"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mardi 22 décembre 2015

Les hauteurs béantes + complément





J'avais préparé ce billet pour le mettre en ligne demain. Inutile d'attendre puisque notre chère garde des seaux, tellement ravie de la nouvelle qu'elle n'a pu s'empêcher de la révéler,  a annoncé ce qui devait être décidé demain en conseil des ministres.

Ce billet porte le titre du livre paru en 1977 et écrit par le dissident soviétique Alexandre Zinoviev (1922-2006). Il me parait tout à fait approprié pour qualifier les personnages, et le plus haut s'entre eux, qui se trouvent au sommet de l'Etat.

Revenant sur une de ses annonces faites devant le Congrès à la suite des attentats du 13 novembre, l'exécutif, on nous y préparait depuis quelque temps et je l'avais déjà annoncé dans mon dernier billet, semble, comme le confirme Taubira, avoir renoncé à la déchéance de la nationalité française pour tous les individus, donc même nés en France, en possédant au moins une autre et condamnés définitivement pour terrorisme ou atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

La petitesse de ceux qui nous dirige s'exprime donc une nouvelle fois de façon éclatante. Il n'y a d'ailleurs que dans la médiocrité et le renoncement qu'ils sont éclatants. Le petit calcul politicien a, une fois l'émotion post-attentats tassée, repris ses droits exprimant son caractère dominateur sur l'intérêt national. C'est une trahison de plus à laquelle nous assistons donc. Et on parvient presque à comprendre ce renoncement car e ce qui concerne l'atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, on est régulièrement bien servi par ce gouvernement. Ils n'allaient donc quand même pas adopter une mesure qu'on pourrait un jour retourner contre eux.



J'ai imaginé une lettre, ou un discours, peu importe, qui pourrait être à cette occasion être adressé à nos chers compatriotes coupables de terrorisme ou autres atteintes aux intérêts de la nation par notre tout petit timonier.



Chers compatriotes terroristes ou apprentis-terroristes, chers ennemis de la nation



En cette veille de Noël, excusez-moi, je tenais à m'adresser particulièrement à vous. Il est en effet de mon devoir en tant que père de la Nation de réparer certains torts qui auraient pu être faits à certains de ses membres. Et en l'occurrence c'est bien de vous dont il s'agit.



Au soir du 13 novembre et dans les jours qui ont suivi, j'ai mal réagi. Je dois effectivement avouer cette faute que j'ai faite de céder à l'émotion plutôt que de me référer à la raison. Mais j'espère que vous saurez me pardonner cet écart dont je tente de réparer les effets qu'il a produits.

La France, comme vous ne le savez pas, est un vieux pays aux caractéristiques propres qui font de lui qu'on ne le confond pas avec un autre pays. Si je me permets cette plaisanterie, car évidemment tout ça n'est pas réel dans l'imaginaire de la gauche que je représente aussi, c'est pour vous indiquer le décalage qui peut advenir parfois entre la perception d'un événement et sa réalité. La perception, c'est la réalité passée au filtre de l'émotion. Or pour en revenir à ma blague, de fort mauvais gout je l'admets, la France dans sa réalité objective, scientifique oserai-je dire, c'est un territoire de 551 000 km², hors DOM-TOM, sur lequel vivent des gens. Des gens très divers, c'est ce qu'on aime quand on est de gauche, de toutes les couleurs, de toutes les religions, et qui doivent être égaux. Certes, et c'est une survivance du passé contre laquelle nous nous battons, ces gens sont administrativement classés en trois catégories : ceux qui disposent de la nationalité française, ceux qui disposent d'un titre de séjour et qui avec un peu de patience pourront disposer de cette nationalité, et ceux qui clandestins finiront, puisqu'on en renvoie très peu, par obtenir une carte de séjour qui leur permettra avec un peu de patience d'obtenir la nationalité française. Enfin s'ils le veulent, car on ne force personne. De toute façon les droits sont les mêmes pour tous, sauf évidemment le droit de vote. Mais là aussi nous voudrions revenir sur cette conception dépassée du citoyen et élargir la possibilité du droit de vote à tous. C'est difficile, mais nous y parviendrons avec le temps et là l'égalité entre tous sera parfaite. Et dès lors la nationalité n'aura plus aucun sens.



Ce rapide exposé de ma façon de voir, une façon de gauche, vous fera comprendre aisément là où je veux en venir. A la suite donc des derniers attentats, submergé par l'émotion, ce qui est une faute professionnelle grave, mais aussi et surtout devant répondre à l'émotion des Français, je me suis laissé aller à des propos remettant en cause cette notion de l'égalité entre tous encore contrariée par cette fichue nationalité en remettant en quelque sorte cette dernière à l'honneur. Voulant complaire à mes opposants de droite, dans le cadre d'une union nationale décrétée par moi, ça peut servir, j'ai pris cet engagement de déchoir de leur nationalité les Français, même nés en France, mais possédant une double nationalité  et coupables d'actes terroristes ou d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation. Même si prudemment j'avais en même temps déclaré que cette mesure serait soumise au Conseil d'Etat pour en vérifier la faisabilité dans notre cadre juridique. Mais pas de chance pour moi, ces idiots ont déclaré la mesure possible si elle était inscrite dans la constitution. Et me voilà donc bien embêté, et même dans la merde si c'est plus clair pour vous. Cet écart de langage me met effectivement dans une situation délicate.

Mes amis de gauche, ceux qui ne s'étaient pas laissé aller à sombrer dans l'émotion, comme par exemple ma ministre de la justice plus portée sur la chose et le lyrisme quand il s'agit de la mort d'étrangers comme ce petit garçon mort sur une plage, non plus par la faute de vos potes de l'état islamique que sa famille fuyait, mais de l'Europe qui n'avait pas grand ouvert ses portes, m'ont vite rappelé à la raison. Cette mesure que je proposais au Congrès et donc aux Français n'était absolument pas de gauche. La France n'a pas à rejeter ses enfants égarés et moi en tant que père de la nation je n'ai pas à prôner l'exclusion de ceux qui se sont écartés du beau chemin du vivre ensemble. Quand on est de gauche on tente de comprendre selon une grille bien établie, on parle de ghettos, d'apartheid, de faillite de la société dans son devoir d'accueillir, on ne parle pas de rejet de ceux qui ont fauté contre leur pays.

Je dois donc d'une part vous présenter mes excuses pour cet égarement et d'autre part réparer mon erreur en revenant en arrière et en abandonnant cette mesure honteuse.



Bon, c'est un peu gênant, mais juste un peu. Les ripailles de fin d'années feront vite oublier ce recul, un de plus d'ailleurs et dans beaucoup de domaines. Les Français en ont pris l'habitude et oublieront vite. S'ils n'oublient pas, les protestations du Front National finiront par rendre la mesure envisagée assez odieuse pour qu'on me rendre grâce de l'avoir retirée.

En attendant mes communicants, mes ministres et conseillers donc, ont déjà bien préparé le terrain. Et ils trouveront des explications rationnelles à ce recul. Certes ils n'insisteront pas trop sur le fait que la mesure n'est pas de gauche. Ils préféreront insister sur son inutilité, et donc sur l'absurdité de fonder une polémique sur quelque chose d'accessoire. Ils diront que ce n'est pas ce genre de mesure qui va vous empêcher de passer à l'action et que vous pourriez même en tirer gloire. Ce qui n'est pas totalement faux. Mais quand même un peu, mais chut! Car si on vous retire la nationalité française et qu'on ne vous accorde pas un titre de séjour puisque vous serez devenus des étrangers criminels, on devrait vous expulser logiquement à terme, après votre condamnation effectuée, vers le pays duquel vous possédez la nationalité et où vous seriez sans doute accueilli comme il se doit (!). Si on ne vous la retire pas, vous pourrez sans aucun souci rester chez nous, en fait chez vous. Donc de ça on ne parlera pas trop. On insistera sur le caractère symbolique, donc prétendument inutile de la mesure. Ce n'est pas tant qu'on n'aime pas les symboles à gauche, mais on préfère choisir ceux qui nous arrangent. Il faudra quand même insister lourdement sur le caractère inutile, on devrait même trouver des arguments pour la trouver contreproductive, je ne sais pas moi, un truc comme quoi la privation de nationalité pourrait constituer un appel au terrorisme pour ceux qui ne se sentent guère français,  tout ça pour que je n'ai pas à expliquer aux Français qu'il serait un mauvais principe d'exclure de leur communauté ceux qui veulent la détruite. Là j'avoue que je compte sur les fêtes, les chiffres du chômage, bons ou mauvais peu importe si ça détourne l'attention, et les propos outranciers venant du FN et d'une partie de la droite pour m'en sortir sans trop de casse. J'espère aussi que vous resterez calmes jusqu'en 2017 parce que j'aurai du mal, à force de répétitions, de camoufler encore une fois un certain laxisme, et là le symbole du retrait de cette mesure "symbolique" ne m'aiderait pas, derrière des propos guerriers.



Voilà mes chers compatriotes en marge et qui le resterez, en marge mais compatriotes néanmoins, le message que je voulais vous adresser en ce jour. Je m'excuse de mes emportements à votre égard, des menaces proférées vis-à-vis de vous et qui resteront lettre morte. J'en suis moi-même puni.

FH le petit, pour vous servir!

COMPLEMENT
J'en entends déjà qui disent que ceux qui se sont exprimé sur le sujet, et quelle que soit leur position, avant le conseil des ministres sont des ânes pour ne pas dire davantage. Peut-être. Mais si on ne peut plus faire confiance à un ministre d'Etat, où va-t-on?
En tout cas je reconnais une grande faute de ma part ne pas encore avoir saisi de quelles bassesses ce gouvernement est capable.
Bien évidemment je me réjouis de la possibilité de déchéance de nationalité pour les individus visés. Mon opposition à ce gouvernement ne va pas jusqu'à considérer que par principe tout ce qu'il décide est mauvais, même si c'est trop souvent le cas. Mais les circonstances de la "prise de décision", revirement peut-être, et même sans doute, sont très révélateurs de la manière dont ça fonctionne là-haut.
Je rappelle que depuis quelques jours les missi dominici du président, le premier ministre en tête, nous préparaient à ce recul qui n'a finalement pas eu lieu. Je ne reprendrai pas leurs arguments, ils sont dans la lettre "présidentielle". Et que déjà ça commençait à tousser.
L'annonce faite par Taubira à partir d'Alger (!) ne manque pas d'intérêt pour comprendre comment les choses ont pu se passer dans les dernières heures. Je vois deux scénarios possibles.
Dans le premier, le recul était acté et Taubira n'a pas résisté à nous en faire part, cela constituant une victoire pour elle et sa ligne. C'est tout à fait possible puisque aucun démenti n'a été apporté à cette déclaration intempestive et pour le moins déplacée. Les réactions, il n'y a qu'à voir les éditos, notamment ceux de la presse régionale du jour, étant souvent très hostiles à Hollande et dénonçant sa personnalité, ce dernier s'est donc senti obligé de reculer sur son premier recul.
Dans le second, et c'est aussi fort possible, tandis que le mécontentement commençait à gronder, suite aux déclarations des derniers jours, Taubira a été envoyée en mission. Elle devait faire une annonce qui finalement n'engagerait qu'elle dans le cas de l'adoption de la mesure qu'on avait décidé de rejeter, on sait par ailleurs qu'elle souhaite quitter son ministère, pour tester l'opinion à la veille du conseil des ministres. Le temps d'analyser les choses peut expliquer également qu'il n'y ait pas eu de réaction officielle à cette déclaration venue d'Alger.
Mais quel que soit le scénario, et même si on peut se réjouir du résultat final, Hollande s'est déconsidéré, montrant qu'il n'était absolument pas sincère devant le Congrès en proposant cette mesure dont il espérait qu'elle serait retoquée par le Conseil d'Etat, cette éventualité à laquelle beaucoup de juristes croyaient par ailleurs lui permettant de dire à la droite "voyez, j'ai fait ce que j'ai pu, mais pas de bol, hein!" tout en ne s'aliénant pas la gauche. Il a joué, il a perdu. Il s'est aliéné sa gauche et à droite on comprend très bien ce qu'est le personnage.
D'ailleurs comment peut-on donner crédit à quelqu'un qui nous parle sécurité et brandit les pires menaces tout en conservant Taubira place Vendôme? Ça correspond en gros à nommer Tariq Ramadan secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur, en tant que responsable des cultes et de la laïcité.

Dernière minute :
c'est encore pire que ce que je pensais.
La possibilité de déchéance ne sera pas inscrite dans la constitution. C'est la possibilité de déposer une loi allant dans ce sens qui sera inscrite dans la constitution, ce qui garantit que ce n'est pas sous un gouvernement de gauche que la mesure sera prise. La déchéance ne sera donc pas constitutionnalisée mais entrera dans le domaine du législateur... mais pas avant un changement de majorité, évidemment.
 

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