"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

samedi 29 mai 2010

Cumulards : quand l'hôpital se moque de la charité

Hier un amendement déposé par le député Jacques Rosière, appelé aussi le "parlementaire d'investigation" par le constitutionnaliste Guy Carcassonne, a été rejeté à l'Assemblée nationale. Cet amendement visait à supprimer la possibilité de cumuler pour un ministre, par ailleurs exerçant un mandat local, son traitement avec celui perçu au titre d'élu local.

En cette période de vaches maigres, cette proposition peut paraitre pleine de bon sens. A double titre d'ailleurs : pour l'exemple, les Français étant tellement sensibles à l'exemple quand ce n'est pas à eux de le montrer ; et parce qu'on peut se demander comment un ministre peut raisonnablement exercer un mandat électif de façon efficace, pour ne pas dire réelle.

Concernant ce dernier aspect, il aurait été carrément plus logique de proposer l'interdiction pure et simple du cumul entre une activité ministérielle et un mandat local. Mais on devine déjà la réponse des ministres concernés qui pourraient arguer que leur mandat local représente un moyen pour eux de rester en contact avec le "terrain". N'est-ce pas l'argument utilisé par les parlementaires. Les ministres pourraient également, de façon plus prosaïque, arguer du fait qu'ils sont assis sur un siège éjectable, révocables qu'ils sont à tout instant et qu'un mandat local constitue une solution de repli intéressante sinon nécessaire car  beaucoup ne sont pas capables d'exercer une activité professionnelle. Demandez à Juppé ce qu'il en pense.
Le mandat local, pour un ministre, peut donc être considéré faute d'être véritablement exercé comme un recours en attendant de futures élections législatives, sénatoriales, voire européennes pour les plus mauvais. Demandez à Peillon, infoutu de se faire élire député dans un bastion socialiste, ce qu'il en pense. Curieuse conception de la vie politique, mais dès lors que c'est devenu chez nous un métier, et il n'y en a pas de sots, il faut bien s'y habituer.

Mais il aurait été difficile pour les députés de dénoncer de front le cumul de certains ministres. Car en matière de cumul, les parlementaires n'ont rien à envier à leurs collègues ministres, collègue étant à prendre dans le sens que les uns et les autres exercent le même métier (de politique). Selon une enquête de l'Express d'octobre 2009, sur 577 députés, seuls 77 ne seraient pas cumulards ; mais il est vrai que certains se contentent d'un mandat de conseiller municipal. D'autres par contre sont maires d'une grande ville et également présidents de communauté urbaine. Voyez surtout du côté socialiste pour ça, Ayrault  par exemple. les sénateurs ne sont pas en compte également. Voyez par exemple du côté de Collomb. 
Cette tendance au cumul touche de façon égale tous les partis présents dans l'hémicycle, ce qui est un signe d'une pratique de nature structurelle en France, les autres pays européens étant touchés très marginalement par le phénomène. Et si les parlementaires vous disent que c'est pour ne pas être déconnecté du terrain, ne les croyez surtout pas : c'est le mode de scrutin qui leur impose d'être implantés localement ; si on passait à la proportionnelle par exemple, pour désigner les députés, la nécessité de cumuler deviendrait tout de suite moins forte. Regardez Peillon. : il n'a pas eu besoin d'une implantation locale pour être élu député européen, une place éligible et dans son cas on ne pouvait faire mieux (mais pas de risque quand même) sur une liste suffisant amplement ; il n'aura donc même pas besoin de devenir maire d'Aix ou de Marseille pour continuer à vivre aux dépens de la République.

Si on en vient à l'aspect moral, la proposition sachant d'où elle vient devient risible. Car les parlementaires cumulards n'ont jamais manifesté le désir jusqu'à présent de se voir supprimer leurs indemnités d'élus locaux. Et ils ne risquent sans doute pas. On a vu récemment leur détermination à défendre leur régime de retraite, ce qui est d'autant plus facile que ce sont eux qui se le votent. On ne parlera pas non plus de la douceur de l'amortissement financier qu'ils ont à subir en cas de non réélection. Une indemnité, dégressive certes, mais pendant 5 ans, en attendant la prochaine élection. De quoi faire rêver beaucoup de chômeurs. Et de quoi surprendre aussi quand on sait qu'une large majorité des parlementaires est issue de la fonction publique et peut donc retrouver son emploi immédiatement, et que la majorité de la minorité restant exerçait (ou continue d'exercer) une profession libérale. Et on ne parlera pas par simple décence du taux de présence des parlementaires qui rapporté à leurs émolument représente un salaire horaire des plus enviables.
Pour comprendre cette attaque envers les ministres, peut-être faut-il aller voir du côté du sentiment de la jalousie. Après le plafonnement réglementaire, les cumulards ministres peuvent toucher plus que les parlementaires. Un véritable scandale ! Certes, à leur yeux. Mais aucune morale là-dedans !

7 commentaires:

  1. bonjour, Expat
    La boîte de Pandore ne sera pas ouverte
    Il y a ce cumul de fonctions d'indemnités et de cotisations retraites
    Il y a l'enveloppe annexe aux indemnités qui est un confortable forfait "frais divers" et quid de ce forfait du Sénateur fatigué qui n'invente rien pour bosser sur tel ou tel dossier , qui fait juste le minimum?
    Quid du fonctionnement par député ou sénateur in situ de la République: secrétaires, chauffeurs, voitures , appart fonctionnement qui maintient les postes de fonctionnaires d'Etat
    En Municipal autour de Monsieur, les conseillers se partagent missions diverses, avec quartiers et donc indemnités ,tous gardent leur boulot et dans la fonction publique le terrain perd du temps agent forcément et en toute légalité
    je passe sur les campagnes électorales
    100 députés cumulards laissant une indemnité, ça ne va que pour l'exemple
    Mais 500 députés à qui on cherche des poux dans leur fonctionnement serait plus juteux

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  2. je continue et vous donne un exemple
    ma ville, 50 000 habitants : 1 senateur maire 42 conseillers dont 32 dans la majorité qui ont tous une mission, un quartier, un truc à faire, une commission quelconque sans compétence particulière (eau, déchets, voirie) qui donne droit à rémunération et qui vient se coller à l'entreprise Mairie (1000 employes) qui fonctionne en compétences bien sûr
    NS n'aura pas le temps de fouiller dans tout ça

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  3. Bonjour Cimabue,
    vous avez raison. La République est une bonne vache à lait. Je me rappelle avoir parlé ici ou ailleurs des indemnités de fonction des conseillers régionaux qui crevaient les plafonds officiels dans certaines régions (PACA en particulier) du fait de l'attribution discrétionnaire de vices-présidences, de présidences de commissions, etc.
    Louis XIV avait compris que la France ne pouvait avoir qu'une seule tête et il créa une prison dorée pour la haute noblesse. Il fut suivi par les révolutionnaires et Napoléon, puis finalement par les autres jusqu'à ces fameuses lois de décentralisation et le développement d'une nouvelle "noblesse" provinciale dont l'avidité le partage avec la jalousie qu'elle a de ses pouvoirs. Et quel avantage pour les Français ? Rapport qualité/prix de tout ce souk ?

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  4. Je trouve cette note pleine de bon sens et plus (existe-t-il un deuxième degré dans le bon sens ?), cela me coûte de l'écrire sur le blog d'un solide adversaire (parfais du moins).

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  5. Je viens de laisser le com qui suit sur le blog que vous venez de me faire découvrir sur nonobs :

    Quand je "faisais" du russe (ça n'a duré qu'une année universitaire), j'avais appris à bien prononcer ce "camarade" en ouvrant le o de to, et en adoucissant le itch en ich(i), en quelque sorte "tavarichii".

    Bon, cher Expat, plus ça va plus je me sens proche de certains trucs que vous exprimez. Ce qui me pose problème. J'ai eu une évolution peu banale compte tenu de mon éducation et de ma culture qui sont catho sérieux, de droite mâtninée à la fois de maurassisme et d'anticommunisme autant primaire qu'aveugle, qui sont en outre très "fin de race". Or, s'il est facile de virer à droite lorsqu'on a d'abord baigné dans l'ouvriérisme, ou le marxisme-léninisme, ou plus globalement la "gauchitude", l'inverse est autrement difficile, y compris pour être... euh... "adopté".

    Or, votre fréquentation révèle chez moi des tendances dextrogyres inquiétantes. va falloir que je me reprenne... Et ce n'est tout de même pas à vous que je vais adressé un "help me" qui vous ferait exploser de rire.

    Cela dit, bonne après-midi. Je suppose que là où vous êtes, il vaudrait mieux que je dise "bonne soirée".

    Ecrit par : caquedrole | 30.05.2010

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  6. Je vous ai répondu sur totovaritch. En espérant qu'il ne soit pas éradiqué avant votre lecture !!!

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