Enfin n'exagérons-pas! Il ne fut
pas tant passionnant que révélateur de la façon dont fonctionne notre pays ou
plutôt de la manière dont il est dirigé. On appelle ça désormais la gouvernance,
ce qui cache en fait que le pays n'est guère gouverné puisque finalement de
plus en plus de choses se passent ailleurs, politique économique et sociale, ,
finances, politique étrangère, politique de défense, ne laissant guère que le
mariage pour tous et l'ouverture de salles de shoot à l'initiative de ce qu'on
appelle le gouvernement. La gouvernance c'est donc la forme qui se veut
d'autant plus tumultueuse que le fond n'existe pas. Ainsi les experts divers,
les conseillers, et même les politiques ont-ils eu tendance avec le temps à
céder leur place à des communicants dont le rôle est de vendre du vent à une
population de plus en plus dépendante jusqu'à ce qu'elle commence, du moins en
partie, à se rendre compte qu'on se fout d'elle et donc se signale par des
comportements aussi douteux que honteux, comme par exemple d'aller mettre des
bulletins dans l'urne valant plébiscite pour une "future guerre civile".
L'outrance fait évidemment partie des outils de communication, surtout quand le
mensonge généralisé ne suffit plus. C'est le stade supérieur, celui qui sur des
malheurs imaginaires quand on refuse de se laisser guider par les si éminents
personnages censés nous gouverner.
Ce week-end fut donc un concentré
du vrai mode de gouvernance qui existe actuellement, à savoir la duperie et
l'outrance verbale. Samedi nous en avions l'application, et dimanche les
résultats, même si les domaines considérés sont évidemment différents quoique
n'étant pas sans lien puisqu'il s'agissait samedi de nous vendre aussi et
peut-être surtout les vertus de nos dirigeants, cela pouvant éventuellement
avoir une incidence sur le vote du lendemain.
Donc samedi, ce fut la fin de la
21ème conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies
sur les changements climatiques, appelée COP 21, le nombre n'ayant donc rien à
voir avec le 21ème siècle
mais marquant juste une réunion annuelle de plus depuis 1994 (2015-1994 = 21).
Néanmoins, ce ne devait pas être une simple réunion de plus, mais l'aboutissement
de travaux effectués dans les COP précédentes, depuis l'échec de celle de
Copenhague, et visant essentiellement limiter la hausse des températures à
l'horizon 2100. On remarquera que l'objectif en lui-même n'est guère audacieux
puisqu'il est de 2° tandis que le GIEC prévoit une hausse des températures de 0,3 à 4,8 °d'ici
cette date. Donc même en ne faisant rien les probabilités d'atteindre
l'objectif sont significatives. Et puis après tout, peu parmi nous (humains) ne
pourront applaudir à ce succès d'autant plus que d'ici-là d'autres menaces bien
plus graves pour la planète et ses habitants ne manqueront pas de se manifester.
Du coup cette conférence ou ces conférences me semblent être comparables au
fait de placer son argent sur un compte bloqué pendant 10 ans, mais rapportant
gros, tandis qu'on s'apprête à fêter son centième anniversaire.
Mais peu importe. Il faut bien
trouver des sujets "d'importance mondiale" et à long terme pour faire oublier le présent
ou le futur proche bien plus inquiétants. L'unanimité, de façade évidemment,
obtenue lors des dernières heures est d'ailleurs un excellent indicateur pour
comprendre que l'accord final n'a qu'une importance toute relative. Dans un
monde si divisé, si porté au conflit, surtout depuis que les Etats-Unis, depuis
la chute du communisme, se sont mis en tête d'être la référence universelle, ou
les maitres du monde si vous préférez, mais n'ayant finalement guère autre
chose que l'Europe à accrocher à leur tableau de chasse, proie d'autant plus
facile que ses dirigeants sont consentants, donc dans un monde si conflictuel
on ne peut se mettre d'accord évidement que sur des choses secondaires ou qui
n'engagent en rien.
Et donc la communication
tonitruante entourant la dernière journée de la COP21, les sanglots étouffés
d'un Fabius entrevoyant son lit, le discours pompeux d'un Hollande venant de
sauver la planète, ne sauraient tromper que ceux qui aiment à l'être. L'accord
est ce qu'il est, mais en tout état de cause, il est tout sauf contraignant
contrairement aux mensonges proférés par Hollande et son piteux ministre des
affaires étrangères. Preuve en est qu'il a fallu réécrire l'accord au moment où
il allait être signé, Kerry ayant failli s'étouffer quand il vit qu'il y avait
un "shall" au lieu d'un "should" concernant les actions à mener par les Etats.
Pour ceux qui seraient encore plus nuls que moi en Anglais, et ça ne doit guère
exister sauf dans les crèches, c'est en gros la nuance entre "devra"
et "devrait" qui a failli précipiter la fin prématurée de Kerry, à
moins que ce ne soit son retour anticipé aux Etats-Unis. La "faute"
corrigée, l'accord pouvait donc être signé. Cette fois on était sûr qu'il
n'engageait à rien, même ratifié par les organes compétents des Etats
respectifs, ce qui n'est pas encore fait. Peut-on d'ailleurs parler de
contrainte quand il n'y a pas de possibilité de rétorsion, notamment contre les
plus gros pollueurs qui sont, hasard des choses (!), les plus puissants
militairement.
Mais j'imagine bien que ni
Hollande, ni Fabius, ni aucun autre n'étaient dupes. L'essentiel était de faire
croire. Et ça c'est le boulot des communicants. Hollande sauvait la planète du
désastre annoncé, tandis qu'il ne peut rien pour la France, notre diplomatie redevenait
un phare de ce monde, même si on n'occupe désormais plus que des strapontins
dans les grandes réunions internationales, sauf celles qu'on provoque pour
donner le change. "Cocorico" chantait le coq, les pieds dans le
fumier.
Ce succès éclatant (!) allait-il influer
sur ce qui allait se passer le lendemain? Je ne sais pas si un sondeur osera se
risquer à faire comme il fut fait de l'influence des attentats sur le vote FN,
à mesurer les effets de la COP21 et du compromis final sur le scrutin des
régionales. Quand on voit les scores du PS et alliés en termes de pourcentage
de voix obtenues au niveau national on peut douter de l'impact. Mais au moins
les fameux alliés, et principalement les écolos, pouvaient sans renâcler et
même sans se déconsidérer rejoindre une "majorité" qui n'en est plus
une, devenue si sensible à la cause écologiste et avoir un petit morceau du
gâteau par la magie des fusions de listes. Et pourquoi pas des maroquins au
prochain remaniement. Placé, de Rugy, Pompili en rêvent éveillés. Bon, c'est
juste un avant-goût de ce qui se passera en 2017, la même chose qu'en 2012 et
qui permet donc, miracle de la démocratie, de voir des écolos représentant si
peu avoir un groupe parlementaire tandis que le FN ne dispose que de deux
députés. Mais cette fois sans doute leur demandera-t-on, contre cet avantage,
appelons-ça pudiquement ainsi, de ne pas présenter de candidat contre le
sauveur de la planète. Grâce à la COP21, du moins à son cinéma, ils pourront le
faire sans trop d'états d'âme et surtout sans heurter leurs militants, du moins
le pensent-ils. Vous voyez que ça sert à quelque chose la COP, et pas besoin
d'attendre 2100 pour en voir les effets!
Mais au-delà de ces petits
arrangements entre amis, c'est ce qui s'est passé entre les deux tours qui est
intéressant. Et notamment en termes de communication. La victoire au premier
tour du FN au niveau national et dans 6 régions était l'événement de base
majeur. Il y avait deux attitudes à avoir : soit tenter de comprendre, soit "faire
de la résistance". Il était évident que la première attitude n'était guère
envisageable et en tout cas pas de la part des politiques "de
l'établissement" ainsi que les nommait le vieux Le Pen. D'abord s'ils
avaient dû se livrer à cet exercice c'est bien avant qu'ils l'auraient fait
puisque communales, départementales et européennes avaient déjà montré une
poussée de ce parti en faisant déjà le premier parti de France aux Européennes en
termes d'électeurs s'étant exprimé. Le faire est en plus dangereux pour trois
raisons. Tout d'abord, tenter de comprendre, c'est déjà justifier et donc
légitimer. Expliquer donc que l'immigration, l'insécurité, la crise
identitaire, etc., etc., c'est forcément faire le jeu du FN, selon l'expression
consacrée et donc se condamner à se voir classé dans les rangs des fachos qui,
au passage, recrutent quand même assez large. Ensuite, expliquer c'est admettre
qu'on a échoué quelque part, qu'on n'a pas répondu aux attentes d'une partie notable
des Français, et en l'occurrence essentiellement les couches dites populaires.
Et quand on est socialiste, ça la fout quand même un peu mal, même si Terra
Nova nous a livré le mode d'emploi. Enfin,
ce parti, les socialistes en ont besoin, et surtout assez fort pour que son
représentant finisse en pole position au premier tour de la présidentielle,
seule chance pour que Hollande emporte l'élection. Il n'est donc pas question
de faire baisser son potentiel électoral. Par contre il faut l'empêcher de
prendre trop de postes, des grandes villes, des départements, des régions. Parce
que quelles qu'en soient les suites c'est mauvais pour les socialistes dans
l'optique de 2017. Si le FN dirige mal ses collectivités, il se discrédite
lui-même et baisse mécaniquement. S'il les dirige pas plus mal que les autres
il devient un parti de pouvoir crédible et dès lors il faut changer de
discours, à savoir passer du mode hystérique au mode critique, donc confronter
des programmes.
Et donc l'objectif du
gouvernement et du PS associés a été d'empêcher le FN de gagner une seule région.
Et là ils y ont mis le prix, à savoir éliminer toute représentation du parti
dans deux régions (j'imagine que ceux qui se sont maintenus dans la région Est
ne seront pas privés de leur appartenance au PS) pourtant historiquement
symboliques, au nom évidemment du barrage républicain, chose évidemment absurde
dès lors que le FN ne s'est jamais présenté comme un parti anti-républicain et
que s'il y avait des doutes à ce sujet, il doit bien exister des moyens légaux
de l'interdire. Aussi, même si les flonflons étaient interdits pour cause
d'état d'urgence, on a eu droit, comme en 2002 à la semaine anti-Le Pen, avec
une volonté de terroriser les populations en leur faisant entrevoir
l'apocalypse si une seule région passait au FN. Notre premier ministre, jamais
avare en expressions aussi galvaudées qu'exagérées nous a même promis la guerre
civile dans ce cas. C'est aussi crédible qu'un tsunami réglant définitivement
le problème de la jungle de Calais, chose d'ailleurs définitivement impossible depuis
la COP21. Cela dit, parler de guerre civile pourrait être contreproductif dès
lors qu'on commencerait s'interroger sur
les raisons qui pourraient amener cette guerre. Chose évidemment que personne
ne fera. Parce que si guerre civile il devait y avoir, ce serait les
conséquences d'un communautarisme favorisé par les gouvernements en place
depuis un certain temps, ce serait parce qu'une politique d'intégration voire
d'assimilation serait menée visant à réaffirmer la primauté de l'identité
française, considérée à partir de ses racines (culture, histoire, influences
religieuses) et malmènerait d'autres identités qui pensent pouvoir, pourquoi
dis-je "pensent" tandis qu'on les a incités à cela, se placer sur le
même plan que celle en place depuis bien longtemps. Ça serait en fait, en même
temps qu'en en démystifiant l'origine, les conséquences d'une volonté de
supprimer ce qu'on appelle les ghettos, ces choses qui sont souvent la
manifestation d'une volonté de vivre selon
d'autres règles, selon d'autres modes de vie que ceux des autochtones. Voilà où
se situe le risque de guerre civile. De toute façon celle-là viendra, elle a
même déjà commencé sous certaines formes. Mais le chef du gouvernement devrait éviter
d'aborder ce sujet fort délicat pour lui-même puisqu'il fait partie de la
longue lignée de ceux qui ont généré les conditions d'un conflit communautaire.
Au passage la critique de Bartolone quant à la politique de Pécresse qui serait
protectrice de la race blanche est tout à fait symptomatique de cette
situation. Le vote ethnique est désormais invoqué clairement par certains
pontes du PS.
Voilà donc ce qui s'est passé
entre les deux tours et qui a mené aux résultats qu'on sait. Surtout pas de
politique, mais une préparation à 2017 par des tactiques électorales qui
s'apparentent à du sabordage et à une communication quasiment de guerre. L'EI
est sorti des écrans pour être remplacé par le FN.
Tout ça n'est pas reluisant, c'est
même abject. Mais par contre ça ne manque pas d'intérêt tellement c'est
significatif d'une période, et, pour en revenir au début de ce billet, de ce
qu'on appelle la gouvernance de la France.
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