"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

vendredi 22 janvier 2016

Diversité, laïcité et le reste





Mon dernier billet présentait une vision de la laïcité, une vision que certains trouveront, ont même trouvé restrictive. Et j'ai en particulier un contradicteur (voir mon blog jumeau sur l'obs) (en la personne de Nolats) qui, si je l'ai bien compris, m'explique que compte tenu d'une diversité observable, il faut pour promouvoir le vivre ensemble dans un cadre national, prendre en compte cela et, tout en fixant des limites permettre à d'autres sensibilités, en fait d'autres valeurs que les nôtres traditionnelles, de s'exprimer. En fait c'est ce qu'on appelle les accommodements raisonnables qui ne le sont évidemment pas. On voit d'ailleurs que les limites proposées par notre aimable contradicteur sont déjà largement dépassées, assez souvent ou ponctuellement, quand il parle de l'abattage rituel ou des menus de substitution. De fait il se place entre les adeptes du multiculturalisme et ma position.

Simultanément à cette discussion, tournant il est vrai au dialogue de sourds, sans doute parce que nos acceptations de la nation sont différentes, ainsi d'ailleurs que celles de la laïcité, se développe à un tout autre niveau une polémique ouverte il y a quelque temps, suite à l'appréciation peu élogieuse du rapporteur de l'observatoire de la laïcité d'une intervention de Elisabeth Badinter nous invitant de cesser d'avoir peur d'être taxés d'islamophobes et donc à oser réfléchir à ce qui était encore peu tabou. Notre premier ministre qui vient de se souvenir que cet observatoire était placé sous son autorité s'est saisi de cette polémique. Lui et Bianco, président du machin sont donc entrés en conflit, le premier accusant l'observatoire d'avoir une vision dénaturant la laïcité, le second défendant son rapporteur et sa boutique, avec sans doute le fromage qui va avec, et l'indépendance de cette dernière.

On peut observer que dans les deux cas, le cœur du problème est bien une divergence de vision de la laïcité. Pauvre laïcité!
D'abord, elle n'a pas vraiment de chance puisque à la loi de 1905, qui est tellement vague, s'attachant d'ailleurs surtout à des affaires de patrimoines, que mise à part la séparation de l'église et de l'Etat, on peut faire dire à peu près ce qu'on veut. Et donc on a ceux qui voient dans la laïcité un outil de protection du religieux et de l'expression des croyances s'y rapportant, tandis que d'autres, dont je suis, y voient plutôt l'instrument d'une protection de la société et des individus contre les tentatives des religions d'influer sur les modes de vie collectifs. Pour être davantage précis sur ma conception de la chose, la laïcité est, à mon sens, le prolongement du processus d'émancipation de l'individu démarré sous la Renaissance et confirmé par les Lumières, un bouclier contre le retour toujours possible, et oserai-je dire sinon probable au moins palpable, d'un obscurantisme aliénant.
On voit donc qu'évidemment une nouvelle loi sur la laïcité pourrait être écrite. Cela dit avec les cocos qui nous gouvernent, il vaut peut-être mieux ne pas s'y risquer. Le mot laïcité ne figure même pas dans celle de 1905. Et si elle précise que "La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.", ce qui peut se rapporter à cela dans la suite de la loi ne concerne que les lieux de culte dans son titre V portant sur la police des cultes réaffirmant la possibilité de surveillance de la part des autorités sur ce qui s'y passe et l'interdiction de tenir dans ces lieux des propos d'ordre politique. On voit avec quel bonheur ces deux dispositions ont été respectées ces dernières années!!!
Certes on pourrait se contenter de cela et en déduire que le libre exercice des cultes ça se passe dans les lieux prévus à cet effet, et là uniquement quand on est dans l'espace public. Mais il semble que certains se soient arrêtés à l'article 1 de la loi sans aller d'ailleurs plus loin que "garantit le libre exercice des cultes", le reste passant à la trappe. Ça c'est la position de ceux qui sont favorables aux accommodements qu'ils disent raisonnables, juste pour nous enfumer, de ceux qui parlent de laïcité positive, ouverte ou je ne sais quoi la vidant de son sens, et que la pratique du culte ou l'exhibition de ses croyances dans l'espace public ne dérangent pas. C'est du reste aussi la position des pires obscurantistes.

De fait ce fut, c'est peut-être encore, même si les temps ne s'y prêtent plus guère, la position de quelques gouvernements successifs. Dont celui-ci il y a encore peu, la querelle opposant aujourd'hui Valls et Bianco étant éminemment conjoncturelle. Il faut quand même rappeler que cet observatoire de la laïcité voulu par Chirac en 2003, créé par de Villepin en 2007 et installé par Hollande en 2013 a une histoire particulière. On pourrait s'interroger sur les 6 années qui séparent sa création de son installation. Mais ça n'a que peu d'importance puisque Sarkozy adjoignit pendant cette période une mission laïcité au HCI (haut conseil à l'intégration). C'est l'installation qui est intéressante. Elle se fit au détriment du HCI dont les rapports alarmistes sur l'intégration n'avaient pas l'heur de plaire. Le dernier(2013) ne fut purement et simplement pas publié par de Documentation Française comme c'était l'usage. Faut dire que par exemple la mission laïcité y préconisait l'interdiction du voile à l'université. Le HCI disparut donc par non renouvellement de sa mission en 2013, tandis que commençaient les riches heures de l'observatoire de la laïcité. Rattaché au premier ministre (Ayrault à l'époque) ce fut pourtant l'Elysée qui se chargea de sa composition. Et comment! Par le biais d'un casting mené par une jeune conseillère de l'Elysée qui eut quand même le cran de demander à Elisabeth Badinter de se présenter elle et ses travaux. De ce casting élyséen furent refoulés tous ceux qui se montraient les plus virulents en termes d'intégration et de laïcité, les deux vont de pair. Et finalement il en ressortit un truc dont les rapports disent que tout va bien en termes de respect de la laïcité, et du coup on se demande à quoi sert cet observatoire puisque tout va pour le mieux, et qui ne voit pas de problèmes par exemple dans la recrudescence de voilées à l'université contrairement à la mission laïcité du HCI,… Bon enfin quelque chose qui prône une laïcité "ouverte" comme l'a proclamé encore très récemment son président. En l'occurrence ça me fait plutôt penser aux cuisses largement ouvertes de la République, tellement ouvertes que ça en devient même insupportable à certains membres de cet observatoire entrés désormais en dissidence avec leur président et son rapporteur depuis l'affaire Badinter.
La  laïcité donc, pilier de la République, vous savez cette chose et ses valeurs dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles tandis qu'on ne cesse de les trahir, a largement été sacrifiée depuis un certain temps. Pour un tas de raisons : par "amour" de la diversité, par lâcheté pour préserver une paix sociale en danger tout en sachant d'ailleurs que quand ça éclatera ça fera beaucoup plus mal, mais ce sera à d'autres de se charger du problème, enfin peut-être, par calcul électoral, terra nova l'a si bien expliqué…Et aussi, peut-être surtout parce que la laïcité constitue un obstacle majeure à l'émergence de la nouvelle société dite inclusive. J'évoquerai ça en fin de billet Or cet abandon de la laïcitéest terrible. C'est un obstacle majeur à l'intégration, pour être plus précis aux capacités des individus subissant la loi du groupe (religieux) de s'en extraire, de s'émanciper.

Et j'en viens donc à cette fameuse diversité, dont selon certains, puisqu'elle existe, il faut tenir compte de ses particularismes pour que tout le monde, eux, les autres, enfin tous ceux que ça intéresse de venir, et puis nous quand même, mais enfin faudrait pas trop qu'on gêne, puisse vivre harmonieusement au sein de notre belle nation. Il conviendrait au passage aussi de redéfinir ce mot pour que le passé, l'identité, les valeurs, enfin tout ce qui a fait et fait la France, ne prennent pas trop de place.
Mais voyez-vous, je me méfie de la diversité comme de la peste. Je n’ai rien contre les échanges culturels et certains de leurs apports. Mais je préfère me référer à Lévi-Strauss qui écrit : "Chaque culture se développe grâce à ses échanges avec les autres cultures. Mais il faut que chacune mette une certaine résistance, sinon, très vite, elle n’aurait bientôt plus rien qui lui appartienne en propre à échanger.", et considère d'un œil au moins dubitatif, souvent inquiet, les joyeux apôtres du "merveilleux métissage" à venir.
Je suis d'autant plus inquiet quand une partie de la diversité par la bouche d'un président décédé depuis explique que le ventre de "nos" femmes "nous" donnera la victoire. Je suis d'autant plus inquiet quand un ancien premier ministre devenu depuis président de son pays  explique que "Grâce à vos lois démocratiques, nous vous envahirons. Grâce à nos lois religieuses, nous vous dominerons.", déclare aux ressortissants de son pays que l'assimilation est un crime contre l'humanité tout en les encourageant à prendre la nationalité du pays où ils ont émigrés pour mieux y influer en faveur du leur (et là on commence à s'inquiéter de la bi-nationalité, n'est-ce pas?). Et je suis conforté dans mon inquiétude quand un monarque décédé depuis explique de façon tout à fait honnête lors d'une émission de grande écoute qu'il est vain d'espérer que ses sujets s'assimilent un jour. Par contre on ne s'inquiétera pas de voir qu'un de nos ministres fait partie d'un organisme émanent de ce pays en France. Il y a plein de postes en France qui requièrent une habilitation au secret-défense, mais pas celui de ministre. Et c'est bien dommage car certaines actions, vu les dégâts prévisibles, dans le domaine de l'éducation par exemple, pourraient être expliqués hâtivement par une double allégeance.
Alors moi, si j'étais dirigeant de ce pays, tout ça m'inquiéterait. L'heureuse diversité m'empêcherait parfois de dormir. Et donc je prendrais certaines mesures de précaution. Ce principe n'est-il pas inscrit désormais dans la constitution? Par exemple je n'accorderais aucune naturalisation à des gens dont il ne serait pas établi qu'ils sont parfaitement assimilés. Je n'ai pas dit intégré, mais assimilé! Après tout que ceux qui ne veulent pas s'assimiler assument leur choix et demeurent étrangers. Et puis aussi je veillerais à ce que l'expression de toutes choses relatives à une culture étrangère, religion incluse, reste confinée  soit au domaine privé, soit à des manifestations dument autorisées et contrôlées.  Et c'est là évidemment que la laïcité prend toute son importance. Quand des gens arrivent en masse et se réclament d'une religion prétendant gérer toute leur vie jusqu'au plus petit détail, quand des pratiques liées à cette religion, rapports hommes-femmes par exemple, sont tout à fait incompatibles avec nos valeurs, quand certaines hautes personnalités comme par exemple le recteur de la mosquée de la capitale précisent que les lois de dieu sont supérieures à celles de la République, alors on verrouille, on fait même du zèle en ne laissant rien passer de cette religion, en ne répondant à aucune de ses demandes et en contrôlant étroitement l'exercice du culte. En fait l'inverse de tout ce qui a été fait.
Pour résumer, j'essaierais de trouver cette bonne distance, celle évoquée par Levi-Strauss et qui devrait garantir l'intégrité de la nation et les intérêts du peuple. Pour cela la meilleure façon c'est de s'adresser aux individus et non à des groupes qu'on appelle communautés. Et là je reprends le principe oublié qui découle de ce que proposait Clermont-Tonnerre à la Révolution pour les juifs : "Il faut tout refuser aux juifs comme nation et tout accorder aux juifs comme individus." C'est le seul principe, et évidement appliqué à tous, qu'il convient d'observer. Comment intégrer des gens dont certains feront le pas de l'assimilation dès lors qu'on les confine dans le discours officiel à une communauté? Comment espérer que les individus puissent ainsi s'émanciper de ce groupe où on les assigne. Parler de communauté revient à légitimer le contrôle social qu'ils subissent au sein de leur groupe? C'est pourtant ce que font nos dirigeants depuis pas mal de temps désormais, souhaitan[AG1] t sans doute en finir avec la seule communauté qui vaille et qui est la communauté nationale.
Faut dire que là ils y mettent le paquet et que seule la résistance populaire à leurs noirs desseins pourra les arrêter. On se rappellera par exemple puisqu'on parle de noirs desseins de ce fameux rapport Thuot prônant la société inclusive, c'est-à-dire une société où toutes les communautés seraient sur le même pied (en attendant peut-être le basculement démographique) et des 5 rapports qui  en constituaient le prolongement en définissaient les modalités pratiques de sa mise en œuvre et dans lesquels la France était priée de s'effacer. Ces rapports conduits sous l'égide de plusieurs ministres, dont le premier actuel alors ministre de l'intérieur et dont on peut après ça douter de la sincérité de ses discours actuels ou dans la querelle qui l'oppose aujourd'hui à Bianco, et qui émerveillèrent le premier ministre de l'époque ne furent remisés dans les étagères que sous les pressions extérieures, en fait la colère de ceux pour qui les mots nation et république ont encore un sens. Mais n'en doutons pas, ils ressortiront en temps opportun ou alors seront mis en application sournoisement. La réforme des programmes scolaires est une illustration parfaite de cette tentative sournoise d'effacer la France des esprits des plus jeunes. C'est d'ailleurs astucieux de commencer par là.

Dernière chose, et qui devrait vous faire réfléchir et comprendre que l'abandon des principes républicains que sont la laïcité et la nation est une catastrophe : si vous aimez la diversité soyez convaincus qu'elle ne vous aime pas. Chaque jour fournit son cortège de preuves, et certains avec une éloquente horreur.



jeudi 14 janvier 2016

Ce que m'inspire l'affaire de la kippa





L'agression par un djihadiste en herbe, fier de son acte, n'exprimant aucun regret, d'un homme portant kippa dans la rue nous interpelle évidemment. Mais sans doute pas de la façon dont cet acte devrait le faire.
En effet le problème a été posé d'une façon qui ne le résoudra en rien. Le débat qui en est ressorti s'est focalisé sur une alternative que je juge malsaine car elle acte et favorise même le communautarisme qui est la véritable plaie qui est source de douleur de notre société. L'alternative posée est donc : dois-je revendiquer mon appartenance communautaire, religieuse dans l'espace public, ou dois-je me faire discret pour garantir mon intégrité physique? A ces deux questions, j'ai envie de répondre non et non. Je vais m'en expliquer.

Il y a quelques jours, dans un billet consacré à l'analyse des vœux présidentiels, j'affirmais que Hollande n'avait rien compris, ou ne voulait pas comprendre, en pensant, et là je ne discuterai pas sur le caractère ridicule des moyens que nous pouvons mettre en œuvre pour cela, combattre le terrorisme islamique en balançant des bombes sur l'Etat islamique. J'expliquais que l'éradication de ce truc infâme ne résoudrait aucun problème tant qu'il existerait sur notre sol des individus d'importation ou établis depuis plus longtemps, voire même depuis de nombreuses générations, sur notre territoire puisque la conversion suivie de l'engament dans le djihad devient de plus en plus courante, perméables aux pires idéologies, en l'occurrence l'islamisme, et haïssant suffisamment leur pays ou leur terre d'accueil pour prendre les armes contre eux. Avant l'EI, il y a eu al qaida, avant encore le GIA, et après sa disparition il existera évidemment un autre truc, sous un autre nom pour reprendre la bannière de l'immonde, pour nous proposer au moyen d'égorgements, fusillades, explosions, ce merveilleux monde qu'est celui qui sera unifié sous la bannière verte du tout-puissant. Un monde à prendre ou à laisser, à prendre de force ou à laisser en même temps que sa vie.
La lutte est donc avant tout à mener sur notre sol pour rendre infertile le terreau actuellement propice au recrutement de terroristes capables de frapper leur propre pays, celui où ils ont grandi, celui où ils ont été éduqué.

Et ce terreau c'est le communautarisme. Et ce communautarisme est d'ordre religieux. Il n'existe pas de communauté italienne, polonaise, portugaise et même algérienne ou marocaine en tant que telle, puisant sa source de cohésion dans une appartenance mystique à une nation étrangère et qui pourrait influer sur la marche de notre société. Quand on parle de communauté, on parle uniquement de communauté musulmane, de communauté juive. Même pas de communauté chrétienne d'ailleurs, celle-ci, par défaut et par excès étant assimilée à une communauté qui serait nationale.
Le communautarisme fait des ravages, disloque la nation, interdit ce qu'on appelle le vivre-ensemble qui au mieux est devenu un vivre-à-côté, et au pire et de plus en plus fréquemment une tension permanente, une intolérance à l'autre, une volonté de subjuguer voire d'annihiler. Il ne date pas d'hier, ni même du jour où on a découvert avec Mehra qu'un Français pouvait tuer d'autre Français parce qu'ils étaient juifs ou militaires supposés musulmans et donc traitres à la "cause". Oh certes, on a quand même tenté pour ne pas rompre "le charme" de nous parler de loup solitaire et d'autres sornettes, fumeuses théories démenties par des réactions ignobles de soutien aux actes assassins de l'individu, sur les réseaux sociaux, sur les murs de certaines cités. Mais devait-on s'étonner de ces réactions tandis qu'on avait eu les mêmes un peu plus de 10 ans plus tôt après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis? Celles-ci sont relatées dans "les territoires perdus de la République", cet ouvrage collectif qui après et avant d'autres livres ou rapports nous alertait avec force sur les manifestations de ce communautarisme qui nous dévore. Personne ne peut dire, et surtout pas ceux qui nous ont dirigé et nous dirigent, qu'il ignorait cette situation. Pourtant rien ne fut fait ou presque et les Mehra, Kouachi et autres Coulibaly décrits dans les "territoires" ont pu grandir, devenir adulte et cultiver leur haine du juif et de leur pays. Ils ont même été encouragés en cela par ceux qui n'ont vu en eux que des victimes de notre société tellement injuste à leur égard. Ils y ont été encouragés par ceux qui, se servant et prétendant servir une cause palestinienne qu'ils sont bien incapables d'analyser objectivement, ont donné à un antisémitisme camouflé sous le masque de l'antisionisme une certaine respectabilité, voire légitimité.

Alors quid du port de la kippa dans tout ça? Je comprends que certains vont me trouver injuste. Parce qu'effectivement il y a un peu plus de deux siècles, par un travail en commun avec Napoléon et sous l'impulsion de ce dernier, même si ce fut davantage qu'une impulsion,  la communauté juive, et c'était une communauté au plein sens du terme puisqu'exclue de jure de la communauté nationale, a su renoncer aux impératifs religieux qui empêchaient son intégration dans cette communauté nationale. Parce que même maltraitée comme elle le fut depuis, inutile d'entrer dans des détails connus mais que je symboliserai ici par l'affaire Dreyfus, l'entre-deux-guerres et la période de Vichy, elle n'a jamais revendiqué autre chose que son appartenance à la France. Parce que les Juifs ne revendiquent pas de manger casher dans nos cantines, parce qu'ils ne se font pas exploser dans la rue au nom de leur dieu. Et j'ajouterai même une chose qui me plait beaucoup, parce qu'ils ne sont pas prosélytes.
Par contre, et même si je sais le peu de poids que ça peut avoir dans une lutte sérieuse contre le communautarisme, celui qui soustrait les enfants de France à leur pays en les orientant vers une autre allégeance, celui qui sape l'idée nationale, celui qui pourvoit en bras assassins une idéologie religieuse hégémoniste, je reste persuadé de la nécessaire interdiction des signes d'appartenance religieuse dans l'espace public, celui-ci commençant sur le pas de la porte de mon appartement et se terminant à l'entrée de la mosquée, la synagogue, l'église, le temple.
Et à ce titre je n'ai pas davantage envie de voir dans la rue une kippa qu'un voile islamique ou encore une croix  portée ostensiblement. Je ne devrais même jamais en voir hors de circonstances fort rares m'amenant dans un lieu de culte quelconque. De même que quand je croise un individu je n'ai pas envie de savoir quel dieu il prie chez lui, ou ne devrait prier que chez lui.

Et c'est donc pour cela que cette affaire m'indispose. Parce qu'elle s'est orientée, par la faute de tous ceux qui n'ont pas été capables de lutter contre le communautarisme, à la transformer en un enjeu non seulement identitaire, mais au sens le plus restrictif du mot, mais aussi de domination. Je vais exprimer ça autrement. Ça revient à dire : "si je refuse d'indiquer de manière ostentatoire (lire avec fierté légitime) mon identité communautaire (lire religieuse) parce que des gens d'une autre communauté me considèrent comme leur ennemi et menacent ma vie ou mon intégrité physique, j'admets que ces derniers ont gagné et que leur violence à mon égard a assuré leur domination sur la société environnante." Et considéré comme ça, c'est terrible! Car évidemment on a, j'ai envie de dire : "mettez tous votre kippa et prêtez m'en une aussi pour monter à ces gens qu'ils n'ont pas gagné et qu'ils ne gagneront pas!" Mais en même temps c'est institutionnaliser davantage que le communautarisme, c’est-à-dire la lutte entre communautés ou alliances de communautés. Dans ce cadre plus personne n'est français, ou être français n'est plus que la marque d'une naissance ou de l'établissement durable sur un territoire donné au bout de l'Europe. Et le sens de notre existence n'est plus de vivre ensemble, autour d'une histoire, de valeurs partagées, d'une vision des rapports humains commune, dans le cadre d'une communauté nationale et pour laquelle nous serions capables de donner notre vie le cas échéant, ainsi que l'ont fait nos ainés, il n'y a pas si longtemps que cela  puisqu'on célèbre le centenaire de leurs combats et de leurs souffrances. Cette conception de notre vie commune qui fut la nôtre doit-elle s'effacer définitivement pour faire place à une lutte pour l'hégémonie de son dieu, ou le droit de pouvoir l'honorer, cela sous les yeux médusés ou parfois indifférents de ceux qui auront choisi, de toute façon ils n'auront guère d'autre choix s'ils n'ont pas de dieu auquel croire et que n'existera plus la communauté nationale, de préserver leur petite vie et de n'en mesurer la valeur qu'à l'aune de son aisance matérielle qui plus elle sera grande leur permettra de s'éloigner des zones de conflit?

C'est bien parce qu'on a laissé se mettre en place et même encouragé le communautarisme, au moins objectivement soit en refusant de le voir lui et ses effets dévastateurs, soit en le louant comme une manifestation d'une heureuse diversité que les combats qui nous sont aujourd'hui proposés sont de mauvais combats. Les conséquences d'un acte antisémite perpétré par un jeune islamiste, du moins les seules voies qui nous sont proposées pour réagir à cet acte en témoignent parfaitement en même temps que de l'état de notre société.

vendredi 8 janvier 2016

C'était il y a 20 ans : la mort d'un pourri



Aujourd'hui on le vénère. Il parait même que, maintenant, les Français trouvent que ça a été un bon président. La prime aux disparus fonctionne donc toujours.
Et pourtant… En élisant cet hommes les Français portaient au pouvoir un pourri, un homme au parcours sinueux et souvent honteux, et celui qui allait changer la politique pour le pire et mettre en place la destruction de la France.

Après avoir eu un flirt poussé avec l'extrême-droite à la fin des années 30, voilà notre homme, évadé d'un camp de prisonniers se mettant au service de Vichy. Il le fit avec suffisamment de zèle pour être décoré de la francisque en 1943. Il admire en effet Pétain, il fera d'ailleurs fleurir régulièrement sa tombe quand il deviendra président, n'a pas d'a priori négatif quand Laval revient au pouvoir et supporte très bien la politique juive du régime se liant même d'amitié avec l'infâme Bousquet dont il restera toujours très proche. Mais homme prudent, il est déjà à l'époque en contact avec la résistance : un pied dans chaque camp ça peut servir. En juillet 43, il franchit enfin le pas, il y a eu entre temps la bataille de Stalingrad et l'invasion de la Sicile est en cours. Inutile donc de continuer à compromettre son avenir tandis que le sort de la guerre semble être connu. Et puis ça pourra servir aux copains.
C'est ainsi qu'à la libération il témoignera avec son grand ami, ancien cagoulard et collaborateur passé à la résistance en même temps que lui, André Bettencourt, en faveur d'Eugène Schueller, collaborateur avéré et accessoirement patron de l'Oréal. Et voilà comment deux pourris malins transforment un autre pourri en homme vertueux. Bettencourt aura la fille Liliane, tandis que Mitterrand, déjà marié, hélas pour lui, dirigera la revue "Ma beauté" appartenant au groupe l'Oréal avant que Schueller lui trouve une circonscription dans la Nièvre pour y être élu. Mais pour ça il devra passer à gauche. Pas de problème, après tout "qu'importe le flacon, pourvu qu'……). Tout ce joli monde restera très lié au point que Bettencourt fut envisagé comme premier ministre de cohabitation en 1986, chose sans doute évitée pour ne pas trop remuer le passé. On n'en est pas à cette époque encore au moment des grandes révélations. Tout le monde sait mais personne ne dit. Mais au moins Bettencourt aura-t-il réussi, en allant voir son pote, à faire aménager l'impôt sur la fortune en faisant exclure de l'assiette l'outil de travail. Après en avoir exclu à son profit les œuvres d'art, Fabius ne pouvait que se plier à cette injonction du maitre. Ainsi vont les choses.

Il participe activement à la vie politique sous la quatrième République sous laquelle il fut plusieurs fois ministre. Favorable à l'indépendance de l'Indochine et à l'autonomie de la Tunisie, il se montre intraitable vis-à-vis de l'Algérie en tant que ministre de l'intérieur ("L'Algérie c'est la France") puis en tant que garde de sceaux quand il avalise de nombreuses condamnations à mort. Plus tard en 1962, il témoignera en faveur du général Salan lors de son procès. Il ne réussira pas néanmoins à se faire désigner comme président du conseil à la suite de Guy Mollet.
En 1958 il se montrera comme un des plus durs opposants au retour du général de Gaulle qu'il accuse de sédition. Il vote contre la Constitution de 1958 dont pourtant il profitera bien plus tard sans aucune gêne. Il commence en fait à se bâtir son image de principal opposant au nouveau régime. Il ira jusqu'à s'inventer un attentat (de l'Observatoire) contre sa misérable personne pour gagner en notoriété. Minable! Néanmoins il concrétisera son image de premier opposant en devenant le candidat de la gauche en 1965, soutenu au second tour par le centre et l'OAS, retour d'ascenseur sans doute. En 68, au moment des événements, il se prend à rêver et se présente comme candidat par anticipation. En 69, quand de Gaulle quitte le pouvoir, il ne peut même pas se présenter à l'élection la gauche ne le soutenant plus.
Il lui fait donc prendre le parti devenu socialiste en 69. Ce sera chose faite en 71 au congrès d'Epinay grâce à l'appui de l'aile gauche du parti. Dès lors il monte sa boutique pour accéder à la présidence. Pour cela il sait qu'il lui faut le soutien des communistes qui n'étaient pas pourtant ses grands amis. Mais ce sera pour mieux les étouffer ensuite. Les communistes de cette époque doivent encre avoir mal au fondement quand ils repensent à tout cela aujourd'hui. Il œuvre donc au programme commun. En 74, il est encore un peu court. Mais en 81, grâce à l'aide de Chirac, cette fois ça passe.
Et la misère s'abattit sur la France!

Pour ne pas être trop long, je vais sortir de la chronologie pour juste rappeler certains éléments qui e semblent importants avant de tenter une synthèse.
Que donc retenir de ce double septennat?
L'orientation générale, c'est un virage à gauche de 81 à 83 avant un tournant libéral à partir de cette date. C'est la dette qui commence à gonfler, multipliée par 6 entre 81 et 95. C'est le nombre de chômeurs qui ne cesse d'augmenter (multiplié par 2 en 14 ans) avec en corolaire cet aveu pathétique présidentiel qu'il n'y avait pas de solution. C'est l'arrivée de ce qu'on appelait à l'époque les nouveaux pauvres avec en face la gauche caviar. Plus globalement c'est la gauche qui cesse d'être de gauche, ou du moins qui délaisse les catégories sociales dont elle était jusque-là le soutien avec en corolaire une marche en avant forcée vers l'européisme libéral.

Si on entre dans le détail, on trouve les éléments suivants :
  • La mise en lumière volontaire du Front National auquel le président ouvre les médias et qui deviendra un instrument pour contrer la droite, avec comme point d'orgue un changement opportuniste du système de scrutin pour les législatives de 1986 pour limiter la victoire de la droite.
  • Avec la création de SOS racisme, comme réponse à la marche des beurs, une assignation au statut de victimes des immigrés et descendants d'immigrés venus d'Afrique, avec les conséquences qu'on voit aujourd'hui.
  • La régularisation massive des sans-papiers.
  • La retraite à 60, décision prise sous les yeux horrifiés de Delors et Fabius qui en mesuraient les conséquences à moyen terme. Et on est dedans depuis des années maintenant avec les difficultés qu'on connait. Mais Mitterrand s'en foutait, car après lui…
  • La semaine de 39 heures, prélude à celle des 35, et la cinquième semaine de congés payés. Avec les socialises on apprend à considérer le travail comme une chose infâmante.
  • La décentralisation, prélude à la constitution d'un millefeuille administratif sans grande efficacité, qui coute cher et qui sert surtout à générer une caste de notables entourés de leurs clientèles respectives.
  • Les nationalisations avant les privatisations en passant par le ni-ni
  • La marche forcée vers l'Europe avec comme point d'orgue le traité de Maastricht, avec en corolaire les pertes de souveraineté à venir notamment monétaire.
  • Le retour de l'atlantisme, avec à partir de la première guerre du Golfe une participation aveugle à toutes les aventures otaniennes.
  • Une politique africaine erratique sous la coupe de son fils Jean-Christophe alias papamadi qui connaitra par la suite quelques ennuis avec la justice à propos de l'angolagate. Mais selon l'adage, le fruit ne tombe jamais loin de l'arbre.
  • Le tropisme pour la guerre. Alors que l'armée française depuis la fin de la guerre d'Algérie n'intervenait que sporadiquement, les opérations extérieures commencent à se multiplier sous Mitterrand. La participation de la France à la guerre du Golfe, double erreur, sur le plan diplomatico-stratégique et sur le plan militaire car les armées françaises n'étaient pas dimensionnées et organisées pour ce type de guerre est une opération désastreuse, même si ça ne s'est pas vu. Au regard de ce qui se passe pour ce quinquennat et de ce qui aurait pu se passer si Britanniques et Américains ne s'étaient pas ravisés on peut quasiment reprendre cette formule "le socialisme c'est la guerre"
  • Une absence de vision du monde lors des bouleversements de la fin des années 80 et du début des années 90 quand le communisme s'effondre. La chute du communisme et la réunification de l'Allemagne apparaissent comme catastrophiques pour Mitterrand.
  • Les grands travaux, avec l'horrible arche de la Défense, les non moins horribles colonnes de Buren et grande bibliothèque (même pas fonctionnelle).
  • Différents scandales : affaire des écoutes de l'Elysée donc détournement de la loi, de fonctionnaires et de biens publics pour protéger le secret autour de sa seconde famille ; les affaires financières (URBA, Pechiney, ELF…), l'affaire du sang contaminé, le Rainbow Warror, Tapie ministre, suicides de Bérégovoy et de Grossouvre, etc.
La liste n'est évidemment pas exhaustive.

Que tirer de tout cela?
Mitterrand a changé la vie politique. Il nous a fait passer d'un système où on pouvait croire, et c'était sans doute le cas sous de Gaulle et Pompidou, peut-être moins sous Giscard, que la politique était au service de la France, à un système où on sait désormais que la politique est au service exclusif de ceux qui en font et dont les seuls objectifs sont la conquête du pouvoir et le maintien au pouvoir. Ses successeurs auront été bien pénétrés de ce changement.
Mais en fait, après Mitterrand on peut s'interroger sur ce qu'est le pouvoir. Il disait qu'il serait le dernier grand président et que ses successeurs ne seraient que des comptables. Pas faux, même si lui n'a pas été un grand président, même s'il prit soin, et on peut mettre ça à son crédit, de s'en donner les apparences. Ce n'est pas lui, en effet, qui aurait dit en conférence de presse "avec Carla c'est du sérieux" ou se serait fait photographier sur son scooter en train de rendre visite à sa maitresse. Il n'aurait pas non plus redondé sur le sujet de ses phrases dans ses allocutions (la France, elle…). Et effectivement, par rapport à ses deux derniers successeurs, il disposait d'une grande culture classique et d'une connaissance fine de l'histoire. Mais en fait, ceux-là n'en ont plus besoin, ni de culture, ni de connaissance de l'histoire, car ils ne font plus celle-ci. Ils ne sont que des pantins ballotés par les flots du temps qui s'écoule et sur lequel ils n'ont plus guère d'influence. Car le pouvoir est parti avec Mitterrand, et celui-ci fut un acteur majeur de ce changement, et le connaissant je suis à peu près sûr que c'est la dernière saloperie qu'il a voulu nous laisser, et de façon toute à fait consciente.