Et si on faisait comme avant mais en pire!
“Si les gens savaient par quels petits hommes ils sont gouvernés, ils
se révolteraient vite.” Talleyrand
On devrait plus souvent se
référer à Talleyrand dont la grande intelligence compensa son amoralité. On y trouverait
beaucoup d'explications à la manière dont fonctionne le monde. Et puis en même
temps, c'est un bon étalon (dans tous les sens possibles d 'ailleurs) pour
mesurer la médiocrité de ses lointains successeurs.
Pour en revenir à la citation
liminaire, j'ai comme l'impression que les gens commencent à savoir et que si
leur révolte reste encore dans les limites du raisonnable, de la paix publique, en particulier dans celles
qu'on veut bien leur laisser, c'est-à-dire le vote considéré comme un simulacre
de la démocratie, elle gronde néanmoins de plus en plus sans toutefois être
entendue ou du moins que soient prises en considérations les doléances qu'elle
exprime. Bien au contraire les petits qui nous dirigent ou aspirent à le faire,
attendant leur tour comme à confesse quand ils ne tentent pas de précipiter les
choses par de minables compromissions masquées sous des formules vertueuses qui
ne trompent personne, comptent bien les étouffer usant et abusant des pouvoirs
qui sont les leurs ou en poussant le cynisme à son paroxysme.
Enfin! Toujours est-il que cette séquence
post-électorale que nous vivons illustre parfaitement le caractère minable de
notre classe politique.
On va peut-être commencer par évoquer le cas du personnage le plus ignoble
de la campagne qui vient de s'achever, et par bonheur, par une défaite de
l'individu.
C'est le 4ème
personnage de l'Etat dans l'ordre protocolaire, et seulement dans celui-là. Il
a, c'est une nouveauté à ce niveau, quoique théorisé par Terra Nova et mis en
œuvre très largement en 2012, officialisé en insultant son adversaire, la
notion de vote ethnico-religieux. Evidemment, lui ne sera pas condamné pour
incitation à la haine raciale. Ça, ça ne marche que dans un sens. Mais passons.
Notre individu, donc défait, dans un geste fort courageux, remet en jeu son
titre de 4ème personnage de l'Etat devant ceux dont il est sûr, et
seulement ceux-là qu'ils ne le contesteront pas, poussant le zèle, quelle force
de caractère, à se faire reconduire par acclamation, un truc du style Corée du
Nord. Un vote à bulletin secret aurait pu lui faire de la peine lui qu'il faut
désormais ménager car il a beaucoup donné de sa personne au point d'avoir dû
consulter un médecin au moment où il devait remonter sur son perchoir. Bien lui
en prit car de méchants individus, contre toute attente avaient décidé de
solder quelques comptes justement à cette occasion, chose dont il ne pouvait se
douter. Et c'est à cette occasion qu'on découvrit qu'il souffrait aussi de
surdité, une tare de plus à son actif : son médecin lui ayant ordonné de lever
le pied, il s'empressa d'aller lever le coude avec ses colistiers sans doute
pour oublier ses malheurs. Il a depuis renoncé à son poste de conseiller
général, préférant conserver celui de conseiller municipal, là où son influence
sera sans doute plus déterminante pour la bonne marche des
affaires de la famille.
Dans la catégorie des personnages
pitoyables, on traitera plus loin des confraternels, on trouve également la
polytechnicienne diaphane, ex n°2 des Républicains. Egarée à droite, comme elle
aurait pu s'égarer à gauche, sa soif de reconnaissance l'invite à se comporter
comme première opposante du parti où elle se trouve. Porte-parole de la
campagne de Sarkozy en 2012, elle fait la moue à cause d'une campagne
"maurassienne". Moderne bobo, elle se rallie au mariage pour tous
avant de se présenter comme candidate à la mairie de Paris, où elle subit un
échec, les électeurs ayant sans doute préféré une vraie bobo gaucho à une bobo
gaucho compatible, l'original ayant dans ces cas-là souvent la faveur. Elle
avait pourtant fait des efforts, tirant des taffes sur sa clope en compagnie de
clodos et considérant le métro, bien que ne connaissant
pas le prix d'un ticket pour y accéder, comme "un lieu de charme à la fois
anonyme et familier où l’on
peut vivre de véritables moments de grâce". Mais
ça ça devait être après la fumette. Faisant donc entendre une voix dissonante
dans son parti dont elle était, je le rappelle, le n°2, et cela dans
l'entre-deux-tours, en rejetant la ligne officielle du ni-ni, elle s'étonne et
s'offusque de se voir virer de ce poste, et seulement de ce poste, qu'elle ne
doit à personne d'autre que celui dont elle ne cesse de critiquer l'autorité,
allant qualifier cette attitude de stalinienne. Elle devrait s'estimer heureuse
de ne pas avoir été virée du parti. En 1990 Juppé
qui la soutient aujourd'hui n'avait pas hésité à exclure Carignon du RPR parce que ce dernier voulait… créer un front
républicain et soutenir un candidat socialiste dans une cantonale pour contrer
le FN. Qui a dit que la vieillesse était un naufrage?
Bon!
Il semblerait donc que celle qui déclarait il y a peu de jours "On
ne redresse pas la France avec des réactionnaires mais avec des visionnaires",
soit prête en utilisant les mots
de l'adversaire à franchir officiellement le pas qu'elle a déjà fait dans sa
tête depuis longtemps.
Evidemment elle n'est pas la seule. C'est même une mode très récente
dans une partie de la droite répondant au souhait du PS dont le premier
secrétaire, homme si intègre au demeurant, déclare souhaiter un détachement du
centre de la droite, le centre par extension allant évidemment jusqu'à cette
frange des Républicains gaucho-compatibles (Juppé, NKM, Raffarin…désormais
Bertrand et pourquoi pas Estrosi) et la création d'un bloc républicain,
traduire par bloc antiréacs, anti-souverainiste, a-national… , un truc que je
nommerais volontiers UEAL, ou union des euro-atlantistes libéraux. La prophétie
faite par Marine Le Pen est en train de se réaliser, mais à une rapidité telle
qu'on pourrait en tomber sur le cul si on ne voyait pas les motifs réels de ce
rapprochement encore inenvisageable, du moins dans les mots, des mots durs, des
mots haineux, il y a à peine deux semaines.
De fait dans cette course au sac on ne sait guère qui court après
l'autre, sans doute les deux, donc en rond et par conséquent vers nulle part.
C'est, du reste, un processus intéressant même si sa précipitation soudaine,
mêlant tactique politicarde, panique, et opportunisme ne le rend pas
sympathique, enfin ne me le rend pas, car je ne doute pas que beaucoup soient
aux anges devant ce phénomène de négation de la politique qui correspond très
bien à l'aboutissement de quasiment 40 d'abrutissement collectif avec comme
toile de fond l'Europe atlantiste. Plus de politique en effet quand ceux qui
dirigent et ceux qui se présentent comme leur alternative se réclament des
mêmes valeurs, ont les mêmes passions et les mêmes aversions, les mêmes
objectifs. Tout le monde est devenu centriste, c'est-à-dire europhile,
atlantiste et libéral. De Juppé à Hollande, en passant par Raffarin, NKM, le
nounours du Nord, l'ex-trostkyste Cambadélis, le commissaire européen
Moscovici, le banquier Macron, Valls, le parrain du 9-3, c'est la même chose. A
gauche on ne veut plus être de gauche et à droite on ne veut plus être de
droite. Donc tout le monde sous la même couette, bien au chaud. Ceux de la
gauche qui ont renoncé à être de gauche doivent pour survivre, car c'est bien
de la survie du PS, davantage en tant que label que réalité, dont il s'agit,
doivent phagocyter le centre élargi pour trouver une majorité même relative.
Ceux de droite qui ont renoncé à être de droite doivent eux se mettre dans le
sens du vent médiatique, la phrase rapportée de NKM sur la France qui ne peut
pas être redressée par des réactionnaires étant une illustration parfaite de la
chose. Ils doivent plaire aux médias, le peuple ils s'en foutent, et donc se
distinguer de ces "furieux" à droite, type Wauquier, qui reviennent à
des idées laissées en friche entre deux élections dont il parait qu'elles sont
F-haino-compatibles. C'est oublier évidement que ces idées sont devenues celles
du FN dès lors que la droite les a abandonnées. Reprenez le programme du RPR des
années 90, quand Juppé en était le brillant secrétaire général, le meilleur
d'entre nous, et si vous faites partie de ces adeptes du "tous au
centre", vous en aurez la nausée. En 30 ans, la droite devenue européiste,
atlantiste, rejetant l'assimilation des immigrés, etc., a renié tout l'héritage
gaulliste. Et je suis personnellement partagé entre l'envie de me rouler par
terre de rire et celle de vomir quand j'entends un de ces individus se réclamer
du Général. C'est pourtant bien ces idées bâties autour de la France en tant
que nation et d'une identité commune qui progressent dans le pays et y sont
sans doute majoritaires. Les "bien" élus à droite lors des dernières
élections, c'est-à-dire sans le soutien de la gauche et malgré la présence du
FN, ont cette particularité de se réclamer d'une droite qui ressemble encore à
une droite et pas à ce truc mou, que d'aucuns appellent droite modérée, la
modération étant devenu une vertu très à la mode, qui les rend compatibles avec
les socialistes.
On assiste donc à ce qui ressemble à une recomposition politique mais
qui n'est rien d'autre que le résultat d'une vaste compromission de ceux qui à
gauche et à droite ont trahi leurs idéaux, cela s'étant manifesté par une fuite
de leurs électeurs souvent vers le FN. Ils recomposent donc leur électorat et
se regroupent dans l'espoir de se partager encore quelque temps le pouvoir, du
moins ses restes et surtout les bénéfices qu'il peut apporter. C'est un sursis
qu'ils recherchent.
En même temps qu'on habille ça du drap vertueux, les médias aideront à
cela, de la fraternisation on prend aussi les mesures destinées à assurer le
succès de cette nouvelle coalition.
La fraternisation c'est pour le spectacle. C'est Valls qui félicite
Bertrand et Estrosi de leur victoire à laquelle il a participé. C'est Estrosi
qui se sent proche des socialistes et éloigné du FN, reniant tout son passé.
C'est Raffarin qui veut collaborer avec le gouvernement pour lutter contre le
chômage oubliant que la somme de deux échecs n'a jamais produit un succès. C'est
Hollande qui se souvient qu'il a un monument de la fraternisation des ennemis
de la première guerre mondiale à inaugurer avec son ennemi d'hier et allié
potentiel de demain. A ce propos j'ouvre une parenthèse. Après que les
"fusillés" soient devenus le centre des commémorations de la Grande
Guerre, c'est maintenant au tour de ceux qui ont fraternisé aux moments des
Noëls 1914 et 1915, sortant de leurs tranchées pour partager schnaps et gnole.
Ceux qui ne seront sortis de leur tranchée que pour prendre celle d'en face et
se seront fait hacher par les mitrailleuses ennemies pour ça ne seront bientôt
plus que des abrutis, des idiots qui n'avaient rien compris, au mieux des
victimes. Les vrais héros d'une guerre ce sont désormais ceux qui refusent de
combattre et ceux qui tapent le carton avec l'ennemi. Ne vous méprenez pas, je
ne suis pas dans le jugement des faits en tant que tels, mais dans celui du
symbole rapporté à notre époque et qui me semble tout à fait illustratif de ce
que devient la France. La faiblesse et le doute sont davantage célébrés que le
courage sans faille ou l'esprit de sacrifice. C'est sans doute une façon
d'excuser notre déclin.
J'écrivais donc plus haut que la fraternisation c'est bien beau mais
que ça ne suffit pas et qu'il fallait accompagner ça de mesures concrètes pour
garder encore le pouvoir un certain temps. Des députés socialistes saisis d'une
subite inspiration proposent de réformer les principes de l'élection
présidentielle. Je n'entre pas dans le détail mais c'est le système des
parrainages, du financement de la campagne et de l'égalité du temps de parole
des candidats qui sont remis en cause. L'objectif est évidemment d'écarter les
candidats marginaux qui, comme par hasard, se situent surtout à gauche et donc
participent à la dispersion des voix de cette "famille" (les
guillemets s'imposent), mais aussi le tumultueux Mélenchon.
Mais notre président n'hésite pas non plus à mouiller sa chemise en ne
faisant rien. L'engagement de campagne 48.4 est définitivement brisé. J'en
rappelle les termes : "introduire une part de proportionnelle à
l'Assemblée nationale pour les élections législatives de 2017". Cet
engagement ne sera pas tenu car trop favorable au FN dont la progression est
inquiétante. Donc améliorer le processus démocratique en assurant une meilleure
représentation des électeurs est une bonne chose sauf quand le résultat risque
de ne pas convenir à la majorité en place. La promesse 48.4 est donc remplacée
par la suivante : "je m'engage à ce qu'après les législatives de 2017 le
FN soit scandaleusement sous-représenté à l'Assemblée Nationale, et pas du tout
si possible". Ce n'est pas l'esprit
démocratique qui l'emporte, mais le rejet du risque pour ses propres avantages.
On compte donc organiser les institutions et le processus démocratique en
fonction des intérêts de ceux qui sont au pouvoir et craignent de le perdre. Je
pense que cette décision entrera dans les annales du droit constitutionnel.
Mais puisqu'on parle de
renoncement, et pour sortir de la politique politicienne, en fait non on en
sort jamais avec de tels individus, car tout est calculé en fonction des
intérêts et du maintien au pouvoir de la caste dirigeante, on parle moins de la
lutte antiterroriste qui devient une épine dans le pied du gouvernement. Hollande,
devant le Congrès réuni à Versailles au lendemain des attentats du 13 novembre,
avait, par une entourloupe qu'il pensait habile et qui devait surtout
décrédibiliser Sarkozy tout en lui permettant de ne rien faire et de ne pas
fâcher sa gauche, annoncé le possible retrait de nationalité pour les
bi-nationaux coupables d'acte terroristes, même nés en France, après avis du
Conseil d'Etat. Avis qu'il espérait évidemment négatif. Mais pas de chance pour
lui, le Conseil d'Etat, bien qu'ayant émis certaines réserves surtout d'ordre
pratique et quant à la portée d'une telle mesure, a émis un avis positif. Il
faudrait donc inscrire cette mesure dans la loi constitutionnelle qui sera
soumise au Congrès dans les prochains mois. Mais, à ce qu'il parait, et selon
des sources proches du gouvernement, ni Hollande, ni Valls, ne souhaitent
désormais inscrire cette mesure qui ne plait ni au PS, ni à la gauche du PS.
Tout ça n'était donc que du vent. Comme d'habitude. Certes, on pourra à juste
titre estimer que cette mesure n'a guère de portée pratique, qu'elle ne
constitue pas un élément dissuasif vis-à-vis d'individus ayant pour but ultime
de se faire sauter le caisson au milieu d'inconnus, si elle n'est pas
accompagnée obligatoirement d'une expulsion du territoire vers le pays de
seconde nationalité où on devine déjà comment ils seront reçus. D'ailleurs
autant faire le boulot nous-mêmes. Mais dans l'état actuel des choses, ce n'est
pas prévu. Donc la mesure serait juste symbolique.
Mais justement, on a besoin de
symboles aussi. Et celui-là n'est pas davantage méprisable que ceux qui se
succèdent pour fêter la nouvelle fraternité entre la gauche socialiste et la
droite socialiste aussi.
Ce sont effectivement de bien
petits hommes qui nous gouvernent.
PS : Cazeneuve déclarait très
récemment, et après les attentats, que la loi ne permettait pas de sanctionner
les propos de l'imam de Brest condamnant ceux qui écoutent de la musique et
justifiant le "sort" fait aux femmes ne sortant pas couvertes d'un
sac. Nous sommes heureux de constater qu'elle dispose dans son arsenal d'outils
permettant de condamner Zemmour pour ses considérations sur les musulmans. Au
moins en France, on sait reconnaitre l'ennemi.
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