C'est ce terrible constat qu'on
peut faire aujourd'hui.
A peine 72 heures après
l'interpellation de celui qui n'a pas eu le courage de se faite exploser au
Stade de France et que du coup on a pris pour le cerveau de l'opération au nom
de cette supposition ubuesque que l'EI sauvegardait ses élites (quel cerveau et
quelle élite cet Abdeslam!), les islamistes tirent une nouvelle fois un
gigantesque bras d'honneur à ceux qui leur ont déclaré, mollement à vrai dire,
davantage avec des paroles que des actes, la guerre. "On frappe quand on veut et où on veut et même là où vous nous attendez
le plus!". L'aéroport de Bruxelles étroitement surveillé, une station
de métro dans le quartier des institutions européennes! Bien joué, bande de
salauds! D'un côté une poignée d'individus arrêtés et qui pourront s'appuyer
sur toutes les garanties qu'offre la loi pour échapper au seul sort qu'ils
méritent, de l'autre côté des dizaines de morts et de blessés et de nouveau la
peur.
A vrai dire elle ne nous quitte
plus guère celle-là depuis qu'on a découvert que tout le monde pouvait être
victime et pas seulement "les blasphémateurs" et les Juifs. Ce fut la
grande leçon du 13 novembre, et celle-là, elle a été retenue. Dans les lieux publics,
dans les gares, les aéroports, dans le métro, dans la rue, à la terrasse d'un
café, au théâtre, au cinéma, pendant une prière, …, tout peut brutalement
s'arrêter parce qu'un abruti de religion aura été poussé à se faire sauter le
caisson. Et autant se dire et comprendre une fois pour toutes que contre ça on
ne peut pas grand-chose. Ce n'est pas tous les jours que vous trouverez dans
votre wagon des gens assez déterminés et entrainés pour stopper un terroriste
qui s'apprête à défourailler sur tout ce qui bouge. En général ça n'arrive que
dans les films ce genre de truc. Certes, on peut renforcer les mesures de
sécurité, disons rendre la tâche plus compliquée aux terroristes mais ce n'est
pas pour autant qu'il faut céder à l'illusion qu'on ne risque rien. Si après le
contrôle et la fouille que vous subissez
l'aéroport (en Russie, depuis les attentats à l'aéroport de Moscou en
2010, il y en a désormais deux, un à l'entrée de l'aérogare, un autre après les contrôles d'identité) vous
vous sentez en sécurité, vous avez tout faux. Peut-être un bagagiste aura-t-il
glissé parmi les bagages cette petite bombe largement suffisante pour que votre
avion se désintègre en l'air.
Alors évidemment on ne peut pas
s'y résigner, penser qu'on peut vivre en permanence avec la peur au ventre même
si on s'y habitue entre deux attentats. On se retourne donc vers les autorités
censées nous protéger, ce qu'elles font avec plus ou moins de bonheur en
s'attachant en particulier à rassurer les foules en faisant patrouiller
policiers et militaires dans certains points sensibles, mais seulement
certains. C'est visible, ça rassure donc peut-être, mais on sait que c'est très
insuffisant et que c'est en amont qu'il faut agir.
S'il s'agit de prévenir on pense
d'abord aux services de renseignements dont on nous assure qu'on a gonflé les
effectifs et renforcé les moyens, on pense à la collaboration entre services
étrangers, on pense à des lois qu'on peut considérer d'exception parce qu'elles
shuntent l'autorité judiciaire et permettent mises sur écoute, perquisitions,
mises sous contrôle d'individus suspects. Mais malgré tout ça, malgré des
annonces d'attentats déjoués, de temps en temps, BOUM!
Certains, on ne sait pas trop
s'ils sont sincères ou si ça a pour but essentiel de rassurer, affirment qu'en
bombardant Raqqa on va éviter les bombes à Paris, à Bruxelles ou ailleurs. Parce
qu'ils pensent ou surtout veulent nous faire croire que c'est là qu'est la
source. Et là évidemment ils se trompent, ils nous trompent, car la source si on
pense qu'elle se situe là où se trouvent les têtes "pensantes" du
terrorisme a cette curieuse manie de changer de lieu. Un temps ce fut
l'Algérie, puis l'Afghanistan, aujourd'hui c'est la Syrie, demain ce sera la
Libye ou le Sahel, après demain ce sera ailleurs. On pourra cogner, cogner, ça
ne changera pas grand-chose. Car la menace terroriste elle n'est ni dans les
maquis algériens, ni dans les zones tribales afghano-pakistanaises, ni à Raqqa,
ni à Misrata,…, elle est chez nous, en France, en Europe. Et nous l'avons aidée
à se développer à prospérer.
Car s'il fallait agir en amont
c'était bien chez nous qu'il fallait agir. Et depuis très longtemps. Ceux qui
se font exploser, ceux qui rafalent les terrasses de bar, sont des gens bien de
chez nous, disposant souvent de la nationalité d'un Etat européen. Ils ont
bénéficié sans que ça soit une aumône de notre système scolaire, de notre
système social. J'en entends déjà qui vont me dire qu'ils ont été maltraités
par notre société forcément raciste (d'apartheid comme dirait l'autre). Tout
d'abord leurs parcours ne révèle pas forcément cela, et que penser de ces
jeunes abrutis, français dits de souche, issus généralement des classes
moyennes et qui après leur conversion sont partis se battre pour l'EI en Syrie.
Ils sont victimes de quoi ceux-là, à part de leur connerie? Si, si je sais, de
leur foi religieuse.
Mais ça, faut pas trop le dire.
Car s'ils se disent musulmans, ce ne sont pas de bons musulmans et ils n'ont
rien compris à l'islam qui est, comme chacun sait une religion de tolérance, de
paix et d'amour. Preuve en est… et là évidemment on nous balance les sourates
qui vont bien en ignorant soigneusement celles qui disent exactement l'inverse.
Dans le Coran et les Hadiths du prophète, y en a pour tous les goûts. Cela dit
on ira bien extirper, certains l'ont évidemment déjà fait, des choses
similaires dans les textes des autres religions. Les religions, c'est comme ça,
c'est un peu con. Mais heureusement que certaines ont pu être domptées. On
appelle ça la sécularisation. Heureusement que des croyants, beaucoup de
croyants, la majorité sont parvenus à adapter leur vie au monde qui les entoure
et gardé de la religion ce qui pouvait être compatible avec et surtout en ont
fait une chose personnelle, intime dont la pratique visible est devenue
circonscrite à des lieux bien balisés.
Certes, c'est le cas, et
heureusement, de beaucoup de musulmans, et même sans doute d'une grande
majorité… chez nous. Mais quand même de moins en moins sans doute si on se
réfère à la montée des revendications d'ordre religieux dont il est trop
malheureusement tenu compte (je renvoie ici à un de mes précédents articles sur
l'article 6 de la loi El Khomry). Et ça c'est quand même inquiétant. Pourtant,
c'est bien sur les musulmans qu'on devrait compter le plus pour réformer leur
pratique religieuse, pour l'adapter ou du moins la rendre compatible avec la
société où ils vivent. Or qu'entend-t-on d'eux spontanément, du moins de certaines
figures de l'islam en France et en Europe, et pour cela ils ne manquent pas de
soutiens parmi certains de nos brillants penseurs : "pas d'amalgame"
et aussi, soyons juste, une condamnation des actes terroristes, mais qui ne
s'arrêtera qu'aux mots. Une tentative fut faite après les attentats perpétrés
par Mehra d'organiser une manifestation de musulmans pour s'élever contre les
actes commis par ce triste individu : échec. On réessaya la même chose après
les attentats de janvier : pitoyable. En fait à chaque fois c'est la même chose
et c'est même pire si on considère les approbations des meurtres sur les murs
des cités qui ont fleuri après la mort de Mehra, et les honteux et nombreux
incidents qui ont émaillé les tentatives de "minute de silence"
organisées dans les écoles après Charlie. On n'a même pas recommencé
l'expérience après les attentats du 13 novembre. Mieux vaut en effet se voiler la
face pour ne pas avouer publiquement l'échec de 30 ou 40 années d'une
intégration qui n'a pas été faite, tellement pas faite qu'à la troisième
génération les descendants d'immigrés, pas tous, restons nuancés, se sentent encore
étrangers au point parfois de traiter de sales français ceux qui disposent de
la même carte d'identité qu'eux. Mais à part ça tout va bien!
Comme tout va bien quand on se
rend compte qu'un terroriste recherché et ses complices ont pu se planquer
pendant plus de 4 mois chez eux, dans leur ville, dans leurs cités, bénéficiant
donc de multiples complicités actives ou passives, le silence en est une, cela
montrant de façon évidente l'herméticité de certaines zones chez nous, en
Europe, qu'il n'est même plus possible d'infiltrer et d'où les indics ont
disparu. Comme tout va bien quand après avoir arrêté Abdelsam les forces de
l'ordre ont été confrontées à des mots et des gestes d'hostilité dans cette si
pittoresque commune de Molenbeek.
Alors oui, tout ça est
inquiétant. On a beau se creuser le citron dans les milieux autorisés pour
créer des catégories destinées à contrer l'amalgame, islamistes, musulmans
modérés, on a même inventé les islamistes modérés à l'occasion du conflit
syrien pour justifier nos douteux soutiens, les islamistes modérés étant
peut-être ceux qui ne mettent pas de clous rouillés dans leurs bombes
artisanales, tout ça ne peut pas masquer que la situation est bien plus
complexe et surtout bien plus grave qu'on veut bien le dire. Il n'y a pas une
poignée de tarés d'un côté et une masse de gentils de l'autre. La frontière
n'est pas si nette. D'ailleurs, si on veut bien observer la frontière est bien
plus visible et réelle entre chiites et sunnites qu'entre "modérés"
et islamistes quelle que soit leur tendance religieuse.
Refuser de voir cela c'est se
condamner à vivre encore et encore les horreurs de Madrid, de Londres, de
Paris, de Bruxelles aujourd'hui. On pourra se réchauffer le cœur en inventant
des slogans qui de beaux hashtag sur twitter. Il ne reste plus guère que ça
pour se protéger. Ça remplace les prières collectives d'antan. Mais surtout
gardons-nous, car ça pourrait nous aider et peut-être nous sauver, de soutenir
ces penseurs musulmans, je vous rappelle que je pense que c'est des musulmans
que doit venir la solution, ces penseurs lucides, ces Kamel Daoud, ces Boualem
Sansal, ces Abdennour Bidar, il y en a d'autres heureusement. Les "grands"
intellectuels de chez nous se chargeront bien de nous faire comprendre, ils
pourront s'appuyer sur le Monde ou Médiapart pour cela, que ces gens sont un
peu louches, sans doute un peu pervers et sans aucun doute pervertis pour oser
remettre en cause la pratique de cette merveilleuse religion de paix et d'amour
qu'est l'islam.
Et je m'arrêterai là-dessus.
Quand ceux, je pense notamment à ces spécialistes en sciences humaines qui ont
incendié Daoud dans le Monde, mais ils ne sont pas les seuls, qui devraient
normalement nous éclairer, se mettent à combattre ceux qui ont sans doute le
plus de légitimité pour poser un diagnostic juste de la situation et qui
proposent et même ouvrent les voies pour sortir d'une situation désastreuse, il
y a quelque chose qui ne fonctionne plus au pays des Lumières. Et quand ces
gens, ces intellectuels enfermés dans leurs dogmes, dans cette illusion d'une
heureuse diversité, d'une capacité évidente de vivre ensemble, exercent un
ascendant suffisamment fort sur le pouvoir politique pour que celui-ci continue
à faire l'autruche, on est assuré d'une chose : le terrorisme islamiste a
encore de beaux jours devant lui.
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