Après les tragiques événements de
la semaine dernière et compte tenu des risques que fait peser l’islamisme sur
la France, après les séquences recueillement, émotion et indignation conjuguées
(je ne conteste pas à ces dernières leur légitimités, même si derrière l’union
de façade se cachaient parfois des choses peu reluisantes), il fallait quand
même faire quelque chose.
Le rôle d’un gouvernement est de
protéger la population du pays dont il a la charge. On peut bien évidement s’interroger
sur ce qui n’a pas fonctionné en amont des tueries, sur les dysfonctionnements
en termes de renseignement, sur l’efficacité de la protection de l’équipe de
Charlie-Hebdo puisqu’elle était protégée, mais aussi, et ça a fait l’objet de
mon précédent billet sur les causes profonde de ces drames, sur les raisons pour
lesquelles en France il existe des Français, nés en France et qui sont les
ennemis de leur pays. Je crains hélas qu’on laisse ce dernier point pourtant
essentiel de côté, il est préférable déjà pour certains d’attribuer la cause de
tout ça à ceux qui ont fait l’analyse de cette crise de ce qu’on appelle le
vivre-ensemble. Bien sûr on s’interrogera, là où il faut, et en ne faisant
transpirer que ce qui est possible, grâce à un bien pratique secret-défense,
sur les dysfonctionnements évoqués plus haut (à propos de ces derniers, lire cet
article de Guisnel, fort éclairant).
Mais avant d’envisager les
mesures correctrices des erreurs, et donc de s’assurer que les risques seront
réduits à l’avenir, seulement réduits, bien sûr, il faut gérer le présent.
Alors comment gère-t-on le présent ? En tentant d’assurer la protection de
sites sensibles, en protégeant davantage de personnalités menacées surtout
quand on les a désignées comme cibles potentielles, et aussi en tentant de
rassurer. C’est évidemment essentiel, les Français ne doivent pas vivre dans la
peur. Et pour ça on ne lésine pas : 10000 militaires dans les rues.
10000, c’est énorme ! Tout d’abord
en raison des effectifs militaires qui fondent comme neige au soleil. Certes
Hollande s’est voulu rassurant sur ce point, mais il me semble que peu ont pris
le temps de disséquer ses propos à ce sujet. J’y reviendrai.
Ensuite, c’est énorme car ça fait
de la France métropolitaine le plus vaste théâtre d’opérations actuel. Ça mérite
quand même qu’on s’y arrête. Cela signifie-t-il un nouveau front, un conflit ?
Cela signifie-t-il que nos autorités gouvernementales aient pris conscience que
nous étions en guerre ?
Alors je vais tenter de répondre
à ça. Quitte à jouer les rabat-joie ! Car c’est ce qu’on fait de ces 10000
hommes qui donne la réponse. Comme c’est également la désignation d’un ennemi bien
identifié qui éclaire à ce sujet. Sur ce dernier point il me semble qu’on est
loin du compte. Tandis que certains se refusent à même parler d’islamisme
(Fabius par exemple) ceux qui le dénoncent ne manquent pas de l’associer au
qualificatif radical. Ce qui ne veut rien dire. On peut d’ailleurs noter une
évolution langagière qui en dit long dans les reculs et compromissions. Il fut
une époque pas si lointaine où on nous parlait d’islamistes et de musulmans
modérés. Et désormais on fait le tri entre les islamistes, les radicaux et les
autres (ceux qu’on voulait voir remplacer El Assad en Syrie même si c’étaient
souvent des coupeurs de tête). Il y aurait donc de bons islamistes et des
mauvais. Ça devient de plus en plus dur avec l’islam de faire des tris. Combien
de catégories de musulmans ? Mais peut-être que les islamistes radicaux ne
sont pas musulmans au fait. Des dérangés, des pervers, tout simplement qui n’ont
rien, mais alors rien du tout à voir avec l’islam. Bref c’est ridicule.
Je vais tenter de le montrer en
utilisant cette formule « radical » dans un autre contexte. Tandis qu’on
nous serine depuis des années pour nous repentir de ce qui est supposé être les
crimes de l’occident, peut-être devrions-nous songer à user du terme radical
pour nous dédouaner. Il y aurait eu un occident modéré, composé de braves types
très nombreux, et un occident radical, celui qui par exemple aurait colonisé.
Mais cette nuance n’est pourtant jamais faite. L’occident est toujours
considéré comme un bloc qui doit se repentir collectivement. Mais avec l’islam
c’est pas pareil. Là il faut se livrer à d’habiles classifications qui évoluent
avec le temps. Et donc au passage on empêchera toujours l’islam de se réformer.
Donc pour en revenir à mon propos, l’ennemi il y en a un, mais ce n’est qu’un
concept fumeux.
Et puis donc il y a l’emploi. L’emploi
de ces 10000 militaires. Il ne me semble pas qu’on les utilise comme des militaires,
à savoir encadrés par les militaires, selon une mission militaire, en unités
constituées. On les saupoudre plutôt, me semble-t-il, ici et là sous l’autorité
des policiers et gendarmes. En fait ils font l’appoint, sans pouvoirs de
police, et avec un régime d’utilisation de leurs armes très contrôlé et même
restreint. En fait, et sans vouloir faire peur, ils sont sous-employés. Et leur
effet dissuasif me parait très faible. Cela dit je n’entrerai pas dans les
détails des modalités de leur emploi dans le cadre de vigipirate. Cela dit
quitte à utiliser l’armée avec de tels volumes, on aurait pu envisager d’autres
possibilités que le risque actuel permet d’envisager sans qu’on crie à l’atteinte
aux libertés. On connait très bien les quartiers sensibles, là où sont susceptibles
de se développer des nids de terroristes, des quartiers là où il est probable
qu’on trouve des armes et d’autres trucs au passage. Alors donc utilisons l’armée
de façon cohérente, encadrée par ses officiers. Organisons des ratissages de
police des quartiers, ceux où les forces de l’ordre ne peuvent guère ou pas opérer
actuellement, sous la protection de l’armée, avec son appui. Ça les militaires
savent faire, appuyer, protéger. Profitons de l’ambiance actuelle pour faire ce
qu’on n’ose pas faire depuis longtemps et qui pourtant serait nécessaire. C’est
bien beau de pleurer parce qu’on tire à la kalachnikov dans nos rues, si on ne
se donne pas les moyens de désarmer truands et terroristes. Nettoyons ces zones
de leurs racailles. En plus leurs habitants nous en seront reconnaissants. Il s’agit
évidemment d’opérations de police appuyées par l’armée. L’Intérieur est capable
de réquisitionner les militaires et leurs moyens pour ramasser les ordures,
nettoyer les plages en cas de marée noire, ou à l’occasion de catastrophes
naturelles. Que ce ministère pour une fois les utilise pour leurs compétences !
Parce que pour l’instant, on se
gorge de mots, on s’admire, on chante la Marseillaise, on est Charlie, on
bavarde, mais on n’agit guère. On est défensif, mais surtout pas offensif. Si
on fait la guerre, puisqu’on aime employer ce terme, et bien on la fait. Et
faire la guerre ce n’est pas mettre des hommes en kaki devant les synagogues,
les mosquées, les administrations ou je ne sais quoi. On reste dans la com là !
Cela évidemment ne peut être qu’une
étape dans la lutte contre le terrorisme se réclamant de l’islam puisqu’il
convient d’aller à la source qui n’est pas de bombarder l’état islamique mais
de reconsidérer nos politiques d’immigration et d’intégration et même d’assimilation
si possible.
Pour terminer je voudrais revenir
sur le discours de Hollande à l’occasion de ses vœux aux armées. Celui-ci a dit
précisément qu’il proposait de réduire le rythme des baisses d’effectifs
prévues et a demandé à Le Drian de «lui faire des propositions d'ici la fin de
la semaine, en tenant compte évidemment des nécessités budgétaires».
Il n’y a rien de réjouissant dans
ce discours. C’est même le contraire.
Je m’explique. Il ne s’agit pas d’en
finir avec une baisse drastique des effectifs initiée sous le précédent
quinquennat, mais d’en ralentir le rythme. De fait Hollande se couvre pour la
fin de son quinquennat se garantissant les effectifs nécessaires pour mener ses
opérations et pour «faire face» au risque terroriste. Et après moi le déluge. J’ai
déjà expliqué dans un ancien billet que je retrouverai au besoin qu’à la fin de
son quinquennat Hollande laissera une armée incapable de mener les opérations
qu’il a initiées pendant son quinquennat.
Mais voyons les consignes qu’il laisse
à Le Drian, et seulement à lui. C’est inquiétant, vous allez voir. Celui-ci et
lui seul donc doit faire des propositions en tenant compte des contraintes
budgétaires. Ce qui signifie pour qui sait lire que cela se fera sous budget
constant et uniquement militaire. Bercy n’est pas sollicité, ni le premier
ministre qui pourrait faire des arbitrages pour trouver l’argent qu’implique ce
frein mis sur la réduction des effectifs. Ce sont donc les militaires qui
paieront pour pouvoir conserver un peu plus longtemps les effectifs dont ils
ont besoin. C’est donc, il fait être clair, sur le budget des équipements que
la ponction sera faite, annulation ou report de commandes donc. J’en connais qui vont être contents !
On voit donc ici l’enfumage
caractéristique de Hollande. Mais c’est même pire que ça. Il manque 2,4
milliards d’euros pour boucler, avant ça, le budget de la défense. Car celui-ci
qui ne devait pas être touché, hors inflation (!), a été construit en prenant
en compte des recettes exceptionnelles (vente de biens immobiliers et surtout
vente de fréquences). Mais on sait déjà que ça ne sera pas réalisé et que donc
de facto le budget de la défense va être amputé de presque la hauteur de ses
rentrées exceptionnelles qui ne rentreront pas, cela les rendant sans doute
encore plus exceptionnelles.
Donc, vous voyez, il n’y a
vraiment pas de quoi se réjouir et j’imagine bien la tête que doivent tirer
aujourd’hui quelques chefs d’état-major.
Merci pour cette analyse. L'emploi des 10000 militaires comme simple outil de "com" et non comme outil d'action effective est particulièrement révélateur de l'inaction de notre gouvernement.
RépondreSupprimerMon colonel, je me suis permis de mettre de larges extraits de votre article sur mon blog.
RépondreSupprimerhttp://leblogdegrog.blogspot.ru/2015/01/10000-soldats-mobilises-pourquoi-faire.html
Bonjour à vous,
RépondreSupprimerje vous remercie de l’attention que vous portez à mes billets souvent d'humeur, de mauvaise humeur.
Vous pouvez bien évidemment reprendre ce que vous voulez sur votre blog.
Juste une question : où avez-vous déniché mon grade? Au passage inutile de l’utiliser? C'était une autre vie. maintenant je suis hors circuit. Et les choses changent tellement vite dans notre défense que je peux même dire que je suis hors-jeu. J'ai passé 30 ans sous l'uniforme et ce firent 30 ans de réformes, avec le gros morceau les 10 dernières années. Et là j'étais en plein dedans. Mais ça continue sans cesse.
Autre remarque: sur votre blog, vous vous qualifiez d'exilé. c'est fort comme terme. Victor Hugo ou Alexandre Soljenitsyne étaient exilés. Est-ce votre état d'esprit? En tout cas c'est intéressant.
Bien à vous
Bonjour,
RépondreSupprimerMerci pour votre réponse.
Pour le grade de colonel, c’était une supposition. En voyant votre photo, vous me sembliez un peu jeune pour être général, donc à mon avis, colonel !
Je suis « exilé volontaire », un peu comme Bombard était « naufragé volontaire », et j’aime bien ce terme, mais c’est mon côté romantique. Nul bannissement ne m’a chassé de la France, sinon un besoin de vivre dans un pays où – et à la différence de la France - certaines valeurs basiques sont encore respectées (le mariage par exemple) et où la civilisation chrétienne n’est pas un souvenir mais une réalité. A Togliatti où j’habite, il y a une dizaine d’églises en construction et dans chaque marché il y a un petit stand d’objets religieux : ça me plaît.
Très juste votre dernier billet... tout va bien, circulez, y'a rien à voir !