"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

samedi 24 août 2013

Le caméléon






Cet homme est un phénomène. Bien qu'étant de gauche et le revendiquant haut et fort comme si on pouvait en tirer une quelconque fierté, mais il parait que le dire vaut profession de foi, il n'hésite pas à  tenir des discours qui font vibrer les gens qui ne le sont pas, au point même que mon collègue Marius a pu être séduit par le personnage. Certains le voient même quasiment au FN ou du moins tirant son inspiration des thèses défendues par ce parti maudit dont il est pourtant l'ennemi déclaré. Evidemment puisqu'il est de gauche. Son programme des primaires socialistes où il ne fit que 5%, cela lui démontrant que pour être de gauche il fallait peut-être faire pire, n'aurait pas été renié par l'UMP : TVA sociale, fin des 35 heures et autres propositions que n'osaient même pas faire les gens de droite. Et sur la sécurité, je ne vous dis pas. Et ça continue.
Du coup il est devenu l'homme politique le plus populaire réussissant cette synthèse qu'on croyait impossible entre la gauche, bien obligée de l'aimer puisqu'il est de gauche, et la droite dont les électeurs ayant un souci de cohérence ne peuvent que se reconnaitre dans ses discours.

Vous avez sans doute remarqué qu'il est rare de voir des acteurs jouer alternativement des rôles de flics et des rôles de truands. Je ne me souviens pas avoir jamais vu Clint Eastwood jouer un rôle de truand. Eh bien lui, si un jour il lui prenait l'idée de se reconvertir, comme Tapie par exemple, il pourrait reprendre le rôle du commissaire Valence en même temps que celui du méchant truand auquel celui-ci va faire la peau. Et dans le même film. C'est là qu'on peut vraiment admirer la performance. Peu sont capables de le faire. Certes on a déjà vu des hommes et des femmes (surtout ne les oublions pas celles-là en attendant que la théorie du genre nous fournisse un autre terme qu'homme pour désigner les individus appartenant au genre humain) politiques renier leurs engagements, passer de gauche à droite et réciproquement. Laval, Mitterrand par exemple. On a déjà vu des gens porter un programme qu'ils se sont empressés de ne pas honorer une fois en poste. La liste serait longue. Mais il est plus rare de voir quelqu'un dire tout et son contraire et ne rien faire qui puisse le rattacher à l'un des versants de ses discours. C'est peut ça finalement la clé du succès à une époque où les mots comptent bien davantage que l'action.

La recette est simple, mais il fait quand même avoir du talent pour la mettre en œuvre : s'adapter à son public, réel ou virtuel et tenir les discours qu'il attend. On comprend bien la difficulté de l'exercice qui présenté ainsi parait simple mais qui est, dans l'exécution, aussi difficile que dangereux quand la majorité des citoyens penche plutôt à droite, notamment sur les thématiques dont est en charge le personnage qui persiste à s'affirmer de gauche, et même pire, qui tire le contenu de sa gamelle de son appartenance à la gauche.

Je crois qu'il est grand temps que je vous donne des exemples pour que vous compreniez de qui il s'agit, car je vous sens encore dans l'expectative, prêts, soit à décrocher d'un billet trop énigmatique, soit à vous précipiter à la fin pour avoir le nom de celui qui a retenu mon attention.
Il fut un temps déjà lointain où les hommes politiques faisaient ce qu'on appelait la tournée des popotes allant rendre visite aux troupes engagées en opérations. Cet exercice est passé de mode, même si les opérations subsistent,  se limitant à quelques visites éclair soit parce que l'électeur s'en contrefout, soit parce qu'il n'est pas raisonnable d'exposer des gens d'une telle valeur aux mauvais coups qui peuvent toujours survenir sur un théâtre d'opérations. On change donc de braquet. Notre héros du jour pour sa part ne renonce pas aux tournées. Il les adapte aux circonstances. C'est pour cela qu'il connait désormais Marseille comme sa poche autant que cette ville connait bien ses coups de menton hélas sans effets. Mais les circonstances c'est aussi un mois par an le ramadan qui lui permet d'effectuer une tournée des popotes d'une autre forme que celle citée précédemment, la tournée des mosquées où il vient s'empiffrer au coucher du soleil. Mais il ne se contente pas de casser la croûte avec les braves, il parle aussi. Et bien gentiment. Il dit par exemple que "le ramadan fait partie de notre calendrier commun, que ce n’est pas seulement  un moment religieux, mais un moment qui est aussi [, je le crois], profondément républicain". Et il condamne avec fermeté, un mot très à la mode et qu'il affectionne particulièrement, les violences commises à l'encontre des musulmans. Plus islamophile que lui pendant cette période républicaine, si si c'est vrai, tu meurs. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, même les moments républicains. Et là notre personnage duquel la grâce s'est éloignée s'en vient à se demander si l'islam est bien compatible avec la démocratie. Il s'inquiète même du développement démographique des populations adeptes de ce culte et en vient à s'interroger les moyens d' adapter nos règles concernant l'immigration pour ne pas qu'elles atteignent un volume trop important remettant en cause de manière irréversible nos modes de vie. S'il ne l'a pas dit dans ces termes c'est comme cela que quelqu'un n'étant hélas pas de gauche, donc imparfait et nécessairement mal comprenant, pourrait le percevoir. Même Marine Le Pen, après avoir bu un seau de red bull ne se risquerait pas à dire tout cela en une seule fois sous peine de se voir retirer définitivement son immunité parlementaire et de se voir trainer en justice par toutes nos vertueuses associations qui veillent au grain. Reste que ce genre de discours fait plaisir au peuple en général dont divers sondages ont montré les réserves, c'est un euphémisme, vis-à-vis de l'islam. Mais pas à une partie de la gauche, et même plus à gauche que ça. C'est là qu'on se rend compte du danger de l'exercice puisque s'il "n'était pas de gauche", notre homme ne serait pas où il est. Il doit donc en tenir compte. Et il le fait. En disant tout d'abord que ses propos ont été déformés (même ceux qui l'ont entendu en direct et l'ont critiqué ont entendu la version déformée), puis qu'il était de gauche et que donc…, et enfin  qu'étant lui-même immigré il ne pouvait pas remettre en cause le fait que l'immigration était une chance pour la France la preuve en étant lui-même, ne jouons pas quand même les modestes. Sarkozy dont les mauvaises langues disent qu'il s'inspire tenait un autre discours, peut-être ce qui fait la différence entre la gauche et la droite, en parlant de ce que la France lui avait apporté, à lui fils d'immigré, ce qui peut se traduire éventuellement par " la France est une chance pour les immigrés".  Mais ne chipotons pas. De fait l'appartenance politique et les origines nationales de notre personnage le lavent de tout soupçon et lui permettent de clamer haut et fort aujourd'hui, que l'islam est compatible avec la démocratie et que l'immigration est une chance pour la France, soit exactement le contraire ce qu'il disait hier de manière  déformée évidemment. Bel exercice, n'est-ce pas?
Allez, un autre exemple qui devrait définitivement vous mettre sur la piste. Notre personnage aime la sécurité. Il en a même la charge. C'est pour cela d'ailleurs qu'il en a la charge. A moins que ce ne soit parce qu'il en a la charge qu'il l'aime. Peu importe! En vertu de cet amour, il écrit au président de la République pour lui demander un arbitrage, parce qu'il estime que la réforme élaborée par la ministre de la justice est nuisible à l'objet de son amour. Au passage c'est une belle vacherie faite à celui qu'il se voit remplacer car il est sans doute plus facile de trouver une côte de porc chez votre boucher hallal qu'un arbitrage de Hollande. La lettre s'égare malencontreusement, restons hypocrite jusqu'au bout, sur le bureau d'un journaliste du monde qui n'ayant pas grand-chose à se mettre sous la dent en cette période estivale se sent obligé de la publier. Là encore, le contenu de la lettre est de nature à plaire à une majorité de Français, sauf que tout ça ça ne fait pas très de gauche, notamment la construction de nouvelles prisons tandis que l'autre veut vider celles qui existent. Et puis la lettre, mais elle n'a pas à être connue, convenons-en, fait part d'un déficit de concertation entre les instances concernées. En temps normal, si on n'avait un président normal, donc capable d'arbitrer, si on avait des ministres moins soucieux de leur place ou de leur ego que de leurs convictions, on assisterait à une démission. Mais là pas question. Car ces gens s'aiment. Et le manque de concertation devant un public de gauche se transforme subitement en un étroit et fructueux travail en commun tandis que les divergences de fond sont suffisamment mineures pour ne pas à être développées ni évoquées. Et si ça ne suffit pas à ce qu'on croie en cette bonne entente, les deux impétrants n'hésitent pas à se rouler des pelles en public. Et peut-être que la prochaine fois on apprendra qu'ils couchent ensemble.

Que dire de plus? A part chapeau l'artiste. Mais quand même Manolo, je me demande si tu tiendras encore 3 ans et demie comme ça, car si toi tu ne t'épuises pas, ton public, de gauche et de droite, risque de le faire.

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