Chaque jour qui passe nous apprend à réviser notre logiciel
verbal, à éliminer de notre vocabulaire certains termes. Chaque jour qui passe
nous invite à éviter de formuler certaines pensées devenues nauséabondes ou
stigmatisantes. C'est, à en croire certains, le prix à payer pour avancer dans la voie du progrès,
pour qu'advienne enfin cette ère tant attendue du vivre- ensemble.
Certains objecteront qu'il fut une époque où le
vivre-ensemble avait un autre nom. On appelait ça, dans les temps barbares,
n'en doutons pas, l'assimilation. Ça voulait dire, je parle pour les plus
jeunes qui n'ont pas connu cette époque, ou qui n'ont pas parmi leurs
ascendants quelqu'un venu d'ailleurs ayant à la fois bénéficié et subi, car nul
ne dit que c'était facile, de ce processus qui parvenait en une ou deux
générations à faire de gens de souche étrangère de vrais Français, vrais dans
le sens où pour eux une carte d'identité n'était pas qu'un bout de papier mais
signifiait l'appartenance à la communauté nationale. Ma grand-mère l'a attendu
pendant 20 ans cette pièce d'identité.
Désormais on est moins regardant. Que voulez-vous?
Démographie, paiement des retraites, et surtout un sens inégalé de l'accueil
ont obligé à revoir ce processus. Du coup on a inversé les choses. C'est la
carte qui doit rendre français et pas l'inverse. Et ça marche, comme chaque
jour nous le démontre. N'est-ce pas?
Je crois que je suis en train de m'écarter de mon sujet,
quoique…
Revenons donc à ces propos ou attitudes stigmatisantes si
nuisibles au vivre-ensemble dans la mesure où, et en général, selon certains
esprits encore mal imprégnés de l'idée de progrès, ils constituent la réaction
au constat que le vivre-ensemble, c'est un truc d'autant plus bidon qu'on en
parle à répétition. Eh oui il existe des gens encore assez pervers pour penser
que les politiques d'intégration, ne parlons plus de l'assimilation qui ampute
sauvagement de leurs cultures et particularismes ses victimes qui ont quand
même le droit de vivre comme elles vivaient chez elles – à croire qu'elles sont
venues là pour les bienfaits du climat seulement - , donc il existe des gens
mal-pensants qui disent que tout va de plus en plus mal, que le communautarisme
est devenu la règle et qui refusent de s'adapter, de se plier à d'autres usages
faisant parti de ce patrimoine culturel dont
ils ont hérité ou qu'ils ont accepté comme un cadeau alors qu'ils venaient
d'ailleurs. Que ceux-là, tous ceux-là, même s'ils constituent encore une
majorité, se taisent. Et fassent semblant de s'émerveiller de l'avenir qu'on
leur prépare selon un processus imparable. Encor deux ou trois générations,
peut-être moins et on aura maté les résistances.
Pour cela on s'est attaqué à la famille. Les enfants d'ici
quelques temps quand la PMA, la GPA, les échanges sur e-bay, et autres joyeusetés
seront devenus d'une telle banalité qu'on se demandera comment des gens ont pu
penser que leurs enfants étaient à eux. N'y a-t-il pas une sénatrice qui a dit
que les enfants appartenaient à l'Etat? Notre ministre de l'éducation nationale
(fini désormais avec le "e" majuscule) n'a-t-il pas dit que l'école
était là, je n'ai pas la formule exacte, pour libérer les enfants des
pesanteurs familiales et les ouvrir à un autre monde? Tout ça a été dit. Et ça
fait peur. Enfin à moi. Bientôt donc plus de parents, juste des pourvoyeurs en
fringues, bouffe, jeux vidéos,…. Et plus de sexes non plus. Plus de filles,
plus de garçons. Des genres pouvant se modifier avec le temps selon les
pulsions du moment.
Pour cela on s'est aussi attaqué à l'histoire. Celle qui s'enseigne
en en diminuant le temps d'enseignement et en en expurgeant par exemple ceux qui pourraient
être considérés comme ces gens qui ont façonné la France, et donc en mettant à
la casse ce qui figurait de roman national. L'histoire du Monomotapa et de la civilisation
musulmane et bien plus formatrice. Ça sent
moins la France moisie qui ne sera plus bientôt qu'une simple entité
administrative, sans âme, sans passé, sauf celui qu'on voudra bien préserver
par son supposé caractère odieux. Là processus inverse: on se concentrera par
exemple sur la traite atlantique en oubliant, pour ne pas stigmatiser sans
doute, les traites musulmanes et intra-africaine, qui ont pourtant duré bien
plus longtemps et concerné bien plus de personnes. Comment peut-on être encore
professeur d'histoire actuellement, comment peut-on accepter d'être complice
d'un tel massacre de la mémoire?
Voilà donc l'avenir qu'on nous propose, qu'on veut nous
imposer: issus de personne, venant de nulle part, sans identité, même sexuelle,
un jour pénétrant, le lendemain pénétré. Sauf que ça ne peux pas marcher. J'y
reviendrai.
En attendant que ce monde radieux émerge, en attendant donc
que disparaissent les dinosaures, il importe de limiter leur droit de parole.
D'autant qu'ils sont nombreux.
Pour cela on a bien essayé la culpabilisation, la repentance
et toutes ces prosternation face au Bien, le Bien étant ce qui n'est pas nous.
Mais ça ne suffit pas. En fait ça ne fait que conforter ceux pour lesquels
l'Occident s'est constitué sur la mal et qui doit payer pour cela, rembourser
une dette imprescriptible, la dette de l'esclavage, de la colonisation, des
croisades sans doute, de la bataille de Poitiers et du vase de Soissons. Les
débiteurs ne manquent pas qu'il convient de satisfaire. Mais ça ne suffit pas.
Alors on a inventé l'arme de la stigmatisation. La
stigmatisation est une arme redoutable. Puisqu'elle est à la fois destinée à
vous empêcher de vous exprimer sur le réel, mais en plus transforme le réel. Ce
que vous voyez n'est pas vrai et le dire est un crime. Crime contre la bien-pensance,
et aussi parfois un délit pour la justice. Ne vous avisez pas de constater par
exemple la surreprésentation de certaines populations dans les prisons. Non
seulement vous aurez "dérapé", selon le terme à la mode, ce qui vous
conduira à peut-être la mise à l'index, au moins elle sera réclamée parles
esprits purs, mais vous aurez aussi lancé un appel à la haine raciale
condamnable par la loi. Les associations qui vivent de ça ne vous louperont pas.
Même si c'est la pure vérité.
Mais la réalité n'est plus la réalité, ne peut plus l'être
car elle ne correspond pas au monde en transformation dont rêvent les
prescripteurs du bien. Certes il y a des écarts, immanquablement, mais ils sont
le fait d'une vraiment toute petite minorité qui en outre n'agit qu'en réaction
aux stigmatisations dont souffre leur communauté. La boucle est bouclée. Vous
énoncez une réalité, vous stigmatisez, et parce que vous stigmatisez vous
provoquez la réalité que vous dénoncez mais qui n'est pas la vraie réalité.
C'est un jeu auquel celui qui stigmatise, enfin celui qui le plus souvent ne
fait que décrire ce qu'il voit, est toujours perdant, car coupable de dire. Les
journalistes l'ont bien compris eux qui e, traitant des faits divers omettent
les noms et prénoms dont la consonance en lien avec l'affaire traitée serait
sans doute considérée comme stigmatisante, tandis que si vous êtes un
sous-officier ayant projeté de tirer sur une mosquée, il ne manque plus guère
que votre numéro de téléphone, néanmoins accessible par les pages blanches,
dans les articles traitant de l'affaire.
Voilà c'est comme ça,
il y a ce qu'on peut dire et ce qu'on ne peut pas dire. Vous êtes ministre de
l'intérieur et constatez publiquement que les Roms ne veulent pas dans leur
majorité s'intégrer et que donc il leur faut retourner là d'où ils viennent,
vous avez dérapé et faites l'objet de la ire de toute la bienpensance, jusqu'à
sans doute que dans un esprit de conciliation, appelons ça ainsi, vous disiez
que vos propos ont été mal interprétés , déformés ou mal compris. Quant à ce
juge qui nous offre une lueur d'espoir, un simple feu follet, dans la justice
en accusant en cours d'audience les Roms de piller la France, je ne donne pas
cher de la suite de sa carrière.
En fait c'est simple. Pour ne pas avoir d'ennuis, pour être considéré comme compatible avec
le monde qu'on nous propose et dans lequel certains n'auront pas leur place,
car on en arrivera là, n'en doutons pas, il faut dire du bien des
"autres" de tous les "autres" par essence meilleurs que
nous car ils ont obligatoirement un jour été nos victimes. Et ne dire rien que
du bien. Il faut surtout souhaiter qu'ils demeurent des "autres" et considérer
toute tentative de les faire un peu ressembler à nous comme criminelle. Ainsi
parler de tissu devient stigmatisant, de laïcité aussi, surtout dans les écoles
où on se construit.
Les écarts faits par les "autres" sont forcément
marginaux. Nous en sommes généralement la cause du fait de notre propension à
stigmatiser, ce qui les énerve, ça se comprend. Et le reste, ceux auxquels il
devient difficile de trouver une excuse, eh bien ce sont des marginaux qui
n'ont rien, mais alors rien à voir avec leur communauté d'origine qui
d'ailleurs les ignore, faute de les condamner. Pourquoi leur ferait-elle
puisqu'ils s'en sont éloignés? CQFD
Mais le problème c'est que tout cela conduit à une impasse.
Parce que ce mode auquel on voudrait nous amener n'adviendra jamais. Certes notre
monde à nous, celui que des siècles et des siècles a forgé, est menacé,
grandement menacé. Lâcheté, lassitude, intoxication, faiblesse, naïveté, bons
sentiments, et un tas d'autres choses en sont sans doute responsable. J'allais
oublier le sentiment d'impuissance car ceux qui veulent résister ne sont
souvent pas organisés.
Mais d'autres qui ne sont pas atteints par ces maux,
d'autres qui vivent parmi nous, en fait les stigmatisés, puisque aux yeux des
esprits éclairés c'est comme cela qu'il faut les considérer, n'est-ce pas M.
Askolovitch, ne veulent pas renoncer à leur identité. On les y encourage
d'ailleurs, paradoxalement. Et ceux-là, les stigmatisés, ne manqueront pas de
combler le vide qui est en train de se creuser.
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