"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

jeudi 5 août 2010

Suppression de la notation des fonctionnaires : fin d'une hypocrisie ?

Les fonctionnaires ne seront plus notés à compter du 1er janvier 2012. La notation sera remplacée par un entretien d'évaluation avec le supérieur direct qui devra rédiger un rapport avec copie à l'intéressé (e).

J'ai eu dans ma carrière à noter des fonctionnaires placés sous mes ordres directs. Pardon, excusez-moi pour ce langage qui reste trop marqué par mon ancien état d'officier. Donc j'ai eu à fournir des évaluations chiffrées à propos de certains de mes collaborateurs membres de la fonction publique. C'est mieux ? C'est vrai qu'il vaut mieux partir sur des bases saines pour aborder ce sujet tant il est vrai qu'on trouve beaucoup de fonctionnaires (ou anciens) sur les blogs. Ceux qui écrivent pendant leurs heures de boulot, pardi.
Ceux qui ont eu à commander manager des fonctionnaires ont dû être surpris la première fois en lisant leurs feuilles de notation. S'ils les ont lu avant de pratiquer leurs subordonnés collaborateurs, ils ont dû se dire que vrailent ils étaient les plus heureux des hommes pour avoir regroupés au sein de leur service l'élite de la fonction publique française. Et ont donc dû déchanter ensuite. Si ils ont attendu quelques semaines pour prendre connaissance de ses notes, ils ont dû pester contre l'absence de discernement de ceux qui les avaient précédés. Car sur le papier, tout le monde est bon. Que dis-je ? Bon ! Pas bon, excellemment supérieur, doté d'un esprit d'initiative extraordinaire, d'un sens du service public allant jusqu'à l'abnégation de sa personne, d'un esprit d'équipe digne d'une sélection nationale en Afrique du Sud... Et ben oui, le système d'évaluation actuel amène à ça. Ce qui présente moult inconvénients.
Parmi ces inconvénients on peut citer l'incapacité de discerner les meilleurs des feignasses moins meilleurs ou si vous préferez de récompenser les meilleurs, la tendance qu'à chacun à se croire vraiment bon, tellement on lui a répété (et même par écrit) que sans lui la baraque ne manquerait pas de s'écrouler, la difficulté de sanctionner quelqu'un qui s'est distingué année après année par sa médiocrité, sa paresse et son mauvais esprit et qui vous rétorquera que le problème ce n'est pas lui mais vous (yaka regarder mes notations antérieures), et plus généralement car c'est une conséquence de tout cela de créer un climat d'émulation et de motiver ses troupes. Car le principe qui règne, c'est chacun son tour. Alors certes, ce n'est écrit nulle part, mais c'est disons et sans doute un accord tacite entre l'administration et les syndicats se traduisant par des consignes orales très claires : pas question que quelqu'un loupe le coche de la progression plus de deux ans de suite. Personnellement je trouve cela dramatique car la fonction publique dont les éléments ne sont pas foncièrement meuilleurs ou pires qu'ailleurs au départ encourage les fainéants à le demeurer et ceux qui ne le sont pas à le devenir. J'ai tout de même pu noter avec satisfaction que certains résistent vaillamment à cet appel à ne rien foutre ou peu au prix d'une amertume légitime.

Le nouveau système va-t-il changer les choses ? Pas vraiment sûr. S'il doit vraiment changer les choses, attendons nous à des grèves en série. Mais pour l'instant alors que ce système est déjà expérimenté dans certaines administrations, les syndicats se sont contenté de protester mollement, assurant donc le service minimum dans leur mission de dénigrement et de sabotage.
En fait si j'ai bien compris la seule grosse différence avec le système actuel destiné à disparaitre est l'absence de note chiffrée. Car j'ai toujours connu l'entretien d'évaluation et on peut considérer que le rapport correspond à l'appréciation qui était portée sur le bulletin de notation. La notation, du moins la progression permettait de gagner ce qu'on appelle des réductions de temps de service (ou réduction d'ancienneté), c'est à dire la possibilité de passer au grade supérieur un peu plus vite qu'à l'ancienneté. Comme il n'y aura plus de note chiffrée, ceci sera toujours possible par la mise à disposition du notateur d'une enveloppe de 90 mois de réduction d'ancienneté pour 100 agents. Je ne me fais guère d'illusion, ça va tourner. En gros chacun aura droit à ses 9 mois tous les 10 ans, à quelques nuances près, mais variment des nuances, toutes petites.
Et autant vous dire que les notateurs auront intérêt à se tenir à cette règle. Il m'est arrivé quelques déboires pour ne pas avoir voulu respecter la règle tacite de la progression en notation tranquillement à l'ancienneté. Ceci dit, rassurez-vous, ce n'est pas ça qui m'a fait plier. J'ai toujours refusé les injonctions de mes supérieurs à ce sujet. A eux de prendre leurs responsabilités et donc de me désavouer devant le fonctionnaire que je ne pouvais pas faire progresser comme je le souhaitais et la feignasse à qui j'avais piqué la progression qu'elle pensait avoir mérité pour la donner à celui qui méritait. A force ça stigmatise les fainéants qui à force de vivre dans une ambiance qui leur est hostile finissent par demander leur mutation dans un autre service. Un outil donc de GRH par la bande utile et efficace dans un monde où tout est réglé.

2 commentaires:

  1. fonction pu santé

    je considérais cette notation plan plan , curseur d'avancement complètement surréaliste
    Et baisser ou maintenir la note selon l'évaluation annuelle barrait tant cet avancement qu'il fallait produire en tant qu'évaluateur plusieurs actes "notariés" de justificatifs car les syndicats veillaient
    D'autre part marquer une faiblesse de l'agent ne veut pas signifier une sanction qui va retentir sur sa vie, sa carriére
    Les tableaux d'avancement sont des armes sournoises
    Bref, je m'en teint à faire de mes ouailles les meilleurs possible en oubliant ce machin
    Un DRH fou furieux prônait la mise à zéro chaque années et notation sur résultats d'objectifs identifiés pour l'année à venir
    Moi je me demandais ce que pouvait bien inventer comme chantier un agent seul dans son coin alors que les objectifs de service en rapport avec les objectifs médicaux et d'établissement étaient trés verrouillés et concernait une équipe
    Une mission transversale pouvait être affectée mais pendant que l'heureux élu vaquait vers la gloire, les autres marnaient sur son absentéisme!
    Je stoppe là car si j'entame le problème des grilles d'évaluation on y passe la nuit

    RépondreSupprimer
  2. Ce que vous rapportez explique très bien l'absurdité d'un système et les pratiques en vigueur que j'ai connues : difficulté de fixer des objectifs individuels, pression des syndicats, difficulté humainement parlant de casser quelqu'un. Donc la notation devient une formalité mondaine d'où chaque noté ressort avec le sourire.
    Je peux vous assurer que la notation des militaires, c'est tout de même assez différent. Et des gens y laissent leur carrière, sont même virés (contrat non renouvelé). C'est même plus impitoyable comme système que dans le privé.

    RépondreSupprimer