L'affaire Cassez enfin se termine et de façon favorable pour l'intéressée. On peut s'en réjouir, s'en désintéresser ou encore se dire que la justice n'y a pas trouvé son compte. Chacun peut se forger sa propre opinion sur le sujet. Quoique le bel enthousiasme unanime doive imposer le silence à ceux qui ont des doutes. La dame est forcément innocente. Pas de sa faute si elle avait de mauvaises fréquentations : peut-on reprocher à quelqu'un les agissements criminels de son compagnon? Pas sa faute si elle n'avait rien remarqué même si les otages étaient retenus sur les lieux où elle vivait. Peut-être une grande naïve qui pensait que son compagnon hébergeait des SDF? Et puis bien sûr, il y a eu cette procédure pas très orthodoxe et ces mises en scène. Et puis cette condamnation à 90 puis 60 ans de prison. La justice mexicaine n'y va pas avec le dos de la cuiller et Taubira ne pourrait faire carrière là-bas. Bon, on ne l'a pas laissée tomber, et après 7 ans d'emprisonnement, elle recouvre sa liberté. Tant mieux pour elle, tant mieux pour ses proches, pour la justice et les victimes de son compagnon, on ne sait pas. Mais puisque en France le doute doit profiter à l'accusé…
Mais on n'aurait quand même pu nous épargner les flonflons, l'accueil par le ministre des affaires étrangères, une réception prochaine à l'Elysée. Pourquoi pas la légion d'honneur pendant qu'on y est?
Mais il est de bon ton de faire du bruit autour de cette affaire. Pour des raisons politiciennes bien entendu. A droite on dira que les efforts ininterrompus de Sarkozy ont enfin porté leurs fruits et à gauche que la méthode Hollande a seule permis une issue heureuse à cette affaire. Une parmi d'autres dont on ne parle pas beaucoup ou jamais. Il parait qu'il y a 2000 français incarcérés dans des prisons étrangères. Et pas toutes fréquentables. On a par exemple Mickaël Blanc condamné à perpétuité en Indonésie pour avoir transporté 3,8 kilos de haschisch. Ça fait 14 ans qu'il est enfermé. Et on ne constate guère d'agitation diplomatique pour lui, ou alors c'est très discret. Les prisonniers à l'étranger c'est un peu comme les otages, il y a ceux dont on vous rebat les oreilles en permanence et ceux qui sombrent dans l'oubli. Il y a peut-être ceux qu'on espère avoir de bonnes chance de faire libérer et les autres. Les lauriers devant suivre.
Dans le cas de Florence Cassez, Sarkozy a marqué un certain acharnement sans doute parfois excessif à la faire libérer. C'est après son départ que la libération a eu lieu. Ce qui ne veut pas dire non plus qu'il a manqué d'efficacité, mais juste qu'il a été remplacé avant l'échéance. D'ailleurs Cassez a-t-elle eu au moins cette élégance de le remercier chaleureusement de ses efforts. Les socialistes de leur côté ont dû en éprouver une certaine amertume, du moins ceux qui ont décidé d'attribuer à Hollande le mérite exclusif de cette libération. Quelle élégance! Mais je vais y revenir. En tout cas les réactions des uns et des autres indiquent clairement le niveau de désintéressement politicien dans ce genre d'affaire.
Mais ce qui est peut-être davantage intéressant c'est ce qu'on ne voit pas, ce qu'on ne nous dit pas, ce qu'on ne sait pas, les dessous de l'affaire. Par chance, un homme a parlé. Et pas n'importe qui! Juste le troisième personnage de l'Etat, celui qui assurera peut-être l'intérim présidentiel, sauf si la droite regagne le Sénat en 2014, quand notre superbissime normalitude aura démissionné, accablée par le poids de sa tâche et surtout par les critiques quelque peu évacuées en ce moment pour cause de conflit armé en terre étrangère. Je veux parler de Monsieur Bel, ci-devant président du Sénat. Lui est bien placé pour savoir et il raconte.
Je passe rapidement sur l'inélégance traditionnelle des socialistes quand il s'agit de dénigrer l'action du prédécesseur à l'Elysée de notre nouveau prince. Selon lui, c'est la méthode Hollande qui a payé et qui tranche évidemment avec celle de Sarkozy. Du classique qui montre qu'on peut arriver jusque dans les sphères supérieures de l'Etat en ayant conservé l'esprit mesquin du militant de base. Mais pas de surprise à ce niveau puisque même au-dessus de lui on se comporte comme cela. Il est le numéro 3.
Non, ce qui est intéressant c'est ce qu'il dit sur cette fameuse méthode Hollande. Tant pis si je heurte ici les nombreux démocrates soutiens du nouveau régime en dévoilant les vérités confiées par Monsieur Bel à la presse.
Tout d'abord il nous explique que Hollande a rencontré le futur président Nieto avant son investiture et que le dialogue a été constructif et que lui-même était présent à la cérémonie d'investiture de ce dernier avec lequel il s'est entretenu en espagnol, précise t-il, peut-être pour nous montrer qu'avec un n°2 parlant allemand et un n°3 parlant espagnol on est particulièrement armé. Mais c'est ce qu'il dit ensuite qui est proprement ahurissant. Soit Monsieur Bel pense que c'est normal, soit il a un neurone qui a dérapé au moment de l'entretien. Je le cite : "trois jours après mon entrevue avec lui, il avait changé deux juges de la Cour suprême. Deux juges ont été exfiltrés, ceux qui étaient particulièrement défavorables à Florence. Nous étions là dans des conditions différentes qui ont permis à la justice mexicaine de juger en droit et en toute indépendance. Nous avons simplement mis fin à une anomalie." Est-ce à dire que les juges "exfiltrés" n'étaient pas indépendants et que ceux "rapportés" l'étaient pour leur part? Enfin on voit là une conception assez particulière, socialiste peut être, de l'indépendance de la justice. Si vous voulez avoir le jugement qui vous convient choisissez les juges qui rendront la sentence qui vous arrange le mieux. La France, par l'intermédiaire de son président et du président du Sénat, aurait ainsi fait modifier par le nouveau président mexicain la composition de la cour suprême afin d'obtenir le jugement qui permettrait de libérer une de ses ressortissantes. C'est extraordinaire et ça en dit long effectivement sur cette conception que peuvent avoir ces gens de l'indépendance de la justice.
Imaginez juste qu'un haut dignitaire étranger déclare un jour : " notre ressortissant ayant été déclaré coupable en appel en France, j'ai organisé une rencontre avec le président Hollande qui m'a dit qu'il allait user de toute son influence pour que le jugement soit annulé en cassation. Et aujourd'hui je suis heureux de vous annoncer qu'il a tenu parole et que notre compatriote est libre."
Le plus drôle, si j'ose dire, c'est que Monsieur Bel insiste sur la discrétion de Hollande lors de cette manœuvre. On comprend cette discrétion. Et il aurait été bien inspiré de son côté de faire preuve de la même réserve.
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