Il y a quelques jours mouraient deux jeunes hommes de façon violente.
La mort du premier a fait beaucoup parler et écrire. Vous pensez bien! Un écolo nécessairement pacifique, pris pour cible par des gendarmes nécessairement responsables de la montée de la violence d'une manifestation qui se voulait évidemment calme. Comme à chaque fois que se déroule une manifestation de ce genre d'ailleurs : c'est la présence policière, à elle-seule une provocation, qui gâche la fête. Ben voyons!
C'est tout juste si la mort de ce pauvre jeune homme n'est pas devenue un crime politique. Certains le pensent sans doute. Enfin l'émotion est assez grande, et c'est sans doute légitime, pour que certains se sentent obligés aujourd'hui de vouloir une confrontation violente avec les forces de l'ordre, et ça ça l'est beaucoup moins. Mais ils seront pardonnés et sans doute les consignes auront été de "calmer le jeu" comme on dit, d'éviter ce qu'on appelle une bavure et qui n'est pourtant qu'un accident.
J'ai lu de bonnes âmes qui s'étonnaient, qui s'indignaient de voir que des grenades offensives entraient dans la panoplie des forces de l'ordre. C'est, ou plutôt c'était car il semble désormais qu'elles soient interdites, mesure réflexe, idiote et inconséquente pour la sécurité des forces de l'ordre et de ceux qu'elles protègent, une réalité que ce genre d'arme entre dans la composition de l'arsenal à la disposition des gendarmes depuis une cinquantaine d'années. Et alors! Il n'est pas ici question de faire un cours sur les grenades, mais il convient de signaler que les grenades offensives, contrairement aux défensives, n'ont pas vocation à tuer. Elles servaient même de grenades d'exercice aux militaires avant que ne soient inventées des grenades prévues à ce seul effet d'entrainement. Parce qu'effectivement l'effet n'est pas neutre même si elles ne sont pas destinées à tuer. Mais bien sûr il existe toujours l'impondérable, le statistiquement minime qui fait que l'arme non létale le devient. Ici c'est la grenade qui se coince entre le sac et le dos qui le porte. Mais c'est le cas pour n'importe quelle arme de ce type, même une matraque et même un poing. Un seul coup de poing peut tuer. Souvenons-nous de ce militant d'extrême-gauche, Méric, qui avait cru malin de s'attaquer à des homologues d'extrême-droite et qu'un seul coup a suffi à tuer. Doit-on pour autant interdire le poing et obliger gendarmes et policiers à garder leurs mains dans les poches lors des opérations de maintien de l'ordre? Evidemment c'est ridicule, comme il l'est d'interdire l'usage des grenades offensives, arme utilisée en dernier ressort et qui permet aux forces de l'ordre de se dégager quand vraiment ça chauffe trop. Mais que voulez-vous? Quand l'émotion dicte les actions de ceux qui nous gouvernent plutôt que la raison, on en arrive à un grand n'importe quoi.
Cette petite mise au point étant faite on constate donc que la mort d'un militant venu affronter les forces de l'ordre ou se trouvant par étourderie peut-être au milieu de ceux qui avaient cet objectif d'en découdre physiquement avec la maréchaussée secoue le pays tout entier. Les politiques, les médias, et tout le reste, enfin tout ce qui compte dans notre beau pays se sont emparés de l'affaire, de cette mort, de cet accident dans des buts par forcément reluisants d'ailleurs.
Pour ma part, et bien que déplorant évidement la mort de ce jeune homme, j'y vois surtout un accident, triste peut-être, mais pourtant juste un accident faisant partie des risques que chacun prend quand il décide de se trouver à certains endroits qu'il pourrait éviter. La mort d'un pauvre gars tué parce qu'il n'avait pas de clopes, parce qu'il n'a pas baissé les yeux, parce qu'il était sur le mauvais trottoir, parce qu'il a croisé un malade, aurait tendance à m'interpeler bien davantage. Et pourtant ça devient désormais tellement banal qu'au mieux on trouve ça dans la rubrique des faits divers. Mais bien souvent on n'en parle même plus sauf peut-être dans la canard local. Ce qui est un vrai drame, et pas seulement individuel, devient juste une donnée statistique qu'on s'enverra au visage lors des prochaines échéances électorales.
Peu de jours après la mort de ce jeune écolo, héros, victime ou ce que vous voudrez, mourrait un autre jeune homme. Loin de sa famille, loin de son pays. Il mourrait les armes à la main, en service commandé, pour la France selon la formule consacrée. Pour une France qui pourtant n'a pas fait grand cas de cette mort, de ce don d'une vie pour elle. Une dizaine de lignes dans les journaux, deux, trois communiqués officiels et c'est tout. Si la dépouille de ce jeune sous-officier est honorée dans la cour d'honneur des Invalides on en reparlera encore un peu. Et puis fini!
Mais sans doute les militaires n'en demandent-ils pas davantage car ils connaissent les risques de leur métier. Mais pourtant! Doit-on se souvenir que nos forces sont engagées hors de France seulement quand certains de leur membres paient de leur vie leur engagement? Qui se souvenait encore, qui pensait, qui savait que 3000 de nos hommes sont engagés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme islamiste en zone subsaharienne dans un si vaste périmètre qu'il faudrait peut-être se poser des questions sur sinon les raisons, la stratégie, l'absence de nos alliés, etc., de cette opération? Qui se soucie de ce qu'endurent ces hommes, de leur quotidien, si loin de chez eux, dans des conditions difficiles, dans un environnement hostile? Qui à part quelques initiés ou quelques personnes encore concernées par notre défense se soucie des moyens mis à disposition de ces hommes pour assurer leur mission dans les meilleurs conditions? Qui relève le paradoxe d'une armée toujours davantage engagée et sans cesse privée de moyens, roulant ou volant parfois sur des engins aussi vieux que les généraux qui la commande?
C'est peut-être cela qu'aurait souhaité le sergent-chef Dupuy. Pas qu'on pleure sur son sort, laissons cela d'abord à sa famille et ensuite à ses frères d'armes. Mais qu'on s'intéresse à ce que font les militaires ou plutôt à ce qu'on leur fait faire. Qu'on réfléchisse sur le sens de nos engagements, sur les moyens alloués, enfin bref sur notre politique de défense. Car sans cette réflexion le lien armée-nation, ce truc qu'on exhibe le 14 juillet, le jour où on déstocke du matériel qui roule, pour l'oublier aussitôt, n'existe pas.
Ben oui! Mais de ça les médias, les politiques et les autres ne semblent guère se soucier. C'est vrai que l'opportunité ou pas de construire un barrage, un petit barrage, et la sécurité de ceux qui veulent se faire du flic à coup de cocktails Molotov, d'acide, de boulons et autres armes très inoffensives, normal pour des écolos pacifistes, ça a quand même plus de gueule que nos interventions en Afrique et la vie et la mort de ceux qui les mènent.
Triste pays!
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