"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mardi 25 février 2014

La crise en Ukraine





Si on se réfère aux propos de notre président et de son ministre des affaires étrangères, la crise que connait l'Ukraine, mais eux seraient déjà tentés de dire qu'a connu alors que ça ne fait que commencer, a une explication très simple. Un peu comme en Syrie. D'un côté, les gentils et de l'autre les méchants. Dimanche notre président saluait "la transition démocratique qui s'engage" ignorant sans doute que le pouvoir qui était en place jusqu'à la fin de la semaine dernière était issu des urnes.
Notre diplomatie serait donc fondée évidemment à soutenir les gentils. Vision évidemment simpliste dont on ne peut qu'espérer qu'elle constitue uniquement des éléments de langage destiné à  peuple ignorant et qui a besoin de le rester. On espère en effet que la vision française dépasse ces clichés. Mais finalement je n'en suis guère sûr à l'aune des prestations de la France dans le domaine de l'international depuis ces deux dernières années.
L'Ukraine c'est effectivement plus compliqué que cela, bien plus compliqué même.

Quelques uns de ceux qui s'intéressent à la littérature russe auront peut-être lu "La garde blanche" de  Mikhaïl Boulgakov, roman dont l'action se situe à Kiev en 1918 pendant la courte période d'indépendance de l'Ukraine (1917-1920). Au passage Boulgakov, au même titre que Gogol par exemple, est considéré comme un auteur majeur de la littérature russe, bien qu'étant né en Ukraine – ce qui constitue un indice quand à la problématique de ce pays. Dans ce livre on trouve déjà un pays soumis aux convoitises d'Etats voisins, aux tiraillements politiques internes qui conduisent à une guerre civile. Dans les faits pendant cette courte période d'indépendance Kiev a changé 9 fois de mains.
En fait si on observe l'histoire de l'Ukraine, ce court épisode tragique de l'indépendance constitue le reflet du destin d'un pays à travers les siècles, soumis à des influences diverses (russes, autrichiennes, lithuaniennes, polonaises, mongoles, turques) tandis qu'en son sein existaient de vraies luttes fratricides de pouvoir liées souvent il est vrai à des alliances de circonstances avec ses puissants voisins. Ses frontières actuelles sont à peu près, un morceau ayant été pris à la Hongrie à l'issue de la seconde guerre mondiale, celles établies par Staline en 1940 après le dépeçage de la Pologne avec son allié du moment, Adolf Hitler. Néanmoins la partie orientale, à l'est du Dniepr est restée invariablement sous influence russe, faisant partie intégrante de l'empire depuis le milieu du 17ème siècle. La partie occidentale, à l'exception de la Galicie (région de Lviv ou Lvov selon qu'on soit Ukrainien ou Polonais – ceci pour aider à comprendre l'implication polonaise dans la crise actuelle pas forcément désintéressée) est passée sous influence russe un siècle plus tard sous le règne de la Grande Catherine.
La période stalinienne a constitué un drame pour cette République devenue soviétique, ce qui sans doute aide à comprendre certains ressentiments vis-à-vis du voisin russe, même si Staline était géorgien, mais explique sans aucun doute le fait que c'est parmi les Ukrainiens que les nazis recrutèrent le plus de collaborateurs actifs, c'est un euphémisme. On a vu leurs héritiers parmi les manifestants de la place de l'Indépendance ces dernières semaines, certains prétendant que ce sont eux et leurs agissements qui ont fait basculer le rapport de force. Mais chut! Ça ne cadre pas avec le discours de notre président.
Il faut aussi pour comprendre les enjeux actuels évoquer le cas de la Crimée. Cette région fut conquise sous Catherine II par Potemkine et russifiée, devenant un point stratégique militaire avec le port de Sébastopol permettant l'accès aux mers chaudes et accessoirement un lieu de villégiature d'abord pour les aristocrates russes ensuite pour la nomenklatura soviétique. La Crimée, peuplée très majoritairement de Russes fut offerte à l'Ukraine par Khroutchev en 1954 à l'occasion du 300ème anniversaire de l'unité retrouvée entre la Russie et l'Ukraine, ce qui était sans grande conséquence tant que l'URSS existait. Depuis l'indépendance, ce territoire peuplé majoritairement de Russes constitue un enjeu majeur pour les mêmes raisons stratégiques qu'au 18ème siècle. La flotte russe est toujours présente et compte bien y rester, tandis qu'une bonne partie de la population ne se sentant pas ukrainienne a des velléités d'indépendance réaffirmées ces derniers jours. C'est une des clés de la résolution de la crise actuelle.
Ce tableau ne serait pas complet si on ne parlait pas aussi de religion. A la charnière des 16ème et 17ème siècles, l'église orthodoxe s'est divisée en deux, une partie (les uniates) se plaçant sous l'autorité du pape, tandis que l'autre reconnait l'autorité du patriarche de Moscou.

Ce bref tableau est susceptible d'éclairer les divisions actuelles, avec notamment un tiraillement du pays entre l'Est russophile et souvent russophone  et l'Ouest ukraïnophone  qui se traduit par une attirance respective des populations concernées vers la Russie ou vers l'Europe. Néanmoins nous pouvons noter, et c'est ce qui empêchera peut-être la partition du pays qu'un sentiment national ukrainien existe qui s'est manifesté lors du referendum sur l'indépendance de 1991 par un oui massif dépassant les 90%.
En tout cas ce tableau explique très bien le comportement électoral des Ukrainiens qui ressemblent comme deux gouttes d'eau à ceux de beaucoup de pays africains où le vote revient à une comptage ethnique.
Les deux cartes qui suivent, la première correspondant à une description ethno-linguistique du pays et la seconde au vote lors de la dernière présidentielle de 2010 opposant Ianoukovitch et Timochenko l'expliquent très bien.


Ianoukovitch en bleu, Timochenko en jaune


Les tiraillements entre la tentation de l'Ouest et le maintien dans l'orbite de Moscou se manifestent une première fois en 2004 lors de ce qu'on a appelé la Révolution Orange qui fut au passage une opération de manipulation du même type que celles qui ont conduit aux révolutions arabes. Cette tentative de rapprochement vers l'ouest s'est heurtée à un échec complet de celui qui incarnait ce mouvement, le président Iouchtchenko dont les piètres résultats le conduisirent à être rejeté dès le premier tour de l'élection présidentielle de 2010, avec un résultat dépassant à peine les 5%. A sa décharge il ne fut guère aidé, c'est le moins qu'on puisse dire par ses premiers ministres successifs qui furent Timochenko et Ianoukovitch. A ce propos on pourra rappeler à notre président que son analyse sur la démocratie devrait prendre en compte cette période où l'expression démocratique (élections, alliances de circonstances au Parlement) a paralysé l'action de Iouchtchenko. C'était un peu la IVème République. Tout ça pour dire que les institutions existent et que c'est peut-être les personnels et leurs vices profonds, notamment la corruption, qui empêchent un bon fonctionnement de ces dernières. Iakounovitch a été élu  d'ailleurs en 2010 au terme d'un scrutin jugé comme transparent et honnête par l'OSCE. Et il aurait suffit à l'opposition (mais laquelle?) de patienter une seule année pour soumettre son candidat au suffrage du peuple. Nous verrons que cette option eût été très préférable dans l'intérêt de l'Ukraine. Car le choix fait d'une révolution, ou d'un coup d'Etat car il serait difficile de nommer cela autrement eu égard justement aux institutions, aura des conséquences sans doutes graves, voire dramatique pour l'Ukraine sur le plan économique et financier. J'y reviendrai.

Parlons donc de la crise actuelle. Elle est la conséquence d'une volonté de l'UE (au profit de qui?) de réduire l'influence de la Russie sur ce pays. Le traité d'association rejeté par Ianoukovitch après intervention de Moscou, qui avait au moins cet atout majeur de ne pas arriver les mains vides, est en effet contraire aux intérêts affichés par la Russie de créer une union douanière avec les pays de la CEI. De fait c'est une concrétisation du principe sous-jacent à la CEI, cette communauté des Etats indépendants crée lors de la chute de l'URSS. Et dans les faits cet objectif n'a rien de saugrenu si on considère que ces pays sont des partenaires privilégiés de la Russie en termes économiques. L'essentiel des échanges de l'Ukraine se font effectivement avec la Russie. Notons également que cette situation présente des avantages certains pour l'Ukraine qui, comme la Biélorussie par exemple, bénéficie de tarifs très préférentiels sur le gaz. Les velléités de s'échapper de l'orbite russe se sont d'ailleurs déjà traduites par des conflits gaziers, la Russie fort logiquement menaçant d'aligner son partenaire sur les cours mondiaux dès lors qu'il voudrait voir ailleurs si l'herbe est plus verte. Peut-on lui reprocher?
C'est donc finalement l'Europe qui allume, indirectement peut-être, le brasier. D'autant plus qu'elle est bien incapable d'offrir à l'Ukraine ce que les Russes proposent, passant d'ailleurs très vite aux actes par le versement d'un acompte de 3 milliards sur les 15 promis afin d'aider l'Ukraine à se relever de sa situation financière désastreuse. L'Europe est évidemment incapable d'une telle offre et surtout de la concrétiser. En ce sens on peut comprendre le revirement de Iakounovitch, nonobstant d'autres possibles motifs.
Mais le conflit diplomatique se transpose dans la rue. Comme en 2004. Là encore il faudra comprendre comment ce mouvement de protestation s'organise, commet il fonctionne, comment il est financé, quelles en sont les composantes. Il faudra comprendre comment et pourquoi les armes sont entrées dans le jeu, des deux côtés, car n'oublions pas que des policiers, en nombre, ont été tués par balle, n'oublions pas non plus que certains groupes de manifestants étaient assez organisés (formés? Parce n'est tout de même pas une chose si évidente) pour faire prisonniers des membres entrainés des forces de l'ordre. La violence était des deux côtés et c'est bien la violence des uns qui l'a emporté sur celle des autres et non pas une intervention diplomatique de l'UE qui s'est révélée in fine être un fiasco. Car quand nos trois ministres des affaires étrangères débarquent à Kiev, quand deux d'entre eux (notre ministre à nous, pris par d'autres obligations, ayant dû s'éclipser – on appréciera!) parviennent à arracher un accord entre le pouvoir en place et l'opposition, on peut parler de succès. Mais dès lors que cet accord n'est pas respecté par une des parties qui rejette le processus de transition élaboré et s'empare du pouvoir, on ne peut parler que d'échec. Et quand les membres de l'UE et d'autres pays reconnaissent de facto un pouvoir auto-proclamé et issu de la rue, on ne peut guère parler que d'inconséquence. Une inconséquence avec laquelle il faut maintenant faire. Puisque ce nouveau pouvoir, pas fou finalement, n'a pas tardé à présenter l'addition: 35 milliards de dollars! Pour commencer sans doute! Evidemment plus question de compter sur la Russie pour les 12 milliards qui auraient pu être versés dès cette année. De même que le prix du gaz, en fonction de la tournure que va prendre la suite des événements, va peut-être se rapprocher et même atteindre les  cours mondiaux, achevant d'asphyxier le pays.
Il suffisait d'attendre un an ou même quelques mois dans le cadre de l'accord initié par l'UE pour ne pas se retrouver dans une situation aussi difficile, pour l'Ukraine… et pour les Européens qui devront bien faire quelque chose pour "leur nouveau bébé".
Alors maintenant on tergiverse. Il faudra attendre les élections qui permettront enfin de voir ce que veulent les Ukrainiens et pas seulement ceux qui étaient sur la place de l'Indépendance. Ça fait gagner un peu de temps. Mais sans doute pas assez pour faire comprendre aux Européens qu'après avoir casqué pour la Grèce il va falloir qu'ils mettent la main dans leurs poches déjà vides pour aider un pays qui n'est pas près d'entrer dans l'UE. Il va falloir aussi se résoudre à parler avec la Russie et prendre en compte ses intérêts. L'Allemagne l'a déjà fait, comprenant ses intérêts. Pas sûr que la France ait compris les siens. Elle préfère voir le monde selon le prisme des gentils et des méchants. On veut en même temps éviter la partition du pays entre un Est riche et un Ouest qui ne peut guère s'en sortir seul. Mais au nom de quel principe? Surtout depuis qu'on a accepté la sécession du Kosovo au nom sans doute du droit des peuples à décider d'eux-mêmes. La situation a pris une tournure pour le moins compliquée et cette situation qu'ont initiée les Européens en allant chasser sur des terres relevant de la zone d'influence russe risque fort de se retourner contre eux. L'Ukraine est structurellement trop dépendante de la Russie pour que l'UE puisse prendre le relais sans une longue transition. Une lourde augmentation du prix du gaz, des tarifs douaniers pour les produits venant d'Ukraine, l'arrêt des subventions, mettraient ce pays rapidement à genoux. L'UE ne peut donc agir sans la Russie et lui apporter à minima quelques garanties, comme la sécurité ressortissants Russes vivant en Ukraine (17% de la population) ou le maintien de la flotte à Sébastopol. Mais même ça ne sera sans doute pas suffisant.

Voilà donc la situation. Même si on n'échange plus de coups de feu sur a place de l'Indépendance, la crise est loin d'être réglée. Elle ne fait même que commencer.



vendredi 21 février 2014

Le pouvoir : chasse gardée des plus nuls?





On trouvera dans le Point un excellent article, comme souvent, de François Kersaudy intitulé "L'impuissance sous l'omnipotence" qui décrit de façon magistrale comment après avoir été pervertie la Constitution de la Vème République, léguée parle Général de Gaulle, permet actuellement aux plus nuls, mais peut-être le singulier suffirait-il si on s'attache à ce qui se passe au présent, de ne pas exercer le pouvoir tout en en ayant les attributs.
L'article étant assez long, j'en résumerai les points essentiels, avant de tenter de le compléter par une réflexion déprimante pour l'avenir.


Donc de Gaulle, ayant foi dans la grandeur de la France, mais se méfiant de l'inconsistance des Français, a doté notre pays d'outils constitutionnels permettant un exercice du pouvoir faisant abstraction de cet inconvénient. Mais les modifications apportées à la Constitution par ses successeurs, et notamment la quinquennat suivi des législatives, associées à une frénésie électorale, ont permis aux corporatismes de reprendre le dessus, obligeant les plus faibles, les plus mauvais en définitive eu égard à ce qu'on attend d'un président, plus soucieux de leur réélection que du destin de leur pays, à se transformer en suivistes - "je suis leur chef, il faut bien que je les suive" selon l'expression employée par Kersaudy-  les forçant à un exercice de contorsionnistes dès lors que ses influences contradictoires et importantes s'opposent. Là encore je ne vois pas pourquoi j'emploie le pluriel tandis que ces caractéristiques concernent principalement celui qui occupe actuellement l'Elysée quand il ne joue pas les ados enamourés sur son scooter italien.

Il faut dire aussi que nos présidents, depuis une trentaine d'année, se sont dessaisis allégrement de leurs prérogatives, en fait d'une partie notable de leur pouvoir au profit d'une Europe omnipotente dans les questions économiques mais pas seulement. On citera simplement la renonciation initiée par Maastricht à la politique monétaire, un des leviers essentiels pour mener une politique économique. Mais dans un autre domaine, touchant à la sécurité et l'immigration, on pourra aussi citer l'abandon du contrôle des frontières à cette même Europe.

Comme évoqué plus haut ces abandons de pouvoir qui ont singulièrement réduit les pouvoirs réels de nos présidents peuvent être amplifiés par, selon les individus en charge et là on a un exemple assez extraordinaire, un idéal-type, un prototype, par la lâcheté. Une lâcheté qui ne permet plus d'avoir une politique énergétique cohérente à cause de quelques Verts excités. Une lâcheté qui parce que celui qui détient le pouvoir ne peut arbitrer entre une politique (affichage peut-être) volontariste de lutte contre la délinquance et une politique judiciaire compassionnelle envers les truands que certains juges politisés amplifient à souhait, ne permet pas d'avoir une politique de sécurité digne de ce nom. Une lâcheté qui parce ce que certains lobbies défenseurs des pratiques sexuelles marginales ont noyauté les ministères qui leurs convenaient pour mener leur lutte militante, ne permet plus de savoir quelle est la vocation de l'école : instruire les enfants ou sous prétexte d'éducation, modifier les fondements de la société. Une lâcheté qui face à la juste colère des Français attachés à leur pays, à son passé, sa culture, son mode de vie tandis qu'on leur dévoile des rapports honteux sur l'intégration, fait accoucher d'une souris quelques semaines plus tard quand il s'agit de définir la politique d'intégration de la France. On pourrait parler de l'abandon de la loi sur la famille mais qu'on va néanmoins tenter de faire passer par petits bouts, de l'affaire Léonarda où un président tiraillé entre un ministre de l'intérieur intransigeant et les collégiens en colère et sa compagne de l'époque, s'invite à la table des Français par le biais de la télévision pour jouer les Salomon, accepter la fille mais pas la famille.

Bon, on se rend bien compte qu'on n'est pas gouverné, que le pouvoir est vacant même si, hélas, quelqu'un est assis dans le fauteuil et compte bien se servir de sa lâcheté, de son art de la contorsion pour ne pas fâcher trop d'électeurs afin d'avoir une petite chance de faire 5 ans de rab.  
Et c'est là qu'on peut voir le gouffre qui s'est creusé entre deux formes de présidence, entre deux types de président. Quel rapport entre un de Gaulle qui par deux fois démissionna alors qu'il sentait qu'il ne pouvait pas œuvrer pour le bien de la France et un Hollande qui ne peut guère et ne veut surtout pas gouverner mais veut par contre s'accrocher tel le mollusque à son rocher à son fauteuil présidentiel?


Voilà donc résumés les propos de Kersaudy auxquels j'adhère complètement. Mais hélas ces propos n'augurent rien de bon pour notre pays, car si évidemment la personnalité de notre président n'est guère adaptée, enfin pas du tout, à l'exercice du pouvoir suprême en France, il est à craindre, parce que les institutions sont ce qu'elles sont devenues, parce qu'il est fort improbable que soient contestées avec succès (quoique!) les prérogatives abandonnées à l'Europe, parce que les lobbies continuent à prospérer grassement grâce à nos impôts et à contaminer les lieux de pouvoir , il est donc à craindre que d'autres nullités prendront la suite. Je vais tenter d'expliquer pourquoi.

Tout d'abord, je pense que le personnel politique devient de plus en plus médiocre. Ceci est sans doute la conséquence de la perte de consistance du pouvoir qui incite les meilleurs à se détourner de ce qui est devenu un métier sans grande consistance davantage qu'une vocation pour changer les choses, ceci quelle que soit la perspective dans laquelle on s'inscrit. Gauche ou droite n'a aucune pertinence dans cette analyse. D'autant plus d'ailleurs qu'on a de plus en plus de mal, et c'est un signe, à distinguer ce qui les sépare fondamentalement tant leurs politiques effectives ont de points communs. La soumission à Bruxelles en est sans doute l'explication ainsi que cette attention à se conformer aux sondages exprimant l'état de l'opinion publique sur certains sujets (réélection oblige).
Les conséquences de cette médiocratisation de la classe politique qui devient de plus en plus visible sont le rejet exprimé de la classe politique, les forts taux d'abstention aux élections, et des choix électoraux qui se font davantage par rejet que par adhésion.

Je pense ensuite que dans leur fonctionnement les partis encouragent l'émergence des plus médiocres, des plus nuls, pour occuper le poste de président avec l'usage qui semble devenir la norme des primaires élargies aux sympathisants (supposés). Les socialistes nous l'ont montré avec le choix de Hollande pour les représenter. Ce choix-là aura une conséquence terrible : celle de laisser croire à n'importe qui qu'il peut y arriver. Pourquoi pas Désir en 2022? Après tout il est le premier secrétaire du PS. Et peut-être pas plus mauvais que Hollande. Ça sera notre Obama. Chouette!
Les primaires induisent immanquablement une lutte au sein des partis politiques qui pendant ce temps-là ne font pas leur travail qui est de dégager un programme cohérent, de producteurs d'idées, laissant la place à la mise en exergue des différences d'idées, à des luttes intestines, à des luttes de clans, à des calculs d'intérêts particuliers pour occuper ensuite les meilleurs postes. Bref de la magouille politicienne de bas-étage, sans intérêt pour la marche du pays. Le meilleur n'est plus celui qui a les idées les plus tranchées, un vrai programme, une vision pour la France, mais le plus consensuel, celui chez lequel tout le monde pourra trouver son compte, et peut-être aussi celui qu'on aura le moins de mal à influencer. Ce n'est donc plus celui qui s'imposait par sa personnalité, son audace, parfois son esprit retors, mais l'opposé. C'est pour cela qu'au PS on est passé d'un Mitterrand qui même si on ne l'aimait pas en imposait par sa personnalité, au falot qui nous gouverne aujourd'hui. Et puis, et ce n'est pas le moindre des inconvénients, nous en sommes témoins aujourd'hui, les primaires avec un second tour, donc des ralliements pas exempts de calculs obligent d'une part le vainqueur, d'où ce gouvernement pléthorique, et laissent entrer d'autre part dans le sein du pouvoir tous les courants d'idées même inconciliables. D'où cette cacophonie permanente au sein du gouvernement, d'où cette contorsion permanente d'un chef de l'Etat tiraillé entre toutes ces contradictions. Voilà où mène ce genre de pratique démocratique et citoyenne (comme on dit) des primaires alors que les partis n'ont pas à fonctionner selon un mode démocratique, au moins si on veut voir émerger un vrai leader en leur sein, c'est-à-dire ce lui qui s'impose et qui impose.

La dégradation des institutions, les abandons successifs de souveraineté à l'Europe ont donc très largement vidé de sa substance le pouvoir présidentiel. L'affaiblissement du niveau de la classe politique qui leur est corrélée, des pratiques politiciennes qui auraient tendance à exclure les meilleurs au profit des plus consensuels, donc  des plus mous, des plus influençables permettant ainsi à toutes les influences de s'exercer au sein d'un pouvoir pusillanime, nous ont conduits à une situation lamentable. Certes la personnalité de notre président est un paramètre majeur dans ce constat, mais les conditions seront exactement les mêmes à l'avenir sauf à changer radicalement de pratiques, pour que les mêmes causes aient les mêmes effets.


jeudi 13 février 2014

Comment Hollande défend les entreprises françaises






A l'occasion de la visite d'Etat de notre président aux Etats-Unis, les médias ont préféré s'attarder sur le plan de table du dîner de gala, sur les "bons" mots de notre comique national, sur l'excellent accueil et pourquoi pas sur un renouveau flamboyant de l'amitié franco-américaine qui serait portée par les deux losers du moment.
Tout cela est trop beau, et même si Fabius, notre excellent ministre des affaires étrangères, on se souvient de la Syrie, parle de sans faute, on est en droit de se poser quelques questions et se demander si la qualité de l'accueil n'est pas inversement proportionnelle à l'estime, la considération réelle portée à notre président. En tout cas nous allons voir que si Hollande est le meilleur ami d'Obama, Obama n'est pas le meilleur ami de la France.

Nous sommes donc mardi, quelques heures avant le fameux diner de gala qui nous a permis de voir un François Hollande souriant, semblant dégagé de tous les soucis qui accablent la France et accessoirement les siens (accessoirement parce qu'on s'en fout). Ceci dit j'aurais pu présenter une autre version : … le fameux diner de gala qui nous a permis de voir un François Hollande souriant, semblant dégagé de tous les soucis qui l'accablent et accessoirement de ceux qui accablent la France (accessoirement parce qu'il s'en fout). Fort diplomatiquement et afin de ne pas froisser quelque socialiste, social-démocrate pardon, égaré sur ce blog, je m'en tiendrai à la première version.
Tout se passe pour le mieux, Barack et François sont devenus des amis pour la vie, le dévers de la cravate est astucieusement camouflé sous un manteau de saison, le menu du dîner semble appétissant, on s'est à peine aperçu que la veille Huchon discutait sur son portable, sans doute pour annoncer à Bobonne qu'il était bien arrivé, alors que retentissaient les hymnes français et américains (socialisme oblige) et que le jour même, suite sans doute à une erreur de programmation de l'alarme du même portable il était arrivé en retard à la cérémonie d'accueil . Enfin bref, tout va pour le mieux ou presque. Car une menace surgit.

En effet, en ce même jour idyllique Obama se met à fustiger les entreprises françaises qui, s'imaginant peut-être qu'elles pouvaient suite à l'accord sur le nucléaire avec l'Iran tenter de reprendre les affaires avec ce pays, avaient pris des contacts sur place. En fait ce n'est pas fustiger qu'il faut dire, mais menacer. Que dit en effet Obama? Eh bien il dit ceci : "Des entreprises peuvent toujours prospecter sur les chances à plus ou moins long terme de s'installer en Iran et sur l'échéance d'un accord international sur le nucléaire iranien. Mais je peux vous dire qu'elles le font, pour l'heure, à leurs risques et périls. Parce que nous allons leur tomber dessus". Ça c'est envoyé! Non? Des esprits chagrins auraient pu voir dans cette annonce un risque d'incident diplomatique, auraient pu penser que notre président qui aime tant les entreprises françaises allait se mettre en colère et renvoyer son nouvel ami dans ses buts. Eh bien non! Il n'était pas utile de gâcher une si belle journée avec de telles futilités. Du coup Obama pouvait affirmer que son homologue français, on ne rit pas au terme homologue, était d'accord avec lui. L'homologue d'ailleurs pris bien soin de se démarquer de l'initiative des entreprises en question en déclarant : " le président de la République n'est pas le président de l'organisation patronale française."  Une déclaration bien courageuse qui a permis de démontrer au monde entier que notre président était capable de  remettre à sa place le patron du MEDEF. Non mais! Et dire que certains pensent qu'il manque de courage! On peut penser aussi que la menace faite hors micros et caméras d'être privé de dessert, un dessert qu'on annonçait succulent, joua un rôle essentiel dans la prise de position courageuse de notre gros président.

Mais revenons sur les motifs de l'annonce d'Obama. Dans un sens, et même dans l'absolu, on peut comprendre une telle déclaration alors que l'accord avec l'Iran n'est qu'un accord intérimaire n levant pas les sanctions mais les allégeant. Et que donc il est prudent et peut-être même nécessaire de maintenir la pression sur ce pays. Soit!
Mais le fond de l'affaire n'est pas vraiment là. Allons voir plutôt du côté de Peugeot et accessoirement Renault pour mieux comprendre. Ces deux constructeurs fournissaient jusqu'en 2011 40% du marché automobile iranien. S'agissant de Peugeot c'était dans ce pays, après la France où le constructeur réalisait son meilleur chiffre d'affaires. Mais quand en 2012, alors que la boite va très mal, elle est obligé de conclure un accord avec General Motors qui en échange d'une entrée dans son capital exige son retrait d'Iran. Le couteau sous la gorge Peugeot doit accepter et perd un marché de 500000 véhicules par an. De fait c'est General Motors qui compte sous couverture de Peugeot reprendre un marché qui fut très fructueux à l'époque du Shah et que le groupe français avait repris lors de l'éviction des firmes américaines du pays. Mais l'idylle entre Peugeot et General Motors sera finalement de courte durée (un avertissement pour François!) s'achevant curieusement au moment de la signature de l'accord sur le nucléaire avec l'Iran permettant à General Motors finalement d'avancer désormais à visage découvert. Et  ce, avec  d'autant plus de facilité que sous couvert de Peugeot il a pu déjà nouer des contacts avec la firme Iran Khodro qui assemblait les voitures avec les pièces fournies par le constructeur français. Renault de son côté a été menacé de sanctions aux Etats-Unis sur Nissan, la filiale japonaise du groupe qui dispose d'un marché important là-bas.
Et pour corser le tout il semble que l'attitude intransigeante de Fabius, notre avisé ministre des affaires étrangères, lors de la négociation des accords avec l'Iran lui ait été dictée par Kerry, le résultat escompté étant une défiance accrue de la part d l'Iran vis-à-vis de la France avec les conséquences économiques qu'on subodore en termes de marchés. N'oublions pas que dans le même temps Obama engageait un processus (dont une partie en sous-main) pour que le nouveau président Iranien Rohani devienne aussi à terme son nouvel ami pour la vie.
On aura donc compris que la tentative de pénétration du marché iranien par les entreprises françaises énerve Obama, non pas à cause d'un processus de diminution du risque nucléaire iranien, mais parce qu'il nuit à l'entrisme désormais envisageable et en cours des entreprises américaines sur ce marché.
Et que fait notre si avisé président? Il approuve! On comprend pourquoi on lui a déroulé le tapis rouge avec autant d'obséquiosité.


mardi 11 février 2014

La démocratie suisse énerve les grands démocrates occidentaux





Il parait que nous vivons en démocratie.  Vous savez ce truc qui signifie "gouvernement du peuple par lui-même", chose évidemment à peu près impossible à réaliser, tant ce serait un brouhaha, une cacophonie d'où rien ne sortirait sinon des coups échangés, et là la force ne manquerait pas de supplanter la raison, donc chose impossible à réaliser mais qu'on tente d'approcher parfois au mieux, parfois en laissant autant que possible à l'écart des décisions le concernant au premier chef un peuple jugé peu éclairé (restons poli) et dont il convient de faire le bien malgré lui. Nous reviendrons évidemment sur ces deux aspects avec quelques exemples actuels.

Les démocraties, du moins les régimes politiques reconnus unanimement comme tels, malgré leurs imperfections, car méfions nous de ceux qui utilisent de façon frauduleuse ce label, ont généralement opté pour des systèmes représentatifs, permettant aux citoyens de désigner quelques-uns parmi eux, en fait beaucoup, mais là aussi c'est variable selon les pays, pour porter leurs voix et en leurs nom gérer le quotidien et préparer l'avenir. En fait même si cela peut paraitre beau sur le papier, ça l'est parfois (souvent?) moins dans la réalité dans la mesure où le mandat impératif, le seul qui pourrait éventuellement permettre à chaque élu de faire valoir la volonté de ceux qu'il représente est généralement interdit.
Et du coup il peut se produire que les citoyens aient cette impression, mais en est-ce une?, que leurs représentants se sont transformés avec le temps en godillots, c'est-à-dire en petits toutous de leur parti politique faisant parfois preuve d'un zèle redoutable dans la servilité qu'ils déploient pour plaire mais bien davantage aux dirigeants de leur parti qu'à leurs électeurs, ce qui, reconnaissons-le, ne peut pas être nuisible dans une carrière. Ainsi parfois, dans certains pays, on assiste à un rejet non pas de la politique mais du personnel politique surtout quand il s'est professionnalisé. On pardonne moins facilement à un professionnel qu'à un amateur ou un bénévole, n'est-ce pas?
De fait on assiste quelquefois à certains phénomènes que certains analyseront come un rejet de la démocratie tandis que d'autres, et j'en suis, verront comme l'expression du constat de l'absence de démocratie ou tout du moins d'imperfections allant en s'amplifiant et laissant à penser aux citoyens qu'ils ne sont plus représentés loyalement. Vous voyez tout de suite le gouffre entre ces deux interprétations d'un même phénomène, la première version se situant essentiellement dans le camp de ceux qui nous dirigent ainsi que leurs sympathisants qui voient la démocratie menacée tandis qu'ils ne feignent même pas de s'attacher aux désirs du peuple quand ils ne s'assoient pas carrément dessus. Mais avec les meilleures intentions évidemment, car ce pauvre peuple ne sait pas ce qui est bon pour lui.

Dans certains pays se réclamant de la démocratie, parfois par tradition multiséculaire d'ailleurs, on s'attache à pallier les défauts d'une démocratie représentative et à anticiper des dérives connues sous d'autres cieux, en permettant au peuple de s'exprimer. Parfois on l'y invite quand il s'agit de sujets sensibles et ayant des conséquences sur son avenir en tant que peuple, sur sa vision de la société, parfois on lui permet de prendre l'initiative d'imposer ses vues aux politiques alors même que la majorité de ceux-ci est opposée à ce qu'on leur propose. Mais en démocratie le peuple doit toujours avoir le dernier mot. Devrait. On peut même constater que des pays, je pense à un en particulier, où le referendum est inscrit dans la Constitution et fut utilisé par le passé pour des questions essentielles, ont pratiquement renoncé à l'utiliser préférant régler les affaires, quand c'est possible, entre "pros" de la politique ou quand ce n'est pas possible pour des raisons constitutionnelles de remettre ça à plus tard, quand les "pros" seront dans une configuration favorable. Il faut dire à la décharge de ces pays qu'on a pu constater que le peuple votait parfois mal quand on lui posait une question pourtant simple et dont la réponse était évidente, et qu'on devait ensuite corriger les effets du vote, soit par une ou plusieurs consultations assorties au préalable d'une pédagogie de l'apocalypse ( en cas d'un nouveau vote absurde), car il est bien sûr du devoir des politiques d'éclairer les électeurs de ce qui pourrait leur tomber sur la tête s'ils persistaient dans leurs erreurs, soit par un arrangement entre "pros" permettant de s'abstraire des sautes d'humeur du peuple. Enfin du coup on évite la procédure référendaire quand elle n'est pas obligatoire.
Néanmoins certains pays, en fait au moins un, continue à résister à cette tendance d'ignorer le peuple entre deux consultations électorales. Ce qui ne plait pas à ceux, du moins pour être plus précis à leurs dirigeants, qui ont cette perception de la démocratie qu'elle fonctionne d'autant mieux qu'elle s'abstrait du peuple.

Je crois que le moment est venu d'illustrer les propos par des exemples se référant à l'actualité. Prenons au hasard deux pays voisins, européens, considérés comme des démocraties : la Suisse et la France.
Dans le premier pays existe depuis des siècles une tradition, ou plutôt une valeur, voulant que le peuple tienne une place majeure dans le processus démocratique. Aucun vrai démocrate ne saurait lui en tenir rigueur. Il se produit donc régulièrement dans ce pays des consultations référendaires à l'initiative du peuple lui-même ou de groupements politiques permettant aux peuple d'exprimer sa volonté alors même que cette dernière est en contradiction avec la politique menée par ses représentants, avec des lois votés par eux, ou même des traités liant le pays à d'autres ensembles politiques. Il y a quelques années par exemple, un référendum s'intéressait à l'esthétique urbaniste en prohibant la construction de minarets considérés comme déparant dans un pays de culture chrétienne donc davantage attaché à la vision de clochers que d'édifices davantage à leur place dans d'autres pays où les chrétiens sont minoritaires, et parfois persécutés. Déjà ce vote devant obligatoirement se traduire par une loi selon les règles en vigueur dans la Confédération Helvétique avait suscité des remous dans les pays voisins bien davantage ouverts à la diversité et à ses manifestations. Notez que je parle de pays et non de peuples.
Et donc il y a quelque jours, ces mêmes Helvètes, du moins une majorité d'entre eux, même courte, ont décidé de reprendre en main le processus d'immigration de leur pays. Ils souhaitent une immigration maitrisée, avec la définition annuelle de quotas en correspondance avec  les besoins de la Suisse, et prenant en compte la préférence nationale. Par ailleurs ils désirent que l'attribution des titres de séjour prenne en compte la capacité d'intégration des individus demandeurs et leur capacité financière autonome de vivre dans le pays. Bref, rien que des choses parfaitement raisonnables qui devraient inspirer les politiques d'immigration de bien des pays. Quoi de plus raisonnable en effet que de veiller à ce que n'entrent les immigrés dont on a besoin (que pourrait-on faire des autres?), de penser à donner du travail avant tout à ses ressortissants avant des étrangers, et de vérifier que les immigrants ont les capacités de vivre dans le pays sans être une charge pour la collectivité et qu'en plus ils se comporteront dans le respect des normes en vigueur. Qui donc de raisonnable pourrait être contre cela?

Eh bien beaucoup de monde à priori dont certains membres parmi les plus éminents de notre gouvernement pour lesquels la maitrise de l'immigration doit correspondre à quelques milliers d'expulsion d'illégaux et la régularisation des autres, et la préférence nationale à un gros mot. Quant à la capacité d'intégration que peuvent y comprendre des gens qui ont décidé que c'était aux Français de souche de s'adapter à leurs hôtes et non l'inverse. S'agissant de l'autonomie financière des immigrés, il reste assez de Français qui travaillent pour que leurs impôts permettent de ne pas ce soucier de ce genre de détail. Mais ils ne sont pas les seuls puisque les libéraux de Bruxelles et, au-delà européens, les rejoignent dans leurs critiques. Leur vision d'un monde où tout pourrait circuler librement, marchandises, capitaux et hommes, s'en trouvant quelque peu contrariée. Notons au passage que cette dernière raison n'est pas étrangère à nos amis socialistes, euh…, sociaux-démocrates, à moins que ce ne soit sociaux-libéraux. Attendons une prochaine conférence de presse du président et un autre revirement pour trouver la bonne appellation. Enfin quoi qu'il en soit, la démocratie dès lors qu'elle redonne la parole au peuple n'a pas l'heur de plaire à nos grands démocrates dès lors que ce qui sort des urnes ne leur plait pas.

Et c'est dans cette perspective qu'on peut considérer ce qui se passe en France s'agissant de ce qu'on appelle les mesures sociétales imposées par le pouvoir en place à un peuple dont il serait difficile d'affirmer qu'une majorité est en accord avec ces mesures. Seul un référendum pourrait nous le dire!
Mais pour rester sur un thème proche de celui évoqué pour la Suisse, penchons-nous sur la réforme de la politique d'intégration telle qu'envisagée par notre gouvernement qui travaille dessus à partir d'un projet de feuille de route dont les propositions sont éloquentes, enfin effarantes, en tout cas dans le même esprit que les rapports si contestés il y a quelques semaines. Tout au plus aura-t-on retiré l'autorisation du port du voile à l'école, placée là sans doute pour pouvoir être retirée et mieux faire passer le reste. Il ne s'agit pas de rentrer dans le détail de ce projet, nous aurons l'occasion d'y revenir plus tard sans doute. Mais la lecture des 44 propositions laisse un goût amer : on n'y retrouve évidemment l'idée force que si les immigrés ne s'intègrent pas c'est parce qu'ils sont discriminés par les Français de souche, on y prône la discrimination positive notamment pour l'entrée dans la fonction publique appelée aimablement démocratisation des concours d'accès à la fonction publique (mesure 27), ce qui en clair signifie donner des bonifications en fonction de son origine. Etc. J'ai dit que ce n'était pas le sujet.
Mais ce qui est intéressant, ou devrait l'être, c'est ce qu'en pensent les Français. Un sondage publié le 7 février dans le Parisien dit que 67% des Français sont opposés à a discrimination positive et que, "pire" encore, 77% d'entre eux pensent que ce sont avant tout les personnes étrangères qui doivent se donner les moyens de s'intégrer.  Or l'esprit du projet en discussion est tout à fait opposé à ce point de vue. Certes, me direz-vous,, ce n'est qu'un sondage, mais peut-être, je dis ça comme ça, hein,
Peut-être serait-il bon de vérifier cela de façon plus approfondie, et pourquoi pas en soumettant la mouture finale du projet à l'approbation du peuple français? Juste pour voir si le peuple est d'accord sur un sujet aussi important parce qu'il a une forte influence sur son avenir en tant que peuple.
Eh bien non! Ça ne se fera pas! Même pas en rêve! Car la conception que nos dirigeants ont de la démocratie est asses particulière. Bon disons que l'idéologie fait mauvais ménage avec la démocratie.

Voilà donc deux conceptions de la démocratie dans notre Europe contemporaine. Une avec le peuple qui reste acteur de son destin, et l'autre sans ce peuple qui a parfois (souvent?) des idées n'allant pas dans le sens du progrès, le progrès faisant lui-même l'objet d'une définition donc sortant du subjectif et étant obligatoirement de gauche.
Dès lors vous comprendrez que la petite Suisse avec sa conception surannée et en tout cas pas progressiste de la démocratie puisse énerver les grands démocrates qui nous gouvernent, qui nous représentent, nous, nos intérêts et nos volontés. Elle pourrait donner de mauvaises idées à des peuples qui en ont déjà tellement.