"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

lundi 12 novembre 2012

A propos du 11 novembre et des commémorations en général


On a en France un véritable problème avec les commémorations de nos victoires au point même qu'on en vient à vouloir fêter celles de nos "défaites", puisque le Sénat dans sa grande sagesse veut nous imposer le 19 mars pour commémorer le fin de la guerre d'Algérie. Date assez curieuse pour célébrer le fin d'une guerre que nous avons perdue, même si vainqueurs militairement, et qui donnait le feu vert à l'ennemi d'hier pour commettre davantage d'exactions qu'il n'avait pu en commettre pendant toutes les hostilités : massacre des harkis, enlèvement et meurtres en masses d'Européens, enlèvement et meurtres de militaires. Mais au-delà de cette date fort discutable, sans doute plus encore discutable est cette idée saugrenue de célébrer la fin d'hostilités d'où nous ne sortîmes pas vainqueur. Les connaitre est une chose nécessaire bien sûr, les célébrer est pour le moins bizarre pour ne pas dire davantage.
Les militaires ont l'habitude de célébrer leurs défaites quand elles furent glorieuses. Ainsi la Légion Etrangère fête-elle Camerone, tandis que les Troupes de Marine fêtent Bazeilles. Mais ce n'est pas la défaite qui est célébrée mais ses conditions, les faits d'armes héroïques accomplis par ceux qui connaissaient le funeste destin attaché à leur conduite. Quand on fête Camerone, on célèbre 60 hommes qui tinrent tête à 2000 Mexicains pendant toute une journée et dont les 6 derniers valides chargèrent à la baïonnette leurs ennemis. Quand on fête Bazeilles on célèbre le courage de la division bleue qui reprit 4 fois le village, se battant à la fin à 1 contre 10 et ne l'abandonnant que par faute de munitions, au prix de 2655 morts contre le double infligé à l'adversaire.
Mais que fêtera la France le 19 mars? Le soulagement de la fin d'une guerre, la fin de la colonisation, la victoire (politique) du FLN? Depuis 2003, la date du 5 décembre, date neutre, avait été retenue pour un hommage aux morts pour la France en Afrique du Nord. Cette date neutre avait cet avantage de ne pas avoir à célébrer nos morts en même temps que l'ennemi d'hier célébrait sa victoire. Et c'était bien ainsi.

De fait il me semble que l'Etat a bien du mal à regarder l'histoire de la France. La gloire semble l'effrayer, notre grandeur passée lui donner honte.
Ainsi a-t-on pu voir en 2005 le gouvernement français sous Chirac se refuser à commémorer le bicentenaire de la victoire d'Austerlitz, tandis qu'il envoyait la même année le Charles-de-Gaulle commémorer la victoire anglaise, donc notre défaite de Trafalgar. Il faut dire qu'à la même époque une campagne anti Napoléon battait son plein ne voulant retenir de l'œuvre de l'Empereur que le rétablissement de l'esclavage.
Aussi voit-on la difficulté pour le gouvernement de se "débarrasser" des cendres du général Bigeard, soldat glorieux qui participa à tous les combats de la France entre 1940 et 1962. Je ne rappellerai pas la biographie du général Bigeard que vous pourrez retrouver ici. Décédé en juin 2010, on ne sait quoi faire des cendres de l'officier parachutiste, combattant de la France libre, combattant de l'Indochine fait prisonnier à Dien Bien Phu, combattant en Algérie et un des protagonistes majeurs de la bataille d'Alger. On ne sait pas quoi faire des cendres de celui qui fut secrétaire d'Etat à la défense sous Giscard et membre de la représentation nationale pendant une dizaine d'années. Bigeard souhaitait que ses cendres fussent larguées sur Dien Bien Phu. Les autorités vietnamiennes refusèrent. C'est leur droit. Longuet, ministre de la Défense proposa qu'on les transfère aux Invalides. Ce fut un tollé de la part de toute la bienpensance qui voit en ce héros national l'officier colonial type. L'actuel gouvernement préfère se replier sur Fréjus, au Mémorial des guerres d'Indochine. Les mêmes bienpensants, LDH en tête, relayés par le très patriotique journal Médiapart, refusent évidemment cette option qui comporte une cérémonie d'hommage au soldat présidée par le ministre de la Défense, le 20 novembre. Affaire à suivre donc.
Ces deux exemples montrent que la France héberge des individus qui se comptent par milliers qui n'ont d'autre but que de mettre en exergue une partie de l'histoire de leur pays pour mieux le salir. Selon eux l'épopée napoléonienne, les institutions mises en place par le premier Consul puis l'Empereur, tout cela doit disparaitre derrière celui qui a rétabli l'esclavage. Selon eux, l'officier qui s'est battu avec courage pour son pays pendant 20 ans, a connu l'internement dans les camps viets, a été blessé plusieurs fois au combat, est devenu une légende pour toutes ses qualités, doit s'effacer derrière l'officier colonial, forcément un individu peu recommandable et qu'il conviendrait sans doute d'effacer de notre mémoire collective, sauf pour rappeler tout le mal que la France a pu commettre dans son passé.

On pourrait certes les laisser braire, tous ces individus qui montrent à chaque occasion qui se présente leur détestation de leur pays. S'il n'existe plus de châtiments pour ces viles personnes, on pourrait se contenter de leur renvoyer leur mépris et de donner à leurs mots l'importance qu'ils ont : rien. Mais non, peu à peu, on en fait des directeurs de conscience collective, on les écoute, on décide en faisant attention à ne pas s'attirer leurs foudres. Pour eux, rien que pour eux, on a refait les livres d'histoire de nos enfants en en expurgeant la grandeur passée de la France. Pour eux, on commémore davantage nos victimes que nos héros. D'ailleurs les héros de ce type n'ont plus lieu d'exister. Qu'on ne les cite même plus, qu'on ne leur rende surtout pas hommage. Plutôt que Bigeard, célébrons les Boudarel, les Jeanson et autres porteurs de valise et traitres à leur patrie. C'est cela leur but ultime sans doute.

 
La manière de voir le 11 novembre n'est pas étrangère à cette façon de considérer notre histoire. D'une guerre se passant sur notre territoire certains veulent sortir les éléments susceptibles d'altérer le sens qu'on donnait aux célébrations de cette victoire qui fit 1,4 millions de morts parmi les Français. Ceux-là finiront bientôt par compter bien peu à côté des 600 fusillés sur 2500 peines de mort prononcées pour automutilation, désertion, mutinerie, refus d'obéissance, ou faits de droit commun, les deux-tiers ayant d'ailleurs été exécutés en 1914 et 1915 alors qu'on ne se souvient que des mutineries de 1917. Ce sont ces derniers qui de plus en plus focalisent l'attention. En 1998, Jospin estimait que "les mutins devaient réintégrer pleinement, notre mémoire collective nationale" et en 2008 Sarkozy déclarait que "beaucoup» des soldats français exécutés ne s'étaient pas déshonorés". Et maintenant chaque année à l'occasion du 11 novembre certains, LDH en tête, réclament une réhabilitation des fusillés.
Certes le sujet est délicat puisqu'on sait que nombre de fusillés l'ont été injustement à tel point qu'avant même que ne soit terminée la guerre des recours étaient déjà lancés. Les années qui suivirent l'après-guerre virent la réhabilitation d'une quarantaine de fusillés. La procédure, bien que compliquée, avait au moins cette avantage de pouvoir s'appuyer sur des témoins. Tandis qu'évidemment ce n'est plus le cas. Et s'il est encore possible parfois, au cas par cas, de réhabiliter un fusillé pour l'exemple à partir de données factuelles, il me parait inopportun de mener combat pour une réhabilitation générale dont on peut comprendre qu'elle mettrait sur le même pied ceux qui ont failli, même si humainement on peut en comprendre des raisons, et les centaines de milliers de ceux qui ont fait leur devoir. Certains sans doute les placeront même au-dessus, confondant une défaillance ou une lâcheté avec l'honneur qu'il y a à s'opposer à la guerre.
C'est d'ailleurs sans doute cet esprit qui a fait sortir des livres d'histoire de 3ème les maréchaux Joffre, Foch et Pétain (celui de Verdun, parce qu'évidemment celui de 40 est bien présent) tandis que les mêmes manuels consacrent une part importante à l'indépendance de l'Algérie. Devoir de mémoire! Devoir de repentance!

Le drame français est bien là. L'Etat dont s'est le devoir met tout en œuvre pour que l'histoire perde tout sens. Larbins des syndicats d'enseignants les ministres successifs de l'éducation nationale, ont accepté de sacrifier le mythe national à la repentance généralisée. Quant à l'Etat plus généralement, il ne cesse de brouiller les pistes.
Là encore le 11 novembre en est l'illustration. L'an dernier Sarkozy décidait de faire de cette date la commémoration de tous les morts pour la France. Certains y on vu un memorial day à la française. A l'époque je m'étais exprimé contre y voyant un amalgame qui avec les années ferait disparaitre la spécificité d'une guerre, certainement la dernière qui engagea toutes les forces spirituelles et physiques de la France vers le même but, l'ultime sursaut national avec le déclin.
Cette année, le gouvernement nous annonce que pour le centenaire de la première guerre mondiale on commémorera aussi le 70ème anniversaire du débarquement et de la libération. Essayez de trouver une logique là-dedans. Alors que la fête du 11 novembre correspond à la fin de la guerre on va célébrer le début de cette dernière (3 août pour la France) tandis qu'on va célébrer en même temps un événement ponctuel de la seconde guerre mondial, le débarquement du 6 juin, et, si j'ai bien compris, la libération de la France qui ne sera effective qu'en 1945 (mars pour l'Alsace et le 8 mai pour les poches de l'Ouest). Déjà que les Français et notamment les plus jeunes ne connaissent pas grand-chose à leur histoire, il est évident qu'avec cela on va les aider.
Au-delà des dates ou des jours anniversaires inconciliables, comment faire comprendre que ces deux guerres sont de natures parfaitement différentes, de par leurs motifs, de par les chocs idéologiques qu'elles consacrèrent, de par les moyens mobilisés, de par le nombre de victimes (4 fois plus lors de la seconde guerre)? Comment situer la France dans deux conflits qu'elle subit ou géra selon le cas de manières totalement différentes? Etc. Il n'y a aucune raison de célébrer deux événements aussi distincts en même temps. Seul un vague chiffre 4, fort discutable d'ailleurs, les relie entre eux.

On est décidément bien fâché en France avec les commémorations.

8 commentaires:

  1. je vous imagine en prof d'histoire vacataire, aujourd'hui, les zenfants un militaire vient compléter notre cours par un forum brain storming
    on voit des pompiers des flics des experts en tout genre pour illustrer en EN, jamais des militaires

    prendre l'histoire par le bon bout, les dures réalités de l'opérationnel des guerres, entendre d'autres cloches

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Enseigner l'histoire, ça m'aurait bien plu ça. ça a toujours été mes cours préférés. j'ai eu la chance pendant mes études supérieures d'avoir eu deux fois des professeurs d'histoire qui avaient cet inconvénient que je ne prenais plus de note juste pour ne rien perdre de ce qu'ils disaient.

      Supprimer
  2. Salut expat
    Encore une fois, tu résumes parfaitement ce que je pense de ce pays, où quelques vérolés falsifient les choses
    Tiens,au sujet de nôtre rapport à l'histoire,
    Un exemple très significatif de ce qui se passe ici, avec cette polémique lancée par un type du front de gauche il y a quelques mois, édifiant....un aperçu de la pensée que chaque français devrait avoir de la lecture de son histoire nationale d'après ce conseiller de paris, membre du front bidule...
    tu as certainement suivi ce binz

    http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2012/07/10/histoire-polemique-autour-du-metronome-de-lorant-deutsch/
    Il est certain que certains noms disparaissent étrangement des livres d'histoire...... et le focus mis sur certaines choses précises..... inquiétant...
    Bigeard ???il a voulu emmerder le pc viet avec ses cendres :-),z'avez le bonjour de marcel ! C'était le patron de mon cousin, jeune lieut en Algérie,3ème RPC, du style qui te marque à vie à ce qu'il m'en a dit , un peu comme denoix de st marc, château jobert ou jeanpierre
    Des types dont la vie a été un don permanent à la nation.... ils en sont bien récompensés
    Ça ne sert plus à rien de se décarcasser pour ce pays, autant pisser dans un violon
    Désolé de briser l'infime espoir qui restait caché au tréfonds de ton âme quand à l'avenir de ce pays sur quelque plan que ce soit .... :-)
    Soit dit en passant,je me souviens qu'à l'époque de la sortie du bouquin de Stéphane courtois le livre noir du communisme, certains s'étaient faits très discrets.....

    RépondreSupprimer
  3. J'oubliais, pensée pour un autre membre de la famille, jeune lieut, tué en indo dans la fleur de l'age
    J'arrête la liste, ça ne sert plus à rien
    La france les oublie et on honore ceux qui ont trahi
    Putain de pays !!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'histoire a toujours, notamment dans les classes jusqu'au collège inclus, voire davantage été un enjeu idéologique. La République s'en est servi pour former des citoyens, même si leurs origines étaient bien loin de la France. C'était un outil d'assimilation extraordinaire. Et moi qui suis originaire d'une région de forte immigration (j'en suis d'ailleurs un produit pour partie), je peux assurer que ce discours n'appelait pas de discussions, ou de répulsion de la part d'enfants dont il était visible qu'ils ne descendaient pas des Gaulois.
      On peut critiquer cette vision de l'enseignement d'une matière au service finalement d'un mythe intégrateur. Reste à savoir quel avenir on veut réserver à la nation.

      Aujourd'hui, le balancier est parti à l'opposé. Il n'y a plus d'histoire de France à proprement parler. Il y a une histoire tout court où la France n'est qu'un élément parmi d'autres, souvent perturbateur du bonheur des autres persécuté par elle.
      A ce rythme on pourra nommer ces cours, cours d'effacement national ou cours de repentance collective.

      J'avais effectivement suivi l'affaire du métronome, très symptomatique des dangers qui nous guettent.

      Supprimer
  4. cette loi sur le 19 mars est portée par le groupe communiste , date Jospin et est remise en actualité tel quel avec cette allusion toujours renouvelée encore récemment par Me Buffet: la France doit se reconnaître dans ses positions coloniales dévastatrices
    Par ailleurs, au décours , il y a une correction au niveau du dû aux anciens combattants qui seront reconnus comme tels
    les indignes fils de la république qui se permettent de donner leçon sont amnésiques de fait, par l'unitéralité du ressenti des souffrances, les PN sont des fachos et fils de fachos, les Harkis, bon on veut bien supporter...
    j'ai 60 ans, en 62 je me souviens, je peux me souvenir du drame de cette Algérie qui devait devenir française, les cours de récréation intolérantes marquent la mémoire

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bine sûr on comprend d'où ça vient. Et on pare ça de la bénédiction de la FNACA, fédération d'anciens combattants dont les liens avec le parti communiste datent de sa fondation avant même que la guerre ne soit terminée.
      Ces sinistres individus qu'on aurait pu croire réduits au silence après que les crimes dus à leur idéologie furent enfin officialisés, guettent toute occasion de détériorer le sentiment national au point de nous faire célébrer nos défaites en même temps que nos ennemis passés célèbrent leurs victoires.
      Accrochage avec Caque à ce sujet en bas.

      Supprimer
  5. oui j'ai lu, le prototype de cette bienveillante conciliation de la chêvre et le choux qui ne mettrons jamais l'avenir en marche, je crois que je vais appeler ces gens les "ouimévoucomprené" la dedans la mémoire s'y perd et floue jusqu'à l'Histoire

    RépondreSupprimer