"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mardi 29 décembre 2015

Déchéance encore!





Puisque le sujet ne s'éteint pas, allons-y pour une resucée au sujet de la déchéance de nationalité pour les binationaux qui ne rentraient pas encore dans le cadre de cette possibilité offerte par la loi.
Il est assez drôle de voir ce qui se passe du côté de la gauche en ce moment ou comment une simple manœuvre politicienne peut conduire à un tel niveau de stupidité.

Avant de commencer il me parait utile de rappeler ce que dit la loi actuellement. La déchéance de nationalité pour les binationaux y est prévue dans les articles 25 et 25-1 du code civil. Voilà ce qu'on y trouve :
L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride :
1° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ;
2° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal ;
3° S'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ;
4° S'il s'est livré au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France.
L'article 25-1 pour sa part précise certaines limites :
La déchéance n'est encourue que si les faits reprochés à l'intéressé et visés à l'article 25 se sont produits antérieurement à l'acquisition de la nationalité française ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition.
Elle ne peut être prononcée que dans le délai de dix ans à compter de la perpétration desdits faits.
Si les faits reprochés à l'intéressé sont visés au 1° de l'article 25, les délais mentionnés aux deux alinéas précédents sont portés à quinze ans.

De fait la réforme constitutionnelle ne vise pas à remplacer ces deux articles mais à autoriser la suppression par la voie législative l'article 25-1. On se demande d'ailleurs pourquoi il fallait passer par la voie constitutionnelle pour pouvoir modifier cette loi qui n'a pas fait un détour constitutionnel avant d'être promulguée. Cet excès de zèle se révèle être aujourd'hui une grande imprudence de la part du président de la République.

Cette loi sur la déchéance dans sa mouture actuelle durcissait la loi préexistante où ne figurait pas le dernier alinéa de l'article 25-1. Et devinez quand a été votée cette loi? En 1998, tandis que la majorité parlementaire était de gauche et que le gouvernement était dirigé par Jospin.
Peut-être ma mémoire devient-elle défaillante avec l'âge, mais je ne me souviens pas avoir entendu la gauche de l'époque se liguer en partie contre Jospin et son ministre de la Justice, Guigou. Pourtant dans les faits elle établissait déjà une inégalité de fait entre Français, ceux de fraiche date (jusqu'à 10 ou 15 ans selon les faits) étant un peu considérés comme des Français à l'essai. Je précise que jusqu'ici je ne livre pas mon avis mais que je fais simplement une analyse factuelle que j'espère la plus objective possible.
Et voilà donc que 17 ans plus tard, la même gauche, avec parfois les mêmes personnages que ceux qui ont voté cette loi, se mettent à avoir des états d'âme sur un élargissement de son champ d'application à tous les binationaux. Curieux, non? On ne les a d'ailleurs pas davantage entendus quand Cazeneuve annonçait de temps en temps, rarement quand même mais récemment toutefois, la déchéance d'individus liés au terrorisme.
La cohérence aurait voulu soit qu'ils ne votent pas la loi de 1998, ou demandent son abolition, soit qu'ils se félicitent de l'ouverture de la possibilité d'une nouvelle loi rétablissant l'égalité entre tous les binationaux.
Et si leur vrai souci était l'égalité, ils se pencheraient tout de suite sur le problème de la binationalité (voire davantage parfois) et envisageraient sérieusement sa suppression. Le meilleur moyen de ne pas pouvoir être déchu de sa nationalité française n'est-il pas de ne pas en avoir une ou des autres? Je me permets de rappeler que la binationalité est un choix individuel, un choix quand on acquiert volontairement la française tandis qu'on dispose d'une autre et qu'on souhaite garder cette dernière, un choix quand on désire rester français tandis qu'on acquière une autre nationalité, un choix quand on décide de conserver à sa majorité une des deux nationalités acquises soit par le droit du sol, soit par le droit du sang, et souvent les deux en même temps. Un choix bien sympathique par ailleurs quand on décide de résider en France, car il n'offre que des droits supplémentaires, élargissant les facilités de déplacement, ouvrant des droits politiques dans deux pays, offrant une protection consulaire. Les seuls inconvénients qu'on trouvera à ce choix seront sans doute palpables si on décide d'embrasser une carrière militaire car selon la seconde nationalité des accès à certains postes seront sans doute évités. Sinon un binational peut même devenir président de la République. Eva Joly a bien essayé sans qu'on l'on empêche. Et on a des ministres qui sont binationaux, au moins trois dans ce gouvernement. C'est donc un vrai bonheur d'être binational. En France. Et on peut peut-être estimer, juste estimer, un peu, comme ça en passant, que ce bonheur choisi, je le rappelle, puisse être assombri par une menace lointaine dans le cas où on voudrait cracher du venin mortel dans la soupe.
Mais le mieux, si on veut vraiment être égalitaire, que tous les Français soient vraiment égaux serait quand même de supprimer cette possibilité de posséder plusieurs nationalités. Ça reviendrait certes à transformer le droit du sol, à en supprimer l'automaticité en demandant à celui qui dispose d'une autre nationalité par le droit du sang de faire un choix définitif entre celle-là et la française à sa majorité. Mais je ne vois rien de scandaleux là-dedans.

Mais le débat, peut-on d'ailleurs appeler ça un débat, ne porte sur aucune des considérations énoncées et surtout pas sur des questions de droit. Elles ne portent pas davantage sur l'efficacité de la mesure envisagée qu'on devine pas ailleurs nulle, s'agissant des individus visés.
On est juste dans le domaine de la basse politique, la politicaillerie.
Ça commence la politicaillerie avec la proposition faite devant le Congrès en l'assortissant d'un passage préalable devant le Conseil d'Etat en espérant sans doute que celui-ci émettrait un avis négatif. On se rend compte avec le recul, et si on était resté dans le registre de la sincérité, sans aucune arrière-pensée, qu'on aurait pu se contenter de la voie législative pour élargir la possibilité de déchéance à tous les binationaux quitte à faire vérifier ensuite la constitutionnalité de la chose devant de Conseil Constitutionnel qui n'aurait eu d'autre choix que de valider la loi ou de révoquer celle de 1998 (et en même temps toutes celles qui l'ont précédés depuis des décennies et dont elle n'est que la dernière modification). La voie constitutionnelle, et donc que les gens de gauche se rassurent, ne changera rien à la loi existante. Elle permettra juste de la modifier, ce qui, j'imagine, ne sera pas fait sous ce quinquennat. Hollande ne se risquera certainement pas à énerver une nouvelle fois sa gauche avec un nouveau débat parlementaire sur le même sujet tandis que les élections s'approcheront à grand pas. On peut déjà dire sans risque de se tromper: "tout ça pour rien!"
Mais il fait que ça continue, que la gauche montre qu'elle existe encore. Après s'être fait rouler dans la farine, tout en étant par ailleurs souvent consentante, depuis presque 4 ans, sauf pour l'épisode du mariage pour tous et de la taxe, évidemment très provisoire, des 75% pour punir les riches d'être riches, la gauche à moins de 18 mois de la présidentielle et des législatives doit quand même rappeler qu'elle existe, au moins symboliquement. Et que ça la fout mal décidemment d'en être arrivé au stade où seul le front national s'enthousiasme publiquement des mesures prises par Hollande en termes de lutte contre les terroristes islamistes. Il faut quand même bien réagir à ça, expliquer au peuple, par ailleurs très favorable parait-il à la déchéance, que la gauche, la vraie, vit encore, même si elle a fait voter dans trois régions pour la droite et même pour Estrosi. Et donc tut en le condamnant, elle doit remercier Hollande de sa maladresse, et Valls de ses coups de menton ridicules qui lui permettent de montrer qu'elle n'est pas morte encore et que ça se voit parce qu'elle remue la queue.

Tout ça n'est donc qu'un grand cinoche avec de médiocres acteurs vraiment peu soucieux des intérêts de la France et des vœux de son peuple. Le fond n'a aucun intérêt, ce sont juste les symboles qui comptent. Et c'est bien triste.

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