Race et engagement

Non, hélas, il ne s'agit pas d'un texte perdu et retrouvé de feu Lévy-Strauss. Il s'agit plus simplement, mises bout à bout, des dernières élucubrations du candidat socialiste à la présidentielle. Un énoncé de mesures ou symbolique pour l'une, ou coûteuse pour l'autre. Il s'agit de la suppression du mot race dans la constitution et des avantages accordés à ceux qui s'engagent dans le domaine associatif. On essaiera tout de même de trouver un rapport entre les deux.

 

S'agissant de la suppression du mot race dans la constitution, ce qui turlupine notre glorieux candidat socialiste, c'est ce passage qui figure dans l'article premier de notre constitution : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion." Ces deux phrases sont en effet fondamentales et davantage qu'un billet serait nécessaire pour montrer à quel point ce qui y est énoncé est mis à mal, mais pas forcément dans le sens où l'envisagerait un bienpensant de gauche. Donc le mot race gêne Holllande. Parce que, je cite : ""La République ne craint pas la diversité parce que la diversité, c'est le mouvement, c'est la vie. Diversité des parcours, des origines, des couleurs, mais pas diversité des races". Parce que sans doute pour Hollande les races n'existent pas. D'un point de vue scientifique, la génétique a pendant un instant infirmé la validité du concept de race. Reste que néanmoins des travaux en génétique ont également pu référencer 9 groupes humains différents pouvant être rapportés chacun à une région du monde. L'analyse génétique d'un individu pourrait donc nous révéler de quel continent, et même plus précisément que quelle région de ce continent il est originaire (ce qui ne veut pas dire forcément né). Donc à ce stade, même si d'aucuns préfèrent utiliser l'expression plus neutre de groupes humains , on ne peut pas nier la race. Ou alors il n'y a pas non plus de races de chiens mais une race canine subdivisée en groupes canidés. Les coléoptères de passage commencent à serrer les fesses.

Mais ceci n'a guère d'importance finalement car ce qui est intéressant c'est le concept de race en tant que construction sociale. Même si par ailleurs pendant longtemps, la science, en particulier l'anthropométrie est venue au secours de ceux qui avaient une conception des races pour le moins inégalitariste. A ce propos la gauche devrait faire le ménage dans son panthéon, organiser quelques autodafés et rayer quelques grands noms, au hasard Jules Ferry, mais aussi Léon Blum, de notre histoire collective. Mais nous en sommes heureusement sortis, au prix de quelques massacres et également de la science. Ce nous que j'emploie n'est évidemment pas universel car certaines civilisations, qui valent bien la nôtre, n'ont pas encore été pénétrées par ce qui semble généralement évident au moins à la majorité des occidentaux, même si, comme je viens de le souligner, le chemin pour y parvenir fut rude. Ce qui n'empêche pas que le concept de race reste opératif. La Suisse par exemple associe selon une jurisprudence de 1998 associe la race à la couleur de la peau. Et je pense que le conseil représentatif des associations noires (CRAN) doit avoir une optique similaire. Quant à l'ONU, elle tend à " favoriser la bonne entente entre les races et édifier une communauté internationale affranchie de toutes les formes de ségrégation et de discrimination raciales." Il est vrai pourtant qu'en France, le terme de race a une connotation négative, enfoncée sans doute dans les crânes par les coups de marteau de la repentance, cette chose qui interdit de penser en toute liberté à des choses pourtant essentielles.

Et c'est donc là qu'on peut noter une première absurdité dans le discours de Hollande, car la suppression du mot race dans l'article premier de la constitution supprime toute protection contre ceux qui justement auraient une approche négative de la notion de race.

Par ailleurs s'il s'agit de lutter contre le racisme ce n'est pas la suppression du mot race de la constitution, et même de tous les dictionnaires et du vocabulaire autorisé de la langue française qui changera les choses. L'altérité est une donnée visible, en changer les termes ne modifiera en rien les attitudes. Ou alors, s'il pense vraiment que ça peut changer les choses, je suggère à Hollande de supprimer des dictionnaires les mots dette, chômage, précarité, enfin toutes ces choses qui minent notre société.

La proposition de Hollande est donc une parfaite idiotie qui au mieux ne changera rien, au pire retirera une certaine protection aux minorités raciales, ou au divers colorés si on ne peut plus utiliser cette expression.

 

Deuxième grande idée de Hollande ce week-end : la création d'un congé engagement au profit des membres des associations. Ainsi les présidents et trésoriers d'associations (davantage?) devraient bénéficier de la part de leur entreprise d'une disponibilité leur permettant de pratiquer leurs activités associatives dans de meilleures conditions. En gros c'est échange de travail en entreprise contre activité associative. On avait déjà le congé parental élargi, les décharges syndicales, les détachements dans les syndicats, le congé pour les périodes de réserve militaires et voilà que désormais nous auront le congé associatif. Celui-ci sera naturellement rémunéré, car sinon quel intérêt. Mais on ne sait pas par qui encore. Par l'entreprise? Par nos impôts? Voilà encore un beau cadeau fait aux entreprises. Car ce n'intéresse pas quelques centaines d'individus. Il y a en France à peu près un million d'associations qui fonctionnent avec 1,3 millions de salariés et 13 millions de bénévoles. On peut donc compter que quelques centaines de milliers de personnes pouvant revendiquer ce congé engagement. En plus de changer la nature de leur engagement, de fait de passer du statut de bénévole à celui de subventionné, on ne sait pas encore par qui, ça va coûter cher. De plus désormais, alors que l'engagement associatif était souvent considéré par les patrons ou les DRH comme un atout lors de l'embauche, ça deviendra très certainement rapidement un handicap. Comment une entreprise, surtout une PME, peut-elle fonctionner avec des gens qui vont qui viennent en fonction de leurs activités personnelles? Et en plus si elles doivent les payer pendant leurs absence, ce qui reste une hypothèse, on atteint le sommet!

Parallèlement à cette proposition, le candidat socialiste, peu avare de l'argent public, mais la façon dont il dirige son département ne doit pas nous étonner sur ce point, a promis de pérenniser les financements à destination des associations. Alors qu'une personne raisonnable, en période de vaches maigres, étant donné le coût public du financement des associations qui s'élève à environ 30 milliards d'euros par an, étant donné le nombre des associations qui croît chaque année et on va finir par comprendre pourquoi, devrait inviter ces dernières, d'une part à réduire leurs frais de fonctionnement, et d'autre part à trouver les synergies leur permettant de fusionner leurs ou certaines de leurs activités, voire entre associations ayant des objectifs identiques, et pourrait légitimement le faire car ces subventions représentent plus de la moitié des budgets associatifs, Hollande préfère lui s'engager à pérenniser des financements sur plusieurs années.

 

La bonne nouvelle dans tout ça, et qui justifie le titre de ce billet, c'est que la suppression du mot race dans la constitution devrait mécaniquement mettre un terme à l'activité des associations antiracistes.

Et comme il y en a une quinzaine au moins qui vit de ça en France, ce qui explique peut-être que Jean Baudrillard comparait SOS Racisme à SOS baleines en disant que comme le second avait vocation à sauver les baleines, le premier avait vocation à sauver le racisme, imaginez l'économie qui va être faite, de façon directe avec les subventions, de façon indirecte avec tous ces procès qui n'auront plus lieu. Sans parler que ça va nous faire des vacances de ne plus avoir à les entendre. Mais là je rêve éveillé. Gageons que SOS racisme ne reculera devant rien et s'il le faut se rebaptisera SOS diversophobie.