"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

vendredi 30 septembre 2011

Primaires socialistes : exercice démocratique ou cache-misère?


 
Les primaires socialistes, après une bonne opération de marketing, ont été présentées comme un exercice démocratique apprécié par tellement de Français, on ne sait pas bien sûr lesquels, que les autres partis et notamment l'UMP ne pourront plus s'en passer à l'avenir. Donc en 2017, attendons-nous à voir une bonne poignée de primaires citoyennes qui feront émerger les candidats de nos rêves. Démocratie à tous les étages oblige.
 
En fait, bien que je ne pense pas que les socialistes l'aient prévu à l'origine puisqu'il leur a fallu longtemps tergiverser pour savoir s'il y aurait débats télévisés ou non, alors que le principe des primaires était acté depuis longtemps, l'opération est particulièrement intéressante quand il s'agit de promouvoir ses idées hors campagne officielle sans risquer la contradiction. Ceci dit l'exercice est dur à tenir, on s'en rend bien compte déjà et on le verra sans doute de façon flagrante lors du prochain débat quand certains candidats, dopés par les sondages ou au contraire mis en difficulté par eux, vont sans doute jouer leur va-tout et montrer de manière très démonstrative leur différence. Même si cela ne servira à rien, comme on le verra. Par contre l'idée pourra paraitre séduisante à ceux qui n'ont pas les problèmes de leadership du parti socialiste et qui pourront aligner devant les caméras un vrai candidat entouré de candidats fantoches. L'illusion démocratique sera respectée, au plus grand bénéfice de l'occupation du temps d'antenne.
 
Vous pouvez donc d'ores et déjà imaginer ce que seront les futures élections présidentielles qui démarreront quasi-officiellement un an avant l'échéance avec leurs quatre tours de scrutin. Si avec ça on n'arrive pas à désigner enfin le sauveur de la France, on n'y arrivera jamais.
En tout cas, pour ce qui est de l'élection qui arrive, je ne sais pas comment le CSA va se dépatouiller pour offrir aux autres partis un temps de propagande équivalent à celui utilisé par le parti socialiste. Qui du coup sera perdant puisque d'une part ce temps de parole offert aux autres partis sera plus proche de la présidentielle et d'autre part ne sera pas un temps de confrontation entre personnages. Donc là, pas bien joué, les socialistes. A condition toutefois que ce temps de parole pris par les socialistes soit accordé aux autres. L'inverse serait évidemment une atteinte à ce principe d'équité qui est l'un des fondements de notre démocratie. On n'ose donc pas imaginer cela, imaginer un hold-up des médias télévisuels par le parti le plus démocratique qui soit.
 
Alors j'en entends déjà certains dire ou penser : "Mais les autres n'avaient qu'à faire pareil, hein?".
Oui peut-être, sauf qu'il ne me semble pas que le parti socialiste soit une référence très fiable. Par ailleurs, les règles de l'élection présidentielles sont précises. La constitution n'a jamais prévu de primaires, et le temps de prise de parole politique pour cette élection, mais aussi en général d'ailleurs, doit être équitablement partagé entre la majorité et l'opposition. Si donc les socialistes estiment nécessaire de faire des primaires, de cette manière, car il y en a d'autres plus confidentielles, ils doivent supporter le fait que ça doive avoir des conséquences sur le temps de parole dans les médias des autres partis. Sinon effectivement, ça ressemble à un hold-up.
En outre, les primaires ne sont pas un exercice obligé, et on peut même considérer, je parle à ceux qui seraient tentés de mettre en avant l'exemple américain, que le premier tout de l'élection présidentielle tient lieu de primaires. Chaque premier tour de l'élection présidentielle est effectivement une primaire permettant de désigner, sauf accident type 2002, le candidat le mieux placé d'une famille politique au sens large pour affronter au second tour le challenger de la famille d'en face. Donc le reste, c'est de la salade interne, mais effectivement les modalités retenus par les socialistes de désignation de leur candidat les a fait sortir de l'ambiance feutrée de Solférino. Solférino le bien nommé puisque comme chacun s'en souvient, il s'agit là d'une bataille du Second Empire qualifiée de boucherie dont les horreurs inspirèrent à Dunant la création de la Croix-Rouge. Choix inconscient des fondateurs du PS, ou juste prémonitoire? Imaginez un parti qui s'installerait rue de la Grande Truanderie!
 
De fait en faisant le choix d'une telle organisation de leurs primaires, les socialistes ont révélé quelques-uns de leurs handicaps, congénitaux allais-je dire avec la méchanceté qui me caractérise.
Le premier de ces handicaps est évidemment que depuis la disparition de François Mitterrand, jamais un leader n'est apparu au sein de ce parti. C'est donc naturellement au parti de trouver le moyen de trouver un candidat au milieu de toutes les médiocrités qui prétendent pouvoir le mener à la victoire, avec le succès que l'on sait.
Le second handicap c'est l'incohérence des idées au sein de ce parti. Comment concilier les prises de position d'un Montebourg et d'un Valls situés à ses deux extrémités? De fait si ce n'était la possibilité d'envisager de se partager le succulent gâteau du pouvoir avec les avantages afférents, ce parti devrait logiquement se scinder en deux, donc ne plus exister.
Ce handicap a induit d'ailleurs en échec la stratégie du parti socialiste de fédérer la gauche. Et les primaires sont l'illustration de cet échec. Etendues à toute la gauche, elles auraient dû faire émerger un candidat unique de la gauche. Il y en aura 4 ou 5 au moins. Elles se résument donc désormais à l'invitation faite à la gauche de désigner le candidat de second tour qui sera accessoirement le candidat de premier tour des socialistes, celui dont on suppose qu'il aura le plus de chances de battre Sarkozy, à moins que Marine Le Pen ne s'interpose.
En fait cette primaire, c'est devenu ça. L'affrontement sur les idées est passé au plan secondaire, l'essentiel étant de se débarrasser de Sarkozy. Ce sont donc les sondages de second tour de la présidentielle qui donnent le ton. Ceux-ci auraient-ils désigné une chèvre que nos électeurs de gauche se seraient adaptés en se rendant en bêlant dans les bureaux de vote ouverts à l'occasion des primaires socialistes...et citoyennes, j'allais oublier.
 
Ce que certains présentent comme un succès démocratique, qui ne sera effectivement démocratique que quand les autres partis pourront s'exprimer aussi longuement devant les caméras, n'est que le révélateur des handicaps profonds du parti socialiste. Ce n'est pas une envie d'innover qui est le moteur de ces primaires, c'est juste la nécessité d'éviter une nouvelle catastrophe électorale.

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