"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

dimanche 29 septembre 2013

Spectacle politique





Il ne se passe guère une semaine, et là j'euphémise très certainement, sans qu'un de nos hommes politiques (hommes se rapportant ici et si ce terme devait être à nouveau employé au genre humain – en attendant qu'un esprit progressiste, féministe mais aussi partisan de la théorie du genre trouve mieux) donc il ne se passe guère une semaine sans qu'un de nos brillants politiciens sorte une phrase qui ne manquera pas de choquer une bonne partie de ses collègues, au sens de gens faisant le même métier, même dans son propre camp, qui donnera du grain à moudre aux éditorialistes divers et variés de la presse écrite et radiophonique, et qui permettra à la bienpensance de nous rappeler les limites à ne pas transgresser.
C'est à croire qu'ils se sont donné le mot, se sont arrangés entre eux, créant un tableau de service à notre regard dérobé.

Bien sûr tout cela est calculé. La volonté de choquer ceux qui ne demandent qu'à l'être est évidemment présente lorsque l'homme politique qui occupera les esprits en attendant la relève prononce ces quelques mots qui vont permettre à d'autres de se livrer aux séquences émotion et indignation qu'ils adorent, qui vont donc leur permettre en fait d'exister aussi. Car tout est là. Celui qui va son petit bonhomme de chemin, celui qui se contente de propos bien policés, en phase avec les normes d'une bienpensance qui ne demande qu'à être transgressée, celui-là est condamné à disparaitre rapidement des radars et à voir ses ambitions réduites à néant. La transgression, pour sa part, est autrement payante. Sarkozy fut sans doute, sinon le premier à le comprendre, le vieux Jean-Marie étant le maitre incontesté en la matière, celui qui en usa et en abusa pour s'assurer une confortable élection en 2007. Mais sa concurrente n'était elle-même pas en reste, elle qui par exemple voulait accrocher des drapeaux tricolores, français devrais-je préciser, la fête de la Bastille en mai 2012 pouvant semer le doute, partout aux fenêtres (j'imagine la joie dans les rangs de la gauche!). Je reviendrai sur le cas de Sarkozy car son parcours est un cas d'école qui devrait quand même faire méditer ceux qui deviennent des accrocs à cette technique, comme par exemple son successeur actuel place Beauvau.
Mais ça marche, au moins dans un premier temps, tellement bien que la méthode connait un véritable succès depuis quelques années. Même les crapauds de la politique comme Harlem Désir commencent à s'y mettre. Faut dire que ce n'est pas sur son action qui peut l'aider à ne pas sombrer dans le néant. Je ne vais pas vous faire l'inventaire de toutes les petites phrases venant d'hommes politiques autant de gauche que de droite. De Mélenchon à Le Pen père et fille, la tentation en a saisi beaucoup de faire parler d'eux en utilisant le procédé. Le risque étant que sa banalisation finisse par atténuer voir annihiler les effets escomptés.
Et donc du coup certains, d'ailleurs souvent ceux qui ont les plus grosses ambitions, et même l'ambition suprême, sont tentés d'aller encore plus loin. Quitte à importer la polémique dans son propre camp.

Evidemment je pense à nos amis Fillon et Valls qui se sont surpassés ces dernières semaines. Je n'entrerai pas dans le détail de leurs propos, une simple évocation suffisant à m'amener là où je veux en venir.
Le premier heurte à gauche bien évidemment et aussi à droite, en déclarant qu'il ne s'agissait pas de choisir au cas où l'UMP serait éliminée dès le premier tout d'une élection quelconque entre le PS et le FN, mais de reporter sa voix sur le candidat le moins sectaire. Tant pis pour ceux que ça a choqués, mais en réalité Fillon se met au diapason d'une majorité de l'électorat de droite qui n'en n'a que faire de consignes de votes respectées par personne, et qui voit d'un œil plutôt bienveillant des alliances ponctuelles avec le FN. Sans doute plus éclairés que les dirigeants de droite ils ont compris que le PS était assuré de conserver des mairies, des départements ou des régions où il état minoritaire grâce à des triangulaires assassines. Ça dure depuis 30 ans mais la droite, du moins ses dirigeants semblent aimer ça. Mais les électeurs non, du moins depuis peu puisque certaines thématiques du FN, celles dont il est ordinairement interdit de parler sans précaution, sans langue de bois, ou sans travestir la vérité, constituent quelques unes de leurs préoccupations majeures. Inutile de les nommer. On comprend bien l'émotion du PS qui risque de voir cette vieille stratégie élaborée par Mitterrand finir enfin par se retourner contre lui. Et on comprend aussi ceux à droite qui depuis belle lurette pensent à gauche quand il s'agit de certains sujets. Fillon, aux ambitions présidentielles assez récentes quand même, enfin peut-être pas récentes mais ayant gagné en réalisme, faute d'un vrai leader à droite, a juste compris qu'il lui fallait changer de cap s'il voulait espérer l'emporter en 2017, car l'élection se gagnera immanquablement sur la droite.
Et c'est ce que semble vouloir confirmer le second personnage au sujet duquel je voulais m'exprimer qui de son côté n'hésite pas à choquer davantage à gauche qu'à droite. Là encore inutile d'aller au fond de ses propos quand il s'exprime sur les Roms. Il est sûr de rencontrer l'adhésion d'une majorité de Français. Faut dire que là il n'a pas lésiné le Manu. Le fameux discours de Grenoble dans sa partie consacrée aux Roms relève à côté de la comptine pour enfants. Et en plus, exceptionnellement, contrairement à ce qu'il avait fait en parlant de l'islam (pour mémoire incompatible avec la démocratie et nécessitant une maitrise plus forte de l'immigration afin que nos modes de vie ne soient pas menacés), il n'est pas revenu sur ses propos. Peut-être aussi un petit calcul électoral derrière ces revirements, si on se réfère au votre communautaire musulman.

Ce qui est intéressant, c'est bien cela. Si on veut désormais choquer et indigner utile, il faut en fait se conformer à la réalité ou exprimer une vérité. Car effectivement une partie sans doute majoritaire de l'électorat de droite n'est pas contre des accords avec le FN, et les Roms dans leur majorité ne souhaitent pas s'intégrer et constituent une gêne, euphémisons encore, pour ceux qui ont la malchance d'avoir à les côtoyer.
Et donc à condition d'admettre ça, je sais que certains n'y sont pas prêts, on pourrait dire qu'une bonne partie des Français, souvent les mêmes dans les deux cas précités, ce qui me conforte dans cette idée que la prochain élection présidentielle se gagnera sur la droite, devrait être choquée ou indignée par ceux qui poussent des cris d'orfraie après les propos de l'un ou de l'autre de nos protagonistes et qui démontre que notre système démocratique a quelque chose de vicié, pris en otage par des gens qui pourraient avoir comme devise "nous savons bien mieux que vous ce qui est bon pour vous".
Peut-être que ce discours serait audible si ceux-là qui savent ce qui est bon pour nous pouvaient exhiber des brevets de vertu. Sauf qu'on n'aura du mal à trouver sans doute une autre profession, car c'en est une désormais, où on rencontre autant de gens ayant eu affaire avec la justice. Même le parti de la vertu, celui qui nous dirige en ce moment est dirigé par un ancien condamné pour emploi fictif. Son challenger à la tête du parti, pas avare lui non plus en commentaires acides, avait lui été condamné deux fois pour abus de bien sociaux. Ne croyez pas que c'est par un sursaut de pudeur c'est le premier qui a été choisi, car de cela ils s'en moquent. Le profil médiocre était juste plus marqué et ça convenait bien à tout le monde, surtout au président. Eh oui les choqués et indignés  professionnels que sont nos hommes politiques par parfois et même souvent leur passé judiciaire, par leurs comportements (absentéisme, cumuls, clientélisme, dépenses…) devraient être ceux qui nous choquent les premiers. Ils y arrivent parfois. Mais surtout par leur manque de crédibilité, ils ne parviennent surtout plus à nous indiquer un chemin balisé par des valeurs auxquelles nous pourrons croire puisqu'eux-mêmes ne les respectent pas. Alors quand quelqu'un s'avise de transgresser ces valeurs Potemkine pour dire au peuple que ce qu'il voit ou ressent est bien la réalité, il rencontre alors un franc succès que les cris d'indignation des autres ont toutes les chances de renforcer, donnant en quelque sorte du crédit aux propos tenus par lui.

Je terminerai, de façon presque anecdotique en montrant quand même les dangers de ces propos "hors norme bienpensante". J'ai évoqué plus haut notre ancien président, adepte de ces propos destinés à choquer les bienpensants et à plaire au peuple. Au passage de tels propos sont qualifiés par les indignés de populisme, terme qui devrait discréditer définitivement celui qui les tient ainsi, au passage, que la vérité parfois.
Les propos marqués, comme "je passerai le Kärcher" ou "je vous débarrasserai de cette racaille" peuvent être plaisants aux oreilles de celles et ceux qui n'en peuvent plus. Mais ne pas le faire ensuite quand on a été élu pour cela implique de fortes chances de ne pas pouvoir renouveler la même tactique avec succès. En l'occurrence ici le succès avait été de siphonner à grande échelle les voix du FN au point de mettre celui-ci au bord de la faillite. Mais sans réel passage de Kärcher et sans éradication de la racaille, ce dernier a retrouvé sa prospérité perdue et même davantage depuis que les socialistes sont de retour. Rien ne remplacera jamais les actes, en effet.

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