"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

lundi 28 mars 2016

Les politiques face au terrorisme




Tandis que Mehmet II assiégeait Constantinople (1453), les théologiens à l'abri des murs de la ville se disputaient sur le sexe des anges. La question restera sans réponse car comme tous les hommes de la ville ils seront massacrés par les troupes mahométanes au nom de la religion de paix et d'amour. Les femmes, qui elles seront violées avant de connaitre l'esclavage, percevront mieux sans doute que leurs époux et pères la signification du mot amour. Quant aux souverains chrétiens d'Occident, ils observeront de loin la chute de leurs frères d'Orient ayant sans doute mieux à faire comme se battre entre eux. Nous sommes notamment juste à la fin de la guerre de cent ans.  Il y a des erreurs, ou plutôt des fautes qui ne trouvent jamais réparation.

Rassurez-vous! Je ne vais pas vous servir des similitudes malvenues avec l'époque actuelle, du genre "les musulmans sont des égorgeurs et des violeurs". Les croisés n'étaient pas plus tendres que les mahométans dans leurs conquêtes. Chaque époque a ses mœurs, ses valeurs qu'il serait absurde de juger à l'aune des nôtres actuelles même si beaucoup, pour des raisons essentiellement malsaines visant à la mésestime d'eux-mêmes de la part des occidentaux, n'hésitent pas à se réclamer de cet universalisme temporel qui est venu se substituer à celui spatial tombant en décrépitude à cause d'un relativisme culturel de bon aloi quand on se situe dans le camp du bien. Les lois mémorielles sont un exemple typique de ce glissement se faisant évidemment au détriment de notre civilisation qu'il est de bon ton de piétiner en démontrant combien elle a été horrible et cause de tous les malheurs du monde.

Cela étant dit il faut bien que je m'explique sur ce premier alinéa qui évidemment doit nous conduire aux événements que nous vivons actuellement. Ce que je voulais signifier c'est qu'il existe des moments charnières dans l'histoire, et de même que la prise de Constantinople en fut un ce que nous vivons actuellement en est un autre, et que les erreurs d'appréciations portés sur ces moments quand ils surviennent ont toutes les probabilités de se transformer en fautes irréparables.



Je voudrais articuler mon propos en trois thèmes distincts, quoique non disjoints que je nommerais par facilité "Quai d'Orsay", "Place Beauvau", et "Palais Bourbon".

Depuis des années, et ça ne remonte pas à 2012, même si avec Fabius le somnolant nous avons atteint sans doute des sommets abyssaux (rassurez-vous, je vais bien c'était juste un clin d'œil à Alexandre Zinoviev et son célèbre "Hauteurs béantes"), je suis effaré par notre politique étrangère. On pourrait faire remonter ça à la première guerre du Golfe, quand notre participation à cette piètre aventure scellait le début d'un alignement sans distinction sur la politique étrangère des Etats-Unis, malgré le sursaut de 2003, étrange moment gaulliste, quand la France alliée à l'Allemagne et la Russie, s'opposait à la seconde intervention en Irak. Yougoslavie, Kosovo notamment, amitiés suspectes avec la Qatar puis l'Arabie Saoudite, printemps arabes, Libye, Syrie, Ukraine et j'en oublie, nous n'avons cessé de nous fourvoyer participant aux désordres du monde et enrichissant un terreau déjà fertile d'où allaient sortir nos terroristes, bien de chez nous.

Je m'arrêterai juste un instant sur la Libye et la Syrie, ce dernier cas illustrant la parfaire continuité de notre politique étrangère…dans l'erreur. Sur fond d'influence du Qatar (voir à ce propos l'excellent livre de Vanessa Ratignier et Pierre Péan "Une France sous influence") nous avons fait copains-copains avec Kadhafi et El Assad avant de dézinguer le premier et espéré pouvoir faire la même chose avec le second dès lors que les intérêts du Qatar impliquaient cette rupture. Pétrole d'un côté, gazoduc de l'autre, les alliances tiennent à peu de choses dès que pétro et gazo-dollars pointent le bout de leur nez. Nos intérêts là-dedans? Ne cherchez pas, il n'y en a pas autres que particuliers ou alors relatifs à quelques contrats d'armements. Par contre vous n'aurez pas de mal à trouver quelques inconvénients à cette si avisée politique étrangère. L'incapacité de contrôler les flux migratoires passant par une Libye désormais en pleine guerre civile et plate-forme du terrorisme située à quelques encablures de l'Europe en est une. On pourrait aussi évoquer les flux migratoires issus du Moyen-Orient en guerre civilo-religieuse. Et aussi parler de nos soldats dans le Sahel et qui se battent contre des groupes disposant des armes livrées aux rebelles libyens ou prises dans les arsenaux de Khadafi, ces groupes étant eux-mêmes financés par le Qatar via des organisations forcément caritatives. Et ce ne sont que quelques exemples des effets de notre diplomatie.

De Gaulle disait ou avait sans doute repris cette expression : "Les Etats n'ont pas d'amis, mais des intérêts". Formule désormais inversée, même si nos amis n'en sont pas vraiment.



Cela me permet une transition vers ce que j'ai nommé la partie "Place Beauvau".

Nos amis effectivement  ne sont pas en reste dès lors qu'il s'agit de marquer leur influence dans les affaires intérieures de la France. Ils sont d'ailleurs amplement récompensés pour cela comme l'ancien ambassadeur du Qatar qui fut décoré trois fois de la légion d'honneur, dans trois grades successifs, au cours des quelques années qu'il passa dans notre beau pays. Car à gauche comme à droite on aime le Qatar.

Alors qu'on était dans les années 90 sous le coup des attentats islamistes, souvenons-nous de Khaled Khelkal, quelques éminents analystes du renseignement alertaient les autorités sur ce qui commençait à se passer dans les mosquées, notamment au sujet de la propagande wahhabite importée d'Arabie Saoudite et du Qatar. On les renvoya gentiment à leurs chères analyses dont il n'était pas question qu'on les prenne en compte, les intérêts financiers et électoraux primant sur le reste. Et c'est donc ainsi que 20 ans plus tard on semble découvrir, la mine confite, que les messages diffusés dans les mosquées que pourtant la loi de 1905 sur la laïcité permet de surveiller au même titre que tous les lieux de culte quant aux propos qui y sont tenus, ne sont pas très en adéquation avec les valeurs républicaines. C'est un euphémisme, bien sûr

De la même manière un ministre de la ville, vite rabroué par ceux du camp du bien auquel pourtant il est censé appartenir, nous dit aujourd'hui "qu'une centaine de quartiers en France présentent des similitudes avec Molenbeeck". Quel scoop! Tandis qu'on nous parlait depuis des années de zones de non-droit, ou de territoires perdus de la République à propos desquels un livre éponyme nous renseignait fort bien sur les ravages que pouvait causer l'islam dans les cerveaux d'une partie de la jeunesse française.

Dans un certain sens ça rassure. Sur le plan intérieur on semble même être davantage en avance que sur le plan extérieur quant à un relatif retour à une certaine lucidité. Mais combien aura-t-il fallu de morts pour cela? Et n'est-il pas déjà trop tard car c'est désormais de reconquête de parties de notre territoire dont il s'agit, bien plus difficile  réaliser qu'une protection contre l'entrisme d'idéologies hostiles? Nous avons laissé le salafisme se propager tranquillement sur notre territoire et imprégner les cerveaux dont les plus malades se mettent à rêver d'une palanquée de pucelles pas effarouchées du tout attendant les cuisses ouvertes leurs chers martyrs éparpillés au milieu de leurs victimes. Et on en est à ce constat qu'il se passe quand même chez nous des choses pas très catholiques, euh… normales, pardon!



Pendant ce temps dans nos assemblées on ne chôme pas. Même si on est au moins partiellement complice de cette dérive contre laquelle on est impuissant, on bosse, on se préoccupe du problème. Certes à sa manière, la seule qu'on ait pu trouver pour tenter de masquer le fait qu'on ne sert à rien, au moins dans ce domaine précis.

La grande activité de nos parlementaires, depuis des mois, est de se creuser le citron pour trouver le moyen de sévir contre ceux qui parmi les terroristes ne seraient pas parvenus à se faire sauter le caisson ou descendre par les forces de l'ordre. C'est une forme de service après-vente en quelque sorte dont la réelle utilité dans la lutte contre le terrorisme peut être discutée, et dont la forme, entendons par là les palabres, est pour le moins stupéfiante tant au niveau du contenu que de la longueur des débats.

Le débat sur le retrait de la nationalité touchant vraisemblablement à sa fin sans que pour autant on ait pu trancher puisque la révision constitutionnelle annoncée en grande pompe par notre glorieux président va tourner en jus de boudin, un autre se substitue à lui qui devrait occuper pendant au moins quelques semaines. C'est la nature de la peine à appliquer aux terroristes. Il y a peu encore j'aurais pu parler uniquement de durée, mais dès lors qu'au moins un parlementaire s'est prononcé pour la peine de mort, ce qui est d'ailleurs en parfaite conformité avec l'état de guerre dans lequel on nous a annoncé que nous sommes, c'est bien de nature dont il faut parler. Vous avez donc le choix pour vous étriper de choisir entre :

  1. Le statu quo, à savoir perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans,
  2.  La perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 30 ans, comme les meurtriers de policiers,
  3. La vraie perpétuité,
  4.  La peine de mort (choisir entre décollement, injection ou 12 balles dans la peau – un débat dans le débat).

Bon, je vous laisse réfléchir à ça. Au moins ça occupe et empêche de penser aux vrais problèmes.



Pour ma part j'en reviens à ce que je disais en début d'article. Nous sommes à un moment clé de notre histoire, confrontés à une volonté réelle de substituer un pouvoir à un autre, ceci étant déjà réalisé en certains lieux du territoire. Mais je ne suis pas sûr, je serais davantage persuadé du contraire, que nos politiques aient correctement évalué la situation.

mardi 22 mars 2016

Les islamistes frappent où ils veulent quand ils veulent. Et ce n'est pas prêt de finir!




C'est ce terrible constat qu'on peut faire aujourd'hui.
A peine 72 heures après l'interpellation de celui qui n'a pas eu le courage de se faite exploser au Stade de France et que du coup on a pris pour le cerveau de l'opération au nom de cette supposition ubuesque que l'EI sauvegardait ses élites (quel cerveau et quelle élite cet Abdeslam!), les islamistes tirent une nouvelle fois un gigantesque bras d'honneur à ceux qui leur ont déclaré, mollement à vrai dire, davantage avec des paroles que des actes, la guerre. "On frappe quand on veut et où on veut et même là où vous nous attendez le plus!". L'aéroport de Bruxelles étroitement surveillé, une station de métro dans le quartier des institutions européennes! Bien joué, bande de salauds! D'un côté une poignée d'individus arrêtés et qui pourront s'appuyer sur toutes les garanties qu'offre la loi pour échapper au seul sort qu'ils méritent, de l'autre côté des dizaines de morts et de blessés et de nouveau la peur.
A vrai dire elle ne nous quitte plus guère celle-là depuis qu'on a découvert que tout le monde pouvait être victime et pas seulement "les blasphémateurs" et les Juifs. Ce fut la grande leçon du 13 novembre, et celle-là, elle a été retenue. Dans les lieux publics, dans les gares, les aéroports, dans le métro, dans la rue, à la terrasse d'un café, au théâtre, au cinéma, pendant une prière, …, tout peut brutalement s'arrêter parce qu'un abruti de religion aura été poussé à se faire sauter le caisson. Et autant se dire et comprendre une fois pour toutes que contre ça on ne peut pas grand-chose. Ce n'est pas tous les jours que vous trouverez dans votre wagon des gens assez déterminés et entrainés pour stopper un terroriste qui s'apprête à défourailler sur tout ce qui bouge. En général ça n'arrive que dans les films ce genre de truc. Certes, on peut renforcer les mesures de sécurité, disons rendre la tâche plus compliquée aux terroristes mais ce n'est pas pour autant qu'il faut céder à l'illusion qu'on ne risque rien. Si après le contrôle et la fouille que vous subissez  l'aéroport (en Russie, depuis les attentats à l'aéroport de Moscou en 2010, il y en a désormais deux, un à l'entrée de l'aérogare,  un autre après les contrôles d'identité) vous vous sentez en sécurité, vous avez tout faux. Peut-être un bagagiste aura-t-il glissé parmi les bagages cette petite bombe largement suffisante pour que votre avion se désintègre en l'air.

Alors évidemment on ne peut pas s'y résigner, penser qu'on peut vivre en permanence avec la peur au ventre même si on s'y habitue entre deux attentats. On se retourne donc vers les autorités censées nous protéger, ce qu'elles font avec plus ou moins de bonheur en s'attachant en particulier à rassurer les foules en faisant patrouiller policiers et militaires dans certains points sensibles, mais seulement certains. C'est visible, ça rassure donc peut-être, mais on sait que c'est très insuffisant et que c'est en amont qu'il faut agir.
S'il s'agit de prévenir on pense d'abord aux services de renseignements dont on nous assure qu'on a gonflé les effectifs et renforcé les moyens, on pense à la collaboration entre services étrangers, on pense à des lois qu'on peut considérer d'exception parce qu'elles shuntent l'autorité judiciaire et permettent mises sur écoute, perquisitions, mises sous contrôle d'individus suspects. Mais malgré tout ça, malgré des annonces d'attentats déjoués, de temps en temps, BOUM!
Certains, on ne sait pas trop s'ils sont sincères ou si ça a pour but essentiel de rassurer, affirment qu'en bombardant Raqqa on va éviter les bombes à Paris, à Bruxelles ou ailleurs. Parce qu'ils pensent ou surtout veulent nous faire croire que c'est là qu'est la source. Et là évidemment ils se trompent, ils nous trompent, car la source si on pense qu'elle se situe là où se trouvent les têtes "pensantes" du terrorisme a cette curieuse manie de changer de lieu. Un temps ce fut l'Algérie, puis l'Afghanistan, aujourd'hui c'est la Syrie, demain ce sera la Libye ou le Sahel, après demain ce sera ailleurs. On pourra cogner, cogner, ça ne changera pas grand-chose. Car la menace terroriste elle n'est ni dans les maquis algériens, ni dans les zones tribales afghano-pakistanaises, ni à Raqqa, ni à Misrata,…, elle est chez nous, en France, en Europe. Et nous l'avons aidée à se développer à prospérer.
Car s'il fallait agir en amont c'était bien chez nous qu'il fallait agir. Et depuis très longtemps. Ceux qui se font exploser, ceux qui rafalent les terrasses de bar, sont des gens bien de chez nous, disposant souvent de la nationalité d'un Etat européen. Ils ont bénéficié sans que ça soit une aumône de notre système scolaire, de notre système social. J'en entends déjà qui vont me dire qu'ils ont été maltraités par notre société forcément raciste (d'apartheid comme dirait l'autre). Tout d'abord leurs parcours ne révèle pas forcément cela, et que penser de ces jeunes abrutis, français dits de souche, issus généralement des classes moyennes et qui après leur conversion sont partis se battre pour l'EI en Syrie. Ils sont victimes de quoi ceux-là, à part de leur connerie? Si, si je sais, de leur foi religieuse.
Mais ça, faut pas trop le dire. Car s'ils se disent musulmans, ce ne sont pas de bons musulmans et ils n'ont rien compris à l'islam qui est, comme chacun sait une religion de tolérance, de paix et d'amour. Preuve en est… et là évidemment on nous balance les sourates qui vont bien en ignorant soigneusement celles qui disent exactement l'inverse. Dans le Coran et les Hadiths du prophète, y en a pour tous les goûts. Cela dit on ira bien extirper, certains l'ont évidemment déjà fait, des choses similaires dans les textes des autres religions. Les religions, c'est comme ça, c'est un peu con. Mais heureusement que certaines ont pu être domptées. On appelle ça la sécularisation. Heureusement que des croyants, beaucoup de croyants, la majorité sont parvenus à adapter leur vie au monde qui les entoure et gardé de la religion ce qui pouvait être compatible avec et surtout en ont fait une chose personnelle, intime dont la pratique visible est devenue circonscrite à des lieux bien balisés.
Certes, c'est le cas, et heureusement, de beaucoup de musulmans, et même sans doute d'une grande majorité… chez nous. Mais quand même de moins en moins sans doute si on se réfère à la montée des revendications d'ordre religieux dont il est trop malheureusement tenu compte (je renvoie ici à un de mes précédents articles sur l'article 6 de la loi El Khomry). Et ça c'est quand même inquiétant. Pourtant, c'est bien sur les musulmans qu'on devrait compter le plus pour réformer leur pratique religieuse, pour l'adapter ou du moins la rendre compatible avec la société où ils vivent. Or qu'entend-t-on d'eux spontanément, du moins de certaines figures de l'islam en France et en Europe, et pour cela ils ne manquent pas de soutiens parmi certains de nos brillants penseurs : "pas d'amalgame" et aussi, soyons juste, une condamnation des actes terroristes, mais qui ne s'arrêtera qu'aux mots. Une tentative fut faite après les attentats perpétrés par Mehra d'organiser une manifestation de musulmans pour s'élever contre les actes commis par ce triste individu : échec. On réessaya la même chose après les attentats de janvier : pitoyable. En fait à chaque fois c'est la même chose et c'est même pire si on considère les approbations des meurtres sur les murs des cités qui ont fleuri après la mort de Mehra, et les honteux et nombreux incidents qui ont émaillé les tentatives de "minute de silence" organisées dans les écoles après Charlie. On n'a même pas recommencé l'expérience après les attentats du 13 novembre. Mieux vaut en effet se voiler la face pour ne pas avouer publiquement l'échec de 30 ou 40 années d'une intégration qui n'a pas été faite, tellement pas faite qu'à la troisième génération les descendants d'immigrés, pas tous, restons nuancés, se sentent encore étrangers au point parfois de traiter de sales français ceux qui disposent de la même carte d'identité qu'eux. Mais à part ça tout va bien!

Comme tout va bien quand on se rend compte qu'un terroriste recherché et ses complices ont pu se planquer pendant plus de 4 mois chez eux, dans leur ville, dans leurs cités, bénéficiant donc de multiples complicités actives ou passives, le silence en est une, cela montrant de façon évidente l'herméticité de certaines zones chez nous, en Europe, qu'il n'est même plus possible d'infiltrer et d'où les indics ont disparu. Comme tout va bien quand après avoir arrêté Abdelsam les forces de l'ordre ont été confrontées à des mots et des gestes d'hostilité dans cette si pittoresque commune de Molenbeek.

Alors oui, tout ça est inquiétant. On a beau se creuser le citron dans les milieux autorisés pour créer des catégories destinées à contrer l'amalgame, islamistes, musulmans modérés, on a même inventé les islamistes modérés à l'occasion du conflit syrien pour justifier nos douteux soutiens, les islamistes modérés étant peut-être ceux qui ne mettent pas de clous rouillés dans leurs bombes artisanales, tout ça ne peut pas masquer que la situation est bien plus complexe et surtout bien plus grave qu'on veut bien le dire. Il n'y a pas une poignée de tarés d'un côté et une masse de gentils de l'autre. La frontière n'est pas si nette. D'ailleurs, si on veut bien observer la frontière est bien plus visible et réelle entre chiites et sunnites qu'entre "modérés" et islamistes quelle que soit leur tendance religieuse.
Refuser de voir cela c'est se condamner à vivre encore et encore les horreurs de Madrid, de Londres, de Paris, de Bruxelles aujourd'hui. On pourra se réchauffer le cœur en inventant des slogans qui de beaux hashtag sur twitter. Il ne reste plus guère que ça pour se protéger. Ça remplace les prières collectives d'antan. Mais surtout gardons-nous, car ça pourrait nous aider et peut-être nous sauver, de soutenir ces penseurs musulmans, je vous rappelle que je pense que c'est des musulmans que doit venir la solution, ces penseurs lucides, ces Kamel Daoud, ces Boualem Sansal, ces Abdennour Bidar, il y en a d'autres heureusement. Les "grands" intellectuels de chez nous se chargeront bien de nous faire comprendre, ils pourront s'appuyer sur le Monde ou Médiapart pour cela, que ces gens sont un peu louches, sans doute un peu pervers et sans aucun doute pervertis pour oser remettre en cause la pratique de cette merveilleuse religion de paix et d'amour qu'est l'islam.

Et je m'arrêterai là-dessus. Quand ceux, je pense notamment à ces spécialistes en sciences humaines qui ont incendié Daoud dans le Monde, mais ils ne sont pas les seuls, qui devraient normalement nous éclairer, se mettent à combattre ceux qui ont sans doute le plus de légitimité pour poser un diagnostic juste de la situation et qui proposent et même ouvrent les voies pour sortir d'une situation désastreuse, il y a quelque chose qui ne fonctionne plus au pays des Lumières. Et quand ces gens, ces intellectuels enfermés dans leurs dogmes, dans cette illusion d'une heureuse diversité, d'une capacité évidente de vivre ensemble, exercent un ascendant suffisamment fort sur le pouvoir politique pour que celui-ci continue à faire l'autruche, on est assuré d'une chose : le terrorisme islamiste a encore de beaux jours devant lui.

dimanche 20 mars 2016

Commémorations du 19 mars, célébrations de la honte et du mensonge





Il ne s'agit pas ici de refaire la guerre d'Algérie ou de juger positivement ou négativement la colonisation. Cela ne serait certes pas inutile car ceux qui en parlent le plus, et notamment nos politiques, sont assez ignorants de l'histoire pour ne pas se rendre compte qu'ils sont en plein paradoxe de retournement historique.
Je m'explique rapidement sur ce point. La colonisation de l'Algérie, mais d'autres régions de l'Afrique et d'Asie fut fermement soutenue pendant longtemps et même jusqu'à son terme par ceux dont les héritiers font aujourd'hui le plus de zèle à battre leur coulpe et à trainer la France dans la boue de la repentance. Je pourrais rappeler les propos d'illustres gens de gauche comme Ferry ou Blum, finira-t-on par débaptiser les lieux publics portant leurs noms, qui considéraient la colonisation comme un devoir, un devoir de civilisation. La droite conservatrice, et, soyons juste, la gauche nationaliste (Clémenceau) se montrèrent pour leur part hostiles à la colonisation. La gauche a fait prospérer la colonisation et la droite y a mis fin. C'est une réalité historique. La gauche actuelle, socialiste essentiellement, jette tout aux orties, n'hésitant pas à salir la France, tandis que la droite, en apparence tout du moins, nuance le bilan de la colonisation (souvenons-nous du débat houleux autour des "apports positifs de la colonisation"), et se pose, malgré quelques malheureuses concessions dont Sarkozy fut un spécialiste, en rempart contre le phénomène de repentance. On en déduirait presque, si on voulait ignorer l'histoire, ce pas étant allégrement franchi par beaucoup, que le colonialisme, c'est la droite, et l'anticolonialisme, la gauche. Alors que c'est exactement l'inverse. Au moins Mitterrand qui connaissait l'histoire et se souvenait sans doute de ce qu'il disait quand il était ministre de l'intérieur sous la 4ème République, des trucs dans le style "L'Algérie, c'est la France" s'est-il toujours refusé, très fermement, à faire ce que ceux qui se présentent comme ses héritiers pratiquent avec zèle.
C'est en effet après lui que ça a dérapé, et très vite d'ailleurs puisque dès 2002, alors qu'une majorité socialiste occupe les bancs de l'Assemblé nationale, une loi est votée créant "une journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc " le 19 mars. Il faudra attendre plus de 10 ans, le 8 novembre 2012 exactement, pour que le Sénat passé de façon éphémère à gauche, vote également cette loi et rende possible sa promulgation. Ces 10 années de placardisation de la loi auraient pu au moins faire réfléchir sur le fait qu'elle avait ce caractère particulier de diviser les Français, notamment quant à la date retenue. Chirac l'avait compris qui célébra la même chose le 5 décembre, date neutre qui correspondait à l'inauguration par lui-même du monument aux victimes de la Guerre d'Algérie, quai Branly. Au demeurant on s'interrogera aussi sur cet amalgame qui est fait entre l'Algérie, le Maroc et la Tunisie, très différents tant au niveau des événements qui se sont déroulés dans ces pays que du statut de ces différents territoires à l'époque coloniale. Si on veut faire ce curieux amalgame pourquoi ne pas choisir le 2 mars, date anniversaire de la fin du protectorat au Maroc ou encore le 20 mars qui marque l'indépendance de la Tunisie. Au moins ces dates  n'amèneraient pas les polémiques entretenues autour de la date du 19 mars choisie dans leur sagesse par nos valeureux parlementaires.

Sans doute inspiré, peut-être même dopé par cette loi votée par lui en tant que député en 2002 et qu'il pouvait enfin promulguer en tant de président de la République, Hollande se rendait en Algérie en décembre 2012 où il reconnaissait les souffrances infligées au peuple algérien (on se demande quel peuple?) par la France pendant la période coloniale. Cet épisode m'avait à l'époque inspiré un billet qui peut être lu ici. C'est d'ailleurs pendant ce voyage qu'il rendra hommage au traitre Maurice Audin sur la place portant le nom de ce désormais héros du panthéon de la gauche. Quelques semaines auparavant on aura enfin trouvé une sépulture définitive au Général Bigeard après plus de deux années de tergiversations empreintes de cette louable volonté de ne pas heurter les milieux anti-patriotes qui auraient préféré voir les cendres du grand soldat terminer au fond d'une benne à ordure. La France de la repentance, c'est ainsi : on célèbre ceux qui se sont battus contre elle et l'ont trahie, et on crache sur ceux qui se sont battus pour elle. Gloire éternelle aux porteurs de valises! Et honte à ceux qui qui combattirent en son nom!

Donc dès novembre 2012, les jalons étaient posés. La date de commémoration officielle devenait le 19 mars, chose à laquelle tous les présidents précédents et notamment Mitterrand s'étaient opposés. Restait encore à franchir ce pas décisif de commémorer. Bon! On sait qu'avec Hollande ce processus de franchir le pas peut être long et même parfois ne jamais aboutir tant peut être difficile la synthèse entre faire et ne pas faire et qui n'est pas, contrairement à ce qu'on pourrait croire, toujours faire à moitié. Il laissera donc passer 2013, 2014 et 2015 avant enfin de se lancer. On se demande pourquoi! Si c'est pour faire plaisir à Bouteflika, ce cher malade familier du Val-de-Grâce (vous aurez compris que quand j'emploie le terme cher, c'est dans un sens bien précis), et à sa clique du FLN, c'est raté. Ils n'en n'auront jamais assez puisque la surenchère est le dernier moyen qui leur reste pour se garantir une si faible légitimité.  Dans ces temps troubles pour notre gouvernement, sans doute qu'un clin d'œil adressé à l'aile gauche du parti et au-delà a pu sembler opportun, juste histoire de faire croire que la gauche et la droite c'est pas pareil tandis que les convergences sur les plans économiques et sociaux deviennent de plus en plus évidentes, Europe et mondialisation obligent. Mais là-aussi ça risque d'être un peu léger dans la balance. Les gains électoraux en fonction des histoires des gens directement ou indirectement concernés par ce conflit n'apparaissent pas non plus évidents.
Alors peut-être notre glorieux président agit-il par conviction? Peut-être que dans ce corps présidentiel réside une âme de porteur de valises? Et même la valise qui va avec? On se souvient que dès le lendemain de son investiture à l'issue de primaire socialiste du 16 octobre 2011, le candidat Hollande allait déposer une gerbe au pont de Clichy et reconnaissait la répression du 17 octobre 1961, vous savez ce jour où on jetait par centaines les Algériens à la Seine et dont curieusement un seul remonta à la surface. C'est peut-être là, et seulement là, que se situe l'explication de ce choix dont il ne peut ignorer les conséquences de commémorer le 19 mars les victimes de la guerre d'Algérie et le reste.

Car c'est vraiment un drôle de choix, appelons-ça plutôt un bras d'honneur adressé à la France et à ceux qui l'ont servie, qu'ils proviennent de la rive Nord ou de la rive Sud de la Méditerranée, que cette date du 19 mars.
Le 19 mars, c'est le début officiel du cessez-le-feu au lendemain de la signature des accords d'Evian. Mais c'est surtout le début des grands massacres par le FLN de ses opposants, ce qui allait amener paisiblement l'Algérie vers la démocratie et le bonheur que l'on sait, des notables ayant sympathisé avec les Français, des harkis qui avaient combattu aux côtés de ces derniers, et bien sûr des Européens, Pieds-Noirs auxquels on laissa si on ne les avait pas égorgés le choix "entre la valise et le cercueil" et autres dont encore quelques militaires du contingents notamment.
Le 19 mars, c'est le début d'un moment de honte pour la France, et s'il y a lieu de se repentir, c'est à l'occasion des événements qui suivirent cette date qu'il faut le faire, quand elle abandonna ceux qui avaient cru en elle et s'étaient battu à ses côtés, quand elle sanctionna les officiers qui estimèrent que leur honneur était d'évacuer leurs harkis vers la France plutôt que de les laisser se faire égorger, quand elle assista l'arme au pied aux massacres de ses compatriotes, quand elle tira elle-même sur eux (rue d'Isly), quand en un mot elle demeura totalement passive alors que les accords signés le 18 mars étaient chaque jour violés.

Et c'est donc cette date du 19 mars, non pas celle d'une défaite militaire, car de défaite il n'y eut pas, bien au contraire (contrairement à ce que laisse entendre Sarkozy dans sa critique du choix de cette date), mais celle d'une défaite de l'honneur, du reniement de la parole donnée, de l'abandon des siens que nous sommes supposés accepter comme celle devant commémorer les victimes civiles et militaires de ce conflit tandis qu'un part énorme de ces victimes en fut la conséquence.
En ce jour funeste, je me sens, ô combien, bien plus proche du pauvre harki trahi puis maltraité par la France que de n'importe lequel de nos dirigeants ayant approuvé cette date de commémoration.