"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

vendredi 18 juin 2010

Le général Bigeard est mort



Ce matin, le dernier grand soldat de la France est mort. Il avait 94 ans. Bien qu'ayant pratiqué des activités physiques très tard dans sa vie, il se déplaçait en fauteuil roulant. Mais son esprit était intact. Il avait publié son seizième et dernier livre en septembre dernier intitulé "Mon dernier round", livre où il balayait les grandes crises internationales, non en tant qu'expert, mais en exprimant ses pensées propres et souvent définitives. Car c'était un homme de caractère et de conviction. Et qui aimait la France au point d'écrire dans ce dernier livre : «Je vais casser ma pipe et je ne serai pas mécontent. Car j'ai trop aimé la France pour accepter ce qu'elle est devenue.»
Sans doute difficile pour un homme de cette trempe qui a risqué sa vie, a été meurtri dans sa chair pour cette France qu'il aimait, de voir ce qu'elle était devenue. "Tout ça pour ça " a t-il peut-être pensé sans l'exprimer, car il n'était pas homme à exprimer des regrets.
Bigeard, c'est un destin exceptionnel. Il n'est certes pas le seul à avoir trainé son paquetage dans les guerres sans interruption qu'a connu la France entre 1939 et 1962. Plus de vingt ans de guerre. Mais Bigeard n'était pas "programmé" si j'ose dire pour ce destin de soldat. 

Il né en 1916 à Toul. Son père est aiguilleur aux chemins de fer de l'Est. A 14 ans, il entame une carrière d'employé de banque, à la Société générale. En 1936, il effectue son service national dans l'infanterie de forteresse (ligne Maginot). Il est rendu à la vie civile en 1938 avec le grade de caporal-chef.. L'année suivante il est rappelé face au danger de guerre imminente avec le grade de sergent. Le sort en est jeté. Les circonstances font de lui un soldat qui ne quittera plus l'uniforme même s'il ne le sait pas encore.

Prisonnier en 1940, il s'évade après 3 tentatives d'évasions en 1941 et après avoir rallié la zone libre, part pour l'Afrique où il est affecté dans un régiment de tirailleurs sénégalais. Nommé sous-lieutenant en 1943, il est recruté dans les parachutistes en 1943. Après une formation commando, il intègre avec le grade fictif de commandant la Direction générale des services spéciaux, ancêtre du SDECE puis de la DGSE. A ce titre, il est parachuté dans l'Ariège en 1944 pour y encadrer la résistance. Il s'y illustre particulièrement avec un bilan de 1 420 prisonniers et 230 tués et blessés chez l'ennemi pour 42 tués chez les résistants.Son action lui vaudra la légion d'honneur et le Distinguished Service Order britannique. En 1945, il est nommé capitaine à titre définitif.

Il a à peine le temps de fêter la victoire qu'il est déjà en Indochine où il débarque à Saïgon en octobre 1945. Il y effectuera 3 séjours entrecoupé de retour en France de quelques mois de 1945 à 1954. Il est nommé chef de bataillon (commandant) en 1952. Il est parachuté sur Dien-Bien-Phu où il s'illustrera particulièrement en mars 1954 est est nommé lieutenant-colonel pendant les combats. Il est fait prisonnier lors de la chute du camp le 7 mai 1954. il sera libéré le 25 septembre.

L'année suivante, il prend le commandement du 3ème bataillon de parachutistes coloniaux à Constantine qui deviendra régiment début 1956. Ce régiment inaugure les premières opérations héliportées avec succès. En juin 956, Bigeard est blessé grièvement d'une balle au thorax. Il est rapatrié et reçoit la plaque de grand officier de la légion d'honneur, le 14 juillet des mains du Président de la République. En septembre, de retour en Algérie, il est victime d'un attentat et reçoit deux balles dans le bras et une troisième dans le foie. Il participe à la bataille d'Alger sous les ordres de Massu début 1957 puis va faire la chasse aux combattants du FLN avec un franc succès dans le sud de Blida. En juillet, retour à Alger où il se fait Ali la pointe et Youcef Saadi, chef militaire du FLN pour la région d'Alger. C'est là que s'achève sa période de baroudeur.
Début 1958, il est nommé colonel. Il commande un centre d'entrainement à la guerre subversive.Il ne participe pas aux événements du 13 mai. certaines déclarations à la presse lui valent la disgrâce et un retour en France de courte durée. En 1959, en effet, il se voit confier les commandements successifs des secteurs de Saïda et de Ain Sefra. Néanmoins une proclamation favorable aux insurgés lors de la semaine des barricades, manifestation d'envergure pour protester contre le projet d'autodétermination des Algériens lui vaut d'être relevé de son commandement en 1960. La période algérienne se termine. Ce qui lui évitera d'avoir à choisir son camp au moment du putsch des généraux.

De juillet 1960 à janvier 1963, il commande les forces françaises à Bouar en République Centrafricaine. Après un passage à l'école supérieure de guerre, il prend le commandement de la 25ème puis 20ème brigade parachutistes à Pau. Il est nommé général de brigade en 1966. De 1968 à 1970 il est nommé commandant supérieur des forces terrestres à Dakar, au Sénégal. Après un passage de quelques mois à l'état-majot de l'armée de terre, il prend en 1970 le commandement des forces dans l'océan indien à Tananarive. En 1971, il est nommé général de division. En 1973, il évacue Madagascar avec toutes les troupes françaises. Après un rapide passage à Paris comme adjoint au gouverneur militaire, il est nommé en 1974 général de corps d'armée et prend le commandement de la région militaire de Bordeaux, ce qui lui vaut de côtoyer une dernière fois les parachutistes.Ce sera son dernier poste militaire.

Car en 1975, il est appelé par Giscard d'Estaing pour occuper le poste de secrétaire d'état à la défense. L'ambiance dans les armées est en effet très mauvaise à cette époque et le pouvoir compte sur le prestige de Bigeard pour arrondir les angles. De fait, malgré un court passage à ce poste puisqu'il démissionnera l'année suivante, Bigeard améliorera sensiblement la condition des militaires notamment d'un point de vue pécuniaire, les militaires de l'époque étant quasiment des mendiants.
De 1978 à 1988, il sera député de Meurthe-et-Moselle.
A compter de cette date, il se retire des affaires et consacre le reste de sa vie à l'écriture, surtout pour témoigner de ses expériences militaires et pour donner sa vision de la France.

Voilà résumé en quelques lignes la vie exemplaire d'un homme et d'un soldat qui a mis sa vie au service de la France. C'était le faible hommage que pouvait lui rendre un ancien officier ayant aussi porté le béret rouge de parachutistes et la célèbre casquette "Bigeard".
Le Président de la République lui a rendu hommage aujourd'hui, rappelant ses actions pendant le seconde guerre mondiale et en Indochine, mais en oubliant ses hauts faits d'armes en Algérie et l'efficacité de son action contre le FLN. Il a conclut en disant "Avec lui disparaît une grande figure de notre communauté nationale et un ardent patriote", une formule qui ne remplacera pas des obsèques nationales qui auraient été méritées. Mais faut pas fâcher Bouteflika et ne pas énerver la Goutte d'Or. 
Bigeard n'aimait pas ce qu'est devenue la France. Il avait raison.

10 commentaires:

  1. lu avec interêt et émotion

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  2. Mais faut pas fâcher Bouteflika et ne pas énerver la Goutte d'Or.
    Tout est dit de la France d'aujourd'hui. Celle qu'IL n'aimait pas.

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  3. Avec l'aide du Mulet (mon aînée) j'ai créé une nouvelle adresse mel ai j'ai pu rouvrir un blog chez BDO : J'ai passé mon truc sur Bigeard avec une photo de ndex Pieds noirs. Voir si ça va passe sur le trac? De toute façon je sezrai de nouveau viré dès lundi... au max.

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  4. ça a marché!
    Tente aussi le coup de ton côté avec une nouvelle adresse mel. Tu sera viré lundi aussi car je crois qu'ils n'interviennent pas le dimanche. Tu as donc le temps de placer un bon billet bien sonné!

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  5. Passe le message à Usbek (il n'a pas trop de sympathie pour moi et je le comprends sans insister ni m'imposer, je suis trop grossier et ce doit être un universitaire ou un truc comme ça et je sens qu'il ne gobe pas mon "style" un peu cantine de régiment, mais comme, il écrit vachement bien : Qu'il les assaisonne à sa façon, ce couillons de gauchos).

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  6. Dimanche 9H. je suis toujours sur le trac.... Bizarre.

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  7. Mon général, Merci pour cette brillante carrière militaire dont chaque jeune soldat devrait prendre l’exemple. Rassurez-vous, ils sont encore nombreux les jeunes et moins jeunes qui croient aux valeurs, aux sens du devoir, à l’honneur, à la fraternité, à la camaraderie, que j’ai connu dans mon unité.
    Ces valeurs et le sacrifice de soi sont toujours présents dans ces régiments d’élites, leurs dernières missions pour la paix dans le monde l’ont prouvé.
    Mon Général, vous le savez mieux que quiquonque. Même en mission de paix nos soldats paras meurent.
    Le soldat que je suis resté essaie de continuer à servir en puisant certes dans son passé, mais en ayant le regard fixé sur ce que pourrait être demain et où là comme ailleurs les paras qui furent toute ma vie sauront défendre une liberté qui n'a pas de prix et toujours au service des plus démunis.
    Lt Gil Serpereau

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  8. Un grand Monsieur, les mots me manquent tant j'ai du respect pour cet homme. Je lis et relis ses mots.Un homme grand, un homme fascinant, quelqu'un de tellement généreux. Je ne m'étalerais pas sur ses livres que j'ai littéralement "dévoré", ce n'est pas le moment! juste un message parce que les larmes me viennent encore, aujourd'hui. C'est bien la moindre des choses que de reconnaître sa bravoure et son dévouement pour son pays. Cet homme est et restera cher à mon coeur. Julie, 24ans

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  9. Nicolas ISSAEFF ancien combattant décoré de la croix de guerre avec reconnaissance de la Nation, avec Honneur et grand respect que j'ai pour ce Grand homme nommé Général BIGEARD cet officier héros courageux qui a toujours su mener ces hommes avec force au combat avec mépris du danger pour la France, il meurt avec Cinq étoiles sur les manches, que l'on ce souvient de lui à jamais.
    ON LUI DOIT, UN HOMMAGE OFFICIEL DEDIE A LUI ET AUX AUX COMBATTANTS D'INDOCHINE EN RESPECT AUX HOMMES TOMBES A DIEN-BIEN-PHU, POUR MOI, ANCIEN COMBATTANT IL RESTE UN HEROS UN GRAND HOMME.

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  10. Merci pour cette très intéressante ressource qui m'a permis d'en apprendre beaucoup sur ce personnage hors-normes dont la carrière s'inscrit désormais dans l'histoire.

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