter contre le trafic de stupéfiants a plutôt suscité des réactions négatives dans la classe politique. Cette demande qui ressemble singulièrement à un appel à l'aide a d'abord reçu une fin de non-recevoir de la part du ministre de l'intérieur puis de celle du ministre de la défense. Peut-être d'ailleurs pour des raisons différentes. Cet accord entre deux de ses ministres a d'ailleurs permis à notre président normal de se livrer à son exercice favori qui est la synthèse et d'arbitrer entre eux, que dis-je, de trancher entre deux avis parfaitement identiques. Une première depuis le début du quinquennat! Quant au premier ministre, faute d'opinion, mais sans doute parce que fragilisé et entre les mains d'une cellule psychologique après sa visite aux universités du MEDEF, il a prévu d'organiser la semaine prochaine une réunion interministérielle avec les ministres concernés dont notre ministre de la justice. Il fallait bien donner un signe d'ouverture au dialogue aux délinquants
Mais ne nous acharnons pas sur notre exécutif, c'est bien trop facile! Tentons plutôt, sinon de répondre, de donner un avis sur la question figurant comme titre de ce billet.

Cette question de l'intervention de l'armée dans nos cités dites sensibles n'est pas une nouveauté. Elle est posée régulièrement notamment par des élus de droite comme de gauche qui constatent, hélas, l'impuissance de notre système judiciaro-policier à régler un problème latent qui ne fait qu'empirer. Il faut dire que le système en question manque singulièrement de cohérence et que, dans l'état actuel des choses, ce n'est pas demain qu'on aura un accord entre l'intérieur et la justice pour rétablir cette cohérence. Je pense à cela car ce type d'accord vient de voir le jour à Genève, ville où la délinquance est en très forte hausse depuis que la Suisse est entrée dans l'espace Schengen, ce qui nous a permis de délester notre propre délinquance, essentiellement lyonnaise vers ce pays et plus particulièrement la pointe sud-ouest du Lac Léman. Donc face à quelque chose qui ne marche pas, que ce soit en 2005, en 2007, et même plus récemment, l'an dernier pour être plus précis, par l'intermédiaire du maire de Sevran, homme de gauche également (je ne sais plus s'il est communiste ou écolo car je crois qu'il est passé de l'un à l'autre parti), l'idée d'envoyer l'armée sur certains points chauds sur le territoire national commence à se développer. D'ailleurs ce ne serait pas une première, car si on excepte l'emploi de l'armée au 19ème et au début du 20ème siècle pour réprimer certaines grèves, on peut considérer que le règlement de la crise néo-calédonienne en 1988 relève de ce cas de figure. C'est important de le dire car ça montre que les portes ne sont pas fermées à une intervention militaire sur nos territoires.
Je rappelle d'ailleurs que le maire de Sevran réclamait l'intervention de l'armée pour la même raison que la sénatrice socialiste de Marseille : l'éradication du trafic de stupéfiants qui semble être une des causes majeures, sinon la cause majeure, aux problèmes de nos cités.

Du point de vue des militaires, mais ce que je vais dire n'engage évidemment que moi, l'armée en tant qu'institution ne s'engageant jamais sur des sujets d'ordre politique, je crois pouvoir dire que la majorité d'entre eux, notamment des officiers, est profondément hostile à ce type d'intervention. Ce qui bien entend ne les empêcherait pas, du moins je ne le pense pas, de refuser d'intervenir si l'ordre leur en était donné. Reste que c'est une question au sujet de laquelle on réfléchit en espérant n'avoir pas un jour à y être vraiment confronté.
Les militaires du reste ne sont pas du tout préparés à ce genre d'opérations qui sont des opérations de police, bien que finalement certaines de nos dernières interventions, comme au Kosovo, par exemple, y ressemblent étrangement. Mais dans ce cas une forte participation des gendarmes est toujours demandée. Cependant la préparation des forces est tout de même très largement centrée sur le combat. Et si le combat urbain ou de rue a pris une place de plus en plus grande au cours des dernières années dans cette préparation, ce n'est pas dans l'objectif de combattre dans les rues de nos villes. Ou alors il faudrait bien évidemment s'attendre à des dégâts importants et notamment des victimes. Imaginez un peu ce qu'aurait pu donner une intervention militaire à Villiers-le-Bel, là où les policiers se faisaient tirer comme au ball-trap sans riposter. Il aurait sans doute fallu alimenter les chargeurs de balles à blanc pour ne pas assister à un massacre, du genre de ceux qui se produisent aux Etats-Unis lorsque surviennent de tels événements. Car maintenant il faut aussi se poser la question de savoir si on tolère que les policiers servent de cibles sans possibilité de riposter. Il faudra bien trancher un jour cette question à un niveau politique et ne pas laisser les juges s'en charger. On voit où ça nous mène.
Là je me situais sur le plan technique. Sur le plan éthique, les militaires répugnent à ce genre d'intervention, car là où ils sont censés intervenir c'est la guerre, la guerre contre la France ou ses intérêts. Or intervenir militairement sur le territoire signifierait que des ennemis de la France et/ou de la République s'y trouvent, que les gens désignés comme cible sont assimilables à des belligérants appartenant à une nation étrangère.
Et puis, et ce n'est pas négligeable, les militaires répugneraient, selon l'emploi qu'on ferait d'eux, à se transformer en auxiliaires de police ou de la police. Pour être clair, autant vous dire que ceux que vous voyez patrouiller dans les gares ou les aéroports et toujours accompagnés de policiers l'ont assez mauvaise du fait de leur rôle qui n'est vraiment que d'appoint et qui exclut toute initiative de leur part et toute prérogative.

Je pourrais en rester là et donc dire que je suis hostile au principe d'intervention de notre armée dans les cités. Reste qu'après réflexion, mon opinion est beaucoup moins assurée. Parce que la donne évolue très vite et que la nature de ce qui se passe dans les cités devient très grave et prend des allures de choses qu'on a pu connaitre dans un passé relativement proche et qui a nécessité l'emploi de l'armée. J'ai tenté de dire plus haut que l'armée n'était pas faite, pour des raisons éthiques et techniques, pour participer à des opérations de maintien de l'ordre sur le territoire. Mais pour certaines des cités en cause, en sommes-nous encore au simple maintien de l'ordre ou sommes-nous déjà passé au stade supérieur, un stade qui nous rapproche de la guerre?
D'un point de vue technique, quand des bandes disposent de fusils d'assaut, d'explosifs, de grenades, de lance-roquettes parfois, il n'est pas difficile de franchir le pas pour les qualifier d'armées (militairement).
Sur un autre plan quand ces bandes utilisent ces armes contre les forces de l'ordre, brûlent les lieux essentiellement publics, éloignent par la violence ou la terreur ce qui s'apparente à l'ordre institutionnel, fusse-t-il social (pompiers, médecins, ambulances, services publics divers), détruisent ou menacent les voies de communications qui les relient à la ville, bus en particulier, il faut y voir une volonté de sécession, de retrait de l'ordre républicain de certaines zones, ce qu'on nomme pudiquement zones de non-droit, mais c'est bien pire que cela. Certes ce ne sont pas les cités qui veulent faire sécession mais des bandes qui veulent isoler ces cités, leurs habitants, même si majoritairement ils ne sont pas associés à elles, ayant à subir leur loi. J'ai bien dit "loi" et dans le sens le plus exact qu'on peut donner à ce mot, avec l'arsenal de sanctions qui l'accompagne en cas de non-respect.

Dès lors quand on atteint ce stade, quand on a une volonté de sécession dont le motif n'est certes pas l'indépendance territoriale (quoique l'autonomie me paraisse définir assez bien le but recherché), mais la possibilité de continuer en toute tranquillité ses trafics petits et grands, de drogue ou d'autres choses, quand cette volonté se manifeste par l'usage d'armes de guerre, on sort d'un contexte traditionnel de trouble à l'ordre public, de délinquance ou même de crime. On est passé là à un stade supérieur et qui se rapproche effectivement d'un état de conflit armé. Les mots de sécession et de bandes armées sont suffisants pour comprendre cela.
Techniquement la police avec ses flashballs et tasers au sujet desquels certains humanistes pleurent parce qu'ils pourraient être dangereux ne peut guère faire le poids. L'armée le peut.
Dès lors qu'il y a atteinte à l'intégralité du territoire, comme en Nouvelle-Calédonie, en 1988, j'y reviens, l'armée est légitimement fondée à intervenir.

Alors oui, les choses ont assez évolué ces dernières années dans certaines cités pour qu'on puisse raisonnablement se poser la question d'une intervention militaire pour y rétablir l'ordre. Parce que comme j'ai tenté de le démontrer c'est bien davantage que d'ordre dont il s'agit, et parce que l'armée semble être la seule capable d'y intervenir efficacement. Ce n'est certainement pas la police qui pouvait remporter la bataille d'Alger, pourtant typiquement une opération de police.

 

mardi 28 août 2012

Cent jours et des brouettes


C'est la durée qui sépare l'intronisation humide de Normal 1er de ce qu'on appelle communément la rentrée, notre calendrier et notamment le fonctionnement de l'administration française étant désormais largement calquée sur le calendrier scolaire et surtout les vacances qui le ponctuent, quoique avec autant de vacances je craigne que le terme de ponctuer soit impropre.
 Certes il n'y a pas eu encore de véritable Waterloo et nous n'aurons pas vu notre terne monarque foncer sous la mitraille au milieu de sa garde pour y chercher le boulet fatal, celui que ne trouva pas Napoléon lors de cette ultime bataille. Ceci dit, je ne pense pas que ce soit son genre, à moins qu'en chaise à porteur… Certes si on entend quelques grognements au sein de la majorité parlementaire, les chambres n'en sont pas encore à saboter toute tentative du premier d'entre nous, à ne pas confondre avec le meilleur, mais respectons les institutions faute de respecter ceux qui les représentent, de reprendre la main pour bouter l'ennemi hors de nos frontières. De fait il semble que depuis le discours du Bourget on ait quelques problèmes à définir l'ennemi puisque on est passé de la finance aux Roms sans d'ailleurs avoir obtenu de résultats tangibles dans les deux cas, même s'il est plus facile de faire illusion sur le second.

Il semblerait donc que tout ne soit pas perdu pour cette nouvelle majorité et notre gros timonier. Mais là-aussi ce n'est qu'une illusion, et chacun, et même eux, j'en suis persuadé, et ce malgré tous les atouts qu'ils ont en main, à savoir tous les pouvoirs confondus, exécutif, législatif, judiciaire, locaux, médiatique, sent que ces cinq prochaines années diminuées quand même de cent jours et des brouettes, vont être un énorme gâchis qui renverra la gauche à une place qu'elle ne devrait jamais quitter : l'opposition. Non, sérieusement! Elle excelle vraiment à cette place avec cette conception que l'opposition ne souffre d'aucun accommodement (ceux qui s'y sont risqués ont tout de suite reçu le qualificatif de traitre, rien que ça!) et ne rime surtout pas avec force de proposition. Il faut dire qu'à terme cette attitude est nécessairement payante, l'usure inéluctable d'un pouvoir induisant le remplacement de ce dernier par ses opposants, n'eussent-ils pas les qualités pour gouverner. Les socialistes, l'usure du pouvoir ils ne connaissent pas trop. En général 5 ans suffisent à démontrer leur inadaptation au pouvoir, du moins leur difficulté à gouverner une société démocratique et dont l'économie est fondée sur le capitalisme. Ils dénoncent les forces de l'argent (ça c'était l'autre François qui lui n'avait rien de normal et ne se serait jamais abaissé à se présenter comme tel), la finance, mais ne peuvent rien faire d'autre que de composer avec ce capitalisme dont ils dénoncent les ravages et de s'en faire de fervents alliés. A tel point qu'au PS on a pu envisager sereinement, comme au MEDEF, de voir un président du FMI en poste, champion des privatisations quand il fut ministre de l'économie et des finances d'un gouvernement de gauche, porter les couleurs de la gauche face à un président de droite. Juste une impression que la politique finalement n'existait plus et que derrière les étiquettes des partis se cachaient les plus grands illusionnistes de l'époque.

Mais je m'égare encore une fois dépassant le cadre du sujet que je m'étais fixé initialement. Quoique finalement les propos qui précèdent témoignent de ce phénomène qui fait que la distinction entre la gauche de pouvoir (et au pouvoir) et la droite est parfois difficile à faire. Ce qui amène désillusion chez les électeurs de gauche et aucune sympathie de la part des électeurs de droite qui préfèrent tout de même l'original à la copie et aussi n'approuve pas les mesures, les quelques mesures, essentiellement sociétales, mais il y en a d'autres, prises par la gauche pour justement se démarquer.
Mais là, et c'est peut-être une première, j'ai l'impression que les militants socialistes sont sortis de cette contradiction et assument finalement, en grande partie, cette contradiction de la gauche de pouvoir.
J'en veux pour preuve les universités d'été de La Rochelle qui d'après ce que j'ai pu en lire ou entendre n'ont guère soulevé les enthousiasmes sauf dans un cas particulier. Et ce cas, c'est Manuel Valls, le seul, toujours d'après ce que j'ai pu lire ou entendre, qui a réussi à mobiliser les foules. J'ai même lu quelque part que c'est l'homme fort de la gauche. C'est quand même un peu étonnant cet engouement pour l'homme de gauche dont beaucoup disent qu'il aurait fait un bon ministre de Sarkozy ou que sa place est à l'UMP.  Il est vrai que la politique sécuritaire qu'il affiche actuellement, en particulier vis-à-vis des Roms est difficile à distinguer de celle menée par son ou ses prédécesseurs, sous le règne de Sarkozy, et que les mêmes qui ovationnent aujourd'hui Valls avaient comparé à Pétain il y a deux ans de cela. Peut importeraient donc les actes, seuls compteraient ceux qui les accomplissent. A moins que les Français, et même de gauche, commencent déjà à être nostalgiques de Nicolas Sarkozy. J'avoue que j'ai un sérieux doute sur ce dernier point, mais force est de constater que le successeur de ce dernier fait suffisamment pâle figure pour ne pas supporter la comparaison quant à la présence, et que donc n'importe qui affichant, même si on peut discuter sur ce qu'il y a réellement derrière, faisant preuve d'un peu de détermination, assumant ses choix, peut devenir un pôle d'attractivité au sein d'un système pas très cohérent, je dirai même où la contradiction est reine, au sein duquel on ne trouve guère de personnalités  d'envergure. C'était peut-être aussi le cas sous Sarkozy, mais lui existait. En bien ou en mal, à chacun de choisir, mais il existait.

Tandis que désormais, ces cent jours et des brouettes l'auront parfaitement illustré, nous avons comme chef quelqu'un qui n'en n'a guère l'étoffe. Apparemment, restons prudent ou rêvons. Le lion qui sommeille va peut-être se réveiller. Ce qui reste du personnage après ces trois mois et quelques jours, c'est l'homme normal qui prend le train pour aller patauger en caleçon de bain dans la Méditerranée, mais certainement pas quelqu'un qui a conscience des enjeux et maitrise une équipe capable de relever les nombreux défis auxquels la France est confrontée. Pire que ça, on a le sentiment qu'il laisse toute latitude à ses nombreux ministres aux sensibilités différentes pour faire les annonces qu'ils veulent et mener leurs politiques. C'est ainsi qu'on se demande si la politique sécuritaire conduite par le ministre de l'intérieur peut s'accommoder des délires de la ministre de la justice. C'est ainsi qu'on se demande quel peut être l'avenir énergétique de la France alors que programme présidentiel fixe une réduction à terme (2025 je crois) de la part d'énergie nucléaire de 75 à 50% tandis que le ministre du redressement productif voit dans la filière nucléaire un fort potentiel, propos qui pourraient choquer les deux ministres verts, mais qui n'en ont cure appréciant sans doute la gloire et les honneurs de postes inespérés en regard de la représentativité de leur parti.
Et puis il y a cette incapacité apparente à décider comme semble l'indiquer cette multiplication de commissions sur tous les sujets sensibles ou moins sensibles d'ailleurs. Je ne sais pas combien il y en a exactement, mais je demande si mes doigts, orteils inclus, suffisent à les dénombrer. Ce gouvernement ne décide pas, il repousse la décision semblant la confier à des personnes sans doute respectables, même si certaines peuvent prêter à sourire compte-tenu de leur passé, mais dont ce n'est pas le rôle.  Bref ça patauge!

Alors oui, bien sûr, il y a eu des choses de faites. Il ne faut pas oublier l'augmentation de l'allocation rentrée scolaire de 25% et le fabuleux coup de pouce au SMIC de 0,6%. Et il y a eu aussi beaucoup de choses de défaites, car cela est bien plus facile. En fait puisque ce pouvoir a émergé de l'anti-sarkozysme, il n'est que justice que quelques mesures phares et même plus modestes, comme par exemple l'abandon du projet de la Maison de l'Histoire de France, aient été abrogées. Mais ce qui a été fait et défait même si ça a pu faire plaisir à certains, pas trop les smicards en tout cas, ne semble pas être en mesure de changer la situation générale des Français et de nous éloigner des spectres de la crise et du chômage, ainsi que l'indiquent une croissance zéro, ce qui semble faire plaisir à notre premier ministre et à celui de l'économie et des finances car ça aurait pu être négatif, et une augmentation du chômage. Certes on entendra encore parler d'héritage, mais ça ne prendra plus bientôt, si ça prend encore d'ailleurs.

Quant à Normal lui-même, malgré ses coups de menton pendant la campagne, il a plié face à l'Allemagne. Il fera voter dans les jours prochains le fameux traité qu'il s'était juré de renégocier. Il doit d'ailleurs remercier le conseil constitutionnel composé majoritairement, même très majoritairement, de personnalités de droite, de lui avoir épargné l'épreuve du Congrès ou, pire, du référendum. Certes certains argueront d'un volet croissance concédé par l'Allemagne, mais détaché du traité précité, et dont le contenu peut faire pleurer à chaudes larmes ou de rire, au choix, n'importe qui ayant de vagues notions en économie, tellement il est ridiculement faible.

Bon voilà! Le bilan n'est pas encore catastrophique. Pas le temps! Mais tout ça semble bien mal parti. Normal a été élu sans enthousiasme et sans susciter de grands espoirs. Sa fougue légendaire, et son esprit de décision universellement connus n'auront pas suffit à renverser la situation et à susciter les passions. Bien au contraire puisque les cent jours et des brouettes se soldent déjà par des sondages d'opinion négatifs. Et sans doute mérités.

jeudi 23 août 2012

Ils ne seront peut-être pas sanctionnés



C'est un véritable scandale qui risque d'éclater d'ici très peu de temps et de remettre en cause une paix sociale corrélative à ce bonheur qu'est cette diversité que vous accepterez, que vous le vouliez ou non. Il se trouve qu'à la prise de connaissance de cet événement, heureusement pas encore survenu officiellement, j'en ai été tout retourné. Espérons une intervention de notre toute fraiche encore ministre de la justice, femme qui depuis 3 mois, jour après jour, nous révèle son parfait bon sens par sa vision pacificatrice d'une société pas encore au point dans certains domaines, notamment dans celui de l'acceptation par le plus grand nombre du fait que les délinquants sont avant toute chose des victimes auxquelles il convient de porter tous les égards dus à justement des victimes, espérons donc que soient vite réfutées les premières conclusions d'une enquête sans doute très mal menée grâce à l' intervention de la promotrice de cette loi géniale désignant définitivement au peuple français, sommé de l'admettre, surtout les historiens,  les seuls responsables de l'esclavage qui curieusement ont une même couleur de peau.  Repentez-vous mes frères!

Imaginez donc, pauvres gens (qui me lisez, allais-je dire), qu'il se trouve qu'une enquête forcément partiale et menée sans doute par des ennemis inflexibles du changement, résidus de l'ère politique précédente et dont il faudra bien se débarrasser eu égard à leur proximité avec le pouvoir répressif enfin renversé, donc qu'une enquête vient dans ses premières conclusions, partielles heureusement, de privilégier l'hypothèse de la légitimité de l'intervention de la police dans ce quartier d'Amiens en proie ensuite, par réaction, à une chaude nuit d'émeutes dont les conséquences réjouiront sans doute les enfants qui seront privés de rentrée scolaire, mais peineront les quelques individus, sachant lire, fréquentant la bibliothèque incendiée. Mais que voulez-vous? On peut être handicapé du bulbe mais avoir encore assez de bon sens pour comprendre que le papier est vraiment une des matières qui brûlent  le mieux. Ah, cette construction de soi-même par l'expérience dont me parlait il y a peu un des mes contradicteurs!

Certains esprits naïfs, et même niais, n'ayons pas peur des mots, ce qui mélangé à des pensées réactionnaires peut produire le pire, penseront que le fait d'interpeler un chauffard roulant en contresens est le motif de la légitimité reconnue à cette intervention qui, parait-il, a mis le feu aux poudres. Les mêmes d'ailleurs se seront peut-être insurgés qu'ont ait pu mener une enquête alors que les circonstances de cette intervention étaient connues. Il y a quand même des gens qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Car figurez-vous, l'objet de l'intervention policière n'était pas au centre du problème ou de l'enquête sur son opportunité, mais juste le fait qu'elle ait eu lieu. Parce que pas loin de là se déroulait une cérémonie de deuil suite au décès d'un jeune, que j'aime ce qualificatif!, décédé peu de temps avant d'un accident de scooter. Eh oui, quand une cérémonie de deuil se déroule à proximité, on s'abstient d'interpeler un chauffard roulant en contresens. C'est aussi ça le changement.
Or, il semblerait, mais restons tout de même circonspects, car des rebondissements pourraient se produire, que les policiers ignoraient que se déroulait une cérémonie de deuil, un peu plus loin. Sinon, pensez-bien, à moins que certains parmi eux aient l'esprit suffisamment pervers pour ne pas en tenir compte, qu'ils se seraient abstenus de toute intervention et auraient détourné, avec humilité, c'est une attitude requise quand on est étranger à ces quartiers, le regard en voyant un chauffard rouler en contresens. Sinon, ainsi que le notent beaucoup dont un éminent sociologue, cette intervention aurait été excessive dont illégitime et, objectivement, porterait la responsabilité des émeutes et leurs conséquences dans le camp des forces de l'ordre. Et on pourrait comprendre, attention, hein, comprendre, pas excuser, que se sentant injustement provoqués des jeunes se soient servis de fusils de chasse ou autres projectiles contre ces mêmes forces de l'ordre pour manifester leur incompréhension face à ce que d'aucuns qualifieraient du harcèlement.

Bon! Si les policiers ignoraient l'existence d'une cérémonie de deuil, mais ça vraiment il faudra le prouver par des investigations plus poussées, on peut nuancer et leur accorder quelques excuses ou circonstances atténuantes. Reste que ça ne change rien à la situation des jeunes émeutiers, car eux ignoraient que les policiers ignoraient. Il faut donc essayer de les comprendre, et sans les excuser, bien entendu, faire preuve quand même de clémence vis-à-vis d'eux. La justice l'a d'ailleurs compris comme cela si on considère les peines prononcées lors des premiers jugements. Donc tout va bien! Enfin pas tout à fait pour les policiers qui ont été blessés lors des émeutes.

Ah oui j'allais oublier. Mon titre, ça concernait les policiers. Pourquoi y aurait-il risque de scandale autrement?

mardi 21 août 2012

Allocation rentrée scolaire

J'ai lu que c'est aujourd'hui qu'était versée cette allocation votée par la droite en 1974 et censée aider les familles modestes à "équiper" leur progéniture à l'occasion de la rentrée scolaire.
Cette allocation concerne environ 5 millions d'enfants de 6 à 18 ans dont les parents toucheront pour chacun d'entre eux entre 356,20 et 388,87 €, ce qui coûtera au budget de l'Etat un peu moins de 2 milliards d'euros. Bof! Au point où on en est!
Cette allocation a été augmentée de 25% par le présent gouvernement qui tenait là une promesse du candidat Hollande dont certaines mauvaises langues diront qu'il a soudoyé, avec l'argent des autres bien entendu, une partie de l'électorat. Ceci dit les promesses qui coûtent de l'argent public, au profit de telle ou telle catégorie, représentant un poids électoral, sont faites par tous les candidats aux élections présidentielles. Juste une des nombreuses perversions de la démocratie représentative.

En fait ce qui m'intéresse, et la pertinence de son augmentation se situe en corolaire, c'est, non pas l'utilité de cette allocation, mais ce qui en est fait. Evidemment je ne suis pas derrière chacun des millions de parents qui vont ces jours-ci dépenser cette petite manne, et mon propos sera davantage interrogatif que critique, bien que certaines interrogations soient déjà des critiques.

Il est clair que je fais partie de ceux qui pensent que chaque enfant doit accéder à l'éducation dans les meilleures conditions, que les différences de résultats ne doivent être fondées sur rien d'autre que les mérites de chacun d'eux et que donc les différences matérielles des parents ne doivent pas influer là-dessus. Bon on est très éloigné de ce modèle idéal, du moins on s'en est de plus en plus éloigné depuis les années 70-80, alors que l'ARS n'existait pas ou en était à ses balbutiements. De fait la maigre fortune de certains parents, dans un système efficient et reposant sur le mérite et la sélection, n'empêchait pas leur progéniture d'accéder à l'ascenseur social grâce à l'école. Celle-ci ne sait plus faire désormais, ayant abandonné les deux piliers cités au-dessus, préférant la quantité ou du moins la distribution de diplômes en masse, plutôt que la qualité, c'est-à-dire diplômer des élèves qui le méritent. En fait de discours en discours, de réformes en réformes, de laxismes en laxismes, on a amené le système scolaire français à stocker des masses scolaires et étudiantes jusqu'au mastère désormais, une véritable sélection, car in fine il en faut bien une, ne se faisant qu'à ce niveau. A ce rythme la France sera bientôt un pays de docteurs es quelque chose, ce qui, hélas, n'arrangera pas notre situation. Ne reste plus qu'à supprimer les grandes écoles pour définitivement démolir les chances d'avenir de ce pays.
Là je suis en train de m'égarer, mais à peine, car mon propos était d'exprimer ce changement de paradigme, de montrer comment on était passé de l'explication de l'échec scolaire par certaines inaptitudes de l'élève (à contrario, celui de la réussite grâce à des aptitudes éprouvées), à celui de l'explication de cet échec par le manque de moyens (manque d'effectifs – vieille rengaine-, familles dans la précarité…). Certes ce n'est pas moi qui vais nier l'influence des origines familiales, et sans doute davantage celle de l'indigence culturelle que celle de l'indigence financière, sur les chances de réussite, mais force est de constater qu'à une époque sans doute bénie, l'école avait cette capacité de réduire certains handicaps, ce qu'elle ne fait plus. En clair les possibilités d'un enfant d'ouvrier ou d'employé étaient bien plus fortes d'intégrer polytechnique ou normale sup dans les années 70 que désormais. Certes on pourrait faire comme Descoings et en arriver quasiment à des quotas ou à une forme de sélection d’où serait proscrite la culture générale au profit d'appréciations subjectives de la part d'un jury dont on voudrait qu'il se montre compatissant face à certains handicaps sociaux. Bof!

Puisqu'il semble évident à certains, à gauche, quoique la droite n'ait vraiment pas été en reste dans le domaine de l'éducation, pour être plus précis dans la perpétuation et l'approfondissement de la médiocrité d'un système, puisqu'il semble évident à certains que l'échec est la conséquence d'un manque de moyens et de la précarité de certains parents, et bien on recrute à tour de bras, sans évidemment jamais, mais jamais, car les syndicats veillent au grain, s'interroger sur la performance d'une organisation, sur la pertinence d'une pédagogie plaçant le maitre et l'élève au même niveau, sur l'opportunité de ne plus sélectionner, de fixer des objectifs chiffrés de réussite au bac, et maintenant en licence, qui seront d'ailleurs toujours atteints. Devinez comment. Et puis on aide les parents les plus démunis. L'ARS fait évidemment partie de ce dispositif.

Dans l'absolu, je dirai que cette ARS st une bonne chose si elle permet effectivement à chaque enfant de faire une rentrée dans de bonnes conditions matérielles. Mais il serait quand même un peu idiot, n'est-ce pas?, d'en rester à de si banales considérations.
Ce qui me gêne, c'est une litote, dans cette allocation, c'est le peu de contrôle qu'il y a dessus et c'est sa généralisation sans tenir compte de l'environnement local.

Allez faire un tour sur le net, et regardez les commentaires qui figurent sous les articles parlant du sujet. Discutez-en avec des gens qui, de préférence, n'en bénéficient pas. Et là, vous lirez ou entendrez souvent des choses comme "tiens les marchands de télé ou de consoles de jeu vont faire des affaires". Ce n'est peut-être pas faux d'ailleurs, même si ça ne peut sans doute pas, bien sûr pas, être généralisé.
Ce que j'en pense c'est que s'il n'y avait pas d'ARS, des familles, même en était de précarité, feraient en sorte pour que leurs enfants arrivent à l'école avec le bon "équipement". Et que malgré l'ARS, et quel que soit son montant, il y aura toujours des enfants qui arriveront à l'école avec rien ou pas grand-chose.
Ce qui ne veut pas dire qu'il faut supprimer cette allocation, mais sans doute en contrôler l'usage. C'est tout de même surprenant de donner une allocation pour une destination précise, et c'est rare, peut-être un cas unique (à vérifier) et de n'assurer aucun contrôle sur l'utilisation des sommes payée par les contribuables qui, généralement, eux, n'ont pas droit à cette aide.

Alors on pourrait envisager quelques solutions. Une répressive serait de sanctionner les familles dont les enfants arrivent à l'école sans l'indispensable. Mais abandonnons-la immédiatement car ce n'st pas dans l'air du temps ce genre de truc. Une autre serait de passer des marchés nationaux avec certaines entreprises nationales et de fournir les sommes en bons d'achats. Ou encore on pourrait donner ces sommes directement aux écoles ou aux collectivités concernées, au moins pour partie,  pour qu'elles se chargent de fournir les fournitures scolaires. En fait il y a des solutions envisageables pour que d'une part, l'allocation serve bien aux enfants, et que d'autre part, elle face tourner les entreprises françaises.

Cette allocation ne tient également aucun compte des réalités locales, ce qui semble une aberration quand on n'a le mot décentralisation dans la bouche à longueur de temps.
Certaines collectivités, communes, départements, régions, selon les écoles concernées, font de gros efforts, d'autres moins, pour assurer une rentrée scolaire optimale aux enfants, en fournissant livres et parfois fournitures. Ce qui est une bonne chose, car je préfère voir mes impôts dits locaux (enfin je préférais puisque désormais je n'en paye plus) utilisés de cette manière plutôt que d'être gaspillés au financement d'un morceau de ferraille au milieu d'un rond-point au nom de la promotion de l'art. Enfin, ceci induit au niveau national des disparités dont ne tient pas du tout compte l'ARS.

Alors maintenons cette allocation, si on en a encore les moyens, mais faisons en sorte que cet argent public serve bien et dans les meilleures conditions à ce à quoi il est destiné. Ça donnera autre chose que l'impression de lancer une aumône sans savoir à quoi elle va être utilisée ou encore d'injecter de l'argent pour relancer la consommation, auquel cas, ce sont peut-être effectivement les Chinois qui en seront les premiers bénéficiaires.
Mais j'en reviens à ce que j'ai déjà dit : ce n'est pas ce genre de prime, de même que ce n'est pas la multiplication des enseignants ou des personnels qui font partie de l'éducation nationale qui résoudra le problème de la médiocrité, soyons charitable, de l'enseignement en France. Tout l'argent injecté dans l'éducation et qui nous place dans les pays qui dotent le mieux l'éducation parmi ceux de l'OCDE (c'est exactement la même chose au niveau du ratio enseignants/élèves) pour d'aussi mauvais résultats devrait amener à réfléchir à d'autres pistes que le manque de moyens pour expliquer ces derniers.

vendredi 17 août 2012

Enfants sans histoire


Un échange sur le blog de Cimabue/Parker (à consommer sans modération), avec l'intéressée, au sujet du mariage homosexuel et surtout ce qui va avec, à savoir l'homoparentalité, car ne doutons pas que les deux doivent être considérés de façon indissociable, ceci étant dit pour ceux qui peut-être par esprit de compromis consentiraient au mariage et refuseraient l'homoparentalité, donc un échange avec Parker a fait remonter du fond de ma mémoire une émission de France Culture par moi podscastée au sujet justement de l'homoparentalité.

Cette émission avait ce principal intérêt de donner largement la parole à des couples homosexuels qui exprimaient leur vision de l'homoparentalité. Si tous ou presque y étaient favorables, mais c'est le thème de l'émission qui portait à cela, les conceptions de cette homoparentalité étaient par contre parfois différentes, voire très divergentes.
On peut noter, parce que ça me semble significatif, deux positions extrêmes sur la façon de situer les enfants dans le cadre de leur filiation biologique. Dans un cas un homme déclarait qu'il entendait avoir un enfant, mais que cet enfant serait celui d'une de ses amies consentante, fécondée avec son sperme, laquelle serait associée au même titre que lui à l'autorité parentale. Cet homme prônait donc la co-parentalité, offrant à l'enfant à venir au moins deux pères, lui et son compagnon, et une mère, la procréatrice. A l'inverse pour une femme souhaitant également devenir mère dans le cadre d'un couple homosexuel, il était absolument hors de question que son futur enfant, même devenu adulte, puisse avoir le moindre renseignement sur sa famille biologique. Entre ces positions extrêmes, on pouvait évidemment découvrir toutes les nuances que votre imagination pourra mettre en lumière. En cas de panne je suis prêt à vous aider.

Et finalement après m'être souvenu de cette émission et consécutivement à l'échange avec Cimabue/Parker, je me suis dit que le cœur du problème se situait peut-être là. Ou au moins autant que le fait d'être élevé au sein d'une famille, disons hors normes, avec deux parents du même sexe au lieu d'un père et d'une mère, selon le modèle consacré par la nature , nos institutions et les religions en général.
Car si la confrontation au regard des autres peut, à mon avis, constituer un problème et amener à des déséquilibres, le fait de ne pas, éventuellement, avoir de repères quant à sa filiation réelle, de se sentir, davantage que n'importe qui, et empruntons là une terminologie chère à Heidegger, jeté dans le monde, doit en amener d'autres et sans doute plus sévères.
Et en légalisant l'homoparentalité, le risque est grand, à moins que le législateur fixe des règles à ce sujet, mais jusqu'à présent je n'en ai pas entendu parler, et sans doute ne le fera-t-il pas pour ne pas générer de contraintes envers ces nouveaux couples, ce serait discriminatoire ou traumatisant, n'est-ce pas?, donc le risque est grand de créer des cohortes d'enfants sans histoire.

Enfants sans histoire. Chacun, pendant quelques secondes ou minutes, devrait prendre le temps d'imaginer ce qu'il serait, maintenant, s'il avait été privé de son histoire. J'entends par histoire le fait de se situer au croisement de lignées familiales, de se sentir comme un des maillons d'une chaine  sans que cette dernière n'ait d'ailleurs forcément un véritable sens, de s'inscrire dans une certaine continuité.
Certaines personnes issues de ce qu'on appelle les "grandes" familles peuvent remonter très loin, se souvenir que leur ancêtre avait participé à, je ne sais pas, la bataille de Fontenoy ou même à d'autres antérieures. J'avais un collègue marié avec une descendante d'un des défendeurs de Louis XVI. Et cela constituait le ciment familial avec les réunions annuelles qui vont bien sous l'œil "attendri" de l'aïeul. J'imagine que pour eux ça avait un sens.
Mais pour l'essentiel, pour les gens d'extraction modeste, les gens de peu, comme dirait le sociologue Pierre Sansot, tout ce cérémonial formalisé n'existe pas. Pourtant, chacun a dans sa mémoire ses proches, et même si on ne remonte jamais très loin dans l'histoire, généralement, ceux déjà disparus et qu'on n'a na jamais connus. C'est le grand-père dont on a croisé une photo avec sa croix de guerre et qui a amené des questions à son sujet. C'est les arrières-grands parents venus de l'est de l'Europe à peu près à la même époque, un peu avant ou juste après, fuyant la misère, ou un régime politique persécuteur. On n'entre guère dans les détails, sauf parfois, mais au moins on a une idée de ce qu'a pu être leur vie, ou une partie de leur vie, et l'imagination aidant on bouche certains trous, on reconstruit des histoires en les magnifiant en en les dramatisant. Mais quel que soit le degré de connaissance intime qu'on ait avec ses ascendants, parfois croisés, brièvement, parfois racontés, on a le sentiment vague ou parfois affirmé d'être le résultat de ces histoires croisées, souvent complexes. Ce n'est pas une obsession, une affirmation de soi, mais un repère, le sentiment de s'inscrire dans l'espace et le temps, de ne pas être un pur hasard, le simple fruit de la rencontre d'un spermatozoïde et d'un ovocyte. Et c'est sans doute là-dessus que se construisent les identités.
Dans certaines cultures on est "le fils de". Ici en Russie derrière le prénom on trouve celui du père. On est Elena Pavlovna, Hélène fille de Paul, ou Ivan Petrovitch, Ivan fils de Pierre et c'est ainsi que vous nomment les gens qui ne font pas partie de vos proches, ces derniers se contentant du prénom et le plus souvent de son diminutif, Léna, Vania . Même les filles-mères donnent à leur enfant ce patronyme, celui du père réel ou supposé ou celui qu'elles veulent, mais on ne peut pas être le fils ou la fille de personne. On doit s'inscrire dans une lignée.

Prenons maintenant ces enfants, élevés dans le cadre d'un couple homoparental. Tout l'amour et les soins qu'on pourra leur prodiguer, toute l'éducation qu'on pourra leur donner, ne leur offrira jamais cette appartenance à une lignée ou au croisement de plusieurs lignées dès lors qu'on aura décidé de les maintenir dans l'ignorance sur l'identité de leurs réels ascendants. Ces enfants n'attendront pas l'âge adulte pour se rendre compte qu'on ne peut qu'être le fruit de deux personnes de sexe opposé. Très jeunes ils se rendront compte qu'ils sont ailleurs que là où la logique aurait voulu qu'ils soient. Que leur histoire n'est pas celle de ceux qui les élèvent, fussent-ils les meilleurs parents ou tenant lieu de qu'il soit. Qu'ils sont la résultante de quelque chose qu'ils ignorent et continueront souvent à ignorer. Bref, qu'ils ont été jeté là où ils sont en dépit de toute logique, simplement parce que ceux qui les élèvent le désiraient tandis que leurs vrais parents, ou l'un de leurs parents biologiques ne les voulait pas, voulait rendre service, ou parfois, et c'est la vérité, les ont conçus comme on fabrique une marchandise. Ou encore qu'ils ont été privés de leurs parents par un drame qu'on leur tait. Dans tous les cas, on les ampute de leur histoire ou d'une partie de cette histoire, on les ampute d'une partie d'eux-mêmes.
Je ne suis pas psychologue, mais j'ai du mal à concevoir qu'on puisse bien se construire sur de telles bases. Certains y parviendront peut-être, ou seront assez habiles pour cacher cette blessure qui se situe au fond d'eux-mêmes. Mais les autres?

Alors je ne sais pas. Je suis peut-être complètement à côté de la plaque. Peut-être que les êtres humains n'ont pas besoin d'une histoire pour se construire dans les meilleures conditions. J'en doute et j'aimerais qu'on me convainque du contraire. Mais je voudrais surtout que cette hypothèse ne soit pas ignorée par ceux qui, dans quelques mois légaliseront l'homoparentalité, pour satisfaire une promesse électorale peut-être lancée trop légèrement, pour capter des voix, pour satisfaire à un effet de mode, pour s'inscrire dans une post-modernité d’où seraient exclus les interdits et où le désir aurait la valeur d'un droit.

lundi 13 août 2012

Armons-nous et partez!


Telle semble être la nouvelle devise du peuple français. En fait sous le règne de Normal 1er, qui commença son règne en portant atteinte au crédit de la France et de ses armées en annonçant le retrait prématuré, parce que "mission accomplie" parait-il, des troupes d'Afghanistan, ce genre de devise semble devoir connaitre un franc succès. D'ailleurs un peuple qui choisit un candidat parce qu'il est normal pour occuper un poste où ce genre de qualité, au sens de caractéristique évidemment, ne semble guère opportun, signifie au monde qu'il a choisi la voie de la médiocrité. Que la lâcheté accompagne cette dernière n'a rien de surprenant.

Un sondage récent (sondage IFOP pour Sud-Ouest Dimanche, relayé par le Point) indique qu'une majorité de Français, une courte majorité c'est vrai puisqu'il s'agit de 52% des Français selon le sondage, est favorable à une intervention militaire en Syrie sous la bannière de l'ONU. Si on entre dans le détail on se rend compte que les sympathisants de gauche sollicitent bien davantage cette intervention que les sympathisants de droite  (64% contre 42%), en fait que les plus raisonnables se trouvent à droite tandis que les plus belliqueux se situent à gauche. On pourrait tenter d'expliquer ces différences, par exemple en  supposant que les gens de droite finalement sont plus sensibles que ceux de gauche au risque islamiste, puisqu'il semble que ce soit l'alternative promise au régime d'Assad. Mais ce n'est qu'une hypothèse que je ne peux démontrer, au moins dans l'immédiat, même si je la crois fort plausible. On pourra noter aussi cette distorsion entre chacun des deux camps et certains de leurs dirigeants politiques. Mais en fait tout ça n'est pas très important en regard de l'idée que je souhaitais exprimer dans ce billet et qui nous ramène au titre de ce dernier.

Car si en effet une courte majorité de Français appelle de ses vœux une intervention armée en Syrie, une large majorité (61 %) est hostile à une participation de la France à cette intervention dans la cadre onusien. Si on entre dans le détail on est quand même assez stupéfait de l'incohérence, appelons cela comme ça, par charité, des sympathisants de gauche. Car si 64% sont favorables à la guerre seuls 45% envisagent une participation française à cette dernière, soit un différentiel de presque 20%. Les sympathisants de droite hostiles à l'intervention à 58% sont également hostiles à la participation de la France à hauteur de 64%, soit un différentiel de 6%.

Curieux peuple donc qui ne veut pas assumer les choix qu'il fait. Curieux peuple qui envisage avec approbation, et même plébiscite presque pour une part de ses citoyens, un conflit armé, avec les conséquences qu'on imagine, mais refuse que son pays y participe. Est-ce cela qu'est devenu le peuple français? Un peuple qui délègue à d'autres l'exercice de sa souveraineté, l'accomplissement de ses devoirs internationaux, en tant que membre permanent donc privilégié du conseil de sécurité de l'ONU (que la France préside d'ailleurs actuellement). Quel abaissement!


Je profite de ce billet pour signaler un article paru sur Atlantico  (http://www.atlantico.fr/decryptage/derriere-mots-discours-francois-hollande-manque-style-president-christian-combaz-448180.html )et qui commente le discours prononcé par le président de la République à l'occasion de l'hommage rendu au Major Bouzet, mort au combat, pour la France, en Afghanistan.
Je ne suis pas d'accord avec tous les commentaires faits par l'auteur de cet article. Je suis néanmoins d'accord avec la faiblesse stylistique de ce discours, écrit par je ne sais qui, mais sans doute pas relu assez en avance par celui qui devait le prononcer (espérons que ce ne soit pas lui qui ait rédigé ça!). Mais finalement dans ces circonstances, l'émotion régnant sans doute sur cette place d'armes du 7ème Bataillon de Chasseurs Alpins, peu de gens ont certainement décortiqué le discours en l'entendant.
Ce que moi, par contre, je ne peux admettre, c'est que ce discours qui aurait dû être un éloge funèbre, un dernier hommage rendu à un soldat mort pour son pays par le chef des armées, se soit transformé en d'une part, une explication de la politique étrangère française en Afghanistan et en Syrie et surtout une réponse aux critiques de l'ancien président de la république sur la politique de son successeur vis-à-vis de la crise syrienne. On ne mélange pas tout. Et on tente de respecter le soldat qui git-devant vous, dans son cercueil recouvert du drapeau tricolore. Ou alors, si on en est incapable, on reste à patauger sur la plage de Bormes-les-Mimosas.

mercredi 8 août 2012

Pardonner ou punir?


Tel semble être le dilemme qui tiraille notre nouveau gouvernement.
Notre nouveau président, Normal 1er, homme dont l'esprit de synthèse, mais certains diront d'indécision, est une des caractéristiques qui lui sont attribuées, je tairai les autres par charité laissant le soin à ses amis socialistes de les énoncer, a sans doute voulu continuer dans cet exercice, ma foi bien éloigné de la capacité d'arbitrer qu'on attend de la part d'un chef d'Etat. Aussi a-t-il réussi le tour de force de s'entourer de gens aux visions opposées sur divers sujets majeurs.
On a pu, en effet, déjà observer quelques couacs dans les discours des uns et des autres, notamment entre Montebourg et les deux chefs de l'exécutif redevenu, parait-il, bicéphale, au sujet de la manière de traiter l'affaire du plan social chez Peugeot, au sujet de la délocalisation du centre d'appel du STIF au Maroc, la violence d'un discours que n'aurait pas renié Hébert n'ayant sans doute pas l'heur de plaire à un attelage dont la placidité confine à une léthargie profonde.

Mais ce n'est pas de cela dont je souhaite m'entretenir, l'inutilité de notre fougueux et verbeux ministre au titre aussi pompeux que l'individu se montrant de plus en plus avérée et devant sans doute se traduire, après un dernier coup d'éclat, juste histoire de ne pas perdre la face, par une démission d'ici quelques mois.
Ce qui m'intéresse aujourd'hui est une chose sur laquelle le gouvernement peut avoir un véritable poids, à savoir le traitement de la délinquance. Or, sur ce sujet précis les dissensions paraissent énormes entre deux maillons-clé de la chaine, à savoir le ministère de l'intérieur et celui de la justice et sans doute aussi, dans une moindre mesure, entre le ministère de la justice et Normal lui-même.

Et même pour l'homme de la synthèse, il me parait difficile, sinon impossible de concilier deux visions aussi contradictoires que celles exprimées par Valls, d'une part, et par Taubira, d'autre part.
Ce sont en fait deux conceptions qui s'opposent et déchirent la gauche depuis quelques années. La conception laxiste qui a tendance à faire des délinquants des victimes de l'injustice sociale et qu'il convient davantage d'aider que de réprimer, les vraies victimes dans cette conception étant largement négligées, et une conception plus dure, plus proche de la vision sécuritaire traditionnelle de la droite, largement introduite lors de la campagne de 2007 par Ségolène Royal qui avait su tirer les leçons de la défaite de 2002. Même si cette seconde conception a été raillée ou condamnée largement par la gauche sur le moment, elle a fait depuis son chemin, peut-être pas toujours par conviction, mais au moins par nécessité électorale.

Aussi nommer à l'intérieur et à la justice deux ministres attachés chacun à une de ces conceptions antagonistes peut-être considéré comme une erreur majeure. A moins que cela ne traduise une absence complète de vision sur le thème de la sécurité, ou une manière de ne pas s'aliéner une partie de l'électorat, ce qui dans ce cas marquerait une préférence de notre placide attelage pour la position laxiste, le poids des juges étant évidemment largement supérieur à celui des policiers en termes d'effets. On peut même dire que la justice peut complètement réduire à néant une politique sécuritaire volontariste menée par le ministère de l'intérieur. Chose dont Nicolas Sarkozy avait pris acte, non seulement en remettant en cause certaines décisions de justice, mais en essayant de limiter les dégâts occasionnés par certains juges ayant manifestement choisi leur camp, en édictant certaines lois dont celle établissant des peines planchers pour les récidivistes et en introduisant des jurés populaires en correctionnelle. C'en est terminé des peines planchers qui de toute façon étaient fort peu appliquées, les juges utilisant volontiers la porte de sortie qui leur était offerte par la possibilité de déroger à la loi par la rédaction d'un avis motivé. Quant aux jurés en correctionnelle on n'aura pas eu le temps d'en voir les effets.
Il faut tout de même noter à ce stade, et en se référant aux peines planchers, que des juges, certains juges, semblent avoir perdu l'habitude d'appliquer la loi, celle votée par les représentants du peuple, préférant faire la leur alors que leur légitimité ne relève que de la réussite à un concours. Peut-être faudra-t-il un jour lever cette contradiction qui permet à certains hommes de robe de se prendre pour des petits dieux oubliant que c'est au nom du peuple français qu'ils rendent la justice, donc théoriquement en vertu des lois votées par ses représentants et non en fonction de leurs convictions idéologiques.

Ceci étant posé, on peut considérer que notre nouvelle ministre de la justice dont on connait les positions sectaires après qu'elle eût déclaré que la loi qui porte son nom et condamnant les traites atlantique et de l'Océan indien s'était limitée à l'esclavage organisé donc par les blancs parce qu'il ne fallait pas culpabiliser les jeunes de nos banlieues, donne un blanc seing à ceux des juges non moins sectaires qui considèrent souvent le délinquant, dès lors qu'il a certaines origines sociales et ethniques, comme une victime, pour qu'ils puissent impunément juger en fonction de leurs convictions idéologiques. Et elle va même au-delà de cela en remettant en cause le principe même de l'enfermement.
Pour cela, elle revient sur les centre éducatifs fermés qui selon le candidat Hollande devenu depuis Normal 1er devaient doubler leur nombre. A vrai dire je ne me prononcerai pas sur les résultats de ces centres qui coûtent très cher, puisque chaque délinquant en profitant, je pèse mes mots, coûte 1000€ par jour au contribuable. Mais ce que je sais c'est que c'est actuellement la dernière alternative à la prison, la vraie, pour des jeunes entrés très profondément en délinquance et dont la dangerosité semble réclamer l'éloignement, au moins provisoire, de la société. Mais comme simultanément Taubira semble écarter la prison comme possibilité pour les jeunes délinquants, il ne reste plus que le pardon pour eux. Parce que, figurez-vous, la prison est l'école de la récidive. Pas le sentiment d'impunité bien sûr. Le fait qu'on trouve sur le marché du crime et du délit des jeunes ayant eu déjà affaire à la justice 5, 10, 20 fois ou plus, n'ayant parfois jamais vu la porte d'une cellule ne permet pas bien sûr de penser que la clémence assimilée à de la faiblesse par ceux qui font régner l'insécurité dans leur voisinage, s'enfoncent de plus en plus dans la délinquance pour finir régulièrement dans le crime, est peut-être une cause majeure de la récidive, davantage que l'enfermement. Et bien évidemment dans ce choix laxiste, les victimes sont complètement ignorées, les existantes ainsi que les potentielles.
Certes, elle est revenue sur ce qu'elle avait déclaré sur les centres éducatifs fermés après sans doute un appel téléphonique en provenance du Var et peut-être des paroles menaçantes de Milady lui laissant entrevoir un tweet fracassant à la gloire de Manuel Valls. Mais reste qu'on a bien compris l'esprit dans lequel elle compte exercer son ministère dont on ne peut espérer qu'il soit le plus court possible.

Face à cela les forces de l'ordre dont il parait qu'on augmente les effectifs pour qu'elles soient plus efficaces constatent qu'une nouvelle fois, leur travail n'étant pas relayé par la justice, étant même plutôt réduit à néant, s'inquiètent, protestent et parfois, selon le témoignage que m'a livré un policier de mes connaissances, baissent les bras, évitent des arrestations qui prendront fin parfois avant qu'ils aient rempli la paperasse qui accompagnent cette action, conscients en plus qu'une arrestation qui tourne mal risque de les voir être mis en examen. Car les juges ne lésinent pas face aux violences policières, enfin ce qu'ils estiment comme telles.

La gauche nous avait assuré que c'en était fini avec l'angélisme en matière de sécurité. Les paroles et les actes de notre nouvelle ministre de la justice ne nous en persuadent pas. Et le silence de Normal 1er et de celui qui lui fait office de Mazarin, leur incapacité de taper sur la table, d'arbitrer entre les velléités du ministre de l'intérieur et la mansuétude de la ministre de la justice vis-à-vis des délinquants, bref de fixer un cap, de choisir entre la sanction et le pardon, ne sont pas là pour nous rassurer, enfin rassurer ceux qui savent distinguer les victimes des délinquants et criminels.