"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mardi 24 septembre 2013

Stigmatisation





Chaque jour qui passe nous apprend à réviser notre logiciel verbal, à éliminer de notre vocabulaire certains termes. Chaque jour qui passe nous invite à éviter de formuler certaines pensées devenues nauséabondes ou stigmatisantes. C'est, à en croire certains,  le prix à payer pour avancer dans la voie du progrès, pour qu'advienne enfin cette ère tant attendue du vivre- ensemble.

Certains objecteront qu'il fut une époque où le vivre-ensemble avait un autre nom. On appelait ça, dans les temps barbares, n'en doutons pas, l'assimilation. Ça voulait dire, je parle pour les plus jeunes qui n'ont pas connu cette époque, ou qui n'ont pas parmi leurs ascendants quelqu'un venu d'ailleurs ayant à la fois bénéficié et subi, car nul ne dit que c'était facile, de ce processus qui parvenait en une ou deux générations à faire de gens de souche étrangère de vrais Français, vrais dans le sens où pour eux une carte d'identité n'était pas qu'un bout de papier mais signifiait l'appartenance à la communauté nationale. Ma grand-mère l'a attendu pendant 20 ans cette pièce d'identité.
Désormais on est moins regardant. Que voulez-vous? Démographie, paiement des retraites, et surtout un sens inégalé de l'accueil ont obligé à revoir ce processus. Du coup on a inversé les choses. C'est la carte qui doit rendre français et pas l'inverse. Et ça marche, comme chaque jour nous le démontre. N'est-ce pas?

Je crois que je suis en train de m'écarter de mon sujet, quoique…

Revenons donc à ces propos ou attitudes stigmatisantes si nuisibles au vivre-ensemble dans la mesure où, et en général, selon certains esprits encore mal imprégnés de l'idée de progrès, ils constituent la réaction au constat que le vivre-ensemble, c'est un truc d'autant plus bidon qu'on en parle à répétition. Eh oui il existe des gens encore assez pervers pour penser que les politiques d'intégration, ne parlons plus de l'assimilation qui ampute sauvagement de leurs cultures et particularismes ses victimes qui ont quand même le droit de vivre comme elles vivaient chez elles – à croire qu'elles sont venues là pour les bienfaits du climat seulement - , donc il existe des gens mal-pensants qui disent que tout va de plus en plus mal, que le communautarisme est devenu la règle et qui refusent de s'adapter, de se plier à d'autres usages faisant parti de ce patrimoine culturel  dont ils ont hérité ou qu'ils ont accepté comme un cadeau alors qu'ils venaient d'ailleurs. Que ceux-là, tous ceux-là, même s'ils constituent encore une majorité, se taisent. Et fassent semblant de s'émerveiller de l'avenir qu'on leur prépare selon un processus imparable. Encor deux ou trois générations, peut-être moins et on aura maté les résistances.
Pour cela on s'est attaqué à la famille. Les enfants d'ici quelques temps quand la PMA, la GPA, les échanges sur e-bay, et autres joyeusetés seront devenus d'une telle banalité qu'on se demandera comment des gens ont pu penser que leurs enfants étaient à eux. N'y a-t-il pas une sénatrice qui a dit que les enfants appartenaient à l'Etat? Notre ministre de l'éducation nationale (fini désormais avec le "e" majuscule) n'a-t-il pas dit que l'école était là, je n'ai pas la formule exacte, pour libérer les enfants des pesanteurs familiales et les ouvrir à un autre monde? Tout ça a été dit. Et ça fait peur. Enfin à moi. Bientôt donc plus de parents, juste des pourvoyeurs en fringues, bouffe, jeux vidéos,…. Et plus de sexes non plus. Plus de filles, plus de garçons. Des genres pouvant se modifier avec le temps selon les pulsions du moment.
Pour cela on s'est aussi attaqué à l'histoire. Celle qui s'enseigne en en diminuant le temps d'enseignement et en  en expurgeant par exemple ceux qui pourraient être considérés comme ces gens qui ont façonné la France, et donc en mettant à la casse ce qui figurait de roman national. L'histoire du Monomotapa et de la civilisation musulmane et bien plus formatrice.  Ça sent moins la France moisie qui ne sera plus bientôt qu'une simple entité administrative, sans âme, sans passé, sauf celui qu'on voudra bien préserver par son supposé caractère odieux. Là processus inverse: on se concentrera par exemple sur la traite atlantique en oubliant, pour ne pas stigmatiser sans doute, les traites musulmanes et intra-africaine, qui ont pourtant duré bien plus longtemps et concerné bien plus de personnes. Comment peut-on être encore professeur d'histoire actuellement, comment peut-on accepter d'être complice d'un tel massacre de la mémoire?

Voilà donc l'avenir qu'on nous propose, qu'on veut nous imposer: issus de personne, venant de nulle part, sans identité, même sexuelle, un jour pénétrant, le lendemain pénétré. Sauf que ça ne peux pas marcher. J'y reviendrai.

En attendant que ce monde radieux émerge, en attendant donc que disparaissent les dinosaures, il importe de limiter leur droit de parole. D'autant qu'ils sont nombreux.
Pour cela on a bien essayé la culpabilisation, la repentance et toutes ces prosternation face au Bien, le Bien étant ce qui n'est pas nous. Mais ça ne suffit pas. En fait ça ne fait que conforter ceux pour lesquels l'Occident s'est constitué sur la mal et qui doit payer pour cela, rembourser une dette imprescriptible, la dette de l'esclavage, de la colonisation, des croisades sans doute, de la bataille de Poitiers et du vase de Soissons. Les débiteurs ne manquent pas qu'il convient de satisfaire. Mais ça ne suffit pas.
Alors on a inventé l'arme de la stigmatisation. La stigmatisation est une arme redoutable. Puisqu'elle est à la fois destinée à vous empêcher de vous exprimer sur le réel, mais en plus transforme le réel. Ce que vous voyez n'est pas vrai et le dire est un crime. Crime contre la bien-pensance, et aussi parfois un délit pour la justice. Ne vous avisez pas de constater par exemple la surreprésentation de certaines populations dans les prisons. Non seulement vous aurez "dérapé", selon le terme à la mode, ce qui vous conduira à peut-être la mise à l'index, au moins elle sera réclamée parles esprits purs, mais vous aurez aussi lancé un appel à la haine raciale condamnable par la loi. Les associations qui vivent de ça ne vous louperont pas. Même si c'est la pure vérité.
Mais la réalité n'est plus la réalité, ne peut plus l'être car elle ne correspond pas au monde en transformation dont rêvent les prescripteurs du bien. Certes il y a des écarts, immanquablement, mais ils sont le fait d'une vraiment toute petite minorité qui en outre n'agit qu'en réaction aux stigmatisations dont souffre leur communauté. La boucle est bouclée. Vous énoncez une réalité, vous stigmatisez, et parce que vous stigmatisez vous provoquez la réalité que vous dénoncez mais qui n'est pas la vraie réalité. C'est un jeu auquel celui qui stigmatise, enfin celui qui le plus souvent ne fait que décrire ce qu'il voit, est toujours perdant, car coupable de dire. Les journalistes l'ont bien compris eux qui e, traitant des faits divers omettent les noms et prénoms dont la consonance en lien avec l'affaire traitée serait sans doute considérée comme stigmatisante, tandis que si vous êtes un sous-officier ayant projeté de tirer sur une mosquée, il ne manque plus guère que votre numéro de téléphone, néanmoins accessible par les pages blanches, dans les articles traitant de l'affaire.
 Voilà c'est comme ça, il y a ce qu'on peut dire et ce qu'on ne peut pas dire. Vous êtes ministre de l'intérieur et constatez publiquement que les Roms ne veulent pas dans leur majorité s'intégrer et que donc il leur faut retourner là d'où ils viennent, vous avez dérapé et faites l'objet de la ire de toute la bienpensance, jusqu'à sans doute que dans un esprit de conciliation, appelons ça ainsi, vous disiez que vos propos ont été mal interprétés , déformés ou mal compris. Quant à ce juge qui nous offre une lueur d'espoir, un simple feu follet, dans la justice en accusant en cours d'audience les Roms de piller la France, je ne donne pas cher de la suite de sa carrière.

En fait c'est simple. Pour ne pas avoir d'ennuis, pour être considéré comme compatible avec le monde qu'on nous propose et dans lequel certains n'auront pas leur place, car on en arrivera là, n'en doutons pas, il faut dire du bien des "autres" de tous les "autres" par essence meilleurs que nous car ils ont obligatoirement un jour été nos victimes. Et ne dire rien que du bien. Il faut surtout souhaiter qu'ils demeurent des "autres" et considérer toute tentative de les faire un peu ressembler à nous comme criminelle. Ainsi parler de tissu devient stigmatisant, de laïcité aussi, surtout dans les écoles où on se construit.
Les écarts faits par les "autres" sont forcément marginaux. Nous en sommes généralement la cause du fait de notre propension à stigmatiser, ce qui les énerve, ça se comprend. Et le reste, ceux auxquels il devient difficile de trouver une excuse, eh bien ce sont des marginaux qui n'ont rien, mais alors rien à voir avec leur communauté d'origine qui d'ailleurs les ignore, faute de les condamner. Pourquoi leur ferait-elle puisqu'ils s'en sont éloignés? CQFD

Mais le problème c'est que tout cela conduit à une impasse. Parce que ce mode auquel on voudrait nous amener n'adviendra jamais. Certes notre monde à nous, celui que des siècles et des siècles a forgé, est menacé, grandement menacé. Lâcheté, lassitude, intoxication, faiblesse, naïveté, bons sentiments, et un tas d'autres choses en sont sans doute responsable. J'allais oublier le sentiment d'impuissance car ceux qui veulent résister ne sont souvent pas organisés.
Mais d'autres qui ne sont pas atteints par ces maux, d'autres qui vivent parmi nous, en fait les stigmatisés, puisque aux yeux des esprits éclairés c'est comme cela qu'il faut les considérer, n'est-ce pas M. Askolovitch, ne veulent pas renoncer à leur identité. On les y encourage d'ailleurs, paradoxalement. Et ceux-là, les stigmatisés, ne manqueront pas de combler le vide qui est en train de se creuser.

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