Puisque le sujet ne s'éteint pas,
allons-y pour une resucée au sujet de la déchéance de nationalité pour les
binationaux qui ne rentraient pas encore dans le cadre de cette possibilité
offerte par la loi.
Il est assez drôle de voir ce qui
se passe du côté de la gauche en ce moment ou comment une simple manœuvre
politicienne peut conduire à un tel niveau de stupidité.
Avant de commencer il me parait
utile de rappeler ce que dit la loi actuellement. La déchéance de nationalité
pour les binationaux y est prévue dans les articles 25 et 25-1 du code civil.
Voilà ce qu'on y trouve :
L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris
après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française,
sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride :
1° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit
constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un
crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ;
2° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et
réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal ;
3° S'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant
pour lui du code du service national ;
4° S'il s'est livré au profit d'un Etat étranger à des actes
incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la
France.
L'article 25-1 pour sa part
précise certaines limites :
La déchéance n'est encourue que si les faits reprochés à l'intéressé et
visés à l'article 25 se sont produits antérieurement à
l'acquisition de la nationalité française ou dans le délai de dix ans à compter
de la date de cette acquisition.
Elle ne peut être prononcée que dans le délai de dix ans à compter de
la perpétration desdits faits.
Si les faits reprochés à l'intéressé sont visés au 1° de l'article 25,
les délais mentionnés aux deux alinéas précédents sont portés à quinze ans.
De fait la réforme
constitutionnelle ne vise pas à remplacer ces deux articles mais à autoriser la
suppression par la voie législative l'article 25-1. On se demande d'ailleurs
pourquoi il fallait passer par la voie constitutionnelle pour pouvoir modifier cette
loi qui n'a pas fait un détour constitutionnel avant d'être promulguée. Cet
excès de zèle se révèle être aujourd'hui une grande imprudence de la part du
président de la République.
Cette loi sur la déchéance dans
sa mouture actuelle durcissait la loi préexistante où ne figurait pas le
dernier alinéa de l'article 25-1. Et devinez quand a été votée cette loi? En
1998, tandis que la majorité parlementaire était de gauche et que le
gouvernement était dirigé par Jospin.
Peut-être ma mémoire devient-elle
défaillante avec l'âge, mais je ne me souviens pas avoir entendu la gauche de
l'époque se liguer en partie contre Jospin et son ministre de la Justice,
Guigou. Pourtant dans les faits elle établissait déjà une inégalité de fait
entre Français, ceux de fraiche date (jusqu'à 10 ou 15 ans selon les faits)
étant un peu considérés comme des Français à l'essai. Je précise que jusqu'ici
je ne livre pas mon avis mais que je fais simplement une analyse factuelle que
j'espère la plus objective possible.
Et voilà donc que 17 ans plus
tard, la même gauche, avec parfois les mêmes personnages que ceux qui ont voté
cette loi, se mettent à avoir des états d'âme sur un élargissement de son champ
d'application à tous les binationaux. Curieux, non? On ne les a d'ailleurs pas
davantage entendus quand Cazeneuve annonçait de temps en temps, rarement quand
même mais récemment toutefois, la déchéance d'individus liés au terrorisme.
La cohérence aurait voulu soit
qu'ils ne votent pas la loi de 1998, ou demandent son abolition, soit qu'ils se
félicitent de l'ouverture de la possibilité d'une nouvelle loi rétablissant
l'égalité entre tous les binationaux.
Et si leur vrai souci était
l'égalité, ils se pencheraient tout de suite sur le problème de la
binationalité (voire davantage parfois) et envisageraient sérieusement sa
suppression. Le meilleur moyen de ne pas pouvoir être déchu de sa nationalité
française n'est-il pas de ne pas en avoir une ou des autres? Je me permets de
rappeler que la binationalité est un choix individuel, un choix quand on acquiert
volontairement la française tandis qu'on dispose d'une autre et qu'on souhaite
garder cette dernière, un choix quand on désire rester français tandis qu'on
acquière une autre nationalité, un choix quand on décide de conserver à sa
majorité une des deux nationalités acquises soit par le droit du sol, soit par
le droit du sang, et souvent les deux en même temps. Un choix bien sympathique
par ailleurs quand on décide de résider en France, car il n'offre que des
droits supplémentaires, élargissant les facilités de déplacement, ouvrant des
droits politiques dans deux pays, offrant une protection consulaire. Les seuls inconvénients
qu'on trouvera à ce choix seront sans doute palpables si on décide d'embrasser
une carrière militaire car selon la seconde nationalité des accès à certains
postes seront sans doute évités. Sinon un binational peut même devenir
président de la République. Eva Joly a bien essayé sans qu'on l'on empêche. Et
on a des ministres qui sont binationaux, au moins trois dans ce gouvernement.
C'est donc un vrai bonheur d'être binational. En France. Et on peut peut-être
estimer, juste estimer, un peu, comme ça en passant, que ce bonheur choisi, je
le rappelle, puisse être assombri par une menace lointaine dans le cas où on
voudrait cracher du venin mortel dans la soupe.
Mais le mieux, si on veut
vraiment être égalitaire, que tous les Français soient vraiment égaux serait
quand même de supprimer cette possibilité de posséder plusieurs nationalités. Ça
reviendrait certes à transformer le droit du sol, à en supprimer l'automaticité
en demandant à celui qui dispose d'une autre nationalité par le droit du sang
de faire un choix définitif entre celle-là et la française à sa majorité. Mais
je ne vois rien de scandaleux là-dedans.
Mais le débat, peut-on d'ailleurs
appeler ça un débat, ne porte sur aucune des considérations énoncées et surtout
pas sur des questions de droit. Elles ne portent pas davantage sur l'efficacité
de la mesure envisagée qu'on devine pas ailleurs nulle, s'agissant des
individus visés.
On est juste dans le domaine de
la basse politique, la politicaillerie.
Ça commence la politicaillerie
avec la proposition faite devant le Congrès en l'assortissant d'un passage
préalable devant le Conseil d'Etat en espérant sans doute que celui-ci
émettrait un avis négatif. On se rend compte avec le recul, et si on était
resté dans le registre de la sincérité, sans aucune arrière-pensée, qu'on
aurait pu se contenter de la voie législative pour élargir la possibilité de
déchéance à tous les binationaux quitte à faire vérifier ensuite la constitutionnalité
de la chose devant de Conseil Constitutionnel qui n'aurait eu d'autre choix que
de valider la loi ou de révoquer celle de 1998 (et en même temps toutes celles
qui l'ont précédés depuis des décennies et dont elle n'est que la dernière
modification). La voie constitutionnelle, et donc que les gens de gauche se
rassurent, ne changera rien à la loi existante. Elle permettra juste de la
modifier, ce qui, j'imagine, ne sera pas fait sous ce quinquennat. Hollande ne
se risquera certainement pas à énerver une nouvelle fois sa gauche avec un
nouveau débat parlementaire sur le même sujet tandis que les élections
s'approcheront à grand pas. On peut déjà dire sans risque de se tromper:
"tout ça pour rien!"
Mais il fait que ça continue, que
la gauche montre qu'elle existe encore. Après s'être fait rouler dans la
farine, tout en étant par ailleurs souvent consentante, depuis presque 4 ans,
sauf pour l'épisode du mariage pour tous et de la taxe, évidemment très provisoire,
des 75% pour punir les riches d'être riches, la gauche à moins de 18 mois de la
présidentielle et des législatives doit quand même rappeler qu'elle existe, au
moins symboliquement. Et que ça la fout mal décidemment d'en être arrivé au
stade où seul le front national s'enthousiasme publiquement des mesures prises
par Hollande en termes de lutte contre les terroristes islamistes. Il faut
quand même bien réagir à ça, expliquer au peuple, par ailleurs très favorable parait-il
à la déchéance, que la gauche, la vraie, vit encore, même si elle a fait voter
dans trois régions pour la droite et même pour Estrosi. Et donc tut en le
condamnant, elle doit remercier Hollande de sa maladresse, et Valls de ses
coups de menton ridicules qui lui permettent de montrer qu'elle n'est pas morte
encore et que ça se voit parce qu'elle remue la queue.
Tout ça n'est donc qu'un grand
cinoche avec de médiocres acteurs vraiment peu soucieux des intérêts de la France
et des vœux de son peuple. Le fond n'a aucun intérêt, ce sont juste les
symboles qui comptent. Et c'est bien triste.
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