"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

samedi 4 juin 2011

Pour lutter contre la délinquance : la justice ou l'armée ?



La semaine qui vient de s'écouler est révélatrice de ce qu'on pourrait appeler, par un doux euphémisme, de dysfonctionnements dans la lutte contre l'insécurité.
 
Nous avons un maire d'une ville de banlieue, Sevran, qui vient d'en appeler purement et simplement à l'armée pour rétablir la paix dans ses cités. Sans doute un néo-réac, puisque c'est la dénomination qui devient à la mode pour tous ceux qui expriment une pensée déviante. Et bien non, même pas. Juste un maire "vert" et pas seulement de rage impuissante devant ce qui se passe dans certains quartiers de sa ville où la probabilité de recevoir une balle perdue (l'expression est mauvaise puisqu'en l'occurrence on souhaiterait justement qu'elle soit perdue) a atteint des proportions largement supérieures aux normes admises. Vous êtes priés de vous renseigner auprès du ministère de l'intérieur pour connaitre ses normes, ou bien encore les médias qui disposent eux-mêmes d'une échelle leur permettant de classer les événements, soit dans la rubrique faits divers, soit dans la rubrique faits de société. Donc notre maire écolo (une chance qu'il ne soit pas de droite, sinon…) ne supportant plus de voir les enfants des écoles s'instruire sous leurs pupitres, et les ménagères se rendre vers leur grande surface préférée en rampant pour éviter les rafales de Kalachnikov que s'échangent joyeusement des bandes adverses, réclame purement et simplement l'intervention de l'armée en tant que force d'interposition, un truc comme les casques bleus qu'on a vu fleurir un peu partout sur la planète depuis des décennies. S'il se renseignait un peu, Monsieur le Maire saurait que ces casques bleus ont été généralement d'une efficacité médiocre due, non pas à la qualité des militaires engagés (quoique pour certains contingents un doute sérieux existe), mais surtout à cause des conditions d'ouverture du feu. En fait ça fonctionne quand les militaires sont autorisés à faire des cartons sur les fauteurs de trouble. Dans l'absolu je ne suis pas vraiment opposé à ce que ça se passe comme ça tant je suis persuadé que certains de nos flingueurs à la Kalach ne méritent simplement pas d'exister. Mais je ne pense pas tout de même que Stéphane Gatignon, élu de Europe Ecologie Les Verts (un peu lourd quand même pour un nom parti ce qui explique peut-être que Europe Ecologie va sans doute être mis bientôt au rancard), veuille en arriver là. Ou secrètement peut-être. Mais là n'est pas le sujet.
Stéphane Gatignon explique qu'il en arrive à cette demande parce qu'il estime que rien d'autre ne peut améliorer la situation. Quoiqu'on pourrait lui suggérer qu'il recommande aux habitants de rester cloitrés chez eux jusqu'à ce qu'une bande élimine physiquement l'autre en se faisant largement entamer elle-même. Peut-être pourrait-il même trouver un terrain assez vague pour organiser entre les bandes rivales un paint-ball sans peinture. Le maire de Sevran nous explique donc que, malgré son professionnalisme, son dévouement, et tout et tout, la police est incapable désormais de résoudre ce problème. Et que donc seuls les chars Leclerc et les hélicoptères Tigre, accompagnés de commandos des forces spéciales peuvent venir à bout de cette petite guerre civile qui ravage sa cité. Prenons acte. Mais ne nous en satisfaisons quand même pas. Car après une enquête minutieuse menée par les soins de votre serviteur il se trouve que les choses ne sont pas si simples. En effet les petites frappes ont bien été arrêtées par la police, mais remises en liberté par un juge.
 
Car parallèlement à cette demande inattendue de la part d'un maire, surtout de gauche, deux faits concernant la justice on retenu mon attention cette semaine. Je ne sais pas si je vais les citer dans l'ordre, mais peu importe.
Le premier est cette décision de la Cour de Cassation d'annuler les procédures de garde à vue antérieures au 15 avril, date de la mise en œuvre déjà accélérée par elle de la réforme de la garde à vue. On se souvient qu'au mépris des décisions du législateur qui avait fixé comme début de la réforme une date en juin, cette même cour avait décidé sans préavis qu'elle devait être appliquée immédiatement, nonobstant les problèmes que cela allait poser. Et donc cette semaine, sans doute pour marquer définitivement sa prééminence sur le législateur, la Cour de Cassation a décidé de rendre la loi rétroactive, contre les principes courants dans ce domaine de la loi. Et donc implicitement a décidé que les policiers n'avaient pas appliqué une loi qui n'était pas encore en application et peut-être même pas votée encore. Ainsi en vertu de ce non respect d'une loi non existante par les policiers, les actes antérieurs à la mise en œuvre de la réforme sur la garde à vue sont pour la plupart annulés. Il parait que c'est pour "complaire" à la Cour Européenne des Droits de l'Homme où siègent des représentants de pays tous très attachés à cette notion de droits de l'homme, comme la Turquie par exemple. Honnis soient donc ceux qui penseraient à des motivations d'un autre ordre, politique en particulier. Quoiqu'il en soit dans le cadre de l'instruction les prévenus pourront contester tout ce qui résulte de la garde à vue et aurait pu les mettre en cause. Donc des milliers d'affaires vont être vite réglées et autant de milliers de délinquants non inquiétés. Ceci dit, étant donnée la clémence de certains juges et étant donné le fait qu'en dessous d'une condamnation à deux ans, on ne va généralement pas en taule, peut-être que ça ne change pas grand-chose.
Le second exploit de la justice cette semaine est d'avoir purement et simplement abandonné les poursuites contre des dealers de drogue (présumés bien entendu, même si on les a pris la main dans le sac).On se rappelle cette histoire de Tremblay-en-France survenue au printemps de l'année dernière et qui s'était terminée par une saisie record d'un million d'euros en liquide, de quelques kilos de drogue et d'une arme à feu. J'allais oublier les émeutes qui on suivi dont la revendication cachée semblait être d'ôter "en-France" du nom de la commune tant il apparait que désormais les institutions de l'Etat, sauf la CAF et la sécu, sont les malvenues en certains lieux. Tiens on pourrait rebaptiser certaines communes : Tremblay sur CAF, Saint-Denis les Allocs…. Hors sujet. Donc ce coup de filet mis à l'actif d Préfet Lambert qui va exploser les limites d'âge dans la fonction publique puisqu'il vient d'être prolongé de deux ans alors qu'il atteignait l'âge de la retraite, salué comme il se doit selon le camp où l'on se situe, réjouissances pour les uns, pavés pour les autres, devait amener sans nul doute à quelques sévères condamnations de principe. Or il n'en sera rien. En effet, les policiers n'ont pas improvisé leur coup de filet, mais on "planqué" pendant deux mois dans un appartement situé en face du lieu où opéraient nos innocents dealers. Car désormais ils sont innocents. Les policiers, œuvrant pourtant sous la direction du parquet de Bobigny ont effectivement omis de redemander les autorisations de planquer accordées initialement par les magistrats. Ils ont donc attenté purement et simplement à la vie privée de nos innocents dealers et les preuves obtenues pendant la planque sont donc nulles. Donc pas de poursuite. Ou peut-être que les dealers outrés vont, fort de leur innocence confirmée par la justice, exiger réparation pour atteinte à leur vie privée. Et, pourquoi pas, demander qu'on leur rende leur million d'euros avec les intérêts. Tout est désormais possible avec cette justice.
 
Voyez, Monsieur Gatignon, le problème ne vient peut-être pas seulement de l'impuissance de la police. Mais après tout, peut-être avez-vous raison ? Ou du moins peut-être faites-vous de bonnes anticipations ? Car un jour seule une force armée pourra peut-être sauver une situation fortement dégradée (et oui c'est possible). Et quand ce sera le cas, plus personne ne se souciera de la justice ou des oukazes de la CEDH. Ça sera peut-être dommage, mais à force de jouer contre le pouvoir politique et contre le peuple, certains juges auront du mal à s'en laver les mains.