"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mercredi 5 septembre 2012

Morale laïque à l'école laïque : quelques réflexions


On n'en a beaucoup parlé à l'occasion de la rentrée scolaire, même si ce ne sera que l'an prochain qu'on verra se mettre en place la chose, après évidemment qu'une commission composée d'experts incontestables lui aient dessiné sa forme et peut-être défini son contenu. Certains et même beaucoup approuvent, même si le contenu n'apparait pas encore clairement. D'autres moins nombreux désapprouvent y voyant une tentative de formater les esprits, ce qui est évidemment insupportable, et même une forme de néo-pétainisme, rien que ça, même si eux non plus n'ont aucune idée de la forme et du contenu de la chose. Mais il serait absurde tout de même de ne pas avoir à se prononcer sur quelque chose dont on ignore l'essentiel, et même tout sauf le nom. Lequel est particulièrement intéressant.
Si notre nouveau ministre de l'éducation nationale s'était borné à dire comme ses prédécesseurs qu'il voulait réintroduire des cours de morale à l'école, la chose aurait été entendue, approuvée par une grande majorité de personnes, notamment celles qui pensent que notre société manque cruellement de repères et est en voie de désagrégation. L'ajout de l'épithète laïque pose brutalement une énigme. Car quelle différence peut-il y avoir entre la morale et la morale laïque qu'on veut nous vendre?

Je me suis moi-même posé la question. Faisant partie d'une des dernières générations ayant eu à connaitre des cours de morale à l'école primaire, car je ne me souviens pas qu'il y en ait eu ensuite, j'en suis à me demander si la morale qu'on nous exposait, je n'ose guère employer le verbe enseigner car j'ai de forts doutes sur la possibilité d'enseigner une morale qui par essence est constituée d'un corpus de valeurs et que donc on fait siennes ou récuse, était laïque. Comme j'ai fait toute ma scolarité en école publique donc laïque, je pourrais être amené à le penser. Reste que quand j'y réfléchis bien je n'en suis pas si sûr et me demande s'il est possible d'envisager une morale qui puisse être réellement laïque, hors de l'influence de la religion.
Il se trouve en effet que la morale en tant que matière scolaire est constituée par un ensemble de valeurs qui revêtent quasiment un aspect normatif dès lors qu'on considère qu'elles doivent constituer le ciment d'une vie sociale possible, ou du vivre ensemble comme on dit maintenant. Et ces valeurs ne surgissent pas du néant mais d'une civilisation multiséculaire. Et comme la nôtre a des racines chrétiennes que même un athée comme moi ne peut nier, il est fort à parier que dans le corpus de valeurs constituant la morale une grande majorité trouvera ses racines dans les dogmes chrétiens. Mais pas seulement c'est vrai puisqu'on s'est suffisamment affranchi de ces dogmes pour parfois même les réfuter. Ainsi l'acceptation de l'autre dans certaines différences, l'homosexualité par exemple, fait-elle partie des valeurs que notre société tend à vouloir généraliser en son sein au point même qu'elle en fait une norme législative avec la répression des manifestations homophobes. D'autres exemples pourraient bien sûr être évoqués montrant que la morale en tant que contenu axiologique a besoin parfois d'un petit coup de pouce pour devenir sinon consensuelle, présenter sous certains de ses aspects un côté obligatoire. Mais ce n'est pas une nouveauté, le meurtre, le vol et autres délits et crimes étant sanctionnés par la loi depuis des siècles. Mais plus l'adultère ou l'homosexualité. Comme quoi les choses évoluent. Et donc la morale serait donc évolutive, ce qui peut devenir gênant dès lors qu'on veut en faire le ciment d'une société.

En fait cela pose le contenu de ce qu'on appelle morale et dont on compte abreuver les enfants et les adolescents dès l'année prochaine. S'agit-il de les aider à se forger une conscience à l'aide des notions de bien et de mal qu'on sait relatives au mois selon les époques, de leur offrir les outils pour comprendre et accéder à la civilisation, celle dans laquelle ils vont pour la plupart continuer à évoluer, ou de leur apprendre les normes positives et négatives de la société dans laquelle ils vivent. Ou peut-être les trois ensemble puisqu'il n'y a pas de contradictions entre ces objectifs mais simplement des différences d'ambitions.
Dans le premier cas on aide à l'émergence de l'individu en tant qu'être conscient, capable de juger ses actes et ceux des autres autres par rapport à des références morales qu'il se sera forgées. On aide donc une personne à devenir responsable.
Dans le second, on se place dans une optique assimilatrice avec l'émergence du sentiment d'appartenir à une civilisation donnée avec ses valeurs et ses normes qu'on aura acceptées également.
Et dans le troisième on est à peine dans la cadre d'une intégration avec l'apprentissage de règles à respecter, les règles de la civilisation ou la société dans laquelle ont vit, qu'on en soit originaire ou pas, règles qu'on respectera sans obligatoirement les accepter, et peut-être même les combattra-t-on, mais dont on sait que le non-respect a un coût.
Les deux derniers aspects indiquent aussi deux conceptions de ce qu'on appelle le vivre ensemble : le vivre ensemble (tout court) et le vivre ensemble séparés, ou encore la communauté ou le communautarisme.
C'est en fait en fonction des objectifs choisis qu'il faudra définir contenus et pédagogie de cette morale dite laïque. Et dans ce sens le terme "laïque" me parait quelque peu rassurant car il semble faire référence à un aspect civilisationnel qui même, comme j'ai tenté de l'indiqué ne peut s'abstraire totalement de la religion qui a accompagné la civilisation à laquelle on se réfère.

Certes tout cela est et sera compliqué, d'autant plus compliqué qu'un laxisme lié au refus de l'assimilation, bien davantage que sa difficulté bien réelle, nous a fait dériver vers ce que nous nommons par défaut et à tort l'intégration, mais qui n'est finalement que le vivre ensemble séparé (en espérant que ce communautarisme larvé ne se traduira pas en trop de conflits violents), a institué le fait le droit à l'égalité entre plusieurs morales auxquelles pour certaines il serait difficile d'accoler l'épithète "'laïque". Car que vaut une morale, ensemble de valeurs et de normes qu'on souhaite communes, exposée au sein d'une classe dès lors qu'elle ne connait aucune manifestation tangible hors de cette classe, sinon le respect forcé de certaines normes? Comment par exemple expliquer que les humains, donc hommes et femmes, sont égaux malgré leurs différences, si une fois arrivé à la maison on constate que sa sœur est privée des droits que l'on a soi-même, si celui qui a une autre couleur de peau ou une autre religion n'est pas le bienvenu dans son quartier et prend même des risques importants en y pénétrant? Ce ne sont que des exemples mais qui montrent la difficulté de l'entreprise et surtout cette scission qui existera entre les familles et l'école dans certains cas. L'école pourra même être le lieu où l'on enseigne le mal. Et soyez persuadés que bientôt des associations dénonceront ce manque de respect pour les cultures de ces familles qui valent après tout bien la nôtre.
Et le risque est grand qu'on en finisse par se contenter du troisième aspect que j'ai décrit plus haut, l'aspect purement normatif. Ça fait bien trop longtemps qu'à l'école nos ancêtres communs ne sont plus les Gaulois pour espérer de vrais changements.

7 commentaires:

  1. c dans l'air se consacrait au sujet ce soir
    autant vous dire qu'on a avancé que trés peu

    de manière caricaturale je dirais que l'enseignant, exaspéré par son autorité bafouée, par l'intrusion d'un social violent entre les murs, va pouvoir régler ça à coup de morale qui du fait s'exportera et réglera la rue

    si on colle La Fontaine s'inspirant de Esope au programme et c'est valable pour tous les niveaux on fera dans le simple

    la morale à partir du vécu existe dans la vie scolaire déjà

    en plus on supprime l'instruction civique qui en partie était un promontoire pour observer le social soumis à la loi et donc renvoyer chacun à sa pensée propre et ses attitudes, son libre arbitre échappant à la loi souvent...la morale donc

    ce terme de laïque affublé à la morale deviendra à caution, vous le dites

    les juifs sont déjà en école juive

    les musulmans ne tarderont pas à intégrer les écoles coraniques

    il restera donc en classe notre franco français entre laique et catho

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  2. En fait davantage qu'une proposition cette mesure, coquille vide pour l'instant (vite une commission!), est un constat.
    Même si dans le fond je peux approuver l'idée, disons lui accorder un a priori positif pour l'instant, je crains fort que ce soit parfaitement inutile dans la mesure où ceux à qui serait destinée en priorité cette morale, à savoir ceux qui vivent même en France dans un système de valeurs différent parce que ça on ne veut plus le remettre en cause depuis longtemps,auront vite fait de faire un choix.
    Les gens se séparent désormais en fonction de leurs origines culturelles. C'est un fait que ne pourra pas changer cette vieille rengaine de la mixité qu'on imposerait via les logements sociaux. Et ce sont bien parce que les systèmes de valeurs divergent qu'ils se séparent. Vouloir raccommoder tout ça par des cours de morale à l'école me parait bien léger. D'ailleurs c'est impossible désormais.
    Et effectivement comme vous l'écrivez le mouvement pourrait davantage s'amplifier par une séparation des lieux de scolarité. Le Qatar a les moyens de financer les écoles privées musulmanes.

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  3. V P , à sa décharge, est passionné par la pensée philosophique qui se chemine et s'apprend, la pensée tout court donc et l'indigence dont elle fait l'objet dans la cité le scandalise

    mais, dans un entretien, le gauche revient en force et il vend la mèche: fuir les valeurs surfaites et délétères du libéralisme

    alors il lance le scude, on verra bien l'effet que ça fait, tel un marchand de process informatique, il vend la boîte vide et l'usager formatera lui même à son usage

    on compte bien sur les agents de formatage du toutim, la citadelle programmatique est déjà en place, ce soir sur le plateau un intervenant en faisait partie depuis l'automne dernier

    mais je suis d'accord, aimons nous, tolérons nous, construisons tôt notre pensée, que fais je qu'aurais je du faire que ferais je, (mâme la marquise)mais ne faisons pas de l'EN une base arrière idéologique post campagnarde

    car justement il est question aussi de se comporter dans le libéralisme, de l'apprivoiser


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  4. J'avais effectivement lu un truc sur Causeur à ce sujet. Si c'est pour polluer la tête des gamins avec de belles idées de gauche, ça change la donne. ça nous rapproche de pratiques qui avaient lieu là où je vis actuellement quand les enfants faisaient parti des pionniers.
    Mais en cherchant bien on pourra faire des analogies avec les évangiles et dénoncer le caractère non laïque de la chose.

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  5. Salut vlad
    Bon je passe en zone libre, car là haut sur la montagne joffrinesque, ça tire à vue comme toujours, je ne vais pas non plus prendre une carte de la cgt ou du zob sympathique syndicat caquesque
    Toute cette démarche qui aurait pour but de rattraper un retard irréversible,dû à des manquements très graves de L'ÉTAT,n'a plus aucune raison d'être à mon sens, trop peu trop tard ,c'est terminé, et c'est la raison essentielle qui me fait dire que l'on va dans le mur
    De toutes façons, essayer d'inculquer des valeurs à des gamins issus de familles qui sont à des année lumières de nous, sur quelque plan que ce soit, non sens, hors sujet total, INUTILITÉ SUR TOUTE LA LIGNE
    C'est encore une fois faire les bisounours, les benêts que d'y croire .... le plis est pris, impossible de renverser la vap
    As tu vu la vierge ???moi non plus, cqfd
    On a uniquement ce que l'on mérite ,je n'ai plus de tête qui nous disait français vous êtes des veaux, pas con
    Même à coups de schlag on ne fera plus machine arrière
    Peut être une solution ultime: uniforme façon rostbeefs, portable interdit et sanctions réelles, mais ça ne réglera pas le problème culturel, évidemment
    Moi qui suis en terme d'âge, à quelques encablures de toi, j'ai encore connu la véritable discipline, de ces allez retours pour des péccadilles, vlan, et on ne bronche pas, point, avec un doublon le soir car les parents étaient prévenus du moindre pépin

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  6. Salut JJ,
    oui tu as sans doute raison et ta vision pessimiste des choses est peut-être vraiment réaliste.
    De toutes façons comme cette morale "scolaire" ne trouve pas son application dans la rue, elle a à peu près la valeur d'un conte de fées. Les enfants y croient, comme au père noël juste le temps de se rendre compte que tout cela est des sottises, ou pour faire plaisir à leurs parents. Eh oui faire semblant devient une activité assez pratiquée de nos jours.
    T'as connu les coups de règle sur les doigts? J'ai encore connu ça. Et en plus effectivement il ne fallait pas s'en plaindre aux parents sinon on avait droit à une réplique sismique souvent plus forte. Maintenant l'instituteur qui se risquerait à ça aurait droit à un aller simple pour les assises.

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  7. Salut expat
    Tu viens de mettre le doigt sur le soucis majeur qui me fait penser qu'on est dans une impasse
    Quand tu as des tétards de moins de 12 ans, qui dans leur vie extra scolaire font des doigts d'honneur aux forces de l'ordre, tu te doutes que peillon, même si son idée du moment paraît séduisante, n'y peut rien car ce n'est pas un problème scolaire mais global avec une très grande responsabilité des parents
    C'est mettre un plâtre sur une jambe de bois
    Moi les coups de règle je n'ai pas connu, mais de belles taloches et coups de chevalière sur la cafetière... ça me ramène loin tout cela, souvenirs un peu brumeux....
    Et oui, 2ème effet kiss cool avec les parents ensuite, dur mais juste
    Remarque, tu regardes les gamins, dès le collège, on dirait qu'ils sont sapés pour aller à un défilé de mode, et le dernier bigo à la mode a plus d'importance que le cours de maths à suivre, partant de là....
    D'ailleurs il y a eu ce jugement d'un maire de petite commune du nord, qui a filé une baffe à un merdeux de 16 ans qui venait de l'insulter
    1000 euros d'amende avec sursis plus 250 euros de dommages et intérêts, alors le civisme et une certaine morale en classe ça a plutôt un côté vaste blague, voyons...
    Ah tiens , un collègue me disait ce matin qu'une "association " mamans toutes égales, vient de contacter peillon, pour les autoriser à porter le voile lors de sorties scolaires..... plus important certainement que ce dont on parlait précédemment... voilà le topo ici
    Et pour clôturer,le turbin m'attend, les faits de vie courants et leurs conclusions dans un parallèle entre aujourd'hui et il y a 30 ans que tu m'avais envoyés et dans lesquels je me retrouvais totalement, nous prouvent une chose unique, la déresponsabilisation a fait du chemin, pas d'erreur ,dans les 2 sens du terme en plus...

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