"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

jeudi 29 mai 2014

Réflexions post-électorales





Ils n'ont rien compris. Ou ils ne veulent pas comprendre. Comprendre que leur temps est révolu qu'il faut qu'ils s'en aillent ou reviennent sur d'autres bases. Mais en sont-ils capables, peut-on leur faire confiance.

Dimanche dernier il y avait un débat très coloré, pas du fait de la couleur des participants, mais de leur langage, organisé par Le Point. Il y avait en particulier Philippe Tesson dont la verve, même si elle peut en énerver certains du fait de  sa cible préférée, suscite l'admiration quand on sait l'âge du bonhomme. Il y avait Jean-François Kahn qui remis de sa sortie sur le troussage des domestiques a retrouvé toute sa vigueur ou verdeur langagière. Et aussi  Elisabeth Lévy pas mal à l'aise dans le registre "poissonnière", ce qui n'est pas péjoratif dans le sens où je l'entends. Au contraire. Enfin on n'était sorti d'un langage convenu, d'une analyse plate comme une limande, de l'autocensure, de la peur de se faire trainer dans la boue à case d'une parole considérée comme malheureuse ou honteuse par nos belles âmes sensibles. Hollande fut insulté, traité de crétin des Alpes par Tesson, de nullité par JFK. Mais pas seulement lui.  En fait il y en avait pour tout le monde, à droite, à gauche, au centre, pour toute la classe politique, et plus particulièrement pour les deux partis qui s'autoproclament si modestement, à moins que ce ne soit de l'arrogance, de gouvernement, mais dont finalement on se rend compte que les Français ne veulent plus guère ou même plus du tout quand ils voient où ces gens les ont mené depuis plus de 30 ans.
Notre classe politique est d'une nullité crasse. C'était en quelque sorte le point d'accord de nos débatteurs. Mais il sera plus dur de s'entendre sur les causes. Quand JFK prétend que les institutions sont à bout de souffle, j'ai tendance à penser qu'il confond les causes et les conséquences. La pratique institutionnelle peut être un garde-fou contre des excès de pouvoir éventuellement, mais certainement pas contre la nullité Les institutions de la 5ème République me semblent au contraire très adaptées à la France et à son esprit paradoxal, cette curieuse synthèse entre un esprit féodal et un esprit révolutionnaire pouvant conduire au meilleur comme au pire. Mais est-ce bien finalement un paradoxe?

L'esprit féodal s'il faut le caractériser en quelques mots, c'est cet attachement à la verticalité du pouvoir, s'accompagnant à chaque échelon d'un corpus de droits mais surtout de devoirs vis-à-vis des échelons supérieur mais aussi, et c'est peut-être l'essentiel, inférieur. Les Français ne rechignent pas à être gouvernés, ne rejettent pas l'autorité dès lors que celle-ci a pour objectif la cohérence sociale, la défense des intérêts du peuple et de l'Etat ou mieux de la Nation qui peuvent parfois sembler s'opposer mais qui à long terme coïncident le plus souvent. Et ce sont justement nos institutions actuelles qui permettent de surmonter des antagonismes ponctuels grâce à la stabilité du pouvoir qu'elles assurent. L'esprit féodal actualisé c'est en quelque sorte un système fondé sur un contrat où la majorité délègue à une minorité un pouvoir sur elle, à condition que ce pouvoir délégué s'exerce à son profit. On n'est pas là dans le domaine de la morale, mais dans celui de l'intérêt public. Et c'est d'ailleurs pour cela, et même si ça en choque certains, que chez nous, en France, l'honnêteté n'est pas un critère essentiel pour être élu ou réélu. C'est finalement peut-être ça notre vraie exception culturelle.
Comme la délégation de pouvoir n'est que temporaire, les élections assurent cette fonction de soupape dont ne disposait pas la monarchie, permettant de déléguer à d'autres un pouvoir si mal utilisé par ceux qui les précédèrent. On change de roi tous les 5 ans ou tous les 10 ans, de ducs, de barons et de comtes, s'ils ont failli, ou bien on les reconduit si on en a été satisfait.
Ça semble simple, mais les choses se compliquent dès lorsque le nouveau roi et la nouvelle noblesse ne font pas mieux que ceux qu'ils ont remplacé, ne se distinguant à la marge d'eux que par des mesures symboliques ou catégorielles. Alors on recommence un cycle parce qu'on n'a pas bien compris. Une fois, deux fois, trois fois,…, jusqu'au jour où on se dit que le système est pourri et qu'il faut en changer. Avant on faisait la révolution, désormais on se sert des élections qu'on transforme de soupape de sécurité garante de la pérennité du système en manifestation de rejet de ceux qui s'intitulant partis de gouvernement, et s'étant effectivement partagé le pouvoir pendant des décennies, incarnent ce système. Et alors on ne vote plus ou on vote en masse pour un parti "pas de gouvernement" mais qui, et là je reprends les propos d'un ancien premier ministre de gauche, pose de bons diagnostics, en fait décrit la vie que vivent les gens et dont ceux qui gouvernent disent que ce n'est pas la vie qu'ils vivent mais un sentiment, une illusion, renforçant ainsi le fossé qui les sépare du peuple. Qu'importent les solutions proposées. De toute façon elles ne peuvent pas être pires que l'absence de solutions proposées par ceux qui nient les problèmes. Il n'y a pas d'insécurité mais un sentiment d'insécurité, il n'y a pas de problèmes d'immigration, il n'y a pas de problèmes d'intégration avec les étrangers ou les personnes d'origine étrangère, l'Europe vous enrichit et vous offre le plein emploi… Bref tout va bien!

Tout va bien et on va vous le montrer! En cassant le thermomètre ou en tentant de faire périr le porteur de mauvaises nouvelles. Et en vous changeant un peu les idées. Allez hop, c'est parti pour une nouvelle quinzaine anti-le Pen. Les collégiens et lycéens dans la rue, les chanteurs engagés à vos guitares, Lambert Wilson et Balasko au 20 heures! Vite, la République est en danger. No pasaran! Et François Hollande à Clairefontaine! Vous n'aurez peut-être pas de pain, mais de jeux on va vous gaver. Black-blanc-beur power! C'est pour bientôt. Ouf! Les élections auraient pu tomber à une plus mauvaise période, hein!
Rassurez-vous braves gens, la vie va continuer. Comme avant.

En fait ils n'ont rien compris ou ne veulent rien comprendre. Sous l'œil médusé des Français notre président déclare que le résultat fut douloureux, et on comprend qu'un second coup de pied dans le cul à deux moins d'intervalle ça peut faire mal, mais qu'il va continuer comme avant. D'ailleurs dès le lendemain à l'Assemblée on discute d'une réforme pénale dont les Français ne veulent pas.
A droite, Juppé, l'homme en pointe, droit dans ses bottes, déclare qu'il faut que la droite se rapproche du centre. La tambouille politicienne devant être sans doute le remède au malaise des Français.
Il n'est pas question qu'eux se remettent en cause, avouent leur échec, reconnaissent qu'ils n'ont pas œuvré depuis tant d'années au profit du peuple et de l'intérêt national, qu'ils ont trahi ce contrat qui les unissait aux Français. Ils vivent hors sol, dans leur monde politicard, caressant leurs ambitions et tentant de réduire à néant celle des autres. Ça leur prend tout leur temps et ça les empêche donc de comprendre ce que veulent les Français et de produire des idées. Ces gens sont en campagne électorale permanente. Quand ce ne sont pas les échéances nationales, c'est la désignation de leur candidat à la présidentielle qui les occupe. Les partis politiques (de gouvernement) servent juste à abriter des batailles d'écuries dont l'issue vise à accaparer les postes présidentiel et ministériels. C'est la course permanente pour le pouvoir, pour y accéder, pour le conserver. Juste pour ça. Ce ne sont pas les institutions qui sont malades, ce sont les partis et ceux qui les peuplent.

Il faut faire péter ces enveloppes que sont les partis. Eventuellement pour en recomposer d'autres, puisqu'il faut des structures, mais correspondant aux vrais enjeux, et même aux lignes de fracture de la société française. Le "combat" qui opposait récemment Juppé et Guaino était tout à fait révélateur de l'inadaptation des partis politiques aux véritables enjeux. Juppé est sans doute plus près d'un Sapin, pas pour des raisons capillaires, mais sur le plan idéologique, que de Guaino. Tandis que celui-ci se sentirait sans doute en meilleure compagnie avec Chevènement. De même que les libéraux ont les mêmes intérêts objectifs en ce qui concerne l'immigration que la gauche de la gauche. Or ce ne sont ni l'Europe, ni l'immigration et la manière de gérer cette dernière et ses conséquences qui structurent les partis. Les lignes de fractures les traversent tous, sauf sans doute les extrêmes bien plus cohérents. Du coup quand on vote UMP ou PS on ne sait guère pour quoi on vote, pour quel projet réel pour la France, pour quel avenir commun (nation, pas nation?). Ce ne sont pas des simplifications comme on peut les lire (et en blogo ça ne manque pas) entre parti des riches ou des patrons, et parti des pauvres ou des plus démunis qui sont éclairantes. D'autant plus que ça ne résiste pas aux faits. Certains ont un cerveau en glaciation depuis des lustres pour encore raisonner comme ça (on pourrait même écrire résonner dans leur cas). Mais peut-on leur en vouloir tandis que les politiques de ces fameux partis de gouvernement tendent à leur faire croire que c'est encore ainsi que ça fonctionne. Ça les aide sans doute à se partager le pouvoir, du moins ses signes et ses avantages. Ils seront d'ailleurs d'accord pour diaboliser ceux qui parlent aux Français de leurs vrais problèmes et préoccupations, pour les discréditer (ou s'en servir dans leurs tactiques politiciennes), pour se maintenir là où ils ne sont pas dignes de rester.

Dimanche dernier, en ne votant pas, ou n votant dans des proportions jamais atteintes pour le FN, les Français ont donné un sévère avertissement à la classe politique qui les dirige depuis une quarantaine d'années maintenant (je pense pour ma part que le dernier président davantage attaché à la France qu'à lui-même fut Pompidou). Je crains que cet avertissement n'ait pas été reçu, qu'il n'a pas fait l'objet d'analyses l'expliquant et qu'il n'en fera d'ailleurs pas. L'intérêt national, l'écoute des Français a été remplacé par les petits intérêts personnels, les petites tambouilles politicardes, les petits arrangements entre amis, les connivences entre majorité et opposition dites républicaines. C'est l'esprit de la 4ème République dans le corps de la 5ème, ce qui paradoxalement, alors que les institutions étaient faites pour éviter cela, lui permettent de perdurer plus longtemps, ce qui témoigne au moins de leur résistance. Ça ne veut pas dire qu'elles sont mauvaises. Ce sont juste les hommes et femmes politiques qui sont mauvais, pour la plupart, parce qu'ayant perdu le sens de l'intérêt général. C'est donc peut-être eux qu'il faut réformer (aussi dans le sens que les militaires donnent à se terme, c'est-à-dire renvoyer dans leurs foyers) en leur donnant un statut allant dans la déprofessionnalisation de la vie politique, par exemple en limitant le nombre de mandats en temps cumulés.

lundi 19 mai 2014

Budgets militaires et sortie de l'histoire





 Lors d'un récent discours (5 mai) tenu devant l'Institut de France, Mario Monti qui s'exprimait sur l'Europe déclarait que " Si l’Europe va mal en ce moment, c’est sans doute en partie parce que la France, justement, ne tient plus tout à fait le rôle qu’elle devrait et pourrait jouer dans le jeu européen." Et il ajoutait: " L’enjeu est plutôt que la France redevienne la France, c'est-à-dire qu’elle joue pleinement son rôle de pont avec l’Allemagne, ce qui suppose toutefois qu’elle améliore ses performances et qu’elle mette en œuvre les règles qu’elle a signées et ratifiées."
De fait comme beaucoup et son discours ne laisse aucune ambigüité à ce sujet, Monti pense que l'Europe ne peut progresser et même exister qu'autour de deux axes forts qui sont l'Allemagne et la France et que si l'un des deux manifeste un déséquilibre par rapport à l'autre les choses ne fonctionnent plus.
Evidemment son discours fait plutôt référence aux performances économiques, celles qui voient une Allemagne réaliser un excédent commercial de près de 200 milliards d'euros en 2013 tandis que la France enregistrait un déficit commercial de 30 milliards d'euros pendant la même période. Son discours fait plutôt référence à un équilibre budgétaire atteint par l'Allemagne (et même un léger excédent) tandis que la France connait un déficit de 4,3%.

Alors que Monsieur Monti se rassure. La France va tenir ses engagements. La preuve: notre sémillant nouveau premier ministre vient de concocter un plan d'économies de 50 milliards. Certes un peu dans l'urgence, après que les Allemands et l'UE, c'est l'ordre qui convient, aient refusé un nième report de l'objectif de rentrer dans les clous de Maastricht, au moins en ce qui concerne le déficit budgétaire, car s'agissant du ratio dette/PIB, on se demande si un jour on y reviendra. Eh oui voilà, puisque l'équilibre entre les puissances allemandes et françaises n'existe plus, ce sont bien nos amis d'outre-Rhin qui dictent désormais leur loi.
Certes on sait d'ores et déjà que ce plan d'économies sera insuffisant, mais on peut au moins se réjouir qu'un pas ait été effectué dans le bon sens. Mais le problème de l'urgence c'est que ce type de plan fait à la-va-vite crée des problèmes. On tape généralement où il est facile de taper, dans les catégories les plus faibles, donc les moins organisées, pour résumer celles dont on ne craint rien ou pas grand-chose. Mais par réflexe idéologique ou simplement parce qu'il faut limiter les désastres électoraux à venir, on revient sur certaines mesures comme par exemple en sortant de l'impôt ceux qui y étaient rentrés l'année précédente. Ça fait "gauche", même si à ceux-là on ne rendra pas ce qu'on leur a déjà pris. Mais cela a un coût évidemment qui sera reporté sur d'autres, même si on évite de le dire. Et en l'occurrence, entre autres sans doute, mais pas les associations anti-blanc, anti-France, anti-occident, qui elles continuent de prospérer, ni les syndicats sans adhérents dont les quelques membres peuvent organiser des barbecues dans de splendides résidences tandis qu'on ne sait pas quoi faire des SDF, en l'occurrence ce sera la défense qui sera encore touchée. Une fois de plus direz-vous! De fait je me garderai bien d'accabler uniquement ce gouvernement qui suit  une logique, mais est-ce une logique bien raisonnable?, de faire les poches des armées depuis une bonne trentaine d'années, et encore davantage depuis la fin de la guerre froide dont pourtant aujourd'hui on nous agite l'épouvantail à nouveau tout en continuant de désarmer. Belle logique en effet. C'est assez rarissime de voir la mise en avant d'une fausse allégation pour en tirer des conséquences inverses à ce qu'elle prétend. Mais ne demandons pas à ces gens d'être cohérents. Ils pourraient nous surprendre.

Donc la défense va encore trinquer selon un procédé que je vais décrire plus loin et qui permettra de prétendre de façon hypocrite qu'il n'en est rien. Parce qu'ils n'ont même pas le courage d'assumer leurs décisions.
Mais avant cette description revenons-en à cet équilibre souhaité par Monsieur Monti entre la France et l'Allemagne pour que fonctionne bien l'Europe. Il est à craindre que faute de réformes structurelles suffisantes, que faute de vouloir renoncer à un modèle social qui de toute façon finira par s'écrouler et d'autant plus violemment qu'on n'aura pas voulu y toucher auparavant, notre retard sur le plan économique vis-à-vis de l'Allemagne qui a su faire ces efforts, au mieux se stabilisera mais sans doute continuera de s'accroitre. Si donc un équilibre doit se trouver entre nos deux pays, c'est par un avantage que nous aurions et qu'eux n'auraient pas. Et jusqu'à peu cet avantage existait et c'était notre capacité de défense ou plutôt d'intervention. En fait notre défense faisait de la France une puissance diplomatique reconnue, et permettait encore de justifier sa présence au sein du conseil de sécurité onusien par d'autres arguments qu'historiques. Or la différence entre les deux pays s'efface, les budgets en euros sont proches, les effectifs tendent à se rapprocher et il est même probable que l'Allemagne à l'issue de la loi de programmation disposera de plus de militaires que la France. Par ailleurs et de plus en plus l'Allemagne participe à des opérations extérieures, même si elle évite soigneusement de participer aux nôtres en Afrique. Certes nous disposons de l'arme nucléaire qui au passage nous coute cher. Mais on se rend bien compte qu'en dehors d'un contexte de guerre froide qui n'existe plus, et que dans un contexte d'alignement aveugle sur la politique extérieure américaine, donc d'un abandon de souveraineté ou d'indépendance véritable, cet avantage perd beaucoup de son sens. Et voilà donc comment années après années notre avantage militaire, donc diplomatique, par rapport à l'Allemagne s'est trouvé rogné. Et ce gouvernement, malgré sa propension à faire la guerre, n'aura pas dérogé à cela et sera peut-être celui qui portera l'estocade finale. Je crois avoir déjà écrit que quand Hollande aura quitté le pouvoir, donc bientôt, même si 3 ans avec lui ça peut paraitre long, la France ne pourra plus engager les opérations qu'il a engagées simultanément. Les nouveaux projets qu'a ce gouvernement pour la défense ne risquent pas d'améliorer les choses.

Eh oui comme le dit si bien Monsieur Monti, il faudrait que la France redevienne la France. Mais avec eux ça ne risque pas d'arriver. Nous en sommes au dernier stade sans doute avant le déclassement définitif, qui nous relèguera  bientôt au statut de nation-musée, celui que décrit Houellebecq dans "La carte et le territoire". Encore que pour que cela marche il faudra sans doute sous-traiter la sécurité intérieure afin que les touristes étrangers ne soient pas découragés par la racaille qui sévit impunément dans nos villes et désormais nos campagnes. Mais chut! Faut pas stigmatiser!
Il y a peu notre président, grand visionnaire et fin connaisseur du passé  comme chacun a pu le constater, a déclaré que la France en sortant de l'Europe sortirait de l'histoire. Or c'est en entrant dans l'Europe, du moins en étant dans cette Europe, pas celle de de Gaulle, l'Europe des nations, qu'elle sortait de l'histoire. Car comment construire une histoire sans armée, c'est-à-dire comment peser dans le monde, sur le monde, quand on ne possède pas d'outil diplomatique pour cela, quand on n'est pas une puissance militaire. Or l'Europe n'en est pas une et surtout refuse d'en devenir une. Le fiasco que représente ce fameux élément d'intervention européen en Centrafrique, dont le principal contributeur, mise à part la France, est la Géorgie qui n'est membre ni de l'UE, ni de l'OTAN, avec 150 hommes (!), ce fiasco devrait nous éclairer sur ce qu'est réellement l'Europe, à savoir pas grand-chose sur le plan mondial en termes d'influence politique. Et c'est ça qui représente l'histoire? C'est ridicule. Aussi ridicule que celui qui a tenu ces propos.

Ne reste donc plus que le simulacre. On tente de donner encore l'impression d'exister, de peser sur le destin du monde ou d'une partie du monde. Ainsi samedi dernier on réunissait à Paris, je n'ai pas dit à grands frais, quelques chefs d'Etat africains et quelques portes-bidons désignés d'office pour représenter les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'UE. Boko Haram n'avait qu'à bien se tenir. Oh certes, je ne critiquerai pas l'idée de fond de cette réunion qui est loin de concerner uniquement Boko Haram, mais dès lors qu'on n'en a plus les moyens et qu'on continue à y renoncer, dès lors que ceux qui devraient nous soutenir regardent ailleurs l'air rêveur, on se rend compte du caractère vain de ce type de rassemblement. Le constat est que Boko Haram constitue un maillon de cette ligne de front islamique, encore en pointillés, qui traverse l'Afrique, qu'il se trouve à la jonction de la rébellion islamique sahélienne qui nous préoccupe au Mali et de celle qui nous préoccupe actuellement en Centrafrique, même si nous n'avons pas le courage de la décrire ainsi. Ce que la colonisation européenne avait permis pendant des décennies, à savoir l'endiguement d'une poussée islamique rigoriste vers le sud, se manifeste de nouveau, et cette fois avec davantage de moyens évidemment, des soutiens extérieurs puissants qui au passage sont présentés comme nos amis et parfois alliés quand il s'agit d'aller taper sur un tiers qu'ils remplaceront par leurs affidés. Et ce ne sont pas évidemment nos quelques petits milliers d'hommes sur le terrain entre le Mali, sans doute le Niger, le Tchad et la Centrafrique, qui pourront tenir cet espace qui va de la Mauritanie jusqu'au Soudan. Le combat est sans doute perdu puisque ceux qui sont en pointe de la guerre contre le terrorisme et qui nous ont entrainés en Afghanistan se contentent d'une aide minimale et d'encouragements verbaux qui s'ils peuvent flatter la vanité d'un président d'une nullité crasse, ne doivent pas masquer soit une certaine indifférence, soit des desseins plus troubles et peu avouables.

Et pourtant, on envisage encore de faire peser sur les armées un nouvel effort au profit de nos comptes nationaux. Et cela d'une manière assez honteuse. Car même le courage de dire les choses, ils ne l'ont pas. "Il faut préserver les capacités de défense, mais la défense devra participer comme les autres (tous???) à l'effort national." Ou encore "La loi de programmation qui court de cette année jusque 2019 est un cadre sanctuarisé dans lequel peuvent s'opérer des aménagements".
Alors je vous explique les aménagements en question ou comment réduire un budget en en conservant l'enveloppe initiale. Eh bien c'est simple : il suffit d'augmenter les dépenses au sein de l'enveloppe, c'est-à-dire d'y coller ce qui n'y était pas auparavant. Et là ce seront les opérations extérieures dont le financement fort logiquement, puisqu'elles ne sont pas prévues à l'avance, et certainement pas sur 5 ans. Les OPEX financés par le budget général seront, c'est ce qui se trame actuellement (voir ici), désormais financés par le budget de la défense. Et là on voit tout de suite l'impasse grossière de ce procédé, sans même parler de sa malhonnêteté. Plus il y aura d'OPEX, plus le besoin en matériels sera fort ainsi que la maintenance associée (et en Afrique c'est du lourd). Mais en même temps le financement de ces opérations empêchera la réalisation des matériels nécessaires à ces OPEX. Plus on fait la guerre, moins on dispose de moyens. Voilà la logique des socialistes qui n'ayant que trois ans à tirer encore se moquent bien des conséquences de ce qu'ils font. Et puis c'est tellement facile avec des militaires tenus à un devoir strict de réserve, ne disposant pas de syndicats, et étant pour la grande majorité d'entre eux sous contrat donc en situation de précarité professionnelle.


jeudi 15 mai 2014

Maman, t'aurais pas une jupe à me prêter?





La France va mal. Croissance nulle au premier trimestre, le retournement c'est pas encore pour maintenant, chômage toujours en hausse, on n'ose même plus parler d'une inversion qui n'a pas eu lieu à l'échéance promise, insécurité en hausse, c'est les statistiques qui déconnent, immigration incontrôlée, c'est un pur fantasme, l'Europe n'est pas une passoire, demandez aux Italiens, intégration en panne, oui mais avec l'inclusion vous allez voir ce que vous allez voir, diplomatie en berne, vite Barack dis-nous ce qu'on doit faire, politique industrielle en panne, les patrons c'est tous des cons, des salauds et des menteurs dixit le ministre en charge, dette qui n'en finit pas d'augmenter, bon va falloir vous sacrifier, enfin certains…
Bon on va s'arrêter là. On aurait pu parler de l'écotaxe ou de l'éco-pas-taxe mais redevance, des prochaines ponctions sur le budget de la défense, de l'Europe… Les sujets ne manquent pas pour nous porter au  pessimisme.

Par contre il y a un domaine où il semble que la France ait fait de réels progrès. C'est en matière d'éducation nationale. Ayant porté les élèves à ce haut niveau  de connaissances, de compétences, de capacités de raisonnement, bref toutes ces choses qu'on nous envie, n'est-ce pas?, d'ailleurs y a qu'à voir les statistiques  ou les chiffres des résultats au bac et même à la licence, des chiffres qui ne déconnent pas eux et qui démontrent l'excellence de notre système éducatif, donc ayant pleinement réussi au moins dans le domaine de l'instruction, l'éducation nationale pour ne pas trahir son nom, peut enfin se consacrer à l'éducation de nos enfants.
Après quelques tentatives parfois houleuses dans les classes maternelles et primaires, un rectorat, celui de Nantes a cru bon devoir démontrer qu'il avait compris le sens du combat à mener pour que filles et garçons cessent de faire des différences entre eux.

Mais soyons justes et rendons à César ce qui lui appartient. L'initiative qui consiste à mettre un maximum de jeunes et pourquoi pas leurs professeurs en jupe ou encore, pour ceux qui auraient honte de leurs jambes trop velues à porter un badge de soutien, vient de lycéens conscients du caractère insupportable des inégalités entre filles et garçons, entre femmes et hommes (respectons l'ordre alphabétique) les premières ne cessant de subir des discriminations dans notre horrible société. Tout le monde le sait. Sous-payées dans le privé,  sous-représentées dans la vie publique, harcelées sexuellement dans les armées, etc., c'est un véritable calvaire que vivent les femmes en France. Il faut donc lutter. Et qui reprocherait à de jeunes lycéens, bientôt citoyens ou même l'étant déjà pour certains se s'engager dans des combats qui leur permettront dans 25 ou 30 ans de dire à leurs enfants combien ils étaient progressistes quand ils avaient leur âge quand ces derniers leurs reprocheront leur embourgeoisement qu'ils décèleront derrière ce souci obsédant parfois d'avoir de quoi les nourrir, les habiller et payer leur éducation. Mais cessons de nous projeter dans le temps et louons cet esprit jeune qui permet de se mobiliser pour ces combats à la mode qui font prospérer les associations et permettent au gouvernement de se trouver du grain à moudre à bon compte. Au moins pendant qu'on s'occupe de ces sujets, on occupe les esprits. Et puis il fait bien trouver quelque chose pour simuler des divergences idéologiques entre gauche et droite, faute de pouvoir en trouver dans les domaines économiques , sociaux et financiers, puisque c'est l'Europe qui décide.

Donc cette belle initiative lycéenne a été, disons saluée plutôt que récupérée par le rectorat de Nantes sans doute quelque peu désœuvré depuis les succès de l'enseignement signalés plus haut. Le rectorat effectivement enthousiasmé et trouvant sans doute l'initiative en résonnance avec le combat mené par notre charmante ministre des femmes au sourire si carnassier en liaison avec l'éducation nationale, a apporté son soutien plein et entier à l'initiative en encourageant son développement. Dans un dossier de presse montrant son implication le rectorat décrit les objectifs de cette journée de sensibilisation et les modalités de participation, cite les lycées méritants, du moins qui participent, mais c'est pareil, et souligne le caractère international du combat en précisant qu'un élève à l'origine de l'initiative qui séjourne actuellement aux Etats-Unis, à Seattle, dans le cadre d'un échange scolaire est parvenu à persuader le lycée où il se trouve de réaliser la même chose. Le génie français s'exporte encore. Dommage par contre qu'il n'y ait pas de programme d'échange avec le Nigéria.

Alors évidemment l'initiative, et sans doute bien davantage parce qu'elle a été reprise par le rectorat qui lui donne ainsi un visage quasi-institutionnel, n'a pas manqué de soulever des débats. C'est le retour de la théorie du genre pur les uns, c'est un combat légitime pour les autres. Au passage on remarquera que les esprits sont loin d'être apaisés et qu'à la moindre étincelle, les feux se rallument. On pourra se demander comment on en est arrivé là.
Mais tentons plutôt de comprendre le sens de cette initiative.

J'ai entendu parmi les défenseurs du projet et notamment d'une des lycéennes à son origine cette référence au film "La journée de la jupe", excellent film où le personnage campé par Adjani montre à la fois la difficulté d'être une fille/femme dans les banlieues et enseignant dans un lycée de ces zones qui échappent à la République.
Mais le problème est justement que ce que dénonce le film n'est pas du tout la même chose que ce que dénoncent les lycéens. C'est même presque l'inverse.
D'un côté s'élève la revendication pour les filles et les femmes de pouvoir assumer leur féminité, donc de pouvoir marquer leur différence, tandis que de l'autre il s'agit de gommer les différences en demandant aux garçons de singer une féminité qui n'est pas la leur.
D'un côté on dénonce une stigmatisation de la féminité, de l'autre une inégalité sociale entre les hommes et les femmes. C'est loin d'être la même chose. Le droit à la différence se situe à un autre niveau que celui de l'égalité. Les deux sont légitimes, peuvent même être menés de front mais ne doivent pas se confondre.

Et donc plutôt que de suivre béatement un mouvement peut-être bien sympathique, l'éducation nationale, puisqu'elle se targue de vouloir éduquer, devrait attirer l'attention dur le sens des mots, sur la nature des causes qu'on revendique, et sur les moyens mis en œuvre dans ce cadre.
On pourrait commencer par souligner que faire évoluer symboliquement les garçons vers la condition de fille par le port de la jupe, revient tout aussi symboliquement à reconnaitre une infériorité à la femme. Pour obtenir l'égalité on demande au dominant de se transformer en dominé, donc de s'abaisser, de rejoindre une condition inférieure. La voie la plus simple.
On pourrait faire remarquer que l'égalité n'a de sens que dans la différence, que la recherche de l'uniformité n'a rien à voir avec elle, que si on est tous pareils on cesse d'exister, d'être un autre.
Et puis on pourrait leur dire à ces jeunes, qu'à un mois du bac, ils feront davantage pour leur condition future d'apprendre et de réviser que de perdre leur temps dans un carnaval qui les distraira bien plus qu'il ne leur apportera. Et que leur place dans la société, dans la nôtre, dépend bien plus d'eux, de leurs talents, de leurs compétences, de leur travail, que de ce qui se trouve sous la jupe qu'ils porteront lors de cette journée.
C'est davantage cela qu'on a le droit d'attendre de l'éducation nationale que ce suivisme bon marché.



jeudi 8 mai 2014

L'histoire, objet de méfiance et de manipulation





Ces jours-ci sont riches en anniversaires d'événements historiques commémorés ou non.
L'histoire se rappelle à nous dans sa grandeur, dans ses horreurs. Enfin presque, car on, mais qui est on?, on est très sélectif avec l'histoire. Alors on oublie certains événements  laissant leur mémoire à quelques dépositaires, à quelques spécialistes ou à wikipédia, alors on transforme certains faits en les présentant d'une manière correspondant à ce qu'on appelle l'air du temps en espérant, du moins je l'espère, que cela n'est qu'une mode et que donc ça passera, même si ça fait quand même longtemps que ça dure ces conneries, Bref l'histoire est devenu un instrument du présent, pas tant pour le comprendre, que pour appuyer une vision idéologique. On voit d'ailleurs fort bien comment a évolué son enseignement dans les écoles de la République où l'effort se perpétue depuis désormais pas mal d'années pour effacer une histoire particulière qui serait celle de la France, une histoire qui pourrait servir de ciment à une société dont on peut légitimement se demander si on ne la souhaite pas déboussolée pour mieux la contrôler, pour mieux la réduire en une masse d'individus-consommateurs,  une histoire qui  pourrait constituer ce legs de souvenirs, et une part de cet héritage indivis dont parle Renan dans son discours sur la nation.

Non, ça on, toujours ce on, on n'en veut plus. Chacun a droit à son histoire, celle de sa communauté, de même qu'à faire valoir sa culture, toujours celle de sa communauté. Puisque désormais il est interdit de hiérarchiser cultures et civilisations, puisque tout se vaut, pourquoi ne pas laisser se développer des histoires particulières qui au lieu d'unir opposent ceux qui s'en réclament et fissurent une société. Car faire société, et surtout faire nation, si je peux me permettre cette expression, c'est dépassé, et c'est même déconseillé. Désormais on doit vivre ensemble. Curieuse expression qui marque effectivement l'état de décomposition de nos sociétés occidentales.
 On pourrait ramener ça à des expressions de la vie courante concernant des individus ayant des rapports plus ou moins amoureux entre eux, ou du moins à certaines étapes de leur vie commune. Quand on dit que Marc et Julie sont ensemble (ou disons Jérémy et Mohamed pour faire dans l'air du temps), on comprend qu'ils couchent ensemble, même si on ne sait pas où. L'étape suivante c'est quand ils vivent ensemble : là on sait où ils baisent, à savoir sous le même toit dont ils partagent le loyer. Mais finalement rien ne les lie de façon contraignante. Tout cela peut cesser du jour au lendemain (demandez à Valérie) quant Marc se sera amouraché de Chlothilde ou Jérémy de Brahim car même en amour il est engagé politiquement. Mais peut-être passeront-ils à l'étape suivante et finiront-ils par former un couple, en se mariant ou en se pacsant! Et peut-être même formeront-ils une famille en ayant des enfants de façon naturelle ou en les adoptant!
Et bien nos sociétés c'est pareil, sauf qu'on a compris quelle est leur évolution. On essaie péniblement de vivre ensemble après avoir été unis par un lien assez indéfinissable, un lien exclusif, et dont l'histoire et la culture constituaient le ciment. Mais sans doute l'évolution nous amènera-t-elle à être ensemble tout simplement, dans des portions de territoire assez bien circonscrites et dont l'étanchéité sera essentiellement corrélée à la fortune de chacun, bien davantage qu'à une volonté de s'intégrer. D'ailleurs oublions ce terme déjà dépassé dans les faits et même rejeté par certains.
Le vivre ensemble dont on nous rabat les oreilles n'est évidemment pas quelque chose susceptible de créer un lien fort entre communautés, entre individus qui seraient capables de reconnaitre dans l'autre une part d'eux-mêmes. C'est évidemment tout l'inverse, l'annonce d'un morcellement déjà bien engagé.

Mais revenons à l'histoire, à notre histoire, à nous Français. Car quelques événements ou non-événements d'ailleurs, récents tendent bien à illustrer ce qu'on en fait.
Comme je le disais en préambule, la période est riche en anniversaires. Aujourd'hui par exemple, c'était le 8 mai. Ce n'est quand même pas une date anodine le 8 mai. La fin de la guerre en Europe et la fin du nazisme. Je constate déjà que certains préfèrent se souvenir des événements de Sétif plutôt que ce que je viens de noter. On parlera plus tard des raisons de ce choix très sélectif, car tout se recoupe comme on le verra. Même si par ailleurs on peut être surpris de voir le second événement parfois éclipser le premier totalement, ou au mieux mis sur le même pied. C'est vrai que Sétif a existé, que c'est un fait historique dont chacun pourra se faire son analyse. Mais pour la France, pour les Français, pour l'unité nationale, si ce n'est à cause de l'importance de l'événement, on pourrait imaginer que quand on évoque le 8 mai 1945 c'est d'abord à la capitulation allemande que l'on pense. Et bien ce n'est pas le cas de tout le monde et je crains que ce le soit de moins en moins. J'imagine fort bien que quand les survivants de cette époque auront disparu, le 8 mai deviendra un banal jour férié sans grande signification pour beaucoup. Mais le souvenir de Sétif, lui se perpétuera. On verra pourquoi. Car la mémoire ça s'entretient. Je suis sidéré parle décalage qui existe entre la France et la Russie (le 9 mai là-bas) dans la manière d'envisager la commémoration de la fin de la seconde guerre mondiale en Europe. D'u côté un jour férié qui n'oblige guère que les autorités, les militaires et évidemment les anciens combattants, de l'autre une commémoration de portée nationale qui mobilise tout un peuple réuni autour d'un événement fédérateur. Peut-être le nombre de victimes y est-il pour quelque chose (plus de 20 millions et non 9 comme dit ce matin par notre ministre de la défense), mais ce n'est évidemment pas tout. C'est surtout un sentiment patriotique entretenu par l'enseignement de l'histoire, par les médias qui explique cette différence. Mais j'imagine que ce que j'écris là est naturellement suspect aux yeux de beaucoup et même davantage. Pourtant, je me souviens que dans mon enfance l'école se chargeait de nous inculquer cette mémoire qu'on nous interdit ou presque désormais, qu'en rangs, autour des anciens combattants locaux, nous nous rassemblions autour du monument aux morts de nos villages les 11 novembre et 8 mai avant d'aller déposer une gerbe dans le carré militaire du cimetière. Tout cela est évidemment terminé. On trouverait ça tellement déplacé. Pourtant dans nos esprits la France avait encore une signification. On ne parlait pas de vivre ensemble. Nos camarades d'origine étrangère, algérienne surtout, avaient pour ancêtres les mêmes gaulois que nous et ne nous parlaient pas de Sétif. Oh la la, ç'est vraiment pas bien ce que je dis. Parce que c'est mieux maintenant. Bien sûr!

C'est tellement mieux qu'il serait évidemment malvenu de se souvenir qu'hier c'était le 60ème anniversaire de la chute de Dien Bien Phu. Peut-être d'ailleurs cela vaut-il mieux, pour la mémoire de ceux qui sont morts là-bas et ensuite dans les camps viets. Car pour certains cette défaite française, victoire des peuples colonisés, pourrait constituer un motif de réjouissance. Ceux-là, héritiers des dockers communistes de Marseille qui balançaient des boulons sur les squelettes ambulants, libérés de ces camps de la mort, à leur retour en France, trouveraient dans cette date, si elle n'échappait pas à leur sinistre mémoire une occasion de manifester leur joie malsaine.
Pourtant Dien Bien Phu devrait pouvoir constituer un exemple de grandeur pour les jeunes générations, une leçon d'honneur. Le sacrifice consenti de tous ces volontaires largués souvent alors qu'ils n'avaient jamais sauté en parachute sur le camp retranché, juste par esprit de camaraderie, juste pour l'honneur des armées de la France, tandis qu'ils pouvaient déjà savoir le destin funeste qui les attendait, cela n'est-il pas une belle leçon à méditer qu'ils nous ont laissé… en vain. Hélas! Non au contraire, on se souviendra de l'émotion de Fabius, notre grand ministre des affaires étrangères, quand Giap décéda il y a quelques mois, le même qui par son œuvre, par ses camps de rééducation dirigés parfois par des Français, souvenons-nous de l'infâme Boudarel, permit à 80% des prisonniers de guerre français de succomber, et à 100% de nos supplétifs vietnamiens de mourir, exécutés. Voilà comment l'histoire est traitée désormais.

Finissons-en avec un dernier événement qui permettra de boucler la boucle. Dans deux jours, ce sera la journée officielle de commémoration de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions. Aucune chance que ça on l'oublie. Aucune chance que ça les enfants des écoles n'en aient pas entendu parler. D'ailleurs depuis la loi Taubira, c'est obligatoire. Cela dit, j'exagère. Car sans doute pour ne pas surcharger les jeunes cerveaux ne leur parle-t-on que de cette partie de l'esclavage, de la traite qui nous concerne, enfin ce à quoi ont participé un nombre restreint de Français il y a longtemps tandis que la majorité des autres bien trop occupés à cultiver leurs terres ignoraient complètement que ça existait. C'est pas ça? C'est toute la France, tous les Français de l'époque qui sont coupables? Et qui nous ont légué leurs fautes? Pardon je ne savais pas. Donc repentance pour tous. Obligatoire. Enfin pour tous, pas exactement. Juste les blancs. Faut pas accabler les jeunes des cités, qu'elle a dit Taubira quand on lui a fait remarquer que l'esclavage et les traites n'étaient pas une spécificité européenne, et à fortiori française.
En fait je pense à ça suite aux réactions qui ont suivi le tweet de Mariani, c'est mon député, à propos de la démonstration faite par Boko Haram. Je ne vais pas commenter l'opportunité de ce tweet qui me démontre une fois de plus que les gens qui ont quelque chose à exprimer devraient éviter ce moyen forcément réducteur de la pensée ou du moins ouvrant le champ à toutes les interprétations possibles. J'imagine que Mariani s'appuyant sur la menace de mise en esclavage de fillettes par des islamistes a voulu, à cette veille d'une commémoration que certains, et j'en suis, voient comme une marque de repentance, indiquer que l'esclavage n'était pas notre apanage et que l'histoire de l'esclavage et des traites pouvait amplement le démontrer.
Mais évidemment ça ne peut pas plaire. Non pas parce que c'est déplacé, on peut en juger ainsi, mais parce que c'est vrai. Or la vérité est l'ennemie de tous les idéologues. Et notamment de ceux qui n'ont de cesse de salir notre histoire, de salir les Français, de salir les blancs en général, comme s'ils étaient porteurs de tous les crimes de l'humanité. D'un côté les méchants, nous, de l'autre les victimes, tous les autres. Pour ceux-là l'histoire, la vraie histoire dans toutes ses dimensions est une horreur, une abomination. Alors ils sélectionnent, provoquant même des lois à l'occasion. Pour eux le 8 mai, c'est Sétif, et l'esclavage pratiqué par d'autres que les blancs ne doit pas avoir existé. Il est donc interdit d'en faire mention. En ce sens ils ont reçu l'appui de la représentation nationale qui a voté comme un seul homme la loi Taubira.

L'histoire est un enjeu politique. Ce n'est peut-être pas nouveau. Ce qui est sans doute nouveau, c'est que chez nous elle est devenue l'instrument du détricotage de la nation, alors qu'elle en était auparavant le ciment. Et la responsabilité de l'Etat, soit qui n'a pas su résister aux pressions qui ont provoqué ce retournement, soit qui s'en est rendu complice, souvenons-nous du voyage de Hollande en Algérie ou à la déclaration de Fabius concernant Giap, est très grave.