"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

jeudi 17 mai 2012

Le gouvernement des quotas


La nomination d'un gouvernement est toujours attendue avec au moins une certaine curiosité. Les profils retenus, en fonction de l'importance des ministères qui leur sont attribués, peuvent donner une idée de la direction qui va être prise. C'est vrai que Sarkozy, s'immisçant dans toutes les affaires de l'Etat nous avait un peu déshabitué à cela, en nommant des ministres qui s'avérèrent assez souvent n'être que des figurants. C'était son style, sa compréhension des institutions finalement peut-être pas si éloignée que ça de l'esprit de la 5ème République qui faisait du Président un monarque avec tout ce que cela peut comporter comme concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul homme. La différence avec certains de ses illustres prédécesseurs, ceux qui voulurent effectivement se consacrer à leur travail de chef d'Etat et rien qu'à ça, ce qui fait quand même peu de monde au demeurant, c'est qu'il le fit de façon ostentatoire, ce qui ne manqua pas de choquer les âmes sensibles toujours effrayées par un vrai chef, et ce qui les amena à choisir un individu que sa réputation éloignait largement de cette caractéristique de chef. Ils voulaient une bonne pâte, un homme de consensus, de compromis, et ils l'ont eu. Sauf qu'on a pu remarquer récemment que l'homme en question n'était pas aussi gentil qu'il pouvait le paraitre et qu'il ne se privera pas de régler quelques comptes. Il le fit de façon fort inélégante avec son prédécesseur. Il a commencé à le faire avec ceux de son camp qui lui montrèrent par le passé leur mépris. Et comme le nombre de ces derniers est important, il n'aura peut-être pas assez des 5 ans qui lui sont offerts pour se faire plaisir en rudoyant ceux qui non seulement ne croyaient pas en lui, mais moquaient ses prétentions. Il faut toujours se méfier des gens qu'on a trop bafoués ou humiliés.

Mais je m'éloigne de mon propos qui voulait se centrer sur le profil du nouveau gouvernement. Comme le nouveau Président avait déclaré qu'il reviendrait à d'autres pratiques, peut-être celles de Chirac ou Mitterrand qui se camouflèrent souvent derrière leurs premiers ministres, non plus collaborateurs, mais fusibles, il paraissait intéressant de voir quelle équipe allait diriger la France, du moins son profil général. Or, pour le coup on n'est pas déçu par l'une ou l'autre des orientations possibles, car on a vraiment du mal à en distinguer une. Tout le monde est servi, ce qui veut dire que personne ne l'est vraiment. C'est un patchwork prenant en compte à peu près tout ce qui pouvait l'être, la non nomination de Delanoë laissant apparaitre que les homos étaient peut-être écartés du jeu (mais je me trompe peut-être ne connaissant intimement aucun des nouveaux ministres). A part cela, le souci a été grand de ménager les femmes, les jeunes, les plus âgés, les arabes, les noirs, les alliés d'avant le scrutin (écolos qui avaient signé un accord, et radicaux de gauche ralliés avant même le premier tour) et tous les courants du PS, dont les nonistes de 2005. Personne ne pourra dire qu'il n'est pas représenté dans ce gouvernement s'il appartient à une de ses catégories. C'est donc merveilleux. On retrouve là la patte de l'ancien premier secrétaire du PS, l'homme du consensus mou, ou de la synthèse non moins molle si on préfère. Seule ombre au tableau, l'absence de Martine Aubry dans ce gouvernement qui voulait Matignon sinon rien. Pourtant nul doute qu'un grand ministère l'attendait si elle l'avait souhaité car même s'il est loin d'en avoir la stature Hollande aurait volontiers fait sienne cette devise de Clémenceau parlant d'un de ses adversaires "Je préfère qu'il soit dedans et pisse dehors plutôt que dehors et pisse dedans ". Il y a donc risque d'un contre-pouvoir à l'assemblée nationale, non pas exercé par la droite, mais par les parlementaires socialistes futurs desquels Aubry, dès le lendemain des primaires, a bien pris soin d'éliminer un maximum d'hollandistes. On n'a donc pas fini de se marrer.

J'imagine donc ce qu'a pu être la difficulté à constituer ce gouvernement qui n'est en fait qu'un gouvernement de quotas. Une chance encore que parmi les nouveau ministres, il y a ait des deux en un, comme par exemple Najal Belkacem, femme et arabe, et même des trois en un comme Taubira, femme, noire et membre du PRG, ce qui lui valu sans doute l'attribution d'un ministère important dont on se demande aujourd'hui, et pas seulement moi, quelles sont les compétences ou les antécédents qui ont pu le lui faire attribuer. Sans ces ministres, on aurait sans doute dépassé les 40 portefeuilles, ce qui aurait pu réduire à néant les efforts d'économie que marque cette mesure symbolique de réduire de 30% le salaire des membres du gouvernement.
Le seul problème, c'est que je ne vois guère de cohérence pour l'action dans ce gouvernement. Je vois même des potentialités de conflit en son sein. Prenons par exemple le chantre de la démondialisation Montebourg chargé du redressement productif qui ne manquera pas d'avoir à traiter avec le ministre des finances Moscovici, strauss-kahnien opportunément reconverti dont on peut imaginer qu'il sera un fervent tenant de l'orthodoxie budgétaire. Quelle sera donc la ligne directrice de l'action de ce gouvernement? Malin qui pourrait le dire. A moins qu'on s'oriente simplement vers de la navigation à vue. Mais attendons les législatives et les nouveaux rapports de force au sein de l'assemblée nationale qui amèneront inévitablement à un premier remaniement qui nous éclairera peut-être davantage cette fois.

Je souhaiterais juste terminer dans cette attente et sur la composition de ce gouvernement sur un point qui a tendance à m'énerver au plus haut point et qui d'ailleurs peut se décliner quand on pense notamment au respect de la diversité. Il s'agit de la parité. 34 ministres, 17 femmes. Il fallait absolument un nombre pair de ministres pour que la parité soit respectée. Sarkozy sur ses 15 ministres initiaux avait tenu à faire nommer 7 femmes. C'était moins bien. S'agissant des secrétaires d'Etat, fonction a priori disparue et remplacée, sémantique avantageuse oblige, par des ministres délégués, il n'avait pas jugé utile de respecter cette parité, cette obsession qu'ont désormais les politiques de faire comme si les femmes étaient aussi bien représentées que les hommes dans les institutions élues de ce pays, alors qu'on en est encore bien loin et que peut-être il ne faut pas en faire un objectif absolu.
Car on est passé très vite, en quelques années même d'une situation où une femme, sauf cas exceptionnel comme Simone Veil par exemple, ne pouvait guère espérer être ministre dotée d'un poste important parce qu'elle était une femme, à une situation grotesque où des femmes sont nommées ministres parce qu'elles sont des femmes. Entre les deux, on a fait un peu de cinéma, ou de l'affichage digne du village Potemkine, avec la nomination calamiteuse d'une femme premier ministre qui aurait pu être un aboutissement si on s'était référé à cette phrase de Françoise Giroud "La femme sera vraiment l'égale de l'homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente", ou avec le gadget des "jupettes" dont la plupart fut d'ailleurs très vite remerciée. J'avais pensé, à tort sans doute et même évidemment, que la pratique des dernières années qui avait permis à des femmes d'être ministres avec des portefeuilles importants eu égard à leurs compétences supposées, comme Martine Aubry ou Michèle Alliot-Marie pour ne pas faire de jaloux, suffirait pour qu'on sorte de cette tyrannie de la représentativité visible et proportionnelle aux volumes existant à l'état naturel si j'ose m'exprimer ainsi. Pour être parfaitement clair et honnête, cette tyrannie que je dénonce est le fait de toutes les tendances politiques. C'est devenu une mode, ou plus grave un fait social. Et qui se décline maintenant selon d'autres variables. Plus de gouvernement possible sans arabes ou noirs par exemple. Ça ne me gène absolument pas qu'il y ait de des femmes, des arabes et des noirs dans les gouvernements et autres institutions, où d'ailleurs il y en a beaucoup moins et là peut-être il faudrait en comprendre les raisons, mais j'aimerais être sûr que ce sont bien leurs réelles compétences qui les ont amenés là. Or, un équilibre quantitatif aurait tendance à m'éloigner de cet espoir.

Cette politique des quotas me semble au contraire aller dans un mauvais sens dans la mesure où elle fait passer les compétences au second plan et risque donc d'être contre-productive (voir le cas de la première ministre précédemment évoquée). Il serait tout aussi choquant de voir un homme compétent écarté à cause de son sexe, qu'il était honteux à une certaine époque que je crois révolue, au moins dans les milieux politiques de voir une femme compétente écartée pour les mêmes raisons. S'il parait, à juste titre, inconcevable de voir un gouvernement sans femme, il me parait tout aussi incongru que ce soit la parité qui préside à sa formation.

 

9 commentaires:

  1. info en continu sur avant pendant aprés le Conseil, la photo, en groupe, qu'avec les nanas, Hollande a suggéré qu'on en fasse une qu'avec les mecs...
    Chacun va rejoindre sa base
    des quotas autant que de postes à pourvoir, ça va finir par arriver
    les hommes gardent le régalien à part je crois LeBranchu fonction pu et notre Taubira mais elles ont une expé notoire, Taubira, je ne sais pas si son CV va pas faire des grumeaux

    Mélenchon a eu ce matin un discours sur réaliste sur LCP, pas tout compris mais le feu couve avec le PS et le PS pose ses pions, un sacré bordel en perspective

    à suivre, ils peuvent compter sur nous!

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  2. Surtout je crois que le feu couve au sein du PS. Aubry va jouer les maléfiques. Maintenant sa carrière est finie, elle le sait, donc rien à perdre en dégommant celui qu'elle nommait délicatement "couilles molles" et dont elle n'a pas dû encore digérer qu'il soit devenu président. Elle ne doit pas être la seule au PS d'ailleurs.
    En plus c'est sûr que Mélenchon va pas leur faire de cadeau. Il risque d'être d'autant plus méchant qu'à Hénin-Beaumont le PS ne se retirant pas (et pour cause car il va sans doute gagner) il va se prendre une veste, et que les communistes, qui d'ailleurs ont dû lui suggérer d'aller se battre contre MLP pour mieux s'en débarrasser ont commencé dans les négociations pour les législatives à oublier son parti. Pour continuer à exister il doit donc se montrer féroce.
    On va se marrer.

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  3. Cher Expat,
    Vous vous demandez ce qui a pu faire de Madame Taubira notre Garde des Sceaux mais savez-vous que Sarkozy, lors de l'ouverture, lui avait déjà fait la même proposition qu'elle avait alors réfusée. Heureusement d'ailleurs car en 2009 ça aurait fait mauvais genre d'avoir un tel ministre comme soutien de Domota et du LKP!

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  4. Cher Usbek,
    merci pour cette information qu j'ignorais, mais qui ne m'étonne pas davantage que cela.
    Désormais les symboles, que je nomme quotas mais qui prennent en compte juste des éléments que je qualifierai de futiles, dominent dans ce genre de chose.
    Au moins avec Sarkozy, le fait de nommer Taubira en tant que garde des Sceaux n'avait aucune conséquence, sauf celle que vous décrivez. Il aurait même pu sans doute et sans autre conséquence y nommer une chèvre pourvu qu'elle soit noire, puisque tout était réglé à l'Elysée.

    Enfin tout cela me laisse stupéfait ainsi que la béatitude du public ou d'un certain public devant le merveilleux équilibre ou les merveilleux équilibres gouvernementaux (de début de mandat). Les mêmes qui applaudissent ces savantes configurations ne remarquent jamais que les catégories socio-professionnelles ou classes sociales vu selon un autre prisme ne sont prises en compte dans ce genre d'exercice. Comme quoi Terra Nova a soit bien vu, soit bien orienté les choses s'agissant de ce gouvernement de gauche.

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  5. En effet expat , ce que tu indiques me paraît très évident et objectif
    Les roms, mal aimés dans leurs propres pays et on retourne le problème, la France qui en a vu arriver en nombre sur son territoire les aurait mal reçus.... il faudrait leur proposer des hotels particuliers dans le 16 ème ???
    Ils profitent déjà de nombreuses aides sociales, et ne viennent pas ici par hasard, flagrant....
    Mais au fait, faut il les considérer comme des réfugiés ou comme de simples migrants au sein de l'ue ??
    il serait vraiment intéressant de voir comment un pays tel que la Roumanie utilise les fonds alloués par l'ue en vue d'une meilleure intégration au sein de leurs propres pays, il est là le soucis et nulle part ailleurs
    Je passe par là, car chez joffrin on considère ces propos comme racistes !!!! Donner un point de vue et poser la question, c'est interdit !!après ça, il ne faudra pas être étonné que certains serrent d'un cran leurs opinions sur la réflexion à avoir sur ce pays

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  6. Salut JJ,

    oui ça commence à craindre là-bas. Je ne vois pas où ils ont trouvé le racisme dans tes propos ou ceux de Parker. ou alors il y a des mots qui sont devenus tabous.
    Hier c'était Osceola, mon correspondant américain qui me faisait part de ses réflexions sur la rencontre entre Hollande et Obama qui était squeezé pour insultes parce qu'il ne faisait pas dans l'obamamania.
    Ici on est sous la protection du premier amendement US. Profitons-en.

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  7. Mon bon ami ricain ,bien que démocrate dans son vote, est lui aussi très déçu par obama et son administration
    Le piège est bien celui là, nous pousser à mettre la gomme dans l'endettement pour une question de confort us.... soit disant pour créer de la croissance, il suffit de voir où ils en sont nos amis ricains en terme d'emplois et une dette abyssale
    D'ailleurs ils ont la tête tournée côté pacifique plutôt qu'atlantique depuis bon nombre d'années
    Concernant l'affaire afghane, au pentagone ça doit ronfler autrement que dans les déclarations comment dire.... diplomatiques, qui n'ont de valeur que celle que l'on veut bien leur prêter..... remarque les talibans ont déjà préparé les paquetages, le retour est proche

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  8. Le coup de la croissance, c'est un vaste pipeau. Qui serait contre à part Duflot? Mais quand on a dit ça, on n'a rien dit tant qu'on est pas d'accord sur les moyens d'y parvenir.
    Là on retrouve bien notre Hollande, grand moulin à vent devant l'éternel.

    En gros ça a dû se passer comme ça :
    O : François, retire ta cravate et pose ta question.
    FH : euuuuh ! êtes-vous pour la croissance ou la récession, euuuuh?
    Tous : abruti! la croissance of course!
    FH : euuuuh! on le marque dans le PV alors, euuuuuh?
    O : Ouais, vas-y écris "on est pour la croissance!". Non pas euuuh, crétin!
    FH : euuuuh! Pas sur la tête, euuuuuh!

    Quelques heures plus tard :
    FH à la presse : j'ai imposé le fait qu'il nous fallait de la croissance pour sortir de la crise!
    La presse de gauche : quel génie notre président! Quand on pense que personne n'y avait pensé depuis toutes ces années.

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  9. Tu l'as trouvé ton nouveau job expat , ta reconversion assurée, c'était l'évidence même: scénariste de films comiques
    Un jour toi aussi tu monteras les marches :-)

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