"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mercredi 26 mai 2010

Le "care" : un concept fumeux, certainement pas une solution



Il y a quelque temps la première secrétaire du parti socialiste dans le cadre de la reconquête du pouvoir nous a dévoilé un concept qu'elle est allé chercher outre-Atlantique et qui sera peut-être la clé de voute soit du programme socialiste, soit de son argumentaire pour décrocher la timbale à l'occasion des primaires socialistes de 2011, voire les deux.
Alors que depuis deux ans la France, l'Europe et le monde sont accablés par une crise économique et financière d'une ampleur singulière remettant en cause les fondamentaux qui a remis la politique en première ligne, même si parfois ce n'est que vaine agitation, le vrai pouvoir se trouvant sans doute ailleurs, Martine Aubry espère régler les problèmes des Français par la mise en œuvre du "care".  Ce simple mot recouvre une réalité complexe ou plusieurs réalités. On pourrait le traduire par prendre soin de, porter attention à, faire preuve de sollicitude, en fait aider les autres surtout les plus démunis. Ce concept nous vient directement des Etats-Unis et a été promu par un groupe de féministes. L'origine est importante, les Etats-Unis ayant une culture de l'entraide assez différente de la nôtre.

En attendant des précisions, si elles arrivent un jour, on ne peut que conjecturer sur ce qui se cache derrière le "care" de Martine Aubry. Est-ce ce vieux concept de solidarité qui a déjà tant servi aux socialistes avec les effets qu'on connait ? Est la version laïque de la fraternitude de Ségolèbe Royal ? A voir.
Dans l'attente livrons-nous tout de même à quelques conjectures.

Une première hypothèse est que Martine Aubry, si le PS l'emporte en 2012, tenterait de rompre avec les réflexes individualistes caractéristiques de nos sociétés capitalistes pour amener les Français à se débarrasser de leur égoïsme et à prendre soin, porter attention, aider ceux qui à proximité d'eux sont dans une situation défavorable par rapport à la leur. C'est beau, c'est généreux, mais y a du boulot. Surtout, comment on fait ? Le politique peut-il changer la société ? Provisoirement peut-être et par la contrainte, ce qui n'est pas vraiment la changer. Ôtez la contrainte et les vieux réflexes reprennent leur cours.
Et puis là, honnêtement on est un peu étonné. On a tellement été habitués à voir les socialistes ces dernières années se retourner contre l'Etat quand ce qui aurait dû relever de l'attention porté à ses voisins plus vulnérables, à ses proches paraissait pourtant une évidence. Un exemple ? La canicule de 2003. Qui d'autre , mieux que les enfants, les voisins, pouvait veiller sur les personnes âgées ? Pourtant la gauche a eu la peau du ministre de la santé de l'époque et s'est par ailleurs opposée à cette journée de solidarité fixée le lundi de Pentecôte. L'enthousiasme des Français à cette occasion a démontré également leur propension à s'adonner sans retenue aux joies du "care". Cette propension à la solidarité explique également la si grande facilité à réformer notre système de retraite : l'âge légal de la retraite est de 60 ans en France, tandis qu'il est supérieur dans les autres pays d'Europe, sauf pour les femmes dans certains pays, et se situe souvent à 65 ans (67 en Allemagne et pour tout le monde) ; grâce au "care" et à la solidarité inter-générationnelle l'augmentation de l'âge légal de la retraite dans notre pays ne devrait poser aucun problème. Logique que pourtant les socialistes, officiellement, ne partagent pourtant pas. Va comprendre ! A moins que le "care" ne se limite à des choses plus banales, comme aller faire les courses pour la voisine dans le plâtre. Dans ce cas, pas vraiment d'espoir que les problèmes profonds des Français sur le long terme trouvent une solution.

Mais ne soyons pas mauvaise langue. La France ne manque pas d'associations à caractère caritatif ou autre qui permettent d'améliorer la vie des plus fragiles d'entre nous s'ils les sollicitent. Associations diverses dont je ne conteste pas le bien-fondé, financées en grande partie par nos impôts.
Ce qui nous amène à notre seconde hypothèse. Et si le "care" devenait une affaire d'Etat. Dans ce cas on passerait de la solidarité évoquée dans le précédent paragraphe à l'assistanat. On passerait de l'Etat providence au stade supérieur de l'Etat paternaliste. Via les associations, c'est une possibilité, qui seraient encore davantage financées. Ou via des aides directes qui s'ajouteraient à celles déjà existantes. Le seul problème est qu'en ces temps de vaches maigres, ces solutions peuvent apparaitre comme inopportunes. Oui, mais, il suffirait de faire payer les riches. Dans ISF, le S signifie bien solidarité. Donc pourquoi ne pas faire évoluer vers le haut cette solidarité forcée. Tiens un oxymore ! la solidarité est normalement associée à l'intérêt général et est supposée spontanée.

Voilà donc les sens que je pense trouver à ce concept de "care" faute d'éclairages supplémentaires. En fait pas grand chose de nouveau. La première hypothèse, à moins que les Français le lendemain de la victoire socialiste soient touchés par la grâce, je dois avouer que je n'y crois pas trop. La seconde est plus plausible et est en cohérence avec les pratiques courantes des socialistes quand ils sont au pouvoir.

Une suite à bientôt pour tenter de comprendre pourquoi le "care" du type première hypothèse est un concept difficilement opératoire en France.

2 commentaires:

  1. je vous relirai avec soin
    Pour l'immédiateté qui me caractérise:
    Martine Aubry choisit un concept périlleux ô combien qui tient à la traduction multiple de ce mot en français
    J'y reviendrai

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  2. l'allégorie est tentante
    - be carefull, comme si l'on transportait un objet fragile ou si le danger était imminent
    - Care ou le soins intense du à un coma dépassé (l'éveil) ou un mourant
    Laissons les démons et pensons que dans ce ciel sombre MA trace en éclair une lumière...Mais qui doit aider qui?
    La proximité, le social, sont une jungle inextricable où les plus vulnérables ne peuvent espérer plus (je parlerai un jour du maintien à domicile)
    Expat, nous avons été dréssés au social qui change la politique, l'inverse signifie le moutonnier? la soumission ?
    Martine Aubry n'a qu'une chose à camper à mon sens: comment le care peut s'adresser à nos forces vives nos classes moyennes qui sont loin des trente cinq heures qui doivent manager une production exangue avec au volant des salariés en risque de précarité, ces classes confisquées qui un jour...la révolution
    Qu'on se rassure, lâcher c'est crever
    Parce que dans cette période brouillon je ne supporterai pas que l'on fasse la morale à des collégiens en les priant de parcourir les immeubles quand il fait chaud ou froid pour secourir nos vieux (emplâtre sur jambe de bois)
    Mais vous l'évoquez l'Etat providence revient et avec le cortège d'impôts et je ne me bile pas pour les ressortissants ISF
    Le silence de M Aubry avec ce machin est au plus profond je crois

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