"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

jeudi 6 mai 2010

Liberté de la presse et liberté d'expression (suite et fin)


Hier j’ai abordé ce sujet par un commentaire du classement effectué par RSF sur la liberté de la presse dans le monde et qui dévoile une France pas vraiment bien placée, même si d’après le secrétaire de cette association, il n’y a pas (encore) péril en la demeure. Le classement s’expliquerait entre autres par la judiciarisation d’éléments traités par les journalistes quand ils abordent la vie privée des personnes publiques et quand ils refusent de dévoiler leurs sources.
D’un autre côté, j’ai tenté de montré que la presse, ou les journalistes en général, n’étaient pas exempts de reproches. Tentés par le scoop vendeur, ils révèlent une presse de plus en plus de caniveau, sans se soucier des conséquences de la divulgation de leurs investigations. Ces dernières restent d’ailleurs assez limitées en France, les journalistes préférant souvent se contenter de commenter les dépêches de l’AFP, dont ils savent pourtant que cette agence est largement subventionnée par l’Etat, et donc dont ils devraient se méfier de l’objectivité des informations.

J’aimerais évoquer, et c’est en rapport avec les deux des points (respect de la vie privée et conséquences de leurs reportages) qui précèdent, qu’il y a sans doute, chez nous, un problème de déontologie de la presse. Les journalistes ne disposent pas d’une instance (type conseil de l’ordre de médecins ou l’équivalent du CSA pour ce qui est de la presse écrite)) qui leur est propre, susceptible d’édicter des règles et de prononcer des sanctions quand elles ne sont pas respectées. Il existe bien une charte (dite de Munich et datant de 1972) définissant les droits et devoirs des journalistes à laquelle ont adhéré la plupart des syndicats de journalistes européens, mais tout ça est assez indicatif et il dépend des différentes rédactions de faire respecter cette charte.
Je vous cite malgré tout les 10 devoirs du journaliste figurant dans cette charte afin que vous puissiez juger des écarts professionnels qui existent avec son respect.

  1. Respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître
  2. Défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique
  3. Publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents
  4. Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents
  5. S’obliger à respecter la vie privée des personnes
  6. Rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte
  7. Garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement
  8. S’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information
  9. Ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs
  10. Refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction.

Vous trouvez qu’on en est parfois loin. Moi aussi.
Vous aurez noté en particulier le point 5, souvent piétiné ainsi que le point précédent qui par son non respect permet cette entorse à la charte.
Vous pourrez noter également que le respect du point 6 a souvent besoin d’un petit coup de pied aux fesses de la part d’un juge (ou du CSA pour l’audiovisuel) pour être respecté.
Le point 8 ne me semble pas également toujours respecté et de ce fait est une source de judiciarisation.
Quant au point 9 avec la notion de propagande, on voit très bien l’importance que leur accorde certains journalistes, même si cela ne donne pas lieu à des procès.

Mais je voudrais revenir sur le point 2. Défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à ce niveau les journalistes ne sont pas vraiment exemplaires. A moins que pour eux la défense de la liberté de l’information, du commentaire et de la critique ne s’applique qu’à leur bénéfice. Parce que la presse a depuis un certain temps à s’ériger non plus en organe d’information, mais en directrice des consciences, ce qui au passage explique que les dépêches AFP lui suffisent amplement.
On a eu récemment l’affaire Zemmour qui a montré à quel point la presse était attachée à la liberté d’expression, au point pour le Figaro de menacer de mettre à la porte ce journaliste, pour un responsable de France Télévisions ou de France 2 de s’interroger sur l’opportunité de conserver celui-ci dans une émission dont par ailleurs il contribue au succès. L’expression oui, mais quand elle entre dans le cadre du politiquement correct. Peu importe d’ailleurs que le contenu soit avéré, une information fausse, comme par exemple l’apport économique positif des immigrés actuellement, ayant beaucoup plus de chance de trouver sa place dans la presse qu’une information vraie allant à l’encontre du couramment admis, enfin ce qu’on a voulu nous faire admettre à coup de mensonges ou de statistiques tronquées ou habilement présentées parce que c’était la bonne façon de penser. A ce stade un certain journalisme malheureusement courant est devenu un ennemi de l’information. Au lieu d’informer, il se met au service d’une idéologie en tant que propagandiste (voir article 9)

On pourrait aussi parler dans le cadre de la liberté d’expression, le comportement des modérateurs de certains blogs ouverts aux lecteurs par certains journaux. Le Nouvel Observateur après une grande tolérance pour des propos pouvant tomber sous le coup de la loi (négationnisme par exemple) a modifié récemment sa politique de modération et se met à frapper les opinions contraires à sa ligne éditorialiste en faisant par exemple si ça l’arrange une confusion entre anti-islamisme et insulte à l’islam. Certains blogueurs se sont fait ainsi éjecter juste pour un regard critique sur certaines pratiques ressortissant de l’islamisme et sans avoir pu au moins s‘expliquer. Liberté d’expression, liberté de commentaire, liberté de critique (point n°1 de la charte).
Dès lors quand certains journalistes estiment que leur liberté d’expression est menacée, est-on obligé de penser à l’arroseur arrosé.

2 commentaires:

  1. Cher Expat
    Je vou ai enfin trouvé et je suis très admiratif devant le raffinement et la richesse de votre blog (je parle ici de la forme car pour le fond je le savais déjà!). Vous êtes un expert et il est vrai que le maniement de tout cela est un peu complexe pour un nouveau venu inexpert comme moi. Par ailleus par nécessité professionnelle (je suis en train de finir un assez gros ouvrage)et par goût personnel je suis plutôt, contre toute attente, pour la forme brève (peut-être parce qu'on m'a souvent reproché de faire trop long!).

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  2. Cher Usbek,
    merci de votre passage en ces lieux.
    En fait je ne suis pas plus connaisseur que vous en blog. J'ai procédé par tâtonnement pour trouver un modèle de présentation me convenant permettant de présenter les textes et commentaires sur un plan plus large, ce qui présente un intérêt certain quand on fait long. C'est un des avantages de blogspot d'avoir tout de même un éventail de modèles relativement important.
    En écriture, mon problème (et également défaut) est d'avoir des difficultés à faire court, même en commentaires souvent. Parce que j'ai du mal à ignorer et écarter les idées qui me viennent en écrivant et à me limiter aux seules choses que je voulais écrire.

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