"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

samedi 31 août 2013

Faut-il intervenir en Syrie?





C'est la grande question du moment, celle que l'on pose à  et que se pose l'opinion internationale, enfin plutôt occidentale, dès lors qu'il est possible, probable et même davantage que cela que des armes chimiques aient été utilisées lors de ce conflit touchant particulièrement la population civile et notamment des enfants. Comme le font généralement toutes les munitions qui ne sont pas spécialement discriminantes dès lors que les combattants sont imbriqués avec la population civile. Les victimes de Hiroshima ou de Dresde, si la possibilité de parler leur était rendue même très provisoirement ne vous diraient pas le contraire, ni même les Yéménites encore actuellement victimes des erreurs d'appréciation des pilotes de drones du Nevada. Mais bon, les armes chimiques sont interdites tandis que les autres ici évoquées ne le sont pas. Et on appelle donc ça franchir une ligne rouge. Curieux concept en vérité qui ne s'attache ni au nombre de victimes, ni à leur qualité (militaires, civils, femmes, enfants…) mais à la méthode utilisée pour les envoyer dans l'autre monde.

Serait-ce une raison d'intervenir? Peut-être, dans le cadre du droit d'ingérence humanitaire, mais après accord de l'ONU.

Serait-il sage d'intervenir? Ça c'est une autre question à laquelle on répond sans difficulté dès lors que l'Etat coupable est une grande puissance ou au moins une puissance ayant les moyens de faire mal aux éventuels justiciers, sur les plans militaire ou économique, ou à l'inverse quand il s'agit d'un pays sans grande importance à ces deux niveaux mais qui demeure intéressant à cause de certaines richesses ou de sa position sur la carte. Disons que l'expérience nous a indiqué que les crimes commis par certains Etats méritent d'être sanctionnés, tandis qu'on fermera les yeux sur les mêmes crimes commis par d'autres Etats.
C'est de la Realpolitik comme on dit. Et cette dernière doit évidemment prendre en compte les conséquences possibles d'une intervention.

Est-ce à nous d'intervenir? Dès lors que des règles internationales ont été fixées et adoptées par de nombreux pays, chacun parmi ces derniers peut se sentir fondé à intervenir dès lors que ces règles ont été violées. Néanmoins c'est toujours vers les occidentaux qu'on se tourne. A moins que ce ne soit eux qui se saisissent de l'affaire.

Le fait de se poser, de devoir se poser, les deux dernières questions réduit singulièrement la portée de la première. En fait en allant fouiller dans un passé récent on se rend compte qu'elle n'a qu'une importance secondaire, voire accessoire, même si paradoxalement ce sera celle-là qu'on nous servira pour justifier une intervention.
On pourra se souvenir que les Kurdes gazés par l'Irak de Saddam Hussein, alors notre allié, ou la Turquie n'avaient pas amené ce genre de préoccupations morale. L'utilisation de gaz pourtant déjà interdits pendant la guerre Iran-Irak par le même Saddam Hussein, non plus. Faut dire qu'il était conseillé à l'époque par les mêmes que ceux qui s'offusquent aujourd'hui.
Et puis comme l'Onu entre dans la boucle, en théorie, du moins on aime toujours quand on veut intervenir en se basant sur de tels éléments recueillir son aval, les choses se compliquent. Faut dire que les pays de la communauté internationale, et notamment les démocraties doivent aussi tenir compte de leur peuple et du passé. Or, le passé récent est jonché de mensonges. C'est le génocide des musulmans du Kosovo par les Serbes qui a justifié la guerre du Kosovo. Mais il n'y a pas eu de génocide. Ce sont les armes de destruction massives de Saddam Hussein qui ont justifié la seconde guerre contre l'Irak. Il n'y en avait pas. Le mensonge d'ailleurs est d'autant plus gros qu'on devine et même qu'on sait que le droit de veto de l'un ou l'autre des membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU empêchera d'obtenir la bénédiction de celle-ci. On espère ainsi pallier l'absence de légalité d'une intervention par sa légitimité en n'hésitant pas à fragiliser l'existence d'une organisation dont le fonctionnement porte déjà à caution, mais dont on peut espérer que si elle n'était pas là la situation de la paix dans le monde serait encore pire que ce qu'elle est.
Il y a dix années de cela, la France s'accrochait, en vain,  à ce respect des règles internationales. Aujourd'hui elle est la première, enfin la seconde, ne soyons pas chauvins, à vouloir les bafouer. Cherchez l'erreur.
J'aurais du mal à clore ce chapitre de la légalité ou de la légitimité sans dire que la sagesse voudrait que les conclusions de la commission d'enquête de l'ONU aient été rendues. La précipitation, mais certains parleront peut-être d'urgence, des Etats-Unis et de leur désormais caniche le plus fidèle, mais c'est sans doute d'ailleurs davantage d'Obama que des Etats-Unis que notre président se veut le zélé serviteur, donc cette précipitation alors que quasiment tous les autres pays occidentaux, au moins, réclament de vraies preuves, sans doute méfiants, on se demande pourquoi, vis-à-vis de celles fournies par la CIA, pourrait même paraitre suspecte.

Est-il sage d'intervenir? Ou est-ce dans nos intérêts?
Je pense que non. Pour plusieurs raisons.
La première, mais je ne les classe pas par ordre prioritaire, est que j'ai du mal à me persuader que la Syrie et même le monde se porteront mieux si Bachar al-Assad est remplacé par la rébellion, espèce de coalition improbable mais dont je ne pense pas que la composante démocrate soit celle qui au final s'impose. J'ose même penser que ceux qui visent à remplacer le tyran en place ne seront ni plus moraux, ni plus sourcilleux dans le respect des règles internationales, et représenteront sans doute un plus grand danger pour nous, occidentaux que le régime actuel. Les exactions, même si on tente de les taire de cette coalition sont avérées et les rebelles furent même accusés par Carla del Ponte, alors en mission dans la zone, d'avoir utilisé des armes chimiques (irait-on les combattre si cela était avéré?). L'accusation fut peut relayée et ne fit l'objet d'aucune investigation (publique) ultérieure. Alors pour la Syrie, la sagesse voudrait qu'on se débarrasse des deux, chose impossible. Pour l'occident et la France, il me semble, je vous prie de m'en excuser, que le régime d'Assad est (ou était) préférable à l'arrivée d'islamistes aux commandes dans ce pays. Ceci n'étant pas une raison pour le soutenir mais peut-être pour ne pas intervenir.
La seconde, c'est que nous n'avons pas à faire nôtres les intérêts du Qatar ou de l'Arabie saoudite et même des Américains qui depuis l'arrivée au pouvoir d'Obama me paraissent jouer un jeu dangereux tendant à favoriser la montée en puissance de l'arc religieux sunnite, refoulant les régimes laïcs ou du moins tolérants vis-à-vis des autres confessions que l'islam (voir le lâchage de l'allié Moubarak et la désapprobation du renversement de Morsi). Et l'émergence de régimes religieux faisant de la charia leur absolu politique ne peut pas être bon pour nous. C'est même une bombe à retardement.
La troisième c'est que les intérêts économiques en jeu, notamment l'acheminement du gaz vers l'Europe via la Turquie qui a beaucoup à gagner là-dedans en terme de poids diplomatique, ne nous sont pas forcément profitables. Certes certains verront d'un bon œil l'affaiblissement de l'approvisionneur russe, mais s'agissant de la France nos sources d'approvisionnement sont assez diversifiées pour que ça ne nous concerne pas au premier chef.
En fait s'agissant des positions des uns et des autres, autant je vois une parfaite cohérence dans l'action diplomatique des russes s'attachant à défendre leurs intérêts, autant celle des occidentaux et sans doute encore davantage celle de la France me parait déroutante parce que je distingue mal les leurs.

Pourquoi serait-ce à nous d'intervenir?
Un gosse répondrait parce que. Peut-être une histoire d'habitude. Peut-être parce que nous pensons que nous seuls pouvons nous y coller. Tandis que les Saoudiens, et leurs voisins auxquels nous livrons nos meilleurs armes, celles que nous ne pouvons guère nous acheter, tandis que la Turquie qui dispose d'une puissante armée, ne sont sans doute pas capables de le faire.
Eh bien non, parce qu'il est d'usage pour tous ceux-là de laisser les occidentaux de salir les mains et d'augmenter leur capital de haine dans le monde arabo-musulman. Et il faut croire que nous aimons ça.
(lire sur ce sujet particulier http://lavissauve3.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/08/28/la-fin-du-monde-commence-a-damas-489465.html)

Bon je crois avoir répondu à la question-titre de ce billet. Même s'il est horrible de voir ces enfants morts allongés sur une dalle, l'argument de la morale internationale, du non-respect des règles quant à l'usage de certaines armes, n'est évidement pas la raison profonde d'une intervention. D'ailleurs, à moins qu'ils ne soient devenus des êtres insensibles, les populations ne s'y trompent plus guère, à moins qu'elles croient au mensonge, mais à qui la faute dans ce cas.
Certains semblent avoir et y ont certainement des intérêts qui n'ont que peu à voir avec le bien-être du peuple syrien. Mais s'agissant de la France en particulier je ne parviens pas à les voir. Mais ils doivent être importants pour aller jusqu'à violer l'ordre international pour le faire respecter ailleurs. Paradoxe. J'espère juste qu'il ne s'agit pas d'autres intérêts n'ayant cette fois rien à voir avec ceux du pays, des intérêts qui auraient été déduits des conséquences en termes de politique intérieure d'une autre guerre récente.

lundi 26 août 2013

Mort d'un grand soldat





Ce 26 août est décédé Hélie Denoix de Saint-Marc, résistant déporté, officier de Légion et ayant participé au putsch du 21 avril 1961.
Le meilleur hommage que je puisse lui rendre est, je crois, de retranscrire la déclaration qu'il fit devant le tribunal militaire qui le 5 juin 1961 le condamna à 10 ans de réclusion criminelle.


"Ce que j’ai à dire sera simple et sera court. Depuis mon âge d’homme, Monsieur le président, j’ai vécu pas mal d’épreuves : la Résistance, la Gestapo, Buchenwald, trois séjours en Indochine, la guerre d’Algérie, Suez, et puis encore la guerre d’Algérie…
En Algérie, après bien des équivoques, après bien des tâtonnements, nous avions reçu une mission claire : vaincre l’adversaire, maintenir l’intégrité du patrimoine national, y promouvoir la justice raciale, l’égalité politique.
On nous a fait faire tous les métiers, oui, tous les métiers, parce que personne ne pouvait ou ne voulait les faire. Nous avons mis dans l’accomplissement de notre mission, souvent ingrate, parfois amère, toute notre foi, toute notre jeunesse, tout notre enthousiasme. Nous y avons laissé le meilleur de nous-mêmes. Nous y avons gagné l’indifférence, l’incompréhension de beaucoup, les injures de certains. Des milliers de nos camarades sont morts en accomplissant cette mission. Des dizaines de milliers de musulmans se sont joints à nous comme camarades de combat, partageant nos peines, nos souffrances, nos espoirs, nos craintes. Nombreux sont ceux qui sont tombés à nos côtés. Le lien sacré du sang versé nous lie à eux pour toujours.
Et puis un jour, on nous a expliqué que cette mission était changée. Je ne parlerai pas de cette évolution incompréhensible pour nous. Tout le monde la connaît. Et un soir, pas tellement lointain, on nous a dit qu’il fallait apprendre à envisager l’abandon possible de l’Algérie, de cette terre si passionnément aimée, et cela d’un cœur léger. Alors nous avons pleuré. L’angoisse a fait place en nos cœurs au désespoir.
Nous nous souvenions de quinze années de sacrifices inutiles, de quinze années d’abus de confiance et de reniement. Nous nous souvenions de l’évacuation de la Haute-Région (il parle ici de l'Indochine), des villageois accrochés à nos camions, qui, à bout de forces, tombaient en pleurant dans la poussière de la route.
Nous nous souvenions de Diên Biên Phû, de l’entrée du Vietminh à Hanoï. Nous nous souvenions de la stupeur et du mépris de nos camarades de combat vietnamiens en apprenant notre départ du Tonkin. Nous nous souvenions des villages abandonnés par nous et dont les habitants avaient été massacrés. Nous nous souvenions des milliers de Tonkinois se jetant à la mer pour rejoindre les bateaux français.
Nous pensions à toutes ces promesses solennelles faites sur cette terre d’Afrique. Nous pensions à tous ces hommes, à toutes ces femmes, à tous ces jeunes qui avaient choisi la France à cause de nous et qui, à cause de nous, risquaient chaque jour, à chaque instant, une mort affreuse. Nous pensions à ces inscriptions qui recouvrent les murs de tous ces villages et mechtas d’Algérie :
«L’Armée nous protégera, l’armée restera ». Nous pensions à notre honneur perdu.
Alors le général Challe est arrivé, ce grand chef que nous aimions et que nous admirions et qui, comme le maréchal de Lattre en Indochine, avait su nous donner l’espoir et la victoire.
Le général Challe m’a vu. Il m’a rappelé la situation militaire. Il m’a dit qu’il fallait terminer une victoire presque entièrement acquise et qu’il était venu pour cela. Il m’a dit que nous devions rester fidèles aux combattants, aux populations européennes et musulmanes qui s’étaient engagées à nos côtés.
Que nous devions sauver notre honneur.
Alors j’ai suivi le général Challe. Et aujourd’hui, je suis devant vous pour répondre de mes actes et de ceux des officiers du 1er REP, car ils ont agi sur mes ordres.
Monsieur le président, on peut demander beaucoup à un soldat, en particulier de mourir, c’est son métier. On ne peut lui demander de tricher, de se dédire, de se contredire, de mentir, de se renier, de se parjurer. Oh ! je sais, Monsieur le président, il y a l’obéissance, il y a la discipline. Ce drame de la discipline militaire a été douloureusement vécu par la génération d’officiers qui nous a précédés, par nos aînés.
Nous-mêmes l’avons connu, à notre petit échelon, jadis, comme élèves officiers ou comme jeunes garçons préparant Saint-Cyr. Croyez bien que ce drame de la discipline a pesé de nouveau lourdement et douloureusement sur nos épaules, devant le destin de l’Algérie, terre ardente et courageuse, à laquelle nous sommes attachés aussi passionnément que nos provinces natales.
Monsieur le président, j’ai sacrifié vingt années de ma vie à la France. Depuis quinze ans, je suis officier de Légion. Depuis quinze ans, je me bats. Depuis quinze ans j’ai vu mourir pour la France des légionnaires, étrangers peut-être par le sang reçu, mais français par le sang versé.
C’est en pensant à mes camarades, à mes sous-officiers, à mes légionnaires tombés au champ d’honneur, que le 21 avril, à treize heure trente, devant le général Challe, j’ai fait mon libre choix.
Terminé, Monsieur le président."

samedi 24 août 2013

Le caméléon






Cet homme est un phénomène. Bien qu'étant de gauche et le revendiquant haut et fort comme si on pouvait en tirer une quelconque fierté, mais il parait que le dire vaut profession de foi, il n'hésite pas à  tenir des discours qui font vibrer les gens qui ne le sont pas, au point même que mon collègue Marius a pu être séduit par le personnage. Certains le voient même quasiment au FN ou du moins tirant son inspiration des thèses défendues par ce parti maudit dont il est pourtant l'ennemi déclaré. Evidemment puisqu'il est de gauche. Son programme des primaires socialistes où il ne fit que 5%, cela lui démontrant que pour être de gauche il fallait peut-être faire pire, n'aurait pas été renié par l'UMP : TVA sociale, fin des 35 heures et autres propositions que n'osaient même pas faire les gens de droite. Et sur la sécurité, je ne vous dis pas. Et ça continue.
Du coup il est devenu l'homme politique le plus populaire réussissant cette synthèse qu'on croyait impossible entre la gauche, bien obligée de l'aimer puisqu'il est de gauche, et la droite dont les électeurs ayant un souci de cohérence ne peuvent que se reconnaitre dans ses discours.

Vous avez sans doute remarqué qu'il est rare de voir des acteurs jouer alternativement des rôles de flics et des rôles de truands. Je ne me souviens pas avoir jamais vu Clint Eastwood jouer un rôle de truand. Eh bien lui, si un jour il lui prenait l'idée de se reconvertir, comme Tapie par exemple, il pourrait reprendre le rôle du commissaire Valence en même temps que celui du méchant truand auquel celui-ci va faire la peau. Et dans le même film. C'est là qu'on peut vraiment admirer la performance. Peu sont capables de le faire. Certes on a déjà vu des hommes et des femmes (surtout ne les oublions pas celles-là en attendant que la théorie du genre nous fournisse un autre terme qu'homme pour désigner les individus appartenant au genre humain) politiques renier leurs engagements, passer de gauche à droite et réciproquement. Laval, Mitterrand par exemple. On a déjà vu des gens porter un programme qu'ils se sont empressés de ne pas honorer une fois en poste. La liste serait longue. Mais il est plus rare de voir quelqu'un dire tout et son contraire et ne rien faire qui puisse le rattacher à l'un des versants de ses discours. C'est peut ça finalement la clé du succès à une époque où les mots comptent bien davantage que l'action.

La recette est simple, mais il fait quand même avoir du talent pour la mettre en œuvre : s'adapter à son public, réel ou virtuel et tenir les discours qu'il attend. On comprend bien la difficulté de l'exercice qui présenté ainsi parait simple mais qui est, dans l'exécution, aussi difficile que dangereux quand la majorité des citoyens penche plutôt à droite, notamment sur les thématiques dont est en charge le personnage qui persiste à s'affirmer de gauche, et même pire, qui tire le contenu de sa gamelle de son appartenance à la gauche.

Je crois qu'il est grand temps que je vous donne des exemples pour que vous compreniez de qui il s'agit, car je vous sens encore dans l'expectative, prêts, soit à décrocher d'un billet trop énigmatique, soit à vous précipiter à la fin pour avoir le nom de celui qui a retenu mon attention.
Il fut un temps déjà lointain où les hommes politiques faisaient ce qu'on appelait la tournée des popotes allant rendre visite aux troupes engagées en opérations. Cet exercice est passé de mode, même si les opérations subsistent,  se limitant à quelques visites éclair soit parce que l'électeur s'en contrefout, soit parce qu'il n'est pas raisonnable d'exposer des gens d'une telle valeur aux mauvais coups qui peuvent toujours survenir sur un théâtre d'opérations. On change donc de braquet. Notre héros du jour pour sa part ne renonce pas aux tournées. Il les adapte aux circonstances. C'est pour cela qu'il connait désormais Marseille comme sa poche autant que cette ville connait bien ses coups de menton hélas sans effets. Mais les circonstances c'est aussi un mois par an le ramadan qui lui permet d'effectuer une tournée des popotes d'une autre forme que celle citée précédemment, la tournée des mosquées où il vient s'empiffrer au coucher du soleil. Mais il ne se contente pas de casser la croûte avec les braves, il parle aussi. Et bien gentiment. Il dit par exemple que "le ramadan fait partie de notre calendrier commun, que ce n’est pas seulement  un moment religieux, mais un moment qui est aussi [, je le crois], profondément républicain". Et il condamne avec fermeté, un mot très à la mode et qu'il affectionne particulièrement, les violences commises à l'encontre des musulmans. Plus islamophile que lui pendant cette période républicaine, si si c'est vrai, tu meurs. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, même les moments républicains. Et là notre personnage duquel la grâce s'est éloignée s'en vient à se demander si l'islam est bien compatible avec la démocratie. Il s'inquiète même du développement démographique des populations adeptes de ce culte et en vient à s'interroger les moyens d' adapter nos règles concernant l'immigration pour ne pas qu'elles atteignent un volume trop important remettant en cause de manière irréversible nos modes de vie. S'il ne l'a pas dit dans ces termes c'est comme cela que quelqu'un n'étant hélas pas de gauche, donc imparfait et nécessairement mal comprenant, pourrait le percevoir. Même Marine Le Pen, après avoir bu un seau de red bull ne se risquerait pas à dire tout cela en une seule fois sous peine de se voir retirer définitivement son immunité parlementaire et de se voir trainer en justice par toutes nos vertueuses associations qui veillent au grain. Reste que ce genre de discours fait plaisir au peuple en général dont divers sondages ont montré les réserves, c'est un euphémisme, vis-à-vis de l'islam. Mais pas à une partie de la gauche, et même plus à gauche que ça. C'est là qu'on se rend compte du danger de l'exercice puisque s'il "n'était pas de gauche", notre homme ne serait pas où il est. Il doit donc en tenir compte. Et il le fait. En disant tout d'abord que ses propos ont été déformés (même ceux qui l'ont entendu en direct et l'ont critiqué ont entendu la version déformée), puis qu'il était de gauche et que donc…, et enfin  qu'étant lui-même immigré il ne pouvait pas remettre en cause le fait que l'immigration était une chance pour la France la preuve en étant lui-même, ne jouons pas quand même les modestes. Sarkozy dont les mauvaises langues disent qu'il s'inspire tenait un autre discours, peut-être ce qui fait la différence entre la gauche et la droite, en parlant de ce que la France lui avait apporté, à lui fils d'immigré, ce qui peut se traduire éventuellement par " la France est une chance pour les immigrés".  Mais ne chipotons pas. De fait l'appartenance politique et les origines nationales de notre personnage le lavent de tout soupçon et lui permettent de clamer haut et fort aujourd'hui, que l'islam est compatible avec la démocratie et que l'immigration est une chance pour la France, soit exactement le contraire ce qu'il disait hier de manière  déformée évidemment. Bel exercice, n'est-ce pas?
Allez, un autre exemple qui devrait définitivement vous mettre sur la piste. Notre personnage aime la sécurité. Il en a même la charge. C'est pour cela d'ailleurs qu'il en a la charge. A moins que ce ne soit parce qu'il en a la charge qu'il l'aime. Peu importe! En vertu de cet amour, il écrit au président de la République pour lui demander un arbitrage, parce qu'il estime que la réforme élaborée par la ministre de la justice est nuisible à l'objet de son amour. Au passage c'est une belle vacherie faite à celui qu'il se voit remplacer car il est sans doute plus facile de trouver une côte de porc chez votre boucher hallal qu'un arbitrage de Hollande. La lettre s'égare malencontreusement, restons hypocrite jusqu'au bout, sur le bureau d'un journaliste du monde qui n'ayant pas grand-chose à se mettre sous la dent en cette période estivale se sent obligé de la publier. Là encore, le contenu de la lettre est de nature à plaire à une majorité de Français, sauf que tout ça ça ne fait pas très de gauche, notamment la construction de nouvelles prisons tandis que l'autre veut vider celles qui existent. Et puis la lettre, mais elle n'a pas à être connue, convenons-en, fait part d'un déficit de concertation entre les instances concernées. En temps normal, si on n'avait un président normal, donc capable d'arbitrer, si on avait des ministres moins soucieux de leur place ou de leur ego que de leurs convictions, on assisterait à une démission. Mais là pas question. Car ces gens s'aiment. Et le manque de concertation devant un public de gauche se transforme subitement en un étroit et fructueux travail en commun tandis que les divergences de fond sont suffisamment mineures pour ne pas à être développées ni évoquées. Et si ça ne suffit pas à ce qu'on croie en cette bonne entente, les deux impétrants n'hésitent pas à se rouler des pelles en public. Et peut-être que la prochaine fois on apprendra qu'ils couchent ensemble.

Que dire de plus? A part chapeau l'artiste. Mais quand même Manolo, je me demande si tu tiendras encore 3 ans et demie comme ça, car si toi tu ne t'épuises pas, ton public, de gauche et de droite, risque de le faire.

lundi 19 août 2013

France 2025 - Le débriefing


Nous sommes le lundi 19 aout dans la salle du conseil des ministres. Ces derniers ont la mine reposée, celle qu'on a après de longues vacances et arborent un sourire de bon aloi, de circonstance dirons-nous, enthousiasmés qu'ils sont par les nouvelles aventures qui les attendent et les défis qu'ils vont avoir à relever.

En attendant le président, ils discutent par petits groupes, se racontant leurs petites histoires estivales. Néanmoins quelques bribes de conversation paraissent quelque peu étonnantes. Par exemple :
-          Tiens bonjour, vous êtes qui vous au fait?


-    Garrot, ministre délégué à l'agriculture.
-    Je crois qu'on ne s'était jamais rencontré?
-    Si, si le jour de la photo.
-   Bonne continuation
-   De ce côté-là pas de problème pour moi. Merci!
 
Mais malgré cette atmosphère bon enfant, on sent quand même une certaine tension qui s'exprime par des échanges surprenants chez des gens ayant pour beaucoup dépassé les 40 ans.

-   T'as fait ta disserte?
-   Oui, et toi?

-    Bien obligé. Combien de pages t'as?
-    J'ai écrit en gros, ça m'en fait 3.

Un huissier annonce l'arrivée imminente du président. Ça ne perturbe personne sauf les ministres délégués peu invités à ces réunions et qui veillent à faire bonne figure sachant que si la décision était prise de resserrer le gouvernement ce sont eux qui seraient sur la sellette. Leur présence rassure le premier ministre qui se dit que pour une fois on n'aura pas à se casser trop la tête pour trouver le loufiat de service qui servira le café.

Le président entre. Après 30 minutes tout le monde est enfin assis.
- - Bonjour à vous tous! J'espère que vous avez passé de bonnes vacances. Bon on va d'abord se prendre un petit café et une viennoiserie et ensuite on va parler boulot.
Soupirs dans la salle.


- Je vous avais demandé de réfléchir à ce que sera la France en 2025. Alors je vous écoute. On commence par qui?

Les nuques s'affaissent. Certains trouvent que c'est le moment opportun de renouer ses lacets. Cécile qui est venue en tongs n'a donc pas cette opportunité.
  
-  Allez, Cécile lance-toi!

- Hum, bon! Grâce à la politique initiée dès 2012 par une jeune ministre dynamique le manque de logements de qualité a été résorbé dès 2020. Le parc du logement est même devenu pléthorique en 2025, ce qui fait chuter les loyers. Chaque mutation, donc chaque déménagement est accueilli comme un bonheur, comme une chance de trouver encore un meilleur environnement. Les banlieues sont fleuries et les gens s'y côtoient, quelle que soit leur origine, avec le sourire.

- Hourra! crie la salle.

- Merci Cécile! C'était vraiment très bien.

-  Allez Vincent, parle-nous d'éducation nationale.
- Bon! Consécutivement à l'embauche de dizaines de milliers d'enseignants, le métier devient agréable, notamment pour ceux toujours plus nombreux qui cessent d'enseigner pour se livrer à d'autres activités. Le bon état des finances, mais Pierre en parlera, permet d'embaucher en flux tendu pour pérenniser cette situation. Le malaise des enseignants est donc davantage que résorbé. Il est remplacé par une joie intense d'exercer le métier. S'agissant des élèves, car il faut aussi penser à eux, grâce à des enseignants remotivés, ils deviennent de plus en plus intelligents. Dès 2020, 90% d'une classe d'âge atteint le niveau du bac quand 95% des candidats sont admis. En 2025, ces chiffres passent respectivement à 97 et 98%. Le taux d'échec encore trop important indique toutefois, et tirons-en consolation, la toujours grande valeur de cet examen.
 - Hourra!



- Passons à l'enseignement supérieur. Excuse-moi, j'ai oublié ton nom.
- Geneviève Fioraso, monsieur le président.

- Ah oui, Geneviève. (tout bas dans l'oreille d'Ayrault) Pourquoi elle est ministre elle?
 - (tous bas) c'était une demande de l'aile gauche du centre du parti.
-  Geneviève, nous t'écoutons.
- Merci. Non seulement les universités parviennent à absorber un nombre croissant d'étudiants mais ouvrent à ceux-ci des grandes perspectives. 69% d'entre eux obtiennent un master tandis que 30% obtiennent un doctorat.
- Hourra!


-  Bon passons à Najat.
-  En 2025, le ministère des droits de la femme n'existe plus car il n'y a plus de femmes. (Mine déconfite chez les hommes de l'assistance). Mais il n'y a plus d'hommes non plus. La dictature du genre, exercée dès la crèche, nous a délivré des vieux schémas millénaires. Chacun est ce qu'il veut quand il veut. 
- Bon ben hourra! s'exclame le président.


-  Allez, à toi Arnaud!
- Grâce à l'action volontariste d'un jeune ministre du redressement productif dont les qualités laissent très tôt entrevoir l'accès à des responsabilités bien plus grandes, la France retrouve très vite un rôle de leader dans l'économie mondiale. La recherche et le développement connaissent sous son impulsion un nouvel âge d'or. L'industrie automobile française a enfoncé celle d'Allemagne grâce au moteur qui consommera 2 litres d'eaux usées au 100 kilomètres. Le gaz de schiste sortira tout seul du sol grâce à nos sourciers 2.0, ce qui garantira notre indépendance énergétique pour des siècles. La sidérurgie lorraine sera un modèle pour le monde développé et Mittal sera pendu.
- Hourra!
 
-  Pierrot, à toi!
- Une politique volontariste de contrôle des dépenses qui sera encore à l'ordre du jour au moment des 4èmes présidences et législatures socialistes consécutives ainsi que le redressement productif qui s'accompagnera de rentrées fiscales impressionnantes permettront à la France de rembourser sa dette dès  2023 et feront d'elle un Etat prêteur en 2025. Le plein emploi sera assuré pour des générations. Les soucis de financement des retraites actuels nous feront rire rétrospectivement.
-  Hourra!


-  Manuel, à toi de nous faire rêver.
-  En 2025 je serai président de la République depuis 8 ans…
-  Manuel, le sujet c'était la France, pas toi.
- Oh pardon, je me suis trompé de fiche. Bon je reprends. Sous l'impulsion volontaire du meilleur ministre de l'intérieur qu'a connu la France depuis Clémenceau la police se dote des moyens  du futur dès le temps présent et par son action qui allie rapidité, clairvoyance, et inflexibilité devient la terreur des délinquants. Une puce introduite à la naissance sous la peau de tous les Français permet de les localiser en permanence et donc d'avoir un taux d'élucidation proche de 100%. La sécurité est de retour dans les rues, les zones sensibles ne le sont plus.
- Hourra!


-  Dans le prolongement de Manuel, nous écouterons Christiane.
- La délinquance n'est pas une tare en soi, mais un mode d'expression. Un mode de réaction à une injustice ressentie. C'est donc de pédagogie que doit faire preuve la justice vis-à-vis des délinquants. Les enfermer n'est pas la solution car ils pourraient voir dans la sanction la confirmation de l'injustice dont ils sont déjà victimes et qui les a menés vers la délinquance. Non, il faut leur tendre la main, tenter de les comprendre. La prison doit donc disparaitre à terme pour eux et être réservée aux criminels les plus durs et aux opposants aux réformes sociétales portées par la gauche. Je résume, la prison doit être l'exception et être remplacée par le soutien psychologique aux délinquants qui souffrent.

Les gloups le partagent avec les hourras.

Les autres ministres et sous-ministres prennent à leur tour la parole, nous dessinant cette France dont nous rêvions depuis notre  petite enfance. Un peu plus de 10 ans à attendre avant de la voir enfin émerger. Nous vous épargnerons donc leurs discours car trop de bonheur d'un coup peut être fatal. Néanmoins nous ne pouvons pas ne pas laisser s'exprimer "l'ex-meilleur d'entre nous" de la gauche socialiste.


-  Bon Laurent, nous terminerons par toi. Alors quelle place dans le monde et quelle diplomatie pour la France en 2025?
-  En 2025, je serai toujours l'ancien plus jeune premier ministre de la France et mes cheveux auront repoussé.
-   Hourra! entend-on du côté de Mosco et de Sapin.
-  Mais encore Laurent?
-  Je vous ai tous écoutés, avec attention. Inutile donc que je lise ma fiche puisque la diplomatie d'un pays dépend de sa puissance économique, de sa santé financière, de ses capacités militaires, de sa stabilité interne. Comme je vous ai bien écoutés et ne doutant pas du sérieux de votre travail et de la profondeur de vos réflexions, je peux vous affirmer d'ores et déjà, de la même manière que je viens d'affirmer que mes cheveux auront repoussé, qu'en 2025 la France sera la première puissance mondiale et sa diplomatie le point de passage obligé avant toute décision d'importance dans le monde. Hourra!


L'intervention de Laurent suscite une certaine gêne parmi l'assistance. Il est temps donc de lever la séance.