"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mercredi 12 novembre 2014

Le cas Zemmour





Un cas bigrement intéressant car cet homme fait parler, fait écrire et suscite des niveaux de haine rarement atteints sur les plateaux de télévision ou dans les chroniques des médias. Ainsi par exemple a-t-on pu le voir récemment agressé verbalement par Mazarine Pingeot qui « s’est tapé les 400 pages de son livre avec la nausée au ventre » et a expliqué le succès de l’auteur du suicide français par sa forte présence sur les plateaux télé oubliant au passage que sa petite notoriété à elle n’est due qu’au fait qu’elle est la fille de son père et un peu aussi la nôtre qui avons participé à son hébergement et à son gardiennage. Cela lui donnant évidemment le droit de se poser en juge de moralité ou d’accorder ou non des satisfécits en termes de conformité avec la bienpensance. Pour ma part j’espère que cette haine même pas voilée par un minimum de civilité, mais est-on astreint à cela quand on est la fille du grand homme, est-on astreint à cela quand on est persuadé qu’on est un digne représentant du camp du bien, aura donné l’envie à certains de se procurer au plus vite le livre de Zemmour pour y trouver tout ce qui pouvait agiter ce petit monde, ces donneurs de leçons, tous ces gardiens d’une pensée qui devrait s’imposer à tous mais qui pourtant rencontre encore des résistances. Et sans doute de plus en plus si on se réfère au succès de librairie de cette dernière production de cette honte du journalisme français qu’est notre auteur xénophobe, islamophobe, misogyne, affreusement réactionnaire, enfin bref nauséabond. Une chance pour lui qu’il soit juif car il aurait immanquablement été taxé d’antisémitisme suite aux quelques pages consacrées à la remise en cause des thèses de Paxton.

Ah ces maudites pages, ces pages qui bien que ne faisant que reprendre des travaux d’historiens ayant pignon sur rue, et même des éléments tirés du procès d’Eichmann et rapportées par Hannah Arendt, ce n’est donc pas du neuf, ont permis à tellement de ces gens qui n’aiment pas Zemmour, par principe, parce que ses idées ne collent pas à la réalité virtuelle qui est la leur, de pouvoir condamner un bouquin qu’ils n’auront pour beaucoup pas pris la peine de lire. Pourquoi après tout se donner la nausée quand l’occasion vous est offerte sur un plateau de pouvoir éviter d’avoir à produire des arguments pour démonter une œuvre que vous savez que vous n’apprécierez pas même si c’est juste par principe. Certains, quand même un peu plus sérieux, et comprenant que l’accusation de négationnisme ou de réhabilitation de Vichy était quand même un peu légère pour rejeter en bloc un livre de 527 pages (et pas 400 comme l’a déclaré Zaza ce qui du coup me fait me demander si elle l’a vraiment lu – à moins qu’elle ait dû appeler le SAMU à la page 400), se sont permis des analyses savantes à partir du titre, du bandeau du livre et quand ils ont voulu montrer qu’ils étaient des contradicteurs dignes de ce nom, en se forçant à lire le quatrième de couverture sans doute pillé sur le site de la Fnac ou d’Amazon. Ce serait dommage de contribuer à la fortune de Zemmour en achetant son bouquin !

C’est surtout à ceux-là, à ceux qui se permettent de critiquer sans lire, mais on avait déjà observé ça lors de la dernière production d’Alain Finkielkraut, cet infâme réac, que s’adresse ce billet. Car il ne s’agit pas pour moi de commenter ce livre, d’analyser les chapitres qui me conviennent pour expliquer que Zemmour a tout à fait raison, comme d’autres le font pour démontrer qu’il a parfaitement tort.
J’ai d’ailleurs à ce sujet une critique à faire. Le choix d’exposer des événements dans un ordre chronologique et donc de commenter chacun d’eux ne me parait pas des plus heureux. Car dans cet inventaire la hiérarchisation des événements n’existe pas. J’aurais préféré une articulation différente autour de grands thèmes, par exemple la perte de souveraineté nationale, la politique d’immigration et d’accueil des immigrés, la culpabilisation de la France, les ravages de l’antiracisme, ceux du féminisme, les mondialismes concurrents mais complices…
Mais peu importe finalement car ceux qui ne l’ont pas lu ne l’auraient pas davantage fait, préférant sans doute en rester aux impressions livrées par Ruquier et sa bande. Des gens biens sous tout rapport car de gauche. Ce qui m’intéresse davantage en écrivant ce billet c’est ce qui tourne autour du livre.

Tout d’abord le niveau de haine. Il est à peu près comparable, dépassant peut-être légèrement mais à peine celui enregistré quand Finkielkraut sortit son « identité malheureuse ». Il ne manque pas de thèmes communs à ces deux ouvrages dégageant une nostalgie d’une époque désormais révolue, une nostalgie de la nation, de la laïcité, de l’assimilation… Et donc fort logiquement les mêmes causes ont produit les mêmes effets.
Pourtant d’autres auteurs dont les livres ont eu un retentissement relativement important et développant les mêmes problématiques n’ont pas eu à subir cet acharnement. Je pense par exemple à Christophe Guilluy, un récidiviste notoire, qui après avoir commis « Fractures françaises » vient de sortir « La France périphérique : Comment on a sacrifié les classes populaires », deux ouvrages qui reviennent sur l’immigration et les politiques ou plutôt les non-politiques qui l’ont accompagné et qui en décrivent les conséquences pour les Français de souche, ceux des classes populaires et moyennes, exclus du cœur des grandes villes par manque de moyens financiers et chassés de leurs banlieues à cause du communautarisme et donc relégués dans une France qualifiée de périurbaine, là où les gens se sentent oubliés du pouvoir, et de moins en moins chez eux dans leur propre pays victime de ce qu’on nomme l’insécurité culturelle ou identitaire, une France de l’abstention ou du vote FN.
Et puis il y a aussi Hugues Lagrange, sociologue au CNRS qui a commis assez récemment « le déni des cultures » où partant de statistiques établissant un taux élevé, bien supérieur à la moyenne chez les jeunes issus de l’immigration, il explique le phénomène par le défaut d’acculturation de ces jeunes et donc un déficit d’intégration.
Certes les deux ont été critiqués, surtout le second, mais rien à voir avec Zemmour ou Finkielkraut. Sans doute leur proximité avec cette mouvance du PS appelée « gauche populaire », mouvement intéressant conduit par Laurent Bouvet et né d’un rejet des élucubrations de terra nova, reprenant notamment à son actif la notion d’insécurité culturelle et donc s’intéressant, exception au PS, aux classes populaires, non pas pour les mépriser, chose classique au PS, mais pour comprendre leurs préoccupations réelles ou ressenties, y est-elle pour quelque chose. Parce que s’affirmer de gauche ouvre la voie de l’absolution. Au passage ces gens-là sont l’illustration parfaite que les notions qu’on retient encore du clivage gauche/droite n’ont plus aucune pertinence et que les vraies fractures politiques se situent ailleurs. Or ça il semble qu’il n’y a guère que les électeurs des classes populaires qui l’ont compris, votant pour ceux qui évoquent le mieux leur vécu, et dans la classe politique le FN classé à l’extrême-droite pour son patriotisme revendiqué mais dont certains aspects du programme économique et social le rapprochent de l’extrême-gauche, enfin ce qu’on appelle la gauche de la gauche par précaution de langage, même si dans les faits ça revient au même.

Zemmour par ses positions exprime sans doute très bien cette contradiction profonde entre une division politique de plus en plus artificielle et qui n’est que le résidu d’une lutte des classes qui n’existe plus que dans les mots, et ces clivages autour de la nation, de l’identité, de l’Europe, du libéralisme mondial (pour ne citer que ceux qui me paraissent les plus importants) qui sont au cœur des préoccupations d’une majorité de Français qui manifeste donc par des moyens déjà évoqués son rejet du politique parce qu’elle peine de plus en plus à se reconnaitre dans un parti politique ou pour aller plus loin dans cet espèce de bipartisme qui nous condamnerait à voir alterner au pouvoir PS et UMP, deux partis pourtant profondément divisés en leurs seins et que seules leurs trésoreries empêchent d’éclater.  
Et c’est donc cela qui m’intéresse dans le cas Zemmour, au-delà de ses idées dont je partage une bonne part. Le fait qu’il intéresse, que son bouquin soit un vrai succès de librairie me semble bien l’illustration de ce que je viens de décrire. Il intéresse parce qu’il interpelle, je ne parle pas des indignés par réflexe, parce qu’il pose de vraies questions au-delà de la nostalgie qu’il exprime. En montrant aux Français le déclin de leur pays, son effacement dans l’Europe, dans la mondialisation (mais c’est pareil), en leur expliquant qu’un mouvement les a emportés malgré eux vers une situation qu’ils n’ont pas voulu, il remet en cause ceux qui se posent comme nos élites, les Zazas, les BHL et compagnie, et nous fait comprendre que les politiques après avoir accompagné le mouvement se sont condamnés à n’être que de simples figurants, des objets d’un spectacle encore assez mal calibré  et qui donc est souvent ridicule ou répugnant. Beaucoup de Français l’ont compris depuis longtemps, recourant de plus en plus à l’abstention et au vote dit protestataire, mais qui est peut-être aussi l’expression d’une certaine reconnaissance vis-à-vis de ceux qui font au moins l’effort de s’intéresser à eux.
Zemmour par l’intérêt qu’il suscite est en quelque sort un révélateur, le révélateur d’une France qui loin d’être marginale, vit mal son présent et a peur pour son avenir et même de disparaitre. Et ceux qui ne sont pas d’accord avec lui, c’est évidemment leur droit, mais je pense surtout à ses furieux adversaires, aux Vinchinski de pacotille qui ne manquent pas dans leur milieu, ceux qui volontiers se proclament démocrates et progressistes mais sont incapables d’entendre une opinion contraire à la leur sans faire de celui qui l’a émise un dangereux fasciste, ceux qui ne sont pas d’accord avec lui donc auraient avantage à comprendre cela et à tenter d’y répondre autrement que par le mépris pour un peuple dont il ont  depuis longtemps peut-être, sans doute, un peu trop tendance à prétendre savoir ce qui est bon pour lui et bien sûr mieux que lui.

samedi 1 novembre 2014

L'inversion des valeurs


Il y a quelques jours mouraient deux jeunes hommes de façon violente.

La mort du premier a fait beaucoup parler et écrire. Vous pensez bien! Un écolo nécessairement pacifique, pris pour cible par des gendarmes nécessairement responsables de la montée de la violence d'une manifestation qui se voulait évidemment calme. Comme à chaque fois que se déroule une manifestation de ce genre d'ailleurs : c'est la présence policière, à elle-seule une provocation, qui gâche la fête. Ben voyons!

C'est tout juste si la mort de ce pauvre jeune homme n'est pas devenue un crime politique. Certains le pensent sans doute. Enfin l'émotion est assez grande, et c'est sans doute légitime, pour que certains se sentent obligés aujourd'hui de vouloir une confrontation violente avec les forces de l'ordre, et ça ça l'est beaucoup moins. Mais ils seront pardonnés et sans doute les consignes auront été de "calmer le jeu" comme on dit, d'éviter ce qu'on appelle une bavure et qui n'est pourtant qu'un accident.

J'ai lu de bonnes âmes qui s'étonnaient, qui s'indignaient de voir que des grenades offensives entraient dans la panoplie des forces de l'ordre. C'est, ou plutôt c'était car il semble désormais qu'elles soient interdites, mesure réflexe, idiote et inconséquente pour la sécurité des forces de l'ordre et de ceux qu'elles protègent, une réalité que ce genre d'arme entre dans la composition de l'arsenal à la disposition des gendarmes depuis une cinquantaine d'années. Et alors! Il n'est pas ici question de faire un cours sur les grenades, mais il convient de signaler que les grenades offensives, contrairement aux défensives, n'ont pas vocation à tuer. Elles servaient même de grenades d'exercice aux militaires avant que ne soient inventées des grenades prévues à ce seul effet d'entrainement. Parce qu'effectivement l'effet n'est pas neutre même si elles ne sont pas destinées à tuer. Mais bien sûr il existe toujours l'impondérable, le statistiquement minime qui fait que l'arme non létale le devient. Ici c'est la grenade qui se coince entre le sac et le dos qui le porte. Mais c'est le cas pour n'importe quelle arme de ce type, même une matraque et même un poing. Un seul coup de poing peut tuer. Souvenons-nous de ce militant d'extrême-gauche, Méric, qui avait cru malin de s'attaquer à des homologues d'extrême-droite et qu'un seul coup a suffi à tuer. Doit-on pour autant interdire le poing et obliger gendarmes et policiers à garder leurs mains dans les poches lors des opérations de maintien de l'ordre? Evidemment c'est ridicule, comme il l'est d'interdire l'usage des grenades offensives, arme utilisée en dernier ressort et qui permet aux forces de l'ordre de se dégager quand vraiment ça chauffe trop. Mais que voulez-vous? Quand l'émotion dicte les actions de ceux qui nous gouvernent plutôt que la raison, on en arrive à un grand n'importe quoi.

Cette petite mise au point étant faite on constate donc que la mort d'un militant venu affronter les forces de l'ordre ou se trouvant par étourderie peut-être au milieu de ceux qui avaient cet objectif d'en découdre physiquement avec la maréchaussée secoue le pays tout entier. Les politiques, les médias, et tout le reste, enfin tout ce qui compte dans notre beau pays se sont emparés de l'affaire, de cette mort, de cet accident dans des buts par forcément reluisants d'ailleurs.
Pour ma part, et bien que déplorant évidement la mort de ce jeune homme, j'y vois surtout un accident, triste peut-être, mais pourtant juste un accident faisant partie des risques que chacun prend quand il décide de se trouver à certains endroits qu'il pourrait éviter. La mort d'un pauvre gars tué parce qu'il n'avait pas de clopes, parce qu'il n'a pas baissé les yeux, parce qu'il était sur le mauvais trottoir, parce qu'il a croisé un malade, aurait tendance à m'interpeler bien davantage. Et pourtant ça devient désormais tellement banal qu'au mieux on trouve ça dans la rubrique des faits divers. Mais bien souvent on n'en parle même plus sauf peut-être dans la canard local. Ce qui est un vrai drame, et pas seulement individuel, devient juste une donnée statistique qu'on s'enverra au visage lors des prochaines échéances électorales.


Peu de jours après la mort de ce jeune écolo, héros, victime ou ce que vous voudrez, mourrait un autre jeune homme. Loin de sa famille, loin de son pays. Il mourrait les armes à la main, en service commandé, pour la France selon la formule consacrée. Pour une France qui pourtant n'a pas fait grand cas de cette mort, de ce don d'une vie pour elle. Une dizaine de lignes dans les journaux, deux, trois communiqués officiels et c'est tout. Si la dépouille de ce jeune sous-officier est honorée dans la cour d'honneur des Invalides on en reparlera encore un peu. Et puis fini!

Mais sans doute les militaires n'en demandent-ils pas davantage car ils connaissent les risques de leur métier. Mais pourtant! Doit-on se souvenir que nos forces sont engagées hors de France seulement quand certains de leur membres paient de leur vie leur engagement? Qui se souvenait encore, qui pensait, qui savait que 3000 de nos hommes sont engagés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme islamiste en zone subsaharienne dans un si vaste périmètre qu'il faudrait peut-être se poser des questions sur sinon les raisons, la stratégie, l'absence de nos alliés, etc., de cette opération? Qui se soucie de ce qu'endurent ces hommes, de leur quotidien, si loin de chez eux, dans des conditions difficiles, dans un environnement hostile? Qui à part quelques initiés ou quelques personnes encore concernées par notre défense se soucie des moyens mis à disposition de ces hommes pour assurer leur mission dans les meilleurs conditions? Qui relève le paradoxe d'une armée toujours davantage engagée et sans cesse privée de moyens, roulant ou volant parfois sur des engins aussi vieux que les généraux qui la commande?

C'est peut-être cela qu'aurait souhaité le sergent-chef Dupuy. Pas qu'on pleure sur son sort, laissons cela d'abord à sa famille et ensuite à ses frères d'armes. Mais qu'on s'intéresse à ce que font les militaires ou plutôt à ce qu'on leur fait faire. Qu'on réfléchisse sur le sens de nos engagements, sur les moyens alloués, enfin bref sur notre politique de défense. Car sans cette réflexion le lien armée-nation, ce truc qu'on exhibe le 14 juillet, le jour où on déstocke du matériel qui roule, pour l'oublier aussitôt, n'existe pas.
Ben oui! Mais de ça les médias, les politiques et les autres ne semblent guère se soucier. C'est vrai que l'opportunité ou pas de construire un barrage, un petit barrage, et la sécurité de ceux qui veulent se faire du flic à coup de cocktails Molotov, d'acide, de boulons et autres armes très inoffensives, normal pour des écolos pacifistes, ça a quand même plus de gueule que nos interventions en Afrique et la vie et la mort de ceux qui les mènent.

Triste pays!