Le président-candidat non encore déclaré officiellement vient de se ranger à l'idée de la candidate Royal à la présidentielle 2007, jugée aussi iconoclaste que stupide à l'époque tant par la gauche que par la droite, de faire encadrer les jeunes délinquants par les militaires. Idée saugrenue en effet dont je tenterai de montrer autant l'inefficacité que l'infaisabilité sans oublier de préciser en route les inexactitudes de langage qui se cachent derrière ces glorieux projets. Mais avant, parce que ce n'est peut-être pas inutile pour au moins montrer l'idiotie du projet si on s'en tient à l'énoncé d'"encadrement militaire des délinquants", je souhaiterais parler de l'emploi des militaires, enfin surtout de leur emploi quand ils ne font pas leur travail disons normal, c'est-à-dire participer à des opérations, s'entrainer, et entretenir le matériel.
Pour disserter au sujet de l'emploi des militaires je vais me situer dans une perspective disons historique, en fait sur une durée d'une trentaine d'années, donc en me référant à mon expérience d'officier.
Quand j'entrai dans l'armée, c'était un peu moins d'une quinzaine d'années après l'Algérie. Comme de Gaulle avait "bien" fait les choses avec une épuration des brebis galeuses, enfin une épuration de ceux qui s'étaient plus ou moins mouillés au moment du putsch, et surtout des lois de dégagement des cadres, l'Algérie paraissait quasiment aussi lointaine à ceux de ma génération que la seconde guerre mondiale. Les officiers se taisaient et les sous-officiers avaient été très largement renouvelés si bien qu'à l'époque, pour respecter une pyramide des grades à peu près cohérente, il n'était pas rare de voir des adjudants-chefs de 30 ans, quitte à ce qu'ils le restent pendant 25 ans sans autre espoir de promotion sauf pour quelques-uns. Il restait bien quelques anciens, mais disons que dans l'ensemble, l'armée s'était profondément renouvelée et avait donc connu une véritable rupture culturelle. A l'époque les choses étaient assez simples. Il y avait un ennemi potentiel qui se trouvait derrière la ligne Oder-Neisse, à trois jours de Paris auquel faute de pouvoir le vaincre de façon classique s'il attaquait il fallait prouver notre volonté de nous battre avant d'utiliser l'arme nucléaire d'abord tactique, celle qui immanquablement irait frapper l'Allemagne de l'Ouest devenue notre alliée, puis stratégique, celle qui était en mesure de détruire Moscou ou Leningrad d'où je vous parle. C'était quand même un peu le "désert des Tartares" même si nous nous entrainions activement, même très activement en vue de cette éventualité. C'était aussi l'époque de l'armée de conscription, avec donc des effectifs importants. A côté de cette armée qui attendait en s'entrainant, il y avait une autre armée, plus légère, pus souple, davantage professionnalisée et dont les terrains de manœuvre préférés étaient l'Afrique, surtout le Tchad et la Centrafrique (impossible de dire République Centrafricaine puisqu'il y a eu aussi un épisode impérial), ainsi que le Liban mais là sous l'égide de l'ONU. La possibilité de passer de l'une à l'autre des structures, parce que dans les années 80 une situation de fait allait effectivement se décliner en organisation, permettait au personnel de carrière de ne pas s'encrouter ou au contraire de prendre un peu de repos.
Mais disons que dans l'ensemble il y avait un réservoir important d'hommes surtout pour lesquels la probabilité d'avoir à "monter au front" rapidement était très faible. Ce qui a permis de lui faire faire plein d'autres trucs. Je citerai en vrac, le ramassage du foin pendant la sécheresse, le ramassage des poubelles à Paris, les secours au moment des inondations ou incendies, le renforcement des contrôles aux frontières, les marées noires et un tas de tâches dites prestations autant pénibles qu'inutiles pour la collectivité nationale. C'était par exemple le prêt de tentes pour une manifestation organisée par la municipalité qui comprenait bien évidemment le montage et le démontage des guitounes ainsi que le gardiennage (évidemment ça se passait toujours en week-end et bien évidemment ce n'était ni rémunéré, ni compensé en temps de repos), le soutien logistique à la manifestation sportive du coin, ou plus confidentiellement l'organisation à prix défiant toute concurrence, même si ça paraissait toujours trop cher au demandeur, du buffet suivi d'une sauterie de l'association des joueurs de pétanque du coin qui avait le bonheur de compter parmi ses membres un colonel à la retraite. Donc c'était ça en gros jusqu'au début des années 90.
C'est à ce moment que les choses ont commencé à voler en éclat. La chute du mur de Berlin d'abord qui mettait de facto une partie importante de l'armée dans une perspective de chômage et la première guerre du Golfe ensuite qui a montré l'incapacité de l'armée française d'avoir des structures cohérentes en cas de projection importante loin des frontières, non pas tant à cause des structures elles-mêmes qu'à cause de la décision de Mitterrand de ne pas envoyer le contingent. A ce propos ceux qui reprochent à Chirac la professionnalisation et la rupture du lien armées-nation (là je rigole, mais peut-être en débattrai-je une autre fois) devraient reporter la responsabilité de cette décision sur son prédécesseur. Sauf à changer de doctrine, donc à considérer que la guerre n'était plus le problème des militaires qu'on pourrait officiellement reconvertir en éducateurs pour la jeunesse et en absorbeurs de quelques milliers de chômeurs potentiels. Mais c'est un autre sujet.
C'est aussi à partir de cette époque que les choses ont changé et que les prestations des militaires au profit du civil ont été revues à la baisse. Vous aurez donc maintenant moins de chances de voir les militaires transformés en briseurs de grève des éboueurs. Quant aux prestations au profit des communes, des collectivités ou des associations de joueurs de pétanque, elles sont devenues payantes (location de matériel et RDS du personnel nécessaire à la prestation, et ceci au prix fort) ce qui fut assez dissuasif pour les faire quasiment cesser. Car évidemment cette époque correspond à la multiplication des interventions, notamment dans les Balkans et à des contraintes budgétaires de plus en plus pesantes. Et il faut le dire également, à un ras-le-bol des militaires.
Et donc sans penser beaucoup me tromper, car ça fait déjà 4 ans que j'ai posé le képi, les militaires se sont, selon la phraséologie en vigueur, largement recentrés sur leur mission.
Sauf que la tentation reste forte de les utiliser à d'autres tâches que celles pour lesquels ils sont prévus. Et donc pendant la dernière campagne présidentielle on a vu une candidate proposer de placer les primo-délinquants sous encadrement militaire. Idée reprise par un député de cette fraction de l'UMP appelée "droite populaire" et désormais par le Président de la République lui-même.
N'étant plus soumis à un quelconque devoir de réserve (et non un droit comme je l'ai parfois entendu dire, notamment par certains généraux confondant ce devoir avec un confortable joker sans doute) je peux donc livrer mon opinion à ce sujet.
Sur le fond, ça signifie déjà de la part de ceux qui défendent cette idée, le constat d'un terrible échec de la justice française, échec qui se manifeste par un taux important de multirécidivistes. On parle parfois de jeunes délinquants interpelés des dizaines de fois et toujours dans la nature. Et donc devant un échec aussi patent, sans doute de peur de le verbaliser, de désigner des coupables, de dégager des dysfonctionnements majeurs, d'avoir à proposer des solutions restant dans un cadre normal, on en vient à imaginer de repasser le bébé à l'armée. Donc de transformer les militaires au mieux en éducateurs, au pire en garde-chiourmes, et les casernes en centre éducatifs fermés ou en taules sordides. Et ben donc! Certains rappelleront pour justifier cette brillante solution qu'il y eut un service national il n'y a pas si longtemps et que l'armée a aidé des générations de jeunes à devenir des citoyens, à connaitre le goût de l'effort (en général ils connaissaient sans doute l'effort, mais n'y goûtaient pas forcément), la discipline, les contraintes dont celle de la vie en collectivité. A cela j'ajouterai même la lutte contre l'illettrisme (c'était d'ailleurs étonnant de voir ce que pouvaient faire des gens qui n'étaient pas enseignants en quelques mois, là où l'école publique avait échoué en plus de dix ans, mais c'est un autre problème). Et bien oui, tout cela est à peu près vrai. Sauf que c'étaient des effets collatéraux du service militaire dont l'objectif premier était de former des combattants. Je ne parle pas bien sûr de tous ces postes, notamment ceux de larbins permettant d'utiliser une main d'œuvre peu couteuse, postes néanmoins très recherchés surtout quand ils permettaient de rentrer chez papa et maman le soir. Mais là on entre dans un autre débat qui touche à la scandaleuse inégalité du service national.
Donc considérons que la norme était de former des soldats. Je ne me souviens pas une seule fois quand j'étais cadre de contact, donc lieutenant et capitaine, m'être dit fièrement que je formais des citoyens. J'essayais de former des gens aptes à faire campagne le cas échéant et j'étais satisfait quand j'estimais cet objectif atteint. Le reste c'était un plus que je ne faisais pas ou que je faisais sans en voulant en prendre conscience, puisque ça allait avec le reste. C'en était indissociable. Dès lors que les militaires du contingent voyaient les probabilités d'être engagés en opération réduites à néant du fait de la décision de Mitterrand de ne plus engager le contingent, tout cela était amené à s'écrouler à terme puisque l'objectif majeur de la formation militaire disparaissait. La vocation des militaires n'était pas en effet d'assurer cette transition entre deux mondes, celui des ados ou post-ados et celui des adultes. Donc espérer des résultats tangibles en confiant des délinquants à des militaires n'est qu'une illusion si en fond de tableau l'objectif n'est pas militaire. Même si le militaire est un être obéissant ou docile, doté de merveilleuses vertus éducatives dont les effets les plus probants pour ce genre de population à traiter se trouvent sans doute à la pointe des rangers.
Et puis figurez-vous, ça a déjà été fait. Sur une population réduite entre 1984 et 2003. Une association créée par un amiral sans doute plus humaniste que la plupart des militaires a réussi à se doter d'une convention d'une part avec le ministère de la justice, d'autre part avec le ministère de la défense, le premier fournissant la matière première et le second les moyens humains chargés de la modeler pour s'occuper de délinquants. Ça s'appelait Jeunes en Equipes de Travail ou JET. Les résultats sont restés très mitigés, 20% de réinsérés deux ans après être sorti de l'association d'après ce que j'ai lu. De plus quand on demandait des volontaires pour aller encadrer ces jeunes, quasiment toutes les têtes de baissaient, comme quoi leur vocation d'éducateur n'apparaissait pas forcément aux militaires. Mais c'est du passé car puisque d'un côté les juges estimaient que ce n'était pas aux militaires de traiter de réinsertion des délinquants, et je n'ose imaginer qu'ils aient changé d'avis, et d'un autre côté le ministère de la défense considérait exactement la même chose. Donc en 2003 l'expérience fut close. Mais il faut se souvenir que l'idée de madame Royal n'est pas une nouveauté et avant de faire un traitement industriel des jeunes délinquants, il conviendrait peut-être de s'interroger sur une expérience à échelle réduite qui donc normalement aurait dû mieux fonctionner.
Passons maintenant aux aspects matériels. Il y a en France 60000 mineurs délinquants présentés au juge chaque année et sur cette masse 80% de primo-délinquants. Donc environ 50000 délinquants à traiter annuellement. Dans l'armée de terre, la moins technique, le taux d'encadrement ou ratio gradés (officiers, sous-officiers)/militaires du rang est d'environ 50%. Evidemment on peut considérer que ce ratio inclut un nombre important de postes administratifs et logistiques d'où les militaires du rang sont relativement absents. Mais au bas mot, compte-tenu d'une population réputée difficile il faudrait compter, mais ça me parait trop faible encore, 2 encadrants pour 5 délinquants, ceci sans compter l'administration et la logistique qui, mettons, pourrait être prise en compte par l'unité militaire de rattachement. Ce qui fait tout de même, soit 20000 postes à créer, soit autant à détourner de leur mission principale, sans doute dans l'armée de terre, la marine nationale ne disposant plus de galères, qui en compte à peu près 100000. Donc un cinquième, ce qui serait criminel si on considère les missions et le taux d'activité actuel des militaires.
Mais si on crée ces postes, qui paie? Eternelle question. Peut-être le budget de la défense déjà tellement étrillé que beaucoup de militaires s'équipent chez Décathlon tellement leur équipement est de mauvaise qualité, et surtout que le matériel est dans un état pitoyable du fait de la remise éternellement à plus tard de la livraison des nouveaux équipements. Pourquoi pas? Ou le budget de la justice au risque de voir se réveiller toutes les pleureuses habituelles? Ça sera le budget de la défense. Faudrait pas que les juges manquent de stylos.
Reste à lever certaines ambigüités de langage au passage et se poser ainsi d'autres questions. On parle chez Sarkozy ou Royal d'encadrement militaire tout en se référant à l'EPIDe (établissement public d'insertion de la défense). L'EPIDe qui dispose actuellement de 20 centres en France est placé sous la triple tutelle des ministères chargés de la Défense, de l'Emploi et de la Ville. Pas de la justice puisqu'il ne traite pas de délinquants mais de jeunes volontaires en grande difficulté. On l'appelle aussi centre deuxième chance. Si c'est effectivement soutenu pour partie par le ministère de la défense, on n'y trouve normalement aucun militaire, même si l'encadrement se compose essentiellement d'anciens militaires peut-être nostalgiques d'un certain cadre de vie ou simplement ayant besoin de travailler, mais ce n'est pas statutaire. Ce type de structure si elle était retenue impliquerait donc que l'encadrement ne soit pas militaire, mais de type militaire. D'où la nécessité de recruter dans ce cas de figure. L'EPIDe reçoit actuellement environ 2000 jeunes par an. En conséquence s'il se voyait confier la mission il faudrait revoir les tutelles, le dimensionnement des capacités d'accueil, les effectifs. Donc quelque chose d'énorme.
Et bien entendu une masse de difficultés devant laquelle, habitués qu'ils sont à suivre la pente de la facilité, nos grands promoteurs de cette idée reviendraient vite à l'option militaire dont vous aurez compris que je la rejette complètement. Reste à espérer qu'en bons politiciens ils ne tiendront pas leurs promesses après leur arrivée aux affaires.
bonsoir
RépondreSupprimerles glissements de fonctions et le mésusage des métiers est trés onéreux,et douleur car on ne peut glisser qu'en deça de ses compétences
ou changer de métier comme dans cette idée: le bon doublé de la conviction subite qu'un militaire peut être éducateur avec la partie psy qu'on devine
et le bon métier dévoyé en faisant marcher au pas de 6h30 à 22h30 en disant bonjour, au revoir, merci sans autre but que de transformer l'ombrageux délinquant en angelot
pour quel projet de vie? si l'euréka se fait l'institution a t elle les moyens de transformer l'idée par du concret? auquel cas une usine à gaz se profile
qu'on me dise également la manière avec laquelle on redéploie les moyens judiciaires vaquant...de la mobilité des fonctionnaires...oui, OK
au bout du compte la pénitentiaire va être au volant de ceux qu'on ne va pas tarder à estampiller irrécupérables...à oublier
dans ce vaste projet immobilier carcéral en cours depuis 2010 il y a la place pour intégrer l'entièreté de la mission pénitentiaires avec résultats attendus
le concept Botton est pharaonique en investissement béton et logistique mais le projet de vie du détenu tient la route ô combien...alors que viennent faire les militaires la dedans
et Botton n'invente rien, il décline ce qui devrait couler de source
vous voyez, pas la peine d'insulter les militaires en philosophant, suffit de lire ce qu'un gradé a à dire sur ce qu'il connaît
RépondreSupprimerY a un truc qui m'a toujours énervé quand j'étais en service, c'est cette propension qu'ont les politiques à prendre les militaires pour des larbins. L'armée sait faire, l'armée fera ! Et l'armée se démerdait. Attitude facile : ils n'ont pas le droit de grève, pas de syndicats, un droit d'expression limité... et des chefs pas toujours à la hauteur et même parfois serviles. Mais les choses changent, hélas pas forcément pour des raisons nobles.Des choses sur lesquelles je ne veux pas m'étendre aujourd'hui mais qui ont pour toile de fond un espèce de banalisation du métier militaire.
RépondreSupprimerle musclor de la république,réussite low coast attendue là où d'autres institutions échouent
RépondreSupprimerfamille, ecole, police, pénitentiaire, sécurité civile
le low coast étant à chiffrer
de la part du peuple c'est du respect de la part de la république c'est plus flou
Puis-je ? Oserai-je ?
RépondreSupprimerD'abord : Expat, je ne suis pour rien dans le caviardage de vos coms sur mon blog. Croyez-le ou ne le croyez pas, c'est cependant vrai.
Ce n'est pas sur le fond de votre post au sujet de l'encadrement des primo-délinquants que j'interviens, mais juste suite à un échange que vous avez eu avec Cimabue.
Simplement, au sujet de "l'utilisation" de l'armée (plus exactement "de la troupe") par la République, je repense à mon grand-père (chef de bataillon tué en Artois au printemps 1915) qui dût intervenir pour "briser" une grève avec manifs en Lorraine ou plutôt dans le nord. Mise de la troupe aux ordres du préfet... "chargez, s'il le faut tirs de sommation, et... s'il le faut... tirez !"
Mon grand-père (fils de 4 étoiles, aîné d'une fratrie d'officiers) réussit à palabrer et obtint le retour au calme. Vis à vis des travailleurs il a été un briseur de grève, vis à vis des milieux humanistes il a évité une effusion de sang, et vis à vis des Autorités... arrêts de rigueur (avec les félicitations orales).
Un de mes petits cousins, donc petit neveu de mon grand-père, chef d'un peloton de chars en Tunisie lors des dernières manifs antifrançaises d'avant l'indépendance, posté un vendredi de grande prière devant une des mosquées "saintes" (j'ai oublié laquelle) devait intervenir en cas de besoin. Les manifestants constatant que les engins ne tiraient pas ont commencé à les escalader. Demande d'instructions "manœuvrez vos blindés" "Oui mais je vais en écraser..." "exécutez les ordres". Ce qu'il ne fit pas. Brillant saumurien de l'armée d'Afrique (fils d'un lieutenant-colonel d'un régiment de Chasseurs d'Afrique Rhin-Danube qui plus est ancien capitaine de l'équipe de France militaire de polo avant guerre), il fut mis aux arrêts de rigueur. Quelque temps plus tard, il quitta l'armée sur un désaccord personnel.
Bonjour Bruno,
RépondreSupprimerje ne souhaite pas revenir sur notre différend. Vous avez votre position et moi la mienne et je doute que nous en changions désormais. Mais sachez que je ne pense pas que vous soyez à l'origine de la censure totale que je subis désormais sur les blogs de l'obs.
Au demeurant je reste étonné de la présence sur votre de propos normalement sanctionnés par la loi qui sont outrageants pour l'institution. Non pas que je vous reproche ne ne pas les censurer, puisque à la limite ce genre de propos a des effets complètement inverses à ceux qu'ils veulent produire du fait de leur caractère outrancier, mais parce que là vous prenez un risque bien plus important que celui que vous pourriez encourir avec mes propos. Idem pour la modération qui pense sans doute que les temps vont changer et qu'il sera de bon ton de salir les vieilles institutions. Je laisse ces gens à leurs illusions.
En ce qui concerne votre témoignage je le trouve particulièrement intéressant, surtout par le fait qu'il marque une rupture très nette surtout en ce qui concerne l'usage des forces armées entre deux époques (je parlais de la rupture de l'Algérie dans mon billet) et amène à des question éthiques que ne manquent pas de se poser les officiers, même si certains les qualifient impunément de tueurs.
L'armée (hors gendarmerie bien sûr mais les récentes réformes concernant cette dernière ont au moins le mérite de clarifier les choses) sur le territoire n'intervient plus pour le maintein de l'ordre. A l'étranger elle a pu le faire parfois, encore récemment au Kosovo, mais surtout en tant que force d'interposition entre deux communautés et en prenant de grands risques justement de par cette volonté de ne pas à avoir à faire usage de ses armes.
Par ailleurs, quasiment tous les officiers que j'ai connu et avec lesquels j'ai pu m'entretenir du sujet, et il y en a quand même un certain nombre, répugnent à l'idée d'être employés en tant que forces de maintien de l'ordre. Parce qu'on ne sait pas faire, mais c'est une raison mineure, parce que ce n'est pas notre vocation de faire de la police, c'est la raison principale.Mais là-dessus je pourrais largement développer d'une manière disons philosophique
Votre grand-père et votre cousin s’inscrivaient donc dans une démarche qui est devenue désormais une norme de pensée chez les militaires. Je n'exclue pas qu'il puisse exister quelques fadas bien entendu, mais répartis à l'extrémité de la courbe de Gauss mesurant cela.
à suivre car trop long
suite
RépondreSupprimerSur le sujet éthique, il faut quand même savoir, vous pourrez éventuellement le glisser à O., que ce thème est désormais largement exploré par les dernières générations d'officiers et sous-officiers dans les écoles de formation. mais au-delà de cet aspect formel, c'est tout de même une chose à laquelle nous réfléchissons régulièrement. Merde je parle encore a présent. Les derniers conflits, Algérie mais aussi seconde guerre mondiale, ont amené une remise en cause.Ainsiu que d'autres conflits plus récents comme l'ex-Yougo par exemple. Pas en rapport uniquement avec ce que des militaires français ont pu faire mais en rapport avec ce que des militaires d'une armée régulière, quel que soit de drapeau servi, ont pu accomplir comme actes criminels, disons-le. Et bien entendu cette réflexion dépasse le simple cadre de la loi et des règlements et conventions internationales. Les Allemands étaient sans doute bien plus avancés que nous puisqu'il avaient inventé pour la Bundeswehr le concept d'innere Führung (littéralement conduite intérieure) auquel ils ont même consacré une école ou un institut au sein duquel j'ai participé, quand j’étais lieutenant car germaniste, donc il y a bien longtemps, à un stage réunissant des officiers européens. Fort intéressant. Mais lourd. Pas le stage, mais le concept lui-même qui amenait à se poser des questions sur absolument tout, même le fait de savoir s'il fallait accepter d'aller acheter un paquet de clopes à un supérieur qui en aurait fait la requête, même poliment. De fait j'ai estimé qu'on était là dans une démarche excessive qui plaçait sur le même plan l'abus d'autorité banal (va m'acheter un paquet de clopes) avec le crime de guerre.
Je oense honnêtement qu'on a trouvé désormais en France des moyens de réfléchir et une assez grande sensibilisation pour éviter ua maximum des excès ou des crimes de guerre. Avec en plus une surveillance mutuelle. je suppose que vous vous souvenez de cette affaire (Firmin je crois) de ce bandit blessé et dont la mise à mort avait été anticipée en Côte d'Ivoire. Elle a été révélée par des militaires eux-mêmes à qui de droit. Difficilement pensable il y a quelques dizaines d'années.
Voilà mes réflexions après vos propos.
Puisque vous me parlez d'O... qui semble être quelqu'un d'idéaliste (pas vraiment de gauche m'a-t-il une fois précisé), accroché à ses vérités, il se trouve que ce soir (euh... ce matin, il est ici 01H06...), rentrant chez moi et faisant un tour de blogo avant d'aller rejoindre un roman et la couette (chambre à part pour nous les vieux), je découvre un commentaire de lui, un peu paternaliste (se voulant sympa, quoi) et totalement à côté de la plaque, je lui ai répondu ceci :
RépondreSupprimerRetrouvez les témoignages de Raymond Cloarec dans ce blog. Vous verrez que ceux qui ont manœuvré - dans l'enchaînement de la guerre, hélas, ils n'ont souvent pas eu le choix- savent qu'ils ont tué, ont vu mourir des potes, et étaient en droit de penser que l'honneur était de leur côté. Et qu'il leur a fallu des années pour revenir dessus, se dire que ce n'était peut-être pas si honorable que cela, à part que leur devoir était de faire de telle sorte que leurs copains ne soient pas mis en danger par l'hésitation d'un cas de conscience ; ou pour "enterrer" tout cela, ne pas en parler, mourir un jour sans même avoir parlé de cela à leurs enfants.
Surtout, Opéricien, évitez de juger sans détenir les tenants et aboutissants.
Là, Opéricien, je ne parle pas d'idées, d'idéologie, ni réagis sur lectures. Retrouvez quelque part sur ce blog un échange que j'ai eu avec Olivier (notre blogueur physicien de haute volée) : nous avons découvert que nous avons présenté les armes ensemble en février 1960, sur le tarmac de Blida, devant trois cercueils couverts du drapeau tricolore, avant chargement dans un Nord 2501 (Noratlas). Trois gus... égorgés.
Écrit par : caquedrole | 16.09.2011