A l'occasion de la visite d'Etat
de notre président aux Etats-Unis, les médias ont préféré s'attarder sur le
plan de table du dîner de gala, sur les "bons" mots de notre comique
national, sur l'excellent accueil et pourquoi pas sur un renouveau flamboyant
de l'amitié franco-américaine qui serait portée par les deux losers du moment.
Tout cela est trop beau, et même
si Fabius, notre excellent ministre des affaires étrangères, on se souvient de la
Syrie, parle de sans faute, on est en droit de se poser quelques questions et
se demander si la qualité de l'accueil n'est pas inversement proportionnelle à
l'estime, la considération réelle portée à notre président. En tout cas nous allons
voir que si Hollande est le meilleur ami d'Obama, Obama n'est pas le meilleur
ami de la France.
Nous sommes donc mardi, quelques
heures avant le fameux diner de gala qui nous a permis de voir un François
Hollande souriant, semblant dégagé de tous les soucis qui accablent la France et
accessoirement les siens (accessoirement parce qu'on s'en fout). Ceci dit
j'aurais pu présenter une autre version : … le fameux diner de gala qui nous a
permis de voir un François Hollande souriant, semblant dégagé de tous les soucis
qui l'accablent et accessoirement de ceux qui accablent la France (accessoirement
parce qu'il s'en fout). Fort diplomatiquement et afin de ne pas froisser
quelque socialiste, social-démocrate pardon, égaré sur ce blog, je m'en
tiendrai à la première version.
Tout se passe pour le mieux,
Barack et François sont devenus des amis pour la vie, le dévers de la cravate
est astucieusement camouflé sous un manteau de saison, le menu du dîner semble
appétissant, on s'est à peine aperçu que la veille Huchon discutait sur son
portable, sans doute pour annoncer à Bobonne qu'il était bien arrivé, alors que
retentissaient les hymnes français et américains (socialisme oblige) et que le
jour même, suite sans doute à une erreur de programmation de l'alarme du même
portable il était arrivé en retard à la cérémonie d'accueil . Enfin bref, tout
va pour le mieux ou presque. Car une menace surgit.
En effet, en ce même jour
idyllique Obama se met à fustiger les entreprises françaises qui, s'imaginant
peut-être qu'elles pouvaient suite à l'accord sur le nucléaire avec l'Iran
tenter de reprendre les affaires avec ce pays, avaient pris des contacts sur place.
En fait ce n'est pas fustiger qu'il faut dire, mais menacer. Que dit en effet
Obama? Eh bien il dit ceci : "Des entreprises peuvent toujours prospecter
sur les chances à plus ou moins long terme de s'installer en Iran et sur
l'échéance d'un accord international sur le nucléaire iranien. Mais je peux
vous dire qu'elles le font, pour l'heure, à leurs risques et périls. Parce que
nous allons leur tomber dessus". Ça c'est envoyé! Non? Des esprits
chagrins auraient pu voir dans cette annonce un risque d'incident diplomatique,
auraient pu penser que notre président qui aime tant les entreprises françaises
allait se mettre en colère et renvoyer son nouvel ami dans ses buts. Eh bien
non! Il n'était pas utile de gâcher une si belle journée avec de telles
futilités. Du coup Obama pouvait affirmer que son homologue français, on ne rit
pas au terme homologue, était d'accord avec lui. L'homologue d'ailleurs pris
bien soin de se démarquer de l'initiative des entreprises en question en
déclarant : " le président de la République n'est pas le président de
l'organisation patronale française." Une déclaration bien courageuse qui a permis
de démontrer au monde entier que notre président était capable de remettre à sa place le patron du MEDEF. Non
mais! Et dire que certains pensent qu'il manque de courage! On peut penser
aussi que la menace faite hors micros et caméras d'être privé de dessert, un
dessert qu'on annonçait succulent, joua un rôle essentiel dans la prise de
position courageuse de notre gros président.
Mais revenons sur les motifs de
l'annonce d'Obama. Dans un sens, et même dans l'absolu, on peut comprendre une
telle déclaration alors que l'accord avec l'Iran n'est qu'un accord intérimaire
n levant pas les sanctions mais les allégeant. Et que donc il est prudent et
peut-être même nécessaire de maintenir la pression sur ce pays. Soit!
Mais le fond de l'affaire n'est
pas vraiment là. Allons voir plutôt du côté de Peugeot et accessoirement
Renault pour mieux comprendre. Ces deux constructeurs fournissaient jusqu'en
2011 40% du marché automobile iranien. S'agissant de Peugeot c'était dans ce pays,
après la France où le constructeur réalisait son meilleur chiffre d'affaires.
Mais quand en 2012, alors que la boite va très mal, elle est obligé de conclure
un accord avec General Motors qui en échange d'une entrée dans son capital
exige son retrait d'Iran. Le couteau sous la gorge Peugeot doit accepter et
perd un marché de 500000 véhicules par an. De fait c'est General Motors qui
compte sous couverture de Peugeot reprendre un marché qui fut très fructueux à
l'époque du Shah et que le groupe français avait repris lors de l'éviction des
firmes américaines du pays. Mais l'idylle entre Peugeot et General Motors sera
finalement de courte durée (un avertissement pour François!) s'achevant
curieusement au moment de la signature de l'accord sur le nucléaire avec l'Iran
permettant à General Motors finalement d'avancer désormais à visage découvert.
Et ce, avec d'autant plus de facilité que sous couvert de
Peugeot il a pu déjà nouer des contacts avec la firme Iran Khodro qui
assemblait les voitures avec les pièces fournies par le constructeur français.
Renault de son côté a été menacé de sanctions aux Etats-Unis sur Nissan, la
filiale japonaise du groupe qui dispose d'un marché important là-bas.
Et pour corser le tout il semble
que l'attitude intransigeante de Fabius, notre avisé ministre des affaires
étrangères, lors de la négociation des accords avec l'Iran lui ait été dictée
par Kerry, le résultat escompté étant une défiance accrue de la part d l'Iran
vis-à-vis de la France avec les conséquences économiques qu'on subodore en
termes de marchés. N'oublions pas que dans le même temps Obama engageait un
processus (dont une partie en sous-main) pour que le nouveau président Iranien
Rohani devienne aussi à terme son nouvel ami pour la vie.
On aura donc compris que la
tentative de pénétration du marché iranien par les entreprises françaises
énerve Obama, non pas à cause d'un processus de diminution du risque nucléaire
iranien, mais parce qu'il nuit à l'entrisme désormais envisageable et en cours des
entreprises américaines sur ce marché.
Et que fait notre si avisé
président? Il approuve! On comprend pourquoi on lui a déroulé le tapis rouge
avec autant d'obséquiosité.
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