La dernière sortie de Claude Guéant soulignant que les civilisations ne se valent pas a suscité de vivres réactions indiquant la volonté de ne pas, de ne surtout pas évoquer, alors que la vraie campagne électorale devrait peut-être commencer, espérons-le car pour l'instant c'est bien insipide. Le braillomètre (le mot n'est pas de moi et je le regrette) a atteint effectivement des niveaux rarement atteints provoquant même le départ du gouvernement des bancs de l'Assemblée nationale, une première depuis l'affaire Dreyfus parait-il.
De fait Guéant a été d'une parfaite cohérence avec lui-même depuis qu'il est devenu ministre de l'intérieur, parlant tour à tour de mieux contrôler l'immigration, du problème que causerait une masse trop importante de musulmans en France, et pointant clairement du doigt cette civilisation musulmane lors de sa dernière envolée. Tout ce tient. Ce qu'ont d'ailleurs remarqué les opposants au gouvernement, politiques, associations, bienpensants divers et variés. Et bien entendu ils ne se sont pas privés à partir de ces éléments de cataloguer Guéant comme le vilain petit canard extrémiste, de droite bien évidemment car il parait que c'est le seul qui est nuisible, solution qui, bien qu'usée, fonctionne toujours assez bien car elle évite de se poser les vraies questions, celles qui intéressent pourtant ce peuple dont on ne cesse de se réclamer, et oblige même le responsable des propos, sinon à s'excuser, à tenter de se justifier, à déclarer qu'on ne l'a évidemment pas bien compris. Pourtant moi, il me semble que j'ai compris, et loin de faire un procès aux propos de Guéant, je les approuve à quelques nuances sémantiques près, mais ce n'est qu'un détail, et juste déplore que ce gouvernement n'ait pas pris les mesures adaptées pour traiter un vrai problème, et même un triple problème si on se réfère au titre de ce billet, et se soit contenté de mots.
Je vais donc tenter de ne pas succomber à l'air du temps qui veut que l'immigration et la diversité soient des chances pour la France, que l'islam est une religion comme les autres, de paix et d'amour et autres slogans destinés à nous empêcher de réfléchir ou encore à nous fustiger si on se permettait d'émettre quelques réserves, fussent-elles étayées par des faits. Auxquels on a retiré ce privilège qui pourtant était le leur d'être têtus. Je vais donc tenter d'exprimer mes opinions sur ce triptyque que sont l'immigration, l'intégration et l'assimilation, ces choses qui ne firent pas débat pendant des décennies, même si le processus liant les trois ne manqua pas d'être passablement agité.
Bien évidemment je n'ai pas la prétention de traiter de cela par le biais d'un simple billet, et même de deux ou trois. Je me contenterai donc d'exposer quelques faits et principes, quitte à revenir plus tard et en détail sur certains points.
En préalable il faut considérer que la France est terre d'immigration, à grande échelle, depuis environ 150 ans. Si cette immigration a été pendant longtemps d'origine européenne, elle a pris une autre physionomie depuis la fin de la seconde guerre mondiale et depuis la colonisation puisque même si la part d'Européens qui la constitue actuelle reste importante, elle est dépassée par celle venant d'Afrique. En effet le contingent africain constitue d'après l'INSEE environ 43% des immigrés présents en France, contre 38% pour les Européens, les autres venant essentiellement d'Asie (14%) et d'autres parties du monde. Il y aurait, toujours selon l'INSEE, 5,3 millions d'immigrés légaux présents en France. Ce relativement faible nombre par rapport à la population globale de la France ne doit pas occulter d'autres données démographiques, notamment le nombre de Français dont les parents et même grands-parents sont d'origine étrangère, données d'autant plus importantes que, et d'ailleurs seulement importantes parce que, comme nous le verrons plus tard, le processus d'intégration ne fonctionne pas bien tandis que celui d'assimilation a été jeté aux poubelles de l'histoire.
L'immigration légale répond ou devrait répondre à certaines normes. Et à principe simple : celui qui vient en France, mais ça peut-être étendu à tous les pays, y vient pour une raison valable, du moins une raison reconnue par l'Etat. Outre les demandeurs pour motif humanitaire, on distingue trois grands motifs d'immigration : économique, familial et les études. Il est assez difficile de trouver des chiffres exacts de l'immigration légale, car en sous-catégorisant les différents motifs, certains, indifféremment de gauche ou de droite, pour des raisons diverses mais surtout d'ordre idéologique, embrouillent facilement le tableau. En me référant à un rapport très récent du secrétariat général du comité interministériel de contrôle de l'immigration adressé au Parlement j'ai trouvé quand même quelque chose qui ressemble à une synthèse. Ainsi en 2010 l'immigration pour raison humanitaire aurait concerné 17521 personnes, celle pour raison économique 17819, celle pour raison familiale 82235, celle pour études 59779. A cela on rajoute des divers, en particulier les étrangers rentrés mineurs sur le territoire, et qui constituent tout de même un contingent de 11033 personnes pour 2010. Ce qui donne un total de 188837.
Ces chiffres sont intéressants. Ils indiquent en premier lieu qu'on ne vient plus guère en France pour y travailler, même s'il ne faut pas négliger le fait que ceux qui arrivent pour un autre motif qu'économique peuvent entrer sur le marché du travail. J'aurais dû dire "surtout pas négliger" car évidemment on comprend vite que les dispositifs pour adapter l'offre de travail à la demande, par le biais de l'immigration choisie, ne servent pas à grand-chose puisque si on retire ceux qui entrent effectivement pour des raisons économiques et les étudiants, à quelques nuances près, il reste à la louche chaque année une bonne centaine de milliers de personnes qui peuvent éventuellement se retrouver sur le marché de l'emploi de façon tout à fait légale et qui n'auront pas été sélectionnées en fonction des besoins et de leurs compétences. Je ne sais pas si des études ont été menées sur l'impact que ça peut avoir sur le chômage car avec l'empilement années par années on peut penser qu'il en existe un. Ceux qui auraient des lumières à ce sujet pourront utilement se manifester. Et que ceux qui s'indigneraient qu'on puisse se poser une telle question continuent à le faire, ça n'y changera rien. Pour moi en tout cas. D'un autre côté, s'ils ne travaillaient pas, ce serait aussi inquiétant car sinon de quoi vivraient-ils?
Si la France a donc cessé d'être une terre d'immigration économique ou presque, elle attire par contre nombre d'étudiants étrangers. On en recense à peu près 300000 présents actuellement. Ces derniers sont censés retourner dans leurs pays d'origine pour que leurs savoirs acquis en France soient mis en œuvre au profit de ce dernier. Enfin ça c'est la logique, or il se trouve qu'elle n'est pas toujours respectée et que certains, outre les étudiants concernés, trouvent discriminatoire d'obliger ces derniers à rentrer chez eux une fois leurs études terminées, tandis qu'ils ne manqueront pas de fustiger l'aide insuffisante aux pays privés de cette matière grise. Mais passons sur cette incohérence. Et n'imaginons surtout pas que c'est peut-être parce que ces étudiants préférant rester là où ils ont étudié le font parce qu'ils pensent que notre civilisation est supérieure à celle dont ils sont issus. Ce serait là pensée peccamineuse. Ça reste donc un mystère qu'il ne faut surtout pas éclaircir.
On voit aussi d'après les chiffres que le gros bataillon des immigrants est constitué par les familles. Là il convient de s'arrêter un peu pour observer les chiffres plus en détail. Le regroupement familial donc qui consiste pour un immigré à faire venir sa famille ne concerne que 20% de l'immigration familiale. Les 80% restants concernent des étrangers dont un des proches est français et bien évidemment par proche il faut souvent entendre conjoint. Car la France détient le record européen des mariages mixtes, même si cet adjectif n'est pas vraiment approprié. En effet ces mariages mixtes souvent s'apparentent à une forme d'endogamie religio-culturelle. Plus de 50% de ces mariages concernent un conjoint venant du Maghreb. Ce qui pourrait montrer un certain goût de la part des Françaises et Français pour l'exotisme si plus de 70% de ces dernières et derniers n'étaient pas eux-mêmes issus de l'immigration d'origine maghrébine. Ces chiffres indiquent tout simplement un échec de l'intégration ou un refus de s'intégrer. Reste que ces mariages mixtes constituent un levier puissant pour l'immigration. D'autant plus que contrairement au regroupement familial qui nécessite depuis très peu d'années c'est vrai des garanties tant en termes de logement qu'en termes de revenus pour être agréé, quasiment aucune contrainte sérieuse ne peut relativiser l'afflux d'immigrés ayant des liens de proximité familiale avec des Français.
Passons maintenant à l'immigration illégale. Bien évidemment de par son caractère on ne peut chiffrer le nombre d'immigrés illégaux présents sur le territoire. On est donc dans des fourchettes variables, les plus optimistes situant le nombre de clandestins en France entre 200000 et 400000 individus.
Sur le principe j'admets évidemment que quelqu'un puisse avoir envie de tenter sa chance ailleurs parce qu'il vit dans un environnement défavorable. Si en plus on a gangréné son cerveau par des propos lui vantant la supériorité de la civilisation occidentale, il est d'autant plus victime. Mais en contrepartie, si on peut comprendre sa démarche, il devra comprendre celle qui consiste à le renvoyer chez lui, à condition qu'on veuille bien l'y reprendre, s'il se fait prendre. Mais qu'il se rassure les chances pour lui de rester en France sont quand même suffisamment importantes, largement supérieures à une sur deux pour qu'il puisse tenter le coup. D'autant plus que dans la très grande majorité des cas, ça ne présente guère de danger. En effet on estime que 90% des clandestins sont entrés légalement par le biais de visas courte durée et ne sont pas repartis. Il faut aussi considérer le cas de ceux qui n'ont pas obtenu le statut de réfugié (environ 40000 par an) mais qui majoritairement restent quand même sur place. En fait les cas dramatiques de ces clandestins débarquant à Lampedusa ou à Malte sur de frêles esquifs s'ils ont eu la chance de ne pas périr noyés, ou accrochés à un train d'atterrissage ne représentent que la partie émergée de l'iceberg.
Quelques éléments donc qui je l'espère n'encourageront pas des entreprises d'émigration clandestine. Car même la clandestinité peut donner lieu à des statistiques ou bilans chiffrés.
On dispose par exemple assez facilement d'une fourchette basse du nombre des clandestins en France. En effet, au 31 décembre 2010, il y avait 228036 bénéficiaires de l'aide médicale d'Etat (AME), cette disposition datant de 1999, prise à l'initiative de Martine Aubry, et qui permet aux clandestins de se voir prendre en charge leurs frais de santé (à 100% alors que des cotisants ne peuvent pas s'offrir de mutuelle, et que les comptes sont dans le rouge vif, mais passons sur cette incohérence) sous réserves de leurs ressources. C'est quand même assez fort, vous ne trouvez pas. On ne peut pas chiffrer le nombre d'irréguliers mais on peut connaitre le nombre et l'identité de plus de 200000 d'entre eux et même admettre que l'irrégularité ne dispense pas d'avoir des ressources donc, sans doute, du travail. Enfin, moi, il y a quelque chose et même plusieurs choses qui me chiffonnent.
On connait aussi le nombre de reconduites à la frontière, chiffre toujours en augmentation en partie grâce aux Roms qui vont et qui viennent et peuvent être comptabilisés plusieurs fois. Ce chiffre fut de 28026 en 2010, Il est à comparer aux 32818 régularisations d'immigrés irréguliers qui a eu lieu cette même année. Et aussi aux 84346 mesures d'éloignement du territoire prononcées également cette année là. Ce qui veut dire que la probabilité d'être expulsé du territoire français, à partir du moment où on s'est fait prendre, n'est que d'un tiers et inférieure à celle d'être régularisé à terme.
Tous ces éléments indiquent que la lutte contre l'immigration clandestine est insuffisante et aussi que les procédures qui protègent les clandestins sont telles que tous les efforts n'auront que de faibles impacts.
D'une manière plus générale, on peut constater que l'Etat n'a qu'une maitrise très faible de l'immigration. Le seul vrai levier donc elle dispose quant à l'immigration légale est la maitrise de l'immigration économique qui, comme on a pu le voir, en représente la part la plus faible. S'il est possible de revenir sur le regroupement familial dont la possibilité a fait l'objet de mesures de durcissement et de bon sens puisqu'il s'agit de s'assurer des possibilités d'accueil des familles concernées, il semble difficile par le biais de la loi de revenir sur le rapprochement des conjoints de Français même si tout de même il serait utile d'étendre les mesures durcissant le regroupement familial à ce type de regroupement, ce qui ne serait que bon sens. C'est assez commun dans d'autres pays où on ne peut s'établir si on n'a pas les moyens d'y vivre. Comme j'ai essayé de le suggérer plus haut, c'est peut-être davantage dans ce cadre précis, mais qui pourra être avantageusement étendu aux autres, sur les mentalités qu'il faut jouer. Car comme je l'ai souligné une part importante des mariages mixtes indique clairement un défaut d'intégration de la part du conjoint français. Or, l'immigration ne devient clairement un problème que quand ce manque d'intégration existe, quand les enfants, voire les petits-enfants d'immigrés continuent à se percevoir comme étrangers à la culture du pays dont ils possèdent la nationalité parce qu'elle leur a été octroyée automatiquement. Ceci fera l'objet d'un prochain billet.