Ces jours-ci sont riches en
anniversaires d'événements historiques commémorés ou non.
L'histoire se rappelle à nous
dans sa grandeur, dans ses horreurs. Enfin presque, car on, mais qui est on?,
on est très sélectif avec l'histoire. Alors on oublie certains événements laissant leur mémoire à quelques dépositaires,
à quelques spécialistes ou à wikipédia, alors on transforme certains faits en
les présentant d'une manière correspondant à ce qu'on appelle l'air du temps en
espérant, du moins je l'espère, que cela n'est qu'une mode et que donc ça
passera, même si ça fait quand même longtemps que ça dure ces conneries, Bref
l'histoire est devenu un instrument du présent, pas tant pour le comprendre,
que pour appuyer une vision idéologique. On voit d'ailleurs fort bien comment a
évolué son enseignement dans les écoles de la République où l'effort se
perpétue depuis désormais pas mal d'années pour effacer une histoire
particulière qui serait celle de la France, une histoire qui pourrait servir de
ciment à une société dont on peut légitimement se demander si on ne la souhaite
pas déboussolée pour mieux la contrôler, pour mieux la réduire en une masse d'individus-consommateurs,
une histoire qui pourrait constituer ce legs de souvenirs, et
une part de cet héritage indivis dont parle Renan dans son discours sur la
nation.
Non, ça on, toujours ce on, on
n'en veut plus. Chacun a droit à son histoire, celle de sa communauté, de même
qu'à faire valoir sa culture, toujours celle de sa communauté. Puisque
désormais il est interdit de hiérarchiser cultures et civilisations, puisque
tout se vaut, pourquoi ne pas laisser se développer des histoires particulières
qui au lieu d'unir opposent ceux qui s'en réclament et fissurent une société. Car
faire société, et surtout faire nation, si je peux me permettre cette expression,
c'est dépassé, et c'est même déconseillé. Désormais on doit vivre ensemble. Curieuse
expression qui marque effectivement l'état de décomposition de nos sociétés
occidentales.
On pourrait ramener ça à des expressions de la
vie courante concernant des individus ayant des rapports plus ou moins amoureux
entre eux, ou du moins à certaines étapes de leur vie commune. Quand on dit que
Marc et Julie sont ensemble (ou disons Jérémy et Mohamed pour faire dans l'air
du temps), on comprend qu'ils couchent ensemble, même si on ne sait pas où.
L'étape suivante c'est quand ils vivent ensemble : là on sait où ils baisent, à
savoir sous le même toit dont ils partagent le loyer. Mais finalement rien ne
les lie de façon contraignante. Tout cela peut cesser du jour au lendemain
(demandez à Valérie) quant Marc se sera amouraché de Chlothilde ou Jérémy de
Brahim car même en amour il est engagé politiquement. Mais peut-être
passeront-ils à l'étape suivante et finiront-ils par former un couple, en se
mariant ou en se pacsant! Et peut-être même formeront-ils une famille en ayant
des enfants de façon naturelle ou en les adoptant!
Et bien nos sociétés c'est pareil,
sauf qu'on a compris quelle est leur évolution. On essaie péniblement de vivre
ensemble après avoir été unis par un lien assez indéfinissable, un lien
exclusif, et dont l'histoire et la culture constituaient le ciment. Mais sans
doute l'évolution nous amènera-t-elle à être ensemble tout simplement, dans des
portions de territoire assez bien circonscrites et dont l'étanchéité sera essentiellement
corrélée à la fortune de chacun, bien davantage qu'à une volonté de s'intégrer.
D'ailleurs oublions ce terme déjà dépassé dans les faits et même rejeté par certains.
Le vivre ensemble dont on nous
rabat les oreilles n'est évidemment pas quelque chose susceptible de créer un
lien fort entre communautés, entre individus qui seraient capables de
reconnaitre dans l'autre une part d'eux-mêmes. C'est évidemment tout l'inverse,
l'annonce d'un morcellement déjà bien engagé.
Mais revenons à l'histoire, à
notre histoire, à nous Français. Car quelques événements ou non-événements
d'ailleurs, récents tendent bien à illustrer ce qu'on en fait.
Comme je le disais en préambule,
la période est riche en anniversaires. Aujourd'hui par exemple, c'était le 8
mai. Ce n'est quand même pas une date anodine le 8 mai. La fin de la guerre en
Europe et la fin du nazisme. Je constate déjà que certains préfèrent se
souvenir des événements de Sétif plutôt que ce que je viens de noter. On
parlera plus tard des raisons de ce choix très sélectif, car tout se recoupe
comme on le verra. Même si par ailleurs on peut être surpris de voir le second événement
parfois éclipser le premier totalement, ou au mieux mis sur le même pied. C'est
vrai que Sétif a existé, que c'est un fait historique dont chacun pourra se
faire son analyse. Mais pour la France, pour les Français, pour l'unité
nationale, si ce n'est à cause de l'importance de l'événement, on pourrait
imaginer que quand on évoque le 8 mai 1945 c'est d'abord à la capitulation
allemande que l'on pense. Et bien ce n'est pas le cas de tout le monde et je
crains que ce le soit de moins en moins. J'imagine fort bien que quand les
survivants de cette époque auront disparu, le 8 mai deviendra un banal jour férié
sans grande signification pour beaucoup. Mais le souvenir de Sétif, lui se
perpétuera. On verra pourquoi. Car la mémoire ça s'entretient. Je suis sidéré
parle décalage qui existe entre la France et la Russie (le 9 mai là-bas) dans
la manière d'envisager la commémoration de la fin de la seconde guerre mondiale
en Europe. D'u côté un jour férié qui n'oblige guère que les autorités, les
militaires et évidemment les anciens combattants, de l'autre une commémoration
de portée nationale qui mobilise tout un peuple réuni autour d'un événement
fédérateur. Peut-être le nombre de victimes y est-il pour quelque chose (plus
de 20 millions et non 9 comme dit ce matin par notre ministre de la défense),
mais ce n'est évidemment pas tout. C'est surtout un sentiment patriotique entretenu
par l'enseignement de l'histoire, par les médias qui explique cette différence.
Mais j'imagine que ce que j'écris là est naturellement suspect aux yeux de
beaucoup et même davantage. Pourtant, je me souviens que dans mon enfance
l'école se chargeait de nous inculquer cette mémoire qu'on nous interdit ou
presque désormais, qu'en rangs, autour des anciens combattants locaux, nous
nous rassemblions autour du monument aux morts de nos villages les 11 novembre
et 8 mai avant d'aller déposer une gerbe dans le carré militaire du cimetière.
Tout cela est évidemment terminé. On trouverait ça tellement déplacé. Pourtant
dans nos esprits la France avait encore une signification. On ne parlait pas de
vivre ensemble. Nos camarades d'origine étrangère, algérienne surtout, avaient
pour ancêtres les mêmes gaulois que nous et ne nous parlaient pas de Sétif. Oh
la la, ç'est vraiment pas bien ce que je dis. Parce que c'est mieux maintenant.
Bien sûr!
C'est tellement mieux qu'il serait
évidemment malvenu de se souvenir qu'hier c'était le 60ème
anniversaire de la chute de Dien Bien Phu. Peut-être d'ailleurs cela vaut-il
mieux, pour la mémoire de ceux qui sont morts là-bas et ensuite dans les camps
viets. Car pour certains cette défaite française, victoire des peuples
colonisés, pourrait constituer un motif de réjouissance. Ceux-là, héritiers des
dockers communistes de Marseille qui balançaient des boulons sur les squelettes
ambulants, libérés de ces camps de la mort, à leur retour en France,
trouveraient dans cette date, si elle n'échappait pas à leur sinistre mémoire
une occasion de manifester leur joie malsaine.
Pourtant Dien Bien Phu devrait pouvoir
constituer un exemple de grandeur pour les jeunes générations, une leçon
d'honneur. Le sacrifice consenti de tous ces volontaires largués souvent alors qu'ils
n'avaient jamais sauté en parachute sur le camp retranché, juste par esprit de
camaraderie, juste pour l'honneur des armées de la France, tandis qu'ils
pouvaient déjà savoir le destin funeste qui les attendait, cela n'est-il pas
une belle leçon à méditer qu'ils nous ont laissé… en vain. Hélas! Non au contraire,
on se souviendra de l'émotion de Fabius, notre grand ministre des affaires
étrangères, quand Giap décéda il y a quelques mois, le même qui par son œuvre,
par ses camps de rééducation dirigés parfois par des Français, souvenons-nous
de l'infâme Boudarel, permit à 80% des prisonniers de guerre français de
succomber, et à 100% de nos supplétifs vietnamiens de mourir, exécutés. Voilà
comment l'histoire est traitée désormais.
Finissons-en avec un dernier
événement qui permettra de boucler la boucle. Dans deux jours, ce sera la journée
officielle de commémoration de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions.
Aucune chance que ça on l'oublie. Aucune chance que ça les enfants des écoles
n'en aient pas entendu parler. D'ailleurs depuis la loi Taubira, c'est
obligatoire. Cela dit, j'exagère. Car sans doute pour ne pas surcharger les jeunes
cerveaux ne leur parle-t-on que de cette partie de l'esclavage, de la traite
qui nous concerne, enfin ce à quoi ont participé un nombre restreint de
Français il y a longtemps tandis que la majorité des autres bien trop occupés à
cultiver leurs terres ignoraient complètement que ça existait. C'est pas ça? C'est
toute la France, tous les Français de l'époque qui sont coupables? Et qui nous
ont légué leurs fautes? Pardon je ne savais pas. Donc repentance pour tous.
Obligatoire. Enfin pour tous, pas exactement. Juste les blancs. Faut pas
accabler les jeunes des cités, qu'elle a dit Taubira quand on lui a fait remarquer
que l'esclavage et les traites n'étaient pas une spécificité européenne, et à
fortiori française.
En fait je pense à ça suite aux
réactions qui ont suivi le tweet de Mariani, c'est mon député, à propos de la
démonstration faite par Boko Haram. Je ne vais pas commenter l'opportunité de
ce tweet qui me démontre une fois de plus que les gens qui ont quelque chose à exprimer
devraient éviter ce moyen forcément réducteur de la pensée ou du moins ouvrant
le champ à toutes les interprétations possibles. J'imagine que Mariani
s'appuyant sur la menace de mise en esclavage de fillettes par des islamistes a
voulu, à cette veille d'une commémoration que certains, et j'en suis, voient
comme une marque de repentance, indiquer que l'esclavage n'était pas notre
apanage et que l'histoire de l'esclavage et des traites pouvait amplement le
démontrer.
Mais évidemment ça ne peut pas
plaire. Non pas parce que c'est déplacé, on peut en juger ainsi, mais parce que
c'est vrai. Or la vérité est l'ennemie de tous les idéologues. Et notamment de
ceux qui n'ont de cesse de salir notre histoire, de salir les Français, de
salir les blancs en général, comme s'ils étaient porteurs de tous les crimes de
l'humanité. D'un côté les méchants, nous, de l'autre les victimes, tous les
autres. Pour ceux-là l'histoire, la vraie histoire dans toutes ses dimensions est
une horreur, une abomination. Alors ils sélectionnent, provoquant même des lois
à l'occasion. Pour eux le 8 mai, c'est Sétif, et l'esclavage pratiqué par d'autres
que les blancs ne doit pas avoir existé. Il est donc interdit d'en faire
mention. En ce sens ils ont reçu l'appui de la représentation nationale qui a
voté comme un seul homme la loi Taubira.
L'histoire est un enjeu
politique. Ce n'est peut-être pas nouveau. Ce qui est sans doute nouveau, c'est
que chez nous elle est devenue l'instrument du détricotage de la nation, alors
qu'elle en était auparavant le ciment. Et la responsabilité de l'Etat, soit qui
n'a pas su résister aux pressions qui ont provoqué ce retournement, soit qui
s'en est rendu complice, souvenons-nous du voyage de Hollande en Algérie ou à
la déclaration de Fabius concernant Giap, est très grave.
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