"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

jeudi 8 mai 2014

L'histoire, objet de méfiance et de manipulation





Ces jours-ci sont riches en anniversaires d'événements historiques commémorés ou non.
L'histoire se rappelle à nous dans sa grandeur, dans ses horreurs. Enfin presque, car on, mais qui est on?, on est très sélectif avec l'histoire. Alors on oublie certains événements  laissant leur mémoire à quelques dépositaires, à quelques spécialistes ou à wikipédia, alors on transforme certains faits en les présentant d'une manière correspondant à ce qu'on appelle l'air du temps en espérant, du moins je l'espère, que cela n'est qu'une mode et que donc ça passera, même si ça fait quand même longtemps que ça dure ces conneries, Bref l'histoire est devenu un instrument du présent, pas tant pour le comprendre, que pour appuyer une vision idéologique. On voit d'ailleurs fort bien comment a évolué son enseignement dans les écoles de la République où l'effort se perpétue depuis désormais pas mal d'années pour effacer une histoire particulière qui serait celle de la France, une histoire qui pourrait servir de ciment à une société dont on peut légitimement se demander si on ne la souhaite pas déboussolée pour mieux la contrôler, pour mieux la réduire en une masse d'individus-consommateurs,  une histoire qui  pourrait constituer ce legs de souvenirs, et une part de cet héritage indivis dont parle Renan dans son discours sur la nation.

Non, ça on, toujours ce on, on n'en veut plus. Chacun a droit à son histoire, celle de sa communauté, de même qu'à faire valoir sa culture, toujours celle de sa communauté. Puisque désormais il est interdit de hiérarchiser cultures et civilisations, puisque tout se vaut, pourquoi ne pas laisser se développer des histoires particulières qui au lieu d'unir opposent ceux qui s'en réclament et fissurent une société. Car faire société, et surtout faire nation, si je peux me permettre cette expression, c'est dépassé, et c'est même déconseillé. Désormais on doit vivre ensemble. Curieuse expression qui marque effectivement l'état de décomposition de nos sociétés occidentales.
 On pourrait ramener ça à des expressions de la vie courante concernant des individus ayant des rapports plus ou moins amoureux entre eux, ou du moins à certaines étapes de leur vie commune. Quand on dit que Marc et Julie sont ensemble (ou disons Jérémy et Mohamed pour faire dans l'air du temps), on comprend qu'ils couchent ensemble, même si on ne sait pas où. L'étape suivante c'est quand ils vivent ensemble : là on sait où ils baisent, à savoir sous le même toit dont ils partagent le loyer. Mais finalement rien ne les lie de façon contraignante. Tout cela peut cesser du jour au lendemain (demandez à Valérie) quant Marc se sera amouraché de Chlothilde ou Jérémy de Brahim car même en amour il est engagé politiquement. Mais peut-être passeront-ils à l'étape suivante et finiront-ils par former un couple, en se mariant ou en se pacsant! Et peut-être même formeront-ils une famille en ayant des enfants de façon naturelle ou en les adoptant!
Et bien nos sociétés c'est pareil, sauf qu'on a compris quelle est leur évolution. On essaie péniblement de vivre ensemble après avoir été unis par un lien assez indéfinissable, un lien exclusif, et dont l'histoire et la culture constituaient le ciment. Mais sans doute l'évolution nous amènera-t-elle à être ensemble tout simplement, dans des portions de territoire assez bien circonscrites et dont l'étanchéité sera essentiellement corrélée à la fortune de chacun, bien davantage qu'à une volonté de s'intégrer. D'ailleurs oublions ce terme déjà dépassé dans les faits et même rejeté par certains.
Le vivre ensemble dont on nous rabat les oreilles n'est évidemment pas quelque chose susceptible de créer un lien fort entre communautés, entre individus qui seraient capables de reconnaitre dans l'autre une part d'eux-mêmes. C'est évidemment tout l'inverse, l'annonce d'un morcellement déjà bien engagé.

Mais revenons à l'histoire, à notre histoire, à nous Français. Car quelques événements ou non-événements d'ailleurs, récents tendent bien à illustrer ce qu'on en fait.
Comme je le disais en préambule, la période est riche en anniversaires. Aujourd'hui par exemple, c'était le 8 mai. Ce n'est quand même pas une date anodine le 8 mai. La fin de la guerre en Europe et la fin du nazisme. Je constate déjà que certains préfèrent se souvenir des événements de Sétif plutôt que ce que je viens de noter. On parlera plus tard des raisons de ce choix très sélectif, car tout se recoupe comme on le verra. Même si par ailleurs on peut être surpris de voir le second événement parfois éclipser le premier totalement, ou au mieux mis sur le même pied. C'est vrai que Sétif a existé, que c'est un fait historique dont chacun pourra se faire son analyse. Mais pour la France, pour les Français, pour l'unité nationale, si ce n'est à cause de l'importance de l'événement, on pourrait imaginer que quand on évoque le 8 mai 1945 c'est d'abord à la capitulation allemande que l'on pense. Et bien ce n'est pas le cas de tout le monde et je crains que ce le soit de moins en moins. J'imagine fort bien que quand les survivants de cette époque auront disparu, le 8 mai deviendra un banal jour férié sans grande signification pour beaucoup. Mais le souvenir de Sétif, lui se perpétuera. On verra pourquoi. Car la mémoire ça s'entretient. Je suis sidéré parle décalage qui existe entre la France et la Russie (le 9 mai là-bas) dans la manière d'envisager la commémoration de la fin de la seconde guerre mondiale en Europe. D'u côté un jour férié qui n'oblige guère que les autorités, les militaires et évidemment les anciens combattants, de l'autre une commémoration de portée nationale qui mobilise tout un peuple réuni autour d'un événement fédérateur. Peut-être le nombre de victimes y est-il pour quelque chose (plus de 20 millions et non 9 comme dit ce matin par notre ministre de la défense), mais ce n'est évidemment pas tout. C'est surtout un sentiment patriotique entretenu par l'enseignement de l'histoire, par les médias qui explique cette différence. Mais j'imagine que ce que j'écris là est naturellement suspect aux yeux de beaucoup et même davantage. Pourtant, je me souviens que dans mon enfance l'école se chargeait de nous inculquer cette mémoire qu'on nous interdit ou presque désormais, qu'en rangs, autour des anciens combattants locaux, nous nous rassemblions autour du monument aux morts de nos villages les 11 novembre et 8 mai avant d'aller déposer une gerbe dans le carré militaire du cimetière. Tout cela est évidemment terminé. On trouverait ça tellement déplacé. Pourtant dans nos esprits la France avait encore une signification. On ne parlait pas de vivre ensemble. Nos camarades d'origine étrangère, algérienne surtout, avaient pour ancêtres les mêmes gaulois que nous et ne nous parlaient pas de Sétif. Oh la la, ç'est vraiment pas bien ce que je dis. Parce que c'est mieux maintenant. Bien sûr!

C'est tellement mieux qu'il serait évidemment malvenu de se souvenir qu'hier c'était le 60ème anniversaire de la chute de Dien Bien Phu. Peut-être d'ailleurs cela vaut-il mieux, pour la mémoire de ceux qui sont morts là-bas et ensuite dans les camps viets. Car pour certains cette défaite française, victoire des peuples colonisés, pourrait constituer un motif de réjouissance. Ceux-là, héritiers des dockers communistes de Marseille qui balançaient des boulons sur les squelettes ambulants, libérés de ces camps de la mort, à leur retour en France, trouveraient dans cette date, si elle n'échappait pas à leur sinistre mémoire une occasion de manifester leur joie malsaine.
Pourtant Dien Bien Phu devrait pouvoir constituer un exemple de grandeur pour les jeunes générations, une leçon d'honneur. Le sacrifice consenti de tous ces volontaires largués souvent alors qu'ils n'avaient jamais sauté en parachute sur le camp retranché, juste par esprit de camaraderie, juste pour l'honneur des armées de la France, tandis qu'ils pouvaient déjà savoir le destin funeste qui les attendait, cela n'est-il pas une belle leçon à méditer qu'ils nous ont laissé… en vain. Hélas! Non au contraire, on se souviendra de l'émotion de Fabius, notre grand ministre des affaires étrangères, quand Giap décéda il y a quelques mois, le même qui par son œuvre, par ses camps de rééducation dirigés parfois par des Français, souvenons-nous de l'infâme Boudarel, permit à 80% des prisonniers de guerre français de succomber, et à 100% de nos supplétifs vietnamiens de mourir, exécutés. Voilà comment l'histoire est traitée désormais.

Finissons-en avec un dernier événement qui permettra de boucler la boucle. Dans deux jours, ce sera la journée officielle de commémoration de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions. Aucune chance que ça on l'oublie. Aucune chance que ça les enfants des écoles n'en aient pas entendu parler. D'ailleurs depuis la loi Taubira, c'est obligatoire. Cela dit, j'exagère. Car sans doute pour ne pas surcharger les jeunes cerveaux ne leur parle-t-on que de cette partie de l'esclavage, de la traite qui nous concerne, enfin ce à quoi ont participé un nombre restreint de Français il y a longtemps tandis que la majorité des autres bien trop occupés à cultiver leurs terres ignoraient complètement que ça existait. C'est pas ça? C'est toute la France, tous les Français de l'époque qui sont coupables? Et qui nous ont légué leurs fautes? Pardon je ne savais pas. Donc repentance pour tous. Obligatoire. Enfin pour tous, pas exactement. Juste les blancs. Faut pas accabler les jeunes des cités, qu'elle a dit Taubira quand on lui a fait remarquer que l'esclavage et les traites n'étaient pas une spécificité européenne, et à fortiori française.
En fait je pense à ça suite aux réactions qui ont suivi le tweet de Mariani, c'est mon député, à propos de la démonstration faite par Boko Haram. Je ne vais pas commenter l'opportunité de ce tweet qui me démontre une fois de plus que les gens qui ont quelque chose à exprimer devraient éviter ce moyen forcément réducteur de la pensée ou du moins ouvrant le champ à toutes les interprétations possibles. J'imagine que Mariani s'appuyant sur la menace de mise en esclavage de fillettes par des islamistes a voulu, à cette veille d'une commémoration que certains, et j'en suis, voient comme une marque de repentance, indiquer que l'esclavage n'était pas notre apanage et que l'histoire de l'esclavage et des traites pouvait amplement le démontrer.
Mais évidemment ça ne peut pas plaire. Non pas parce que c'est déplacé, on peut en juger ainsi, mais parce que c'est vrai. Or la vérité est l'ennemie de tous les idéologues. Et notamment de ceux qui n'ont de cesse de salir notre histoire, de salir les Français, de salir les blancs en général, comme s'ils étaient porteurs de tous les crimes de l'humanité. D'un côté les méchants, nous, de l'autre les victimes, tous les autres. Pour ceux-là l'histoire, la vraie histoire dans toutes ses dimensions est une horreur, une abomination. Alors ils sélectionnent, provoquant même des lois à l'occasion. Pour eux le 8 mai, c'est Sétif, et l'esclavage pratiqué par d'autres que les blancs ne doit pas avoir existé. Il est donc interdit d'en faire mention. En ce sens ils ont reçu l'appui de la représentation nationale qui a voté comme un seul homme la loi Taubira.

L'histoire est un enjeu politique. Ce n'est peut-être pas nouveau. Ce qui est sans doute nouveau, c'est que chez nous elle est devenue l'instrument du détricotage de la nation, alors qu'elle en était auparavant le ciment. Et la responsabilité de l'Etat, soit qui n'a pas su résister aux pressions qui ont provoqué ce retournement, soit qui s'en est rendu complice, souvenons-nous du voyage de Hollande en Algérie ou à la déclaration de Fabius concernant Giap, est très grave.

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