Il y a des pays qui s'identifient à une nation. D'autres non ou moins, ou de moins en moins. Certains indicateurs permettent de vérifier l'attachement d'un peuple à sa nation. Les cérémonies célébrant le 65ème anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale ont retenu mon intérêt à ce niveau.
Je commencerai par une anecdote, une chose qui m'est arrivée vendredi dernier. J'étais à mon cours de russe et l'essentiel de la leçon fut consacrée à la description des festivités du surlendemain, la célébration de la victoire de 1945 qui se déroule le 9 mais en Russie et dans d'autres pays d'Europe orientale. Une question de décalage horaire je crois, la capitulation allemande ayant été signé à Berlin vers minuit le 8 mai.
Je reviendrai sur les festivités plus loin. Mais pour mon malheur ou ma honte, ma professeur de russe habituée à me donner mes devoirs pour le cours suivant, me demanda de lui rédiger le déroulement des festivités correspondantes en France. J'aurais pu garder le silence et repartir avec cet exercice sous le bras, content pour une fois d'avoir peu de choses à faire pour la fois suivante. Mais comme je compte tirer quelque chose de ces leçons, j'ai dû lui avouer que la France faisait mauvais ménage avec les fêtes patriotiques (sauf quand gagnent les Bleus, mais ça c'est rare), et que le 8 mai se traduisait chez nous par une prise d'armes statique à la sauvette sous l'arc de triomphe, bien que cette année, il semble que Sarko ait voulu rendre hommage aux "malgré-nous" Alsaciens dont les descendants lui ont permis de ne pas être capo aux régionales en métropole. J'ai donc eu un autre travail à rédiger.
Je reviens sur les commémorations du 9 mai en Russie. Je ne sais pas si les télévisions françaises ont retransmis quelques extraits. C'est possible puisque des militaires français défilaient sur la Place Rouge où jouait également la musique principale des armées (françaises), inemployée en France durant cette période.
Mais il est également possible que l'impasse ait été faite dans la mesure où notre Président qui devait assister aux cérémonies moscovites s'est décommandé au dernier moment, appelé au chevet d'un euro moribond réclamant qu'il lui pratique un bouche-à-bouche très long entrecoupé de vigoureux massages cardiaques. C'était une question de vie ou de mort et chaque heure comptait. Et pendant ce temps l'insouciante Angela Merkel, qui n'en a rien à faire de l'euro et elle l'a prouvé ce jour-là, se dorait la pilule sur la Place Rouge aux côtés de Vladimir Poutine, le Président Medvedev étant de don côté accaparé par le Président chinois. Mais c'est aussi peut-être une raison du faux-bond de Sarko qui aurait peut-être eu du mal à trouver une place digne de son rang au milieu de ce beau monde.Enfin, certains diront, peut-être, mauvaises langues, que son déplacement aurait été d'un meilleur profit pour la France que sa présence aux côtés de l'euro en ce dimanche 9 mai.
Car s'il pense que pour les Russes, ce jour équivaut à notre 8 mai qui, d'ordinaire, permet d'aller faire ses courses en semaine (pas de chance cette année), il se trompe et ses conseillers ou l'ambassadeur de France en Russie auraient pu lui suggérer utilement que ces quelques heures de déplacement étaient souhaitables d'autant plus qu'il s'était annoncé. Merkel, représentante du pays vaincu, ne s'y est pas trompée.
Ce jour est en Russie le plus célébré. Pas seulement par quelques vieillards rescapés du conflit, ou des nationalistes en mal de manifestations patriotiques. Mais par l'écrasante majorité des Russes, quels que soient leur âge, leur sexe ou leur catégorie socio-professionnelle. Il faut dire qu'ils ont laissé du monde sur le terrain, tellement qu'on ne sait pas si c'est 20 ou 25 millions, Staline ayant sans doute profité de la chose pour ajouter quelques millions de ses victimes. La journée est donc une débauche de parades militaires impressionnantes, de défilés de vétérans dans les rues applaudis chaleureusement par les plus jeunes dont les trottoirs ne contiennent que difficilement le nombre, de concerts et de feux d'artifice. Ce jour là si vous passez en Russie, vous comprendrez ce qu'est un peuple fier de sa nation.
C'est vrai que la France avec ses 400000 morts, son statut de vaincu vainqueur, ses collaborateurs et ses résistants, quelques-uns comme un de nos anciens présidents étant parfois les deux, mais chaque fois au bon moment lui, n'est pas forcément encline à célébrer cette fête. Le 11 novembre serait plus indiqué sans doute. Mais même là ça reste assez discret, peut-être à cause de l'automne déjà bien avancé. Je me souviens du reste qu'à cette occasion quand j'étais enfant, les écoliers se rassemblaient au monument aux morts du village avec les rares anciens combattants encore présents et qu'était procédé à l'appel des morts dont les noms de famille nous étaient souvent familiers.Ce genre de cérémonie villageoise a été rangée depuis longtemps au placard en tant que ringardise nationaliste. Reste le 14 juillet. Mais assurément rien à voir avec cette ferveur russe.
Voilà, c'était juste l'occasion de vous livrer mes impressions suite à ces célébrations. Et peut-être de voir dans les manières dont elles sont célébrées des indicateurs sur l'attachement des peuples à leurs nations.
que là journée soit belle demain pour Ivan porté en Baptême
RépondreSupprimerj'ai vu quelques images du 9 mai en Russie
Ces célébrations dans la ferveur populaire font qu'un peuple continue à être capable de résister au pire, comme jadis quand il fut question de lutter
Nos maigres gerbes rapidement déposées par quelques élus en présence de quelques oisifs de quartier ne donnent pas de sens à l'histoire et ne confortent pas le présent sauf des conflits et chaos de ces sombres périodes
Balayés la mémoire due, les symboles rassembleurs, la vision utile de ce qu'est notre Nation
Nous on fait fort, on sort la Nation pour la prise de la Bastille , un conflit interne de classes sociales, l'explosion des droits de l'homme, je ne sais ce que ça a voir avec le défilé de notre armée
peut être le fait qu'elle porte paix, fraternité, égalité de par le monde!!!
On n'ose plus se dire qu'elle est faite pour nous défendre, comme elle l'a fait il y a 65 ans
Tout est mou en Nation ici, dés qu'on sort un drapeau ça coince
Oui, j'ai chanté le chant du départ devant le monument aux morts lorsque j'étais enfant, nous étions convoqués
Il me reste ce réflexe de toujours regarder la liste gravée quand je passe devant un tel édifice ici ou là
Belle journée en Orthodoxie demain
Merci Cimabue pour le petit Ivan.
RépondreSupprimerJ'ai l'impression qu'en France tout ce qui ne s'est pas fait au nom des droits de l'homme est indigne du moindre intérêt. Le problème, c'est qu'après avoir décrété que les droits de l'homme, c'est nous, il y a pas grand chose de tangible derrière. Ou quelques horreurs comme les guerres de Vendée faites au non des droits de l'homme certainement.
J'ai d'ailleurs jamais compris pourquoi la France s'était attribué cette paternité des droits de l'homme. A cause de quelques philosophes mieux reçus en Prusse et en Russie que dans leur pays ? Parce qu'elle est devenue régicide mais en rédigeant une belle déclaration.
Les Anglais et les Américains nous ont précédé en démocratie pourtant. Et leur fierté nationale réside ailleurs.
« il semble que Sarko ait voulu rendre hommage aux "malgré-nous" Alsaciens dont les descendants lui ont permis de ne pas être capo aux régionales en métropole »
RépondreSupprimerCher Expat, vous faites court pour expliquer beaucoup de choses. Car les alsaciens sont-ils français ? Comme dirait Zemmour, à Rome je fais comme les romains. Donc en France j’applique les lois françaises. Partout en France ? Non il existe un petit village germain qui résiste encore avec se législation propre, et même ses curés sont payés par les contribuables français.
A propos de religion, je vous avez demandé quelque chose chez Marius que vous n’avez peut-être pas lu, aussi je le répète ci-dessous :
Expat, une chose que vous pourrez peut-être nous dire, c'est si chez les orthodoxes on considère toujours les juifs comme le peuple déicide : ont-ils fait leur Vatican II ?
Quand au patriotisme russe, il fait quand même un peu peur à certains peuples. Ne serait-ce que pour les algériens russes, au pardon les auvergnats russes, qui s’appellent là-bas les tchétchènes et autres.
Cher Jean-Michel,
RépondreSupprimerj'ai répondu à votre question hier chez Marius. Mon épouse qui est orthodoxe m'a répondu par la négative.
Pour ce qui concerne les Alsaciens (attention mon grand-père maternel était alsacien), d'après ce que j'en ai vu parce qu'au hasard de mes affectations j'ai passé un peu de temps dans cette belle région, ils se revendiquent comme français de manière très forte, tout en ayant une attitude assez ambiguë avec les "autres" Français qu'ils nomment Français de l'intérieur. Une attitude de défiance dirons-nous. Mais certains diront ostracisme.
Mais une preuve évidente qu'ils sont de bons Français est cet attachement à leurs petits avantages, mais pas si petits que ça parfois, que leur confère la conservation des lois (très sociales, l'Allemagne impériale étant à ce niveau bien en avance sur la République française de l'époque) de Bismarck que personne n'ose remettre en cause.
En ce qui concerne le problème entre les Russes et leurs auvergnats, et qui dure depuis très longtemps, j'en parlerai un de ces jours dans un ou plusieurs billets.
Mais pour ne pas vous laisser sur votre faim, je peux vous dire que si un jour les Russes quittent la zone, dès le lendemain une guerre civile embrase le Caucase.
Merci de préciser Expat : la négative pour la première question : "on considère toujours ..." ou pour la seconde question : "ont-ils fait leur Vatican II"
RépondreSupprimerUne guerre civile dans les pays musulmans ? la routine quoi. N'empêche que c'est leur problème.
Je suis républicain mais le 14 Juillet, comme le suggère Expat n'est pas fait que de la lumière de ce qu'il symbolise: La Révolution française a libéré le peuple certes, mais à quel prix!... Et que d'ombres mêlées au sang des victimes. Je lis (à petites doses) une bio de Mme de Staël par Michel Winock : Fille de riche banquier suisse un temps ministre du roi de France, elle achetait à des révolutionnaires de haut rang la vie d'amis menacés de guillotine. Pendant qu'on s'entretuait les affaire continuaient… l'argent circulait en France, pas perdu pour tout le monde (les Barras, le Tallien, les "douceurs" de Talleyrand qui trafiquait avec l'étranger). Cela recoupe la bio dudit Talleyrand de Jean Orieux: Souvent pas joli-joli les dessous des grandes allégories de l'Histoire.
RépondreSupprimerEt pour ce qui est du patriotisme et du patrimoine historique de la France : Vous êtes bien ringard mon cher Expat. Il y a bien longtemps que ces niaiseries sonores et colorées n'abusent plus un peuple aussi intelligent et donc sceptique que les Français. Pensez donc!
Tiens, le côté sacré du jour de l'Ascension me fait mondain et je te revouvoie. ça occupe...
RépondreSupprimerSalut Marius,
RépondreSupprimerje ne savais même pas que c'était l'Ascension aujourd'hui. Je suis un peu déconnecté des fêtes religieuses catholiques ici. Pas d'Ascension, pas de Pentecôte. Il reste Pâques et Noël, mais ce n'est pas aux mêmes dates, sauf Pâques parfois.
C'est vrai que la Révolution n'a pas été conduite que par des gens purs et désintéressés. Entre la chute de Robespierre et le coup d'Etat du 18 Brumaire, ce fut même un joyeux bordel où ceux que tu cites ont su montrer quels étaient leurs réels intérêts.
Ceci dit avant 1794, les révolutionnaires ont su montrer quelle était leur conception des droits de l'homme en éliminant ceux qui n'étaient pas d'accord avec elle, et en pratiquant au besoin le massacre de masse. Les bolcheviques s'en sont d'ailleurs fortement inspirés. C'est pour cela que j'ai un peu de mal avec cette Révolution qui a troqué un pouvoir absolu contre un despotisme meurtrier, mais au nom d'un idéal. En fait c'est l'idée qui est belle, mais la mise en pratique, sa confrontation à la réalité humaine a amené des effets absolument contraire à ses principes. Sauf, et c'est important, que l'idée de nation a véritablement émergé dans la mesure où les gens se sont battus pour elle. La Nation en armes, c'était un concept nouveau et qui allait porter l'idéal révolutionnaire bien au-delà de nos frontières et semer les germes des révolutions européennes à venir et de la notion de nationalité.
Tiens, j'ai trouvé -par hasard- votre blog, Expat que je salue. Faudra que je revienne. Malgré... euh... ce qui nous sépare.
RépondreSupprimerBonjour Caquedrole,
RépondreSupprimermerci de votre visite et bienvenue en ces lieux confidentiels.
Pour ce qui nous sépare, je crois que c'est largement surmontable et peut permettre au minimum des échanges policés.
Oui sur la photo c'est bien une colonne Morris, assez nombreuses ici.