Quand j'ai lu cette formule proposée par JF Copé, cette formule suggérant que les jeunes Français de souche ou ceux appelés à le devenir fassent un serment d'allégeance aux armes de la France, je me suis dit que quelque chose ne tournait pas vraiment rond à l'UMP et dans la tête de son président.
Il y avait deux principales raisons concrètes à cela. D'une part comment demander à de jeunes Français de prêter un serment que l'on ne demande même pas aux militaires; certains répondront peut-être que le fait de s'engager est la forme implicite du même serment, et là ils risqueraient d'être parfois déçus. D'autre part comment expliquer cette démarche alors que désormais tellement peu de Français ont un contact effectif avec l'armée ; certains pourront même ajouter qu'il est paradoxal de voir ceux-là même qui ont supprimé, mis en sommeil pardon, le service national, exiger ce type de serment. A ceux-là je répondrai simplement que cette fin du service national était programmée avec la décision de Mitterrand, conjuguée avec la chute du communisme à l'Est, de ne pas envoyer le contingent lors de la première guerre du Golfe et qu'il est quelque peu stupide d'imputer cette mesure à celui qui l'a prise.
Et puis j'ai réfréné mes sentiments et tenté d'aller voir d'où était sortie cette formule, aidé en cela par ma voisine de blog Cimabue. Bien évidemment ce sont encore des formules abruptes sorties d'un cadre plus général, en fait ici la convention "Défense" de l'UMP où d'ailleurs la formule n'a pas été prononcé telle quelle. La formule qui fait débat est juste une mauvaise synthèse de deux propositions énoncées dans une même phrase. Ce qui a été dit c'est que les jeunes Français et ceux qui le devenaient devraient prêter serment de loyauté à la France, et que cette loyauté revêtait évidemment aussi une dimension militaire. Je dois dire que formulé ainsi ça me va quand même beaucoup mieux, même si mon enthousiasme se révélera tout de même inversement proportionnel au caractère incantatoire du propos. Ce qui est tout de même assez attristant, mais évidemment pas étonnant de la part des journalistes dans leur majorité, c'est que d'une convention de 3 heures avec intervenants multiples dont certains étrangers, où on parlait d'industrie d'armement (laquelle constitue tout de même une part non négligeable de nos exportations assez mal en point par ailleurs), d'OTAN, de défense européenne, de budgets…. Ne reste donc du débat que l'allégeance aux armes de la France, même si les termes énoncés furent différents. Quel professionnalisme!!! Mais puisque on n'a retenu que ça, concentrons-nous sur ça.
En fait ce qui est sous-jacent au propos, puisque nous sommes bien évidemment dans un contexte politique, électoral de surcroit, c'est l'identité nationale devenue une valeur de droite depuis que la gauche à refusé de débattre à son sujet, et la défense nationale que la droite estime menacée si la gauche arrive au pouvoir. Et là évidemment on se trouve dans une autre dimension que celle qui relève des débats actuels relatifs à la primaire socialiste, élargie j'oubliais. Où le thème de l'identité nationale ne me semble pas abordé, et où la politique de défense semble bien moins importante que la conduite à tenir devant les fumeurs de chichon. Je crois même que ce thème n'a pas du tout été tout évoqué lors du dernier débat télévisé confrontant les 6 candidats, mais je ne l'ai pas regardé donc je me trompe peut-être. A moins que l'encadrement des délinquants par les militaires constitue une politique de défense.
Revenons donc brièvement sur les deux thèmes.
On se souvient du débat avorté sur l'identité nationale remplacé par le débat sur l'opportunité de débattre au sujet de l'identité nationale. Je pense que ce fut une grave erreur de la part de la gauche, qui non seulement se rend suspecte de snober nos valeurs, mais laisse supposer son incapacité à les défendre face à certaines menaces quand elle ne se rend pas complice de favoriser ces dernières. Les attaques justifiées contre une Martine Aubry dérogeant aux règles de la laïcité en créant des horaires halal de piscine en sont une illustration. Ce fut aussi je pense une erreur politique, parce que je pense, j'espère, que la majorité des Français attache encore une importance à une identité nationale, même si le concept demeure flou, d'autant plus flou qu'il semble impossible d'en débattre sans évoquer Vichy ou autres horreurs de l'histoire. J'essaie de voir une preuve de cet attachement à la France ou l'identité française dans les résultats de ce sondage Ifop pour France Soir qui révèle que les Français sont favorables à 62 % à "la création d'un serment d'allégeance aux armes" (47% pour les sympathisants de gauche, ce qui n'est tout de même pas négligeable). Evidemment il ne faut se montrer réservé vis-à-vis des sondages, mais enfin… Bon ça fait peut-être tendance FN que de parler d'identité nationale, mais quand la majorité des Français semble être interpelée par le concept, peut-être cela mérite-t-il davantage que des cris d'orfraie stigmatisant la stigmatisation. Et cela éviterait peut-être certains dérapages, car le débat même boycotté existe et continuera à exister d'autant plus, nonobstant le fait que certains en font leur gagne-pain, qu'il faudrait être aveugle et sourd pour ne pas voir certaines évidences comme la modification des structures démographiques de la France d'un point de vue ethnique et des influences fortes sur la culture française, parfois franchement attaquée.
D'un autre côté l'idée de promouvoir l'idée d'un serment de loyauté envers la France me parait saugrenue dans le contexte actuel. Tout d'abord parce qu'un serment pour beaucoup d'individus n'est qu'une suite de mots quand l'honneur et la fidélité à la parole donnée sont absents. Par ailleurs ce type de serment n'a, à mes yeux, un véritable sens que s'il est l'aboutissement d'un long processus conférant aux individus une certaine conscience, et même fierté nationale. Or, il suffit de se pencher sur par exemple le contenu des programmes d'histoire, ainsi que je l'ai fait dans un billet précédent, pour se rendre compte qu'à la fierté nationale on tente, avec un certain succès, de substituer les notions de culpabilité et de repentance. Et là la majorité actuelle porte une évidente responsabilité, même si elle la partage avec la gauche.
S'agissant de la défense, il est clair que ça ne semble pas être la priorité de la gauche. Chez les écolos particulièrement, ainsi que l'indique la sortie d'Eva Joly à l'occasion du 14 juillet, l'armée semble avoir un caractère répulsif. Or sans les écolos pas de gouvernement de gauche. Du côté socialiste, il ne me semble pas, je l'ai déjà dit, que ce terme ait été abordé par les candidats à la primaire. Ça ne figure pas non plus dans le programme. Tout au plus avons-nous une certaine idée de ce que ça peut représenter pour eux en écoutant Martine Aubry réagissant à ce fameux serment d'allégeance aux armes de la France. Celle-ci estimant que le budget de la Défense n'avait "jamais été dans une aussi mauvaise situation en France aujourd'hui", a assuré que si elle était élue présidente de la République, elle ne procèderait pas à des coupes budgétaires dans ce domaine. "Je ne coupe pas mais je n'augmente pas". Ce qui est faire preuve d'une grande sollicitude envers les armées qui n'auront donc pas moins, mais surtout pas plus alors que leur situation est jugée désastreuse. Mais sans doute a-t-elle d'autres soucis en tête, notamment la dépénalisation du canabis. L'outil de défense et à travers lui la puissance diplomatique de la France sont évidemment des détails à côté de cela. Mais au moins on ne lui reprochera pas un manque de clairvoyance sur le diagnostic émis. Avec 1,65% du PIB consacré à la défense actuellement, ce qui constitue tout de même une progression depuis 2008 (1,56), on ne peut pas parler de priorité accordée à la défense, même si on fait mieux que les Allemands (1,14) mais qui ne disposent pas du nucléaire donc consacrent davantage en volume que la France au conventionnel, mais nettement moins bien que les Britanniques avec leurs 2,4. De fait dans l'ensemble l'Europe croyant sans doute que la force de ses vertus et de ses valeurs en plein déclin et menacées suffira à la faire rayonner et à empêcher qu'on l'agresse, délaisse son outil de défense qu'elle n'est pas parvenu et ne parviendra jamais à rendre commun. Vivent donc l'OTAN et les Américains!
De fait, les états-majors ont toutes les raisons de se méfier de la gauche. Les militaires qui ont connu les gouvernements de gauche se souviennent qu'à chaque fois le budget militaire a servi de variable d'ajustement, et souvent dans des proportions énormes. Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler que le gouvernement Jospin en période tout de même prospère, et alors qu'on était en plein processus de professionnalisation, a amputé le budget prévu par la loi de programmation 1997-2002 de 20%, donc d'une annuité. Donc au lieu de se mettre à aimer les militaires seulement quand ils se font trouer la peau en Afghanistan parce qu'ils leur servent d'alibi pour attaquer Sarkozy sur l'intervention (votée par eux) dans ce pays, les socialistes devraient se demander combien on peut leur imputer de morts du fait d'un matériel non renouvelé ou n'ayant pu subir les modifications demandées par les armées à cause des contraintes budgétaires imposées par eux. Enfin cela pour dire que même si la droite n'est pas prompte à faire des cadeaux aux armées, les états-majors s'en méfient un peu moins, mais juste un peu moins quand même, que des socialistes surtout quand ils sont alliés aux verts. Pour mémoire, et pour montrer que la sortie d'E. Joly n'était pas un dérapage individuel, voilà ce que déclarait la ministre Voynet en 1997 à l'issue du défilé du 14 juillet : "Ministre ou pas ministre, les militaires, il faut les fréquenter pour ne pas oublier à quel point ils sont cons". Voyez, on a la mémoire longue chez les militaires.
Heureusement que les journalistes n'ont retenu du colloque de l'UMP sur la défense que ce serment d'allégeance aux armes de la France, même si les propos ont été quelque peu modifiés. Ça évite de parler de choses qui fâchent et surtout de sujets de fond.
puis je compter sur un pays en ordre centré sur la raison d'Etat en cas de problème majeur, d'obligation guerrière?
RépondreSupprimeret contre qui croyez vous qu'on puisse prendre armes si ce n'est contre un pays musulman en faisant souffrir un autre....chose vue
et avec qui croyez vous que nous puissions faire alliance si ce n'est avec des pays démocrates?
c'est du Coppé plein pot qui a tendance à croire que les méchants sont d'un côté, les gentils de l'autre....comme tout le monde
c'est du Coppé qui en fait ne croie à rien sauf aux emmerdements futurs probables, ou juste craints, où sur la France engagée aurait dissidence (Résistance?) beaucoup moins gérable que l'on ne croit
à vous lire je met de la cohérence dans ses propos: se défendre avec quoi et avec quelle légitimité
il faut du matos , on a peu, des militaires, on les a et un socle citoyen porteur.....là!
Ce que vous dites pose un problème majeur de défense.
RépondreSupprimerContre qui devrons-nous nous battre? Il y a des gens qui moulinent là-dessus en permanence pour mettre en cohérence nos armements avec l'ennemi probable. Et là on est dans un horizon de 20, 30 ans et plus. Parfois on se viande. On devait au départ remplacer nos 1300 AMX30 par autant de Leclerc, on s'est arrêté à 400, à cause des communistes qui nous ont fait faux bond à l'est, et c'est peut-être encore trop dans la conjoncture actuelle. C'est surtout vrai pour l'armée de terre ce besoin capacitaire à définir à moyen et long terme.
Alors peut-être que les conflits actuels sont les bienvenus. Contre les musulmans, en coalition, les moyens terrestres peuvent rester limités. Donc pas besoin de dépenser trop. D'autres éventualités révéleraient par contre des carences majeures. Comme la guerre du Golfe avait révélé de lourdes carences en organisation due à une armée de conscription difficilement projetable, en fait une armée essentiellement taillée pour un front est. Le risque est d'être quand même toujours en retard d'une guerre.
Hi Vlad,
RépondreSupprimerJe ne comprend pas tres bien, cette "allégeance aux armes de la France" est un serment qui serait pris par tout le monde en fonction des evenements, comme notre "Pledge of allegiance," ou bien ce ne serait recite que lors de la prise de la nationalite francaise?
O.
Hi Osceola,
RépondreSupprimersi j'ai bien compris c'est un serment qui serait prononcé par les jeunes Français lors de la journée d'appel à la défense (quand je parle de journée, il s'agit de multiples journées réparties dans le temps et géographiquement pour accueillir les jeunes Français. Dans la caserne où j'étais avant mon départ il y en avait quasiment tous les jours, samedi inclus). Cette journée obligatoire pour tous permet outre de faire un bilan physique et intellectuel des jeunes comporte aussi une sensibilisation à la défense du pays, défense à prendre au sens large et pas seulement militaire, et au devoir de mémoire.
Les naturalisés devraient également prêter serment au moment de l'acquisition de la nationalité.
En tout état de cause, je ne pense pas que ça se fera. Surtout pas sous la forme d'un serment d'allégeance aux armes du pays. Un serment de loyauté à la France, peut-être, mais je n'y crois pas trop. C'est le genre de chose qui devrait trop écorcher les oreilles d'une certaine bienpensance.