Cet homme est un phénomène. Bien qu'étant de gauche et le
revendiquant haut et fort comme si on pouvait en tirer une quelconque fierté,
mais il parait que le dire vaut profession de foi, il n'hésite pas à tenir des discours qui font vibrer les gens
qui ne le sont pas, au point même que mon collègue Marius a pu être séduit par
le personnage. Certains le voient même quasiment au FN ou du moins tirant son inspiration
des thèses défendues par ce parti maudit dont il est pourtant l'ennemi déclaré.
Evidemment puisqu'il est de gauche. Son programme des primaires socialistes où
il ne fit que 5%, cela lui démontrant que pour être de gauche il fallait
peut-être faire pire, n'aurait pas été renié par l'UMP : TVA sociale, fin des
35 heures et autres propositions que n'osaient même pas faire les gens de
droite. Et sur la sécurité, je ne vous dis pas. Et ça continue.
Du coup il est devenu l'homme politique le plus populaire
réussissant cette synthèse qu'on croyait impossible entre la gauche, bien
obligée de l'aimer puisqu'il est de gauche, et la droite dont les électeurs
ayant un souci de cohérence ne peuvent que se reconnaitre dans ses discours.
Vous avez sans doute remarqué qu'il est rare de voir des acteurs
jouer alternativement des rôles de flics et des rôles de truands. Je ne me
souviens pas avoir jamais vu Clint Eastwood jouer un rôle de truand. Eh bien
lui, si un jour il lui prenait l'idée de se reconvertir, comme Tapie par
exemple, il pourrait reprendre le rôle du commissaire Valence en même temps que
celui du méchant truand auquel celui-ci va faire la peau. Et dans le même film.
C'est là qu'on peut vraiment admirer la performance. Peu sont capables de le
faire. Certes on a déjà vu des hommes et des femmes (surtout ne les oublions pas
celles-là en attendant que la théorie du genre nous fournisse un autre terme
qu'homme pour désigner les individus appartenant au genre humain) politiques
renier leurs engagements, passer de gauche à droite et réciproquement. Laval,
Mitterrand par exemple. On a déjà vu des gens porter un programme qu'ils se
sont empressés de ne pas honorer une fois en poste. La liste serait longue.
Mais il est plus rare de voir quelqu'un dire tout et son contraire et ne rien
faire qui puisse le rattacher à l'un des versants de ses discours. C'est peut
ça finalement la clé du succès à une époque où les mots comptent bien davantage
que l'action.
La recette est simple, mais il fait quand même avoir du
talent pour la mettre en œuvre : s'adapter à son public, réel ou virtuel et
tenir les discours qu'il attend. On comprend bien la difficulté de l'exercice
qui présenté ainsi parait simple mais qui est, dans l'exécution, aussi
difficile que dangereux quand la majorité des citoyens penche plutôt à droite,
notamment sur les thématiques dont est en charge le personnage qui persiste à
s'affirmer de gauche, et même pire, qui tire le contenu de sa gamelle de son
appartenance à la gauche.
Je crois qu'il est grand temps que je vous donne des
exemples pour que vous compreniez de qui il s'agit, car je vous sens encore
dans l'expectative, prêts, soit à décrocher d'un billet trop énigmatique, soit
à vous précipiter à la fin pour avoir le nom de celui qui a retenu mon
attention.
Il fut un temps déjà lointain où les hommes politiques
faisaient ce qu'on appelait la tournée des popotes allant rendre visite aux troupes
engagées en opérations. Cet exercice est passé de mode, même si les opérations
subsistent, se limitant à quelques
visites éclair soit parce que l'électeur s'en contrefout, soit parce qu'il n'est
pas raisonnable d'exposer des gens d'une telle valeur aux mauvais coups qui
peuvent toujours survenir sur un théâtre d'opérations. On change donc de
braquet. Notre héros du jour pour sa part ne renonce pas aux tournées. Il les
adapte aux circonstances. C'est pour cela qu'il connait désormais Marseille
comme sa poche autant que cette ville connait bien ses coups de menton hélas
sans effets. Mais les circonstances c'est aussi un mois par an le ramadan qui
lui permet d'effectuer une tournée des popotes d'une autre forme que celle
citée précédemment, la tournée des mosquées où il vient s'empiffrer au coucher
du soleil. Mais il ne se contente pas de casser la croûte avec les braves, il
parle aussi. Et bien gentiment. Il dit par exemple que "le ramadan fait partie de notre calendrier commun,
que ce n’est pas seulement un moment religieux, mais un moment
qui est aussi [, je le crois], profondément républicain". Et
il condamne avec fermeté, un mot très à la mode et qu'il affectionne
particulièrement, les violences commises à l'encontre des musulmans. Plus
islamophile que lui pendant cette période républicaine, si si c'est vrai, tu
meurs. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, même les moments
républicains. Et là notre personnage duquel la grâce s'est éloignée s'en vient
à se demander si l'islam est bien compatible avec la démocratie. Il s'inquiète
même du développement démographique des populations adeptes de ce culte et en
vient à s'interroger les moyens d' adapter nos règles concernant l'immigration
pour ne pas qu'elles atteignent un volume trop important remettant en cause de
manière irréversible nos modes de vie. S'il ne l'a pas dit dans ces termes
c'est comme cela que quelqu'un n'étant hélas pas de gauche, donc imparfait et
nécessairement mal comprenant, pourrait le percevoir. Même Marine Le Pen, après
avoir bu un seau de red bull ne se risquerait pas à dire tout cela en une seule
fois sous peine de se voir retirer définitivement son immunité parlementaire et
de se voir trainer en justice par toutes nos vertueuses associations qui
veillent au grain. Reste que ce genre de discours fait plaisir au peuple en
général dont divers sondages ont montré les réserves, c'est un euphémisme,
vis-à-vis de l'islam. Mais pas à une partie de la gauche, et même plus à gauche
que ça. C'est là qu'on se rend compte du danger de l'exercice puisque s'il
"n'était pas de gauche", notre homme ne serait pas où il est. Il doit
donc en tenir compte. Et il le fait. En disant tout d'abord que ses propos ont
été déformés (même ceux qui l'ont entendu en direct et l'ont critiqué ont
entendu la version déformée), puis qu'il était de gauche et que donc…, et enfin
qu'étant lui-même immigré il ne pouvait
pas remettre en cause le fait que l'immigration était une chance pour la France
la preuve en étant lui-même, ne jouons pas quand même les modestes. Sarkozy
dont les mauvaises langues disent qu'il s'inspire tenait un autre discours,
peut-être ce qui fait la différence entre la gauche et la droite, en parlant de
ce que la France lui avait apporté, à lui fils d'immigré, ce qui peut se
traduire éventuellement par " la France est une chance pour les immigrés".
Mais ne chipotons pas. De fait
l'appartenance politique et les origines nationales de notre personnage le
lavent de tout soupçon et lui permettent de clamer haut et fort aujourd'hui,
que l'islam est compatible avec la démocratie et que l'immigration est une
chance pour la France, soit exactement le contraire ce qu'il disait hier de
manière déformée évidemment. Bel
exercice, n'est-ce pas?
Allez, un autre exemple qui devrait définitivement vous mettre sur la
piste. Notre personnage aime la sécurité. Il en a même la charge. C'est pour
cela d'ailleurs qu'il en a la charge. A moins que ce ne soit parce qu'il en a
la charge qu'il l'aime. Peu importe! En vertu de cet amour, il écrit au président
de la République pour lui demander un arbitrage, parce qu'il estime que la
réforme élaborée par la ministre de la justice est nuisible à l'objet de son
amour. Au passage c'est une belle vacherie faite à celui qu'il se voit
remplacer car il est sans doute plus facile de trouver une côte de porc chez
votre boucher hallal qu'un arbitrage de Hollande. La lettre s'égare
malencontreusement, restons hypocrite jusqu'au bout, sur le bureau d'un
journaliste du monde qui n'ayant pas grand-chose à se mettre sous la dent en
cette période estivale se sent obligé de la publier. Là encore, le contenu de
la lettre est de nature à plaire à une majorité de Français, sauf que tout ça
ça ne fait pas très de gauche, notamment la construction de nouvelles prisons
tandis que l'autre veut vider celles qui existent. Et puis la lettre, mais elle
n'a pas à être connue, convenons-en, fait part d'un déficit de concertation entre
les instances concernées. En temps normal, si on n'avait un président normal,
donc capable d'arbitrer, si on avait des ministres moins soucieux de leur place
ou de leur ego que de leurs convictions, on assisterait à une démission. Mais
là pas question. Car ces gens s'aiment. Et le manque de concertation devant un
public de gauche se transforme subitement en un étroit et fructueux travail en commun
tandis que les divergences de fond sont suffisamment mineures pour ne pas à
être développées ni évoquées. Et si ça ne suffit pas à ce qu'on croie en cette
bonne entente, les deux impétrants n'hésitent pas à se rouler des pelles en
public. Et peut-être que la prochaine fois on apprendra qu'ils couchent
ensemble.
Que dire de plus? A part chapeau l'artiste. Mais quand même Manolo, je
me demande si tu tiendras encore 3 ans et demie comme ça, car si toi tu ne
t'épuises pas, ton public, de gauche et de droite, risque de le faire.
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