"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

lundi 9 mai 2011

Questions pour un candidat


A moins d'une année de l'échéance présidentielle, nous avons environ 25 candidats potentiels. Bien sûr après quelques primaires et quelques abandons âprement négociés, il en restera certainement entre 12 et 15 (rappel : 12 en 2007) à se présenter au premier tour. Dans le tas, il y aura quelques "bleu-bites", des nouveaux sans doute pas encore préparés à cette épreuve. Ce qui suit s'adresse dont prioritairement à eux. Qu'ils me lisent et ils sauront à quelles questions ils devront répondre sans hésiter sous peine de passer pour des charlots qu'ils sont néanmoins pour certains d'entre eux. Je pense notamment à ma bête noire préférée dont je tairai le nom par charité.
L'inventaire qui suit n'est naturellement pas exhaustif et pourra être complété utilement par les quelques lecteurs qui passeraient par là. Evidemment je ne réponds pas aux questions moi-même. Faut quand même pas pousser! Cependant je vous donnerai, le plus souvent entre parenthèses quelques indications pour ne pas commettre l'erreur fatale.

On peut commencer par des questions-bateau qui piègent néanmoins toujours quelques candidats. Par exemple :
  • De combien de porte-avions dispose la marine nationale ? (m minuscule pour ne pas confondre avec une candidate) 
  • Plus dur : combien de SNLE dans cette même marine ?
  • Encore plus dur : quel est l'âge du capitaine ?
Puisque nous sommes dans le domaine des armées, bien évidemment celle-ci :
  • Comptez-vous effectuer un retrait rapide de nos troupes en Afghanistan, si vous êtes élu(e) ? (Ici on répond toujours OUI)
    Et peut-être celle-là :
  • Comptez-vous alléger notre dispositif militaire en Afrique, si… ? (Bien sûr on répond également par l'affirmative)
Mais comme les journalistes à part quelques uns (mais qui n'interviennent jamais lors d'élections) n'y connaissent pas grand-chose, sinon rien, dans la chose militaire, ça devrait d'arrêter là. On va donc passer à l'Europe. Bien évidemment la majeure partie des questions qui vous seront posées seront complètement idiotes. Vous devrez donc faire semblant d'oublier que nous sommes pieds et mains liés par un certain nombre de textes et faire comme si vous aurez une influence notable sur l'évolution de l'Union.
  • Comment envisagez-vous l'évolution de l'UE ? (Ne répondez pas toujours vers le pire et toujours vers plus d'impuissance)
  • Faut-il sortir de l'euro ?
  • Comment voyez-vous le fonctionnement de la BCE? (Bien évidemment vous ne voyez rien, car tout est figé, mais faites comme si sous votre présidence la BCE allait se mettre réellement au service de l'économie européenne)
  • Faut-il sortir de Schengen ? (Question que vous retrouverez quand on parlera des immigrés clandestins)
  • Faut-il élargir l'UE à d'autres pays et notamment la Turquie ? (Sur la Turquie laissez ouvertes toutes les possibilités surtout si vous êtes foncièrement contre de façon à ne pas être taxé d'islamophobe)
  • Plus anecdotique, mais néanmoins essentiel : doit-on supprimer ces navettes du parlement européen qui coutent la peau du c.. (navettes et parlement) entre Bruxelles et Strasbourg ? (Evidemment on se bat pour Strasbourg. Petite astuce : peut-on laisser le parlement dans la capitale d'un pays qui va imploser ?)
  • Etes-vous favorables à une politique étrangère européenne ? (Ne répondez pas que vu la cruche qu'on a mis au poste de responsable de la politique étrangère de l'Europe, il est clair que même si vous le voulez, les autres ne le veulent pas et que donc rien ne changera)
  • Etes-vous favorable à une défense européenne commune ? (Question évidemment sans objet car pas de politique étrangère commune, mais ça ne coûte rien de répondre par l'affirmative, d'autres l'ont fait avant vous)
  • Etes-vous pour une harmonisation fiscale, sociale, …? (Quoique vous répondiez, n'oubliez pas que vous devez affirmer qu'il n'est surtout pas question de pénaliser nos agriculteurs, nos éleveurs, nos pêcheurs, nos routiers, …, enfin tous ces quelques pourcents de voix qui pourront faire la différence le jour du vote)
Il y aura peut-être d'autres questions sur l'Europe, mais comme c'est un sujet facile sur lequel vous pouvez réponde de manière vague en faisant preuve d'un volontarisme nécessairement vain, ne vous privez pas d'occuper ce terrain. Mais comme les Français sont finalement peu sensibilisés sur cette UE à laquelle ils ne comprennent pas grand-chose, et pour cause, ce sera sur les questions relatives au pays, mais encore davantage aux différentes catégories qui composent la population de ce pays, que vous serez attendu. Vous-même, attendez-vous à tout et à n'importe quoi, mais surtout ne restez pas sec, car dans la foulée ce sont des milliers de voix qui s'envolent. Une parenthèse à ce propos : c'est ce qu'a fort bien compris la candidate Royal (R majuscule, car royale elle ne l'est assurément pas –désolé, c'est trop facile) en se mettant souvent au niveau d'une assistante sociale ou une employée du planning familial. La présidentielle ce n'est plus, selon la formule consacrée, une rencontre d'un candidat avec les Français, mais une rencontre avec chaque Français. En tout cas sûrement pas avec la France.
 
Voilà donc une série de questions que je vais essayer de regrouper par grands thèmes et auxquelles il vous faudra impérativement répondre.
Tout d'abord, et même si finalement c'est ce qui intéresse sans doute le moins sauf quand il y a du scandale dans l'air (comme avec MAM), la politique étrangère.
  • Quelle politique étrangère vis-à-vis des Etats Unis ? (Evidemment derrière cette question vague se cache celle qui concerne l'alignement ou non avec les Etats-Unis. Question piège car si au moment de l'élection d'Obama vous envisagez un rapprochement, c'est bien vu. Ça l'est un peu moins actuellement. Et ça ne le serait pas si c'était encore Bush le président. Donc prenez la posture de l'allié vigilant)
  • Faut-il sortir des structures intégrées de l'OTAN ? (question difficile également mais vous pouvez prétendre que maintenant que c'est fait il serait quand même inconvenant de sortir trop rapidement de là, que ça ferait un peu brouillon. Donc vous serez vigilant et prêt à. Par ailleurs, si vous le savez, et ce n'est pas sûr, rappelez que nous sommes encore, contrairement à la Grande-Bretagne complètement indépendants quant à l'usage de l'arme nucléaire et que donc il resterait encore un pas à franchir, que vous ne franchirez pas, pour être totalement intégré dans l'OTAN)
  • Quelle attitude vis-à-vis du conflit israélo-palestinien ? (Ne bredouillez pas, soyez ferme! Affirmez le droit d'exister à l'Etat d'Israël tout en soutenant l'idée d'un Etat palestinien indépendant. En fait ne proposez rien d'original qui pourrait fâcher les uns ou les autres et restez sur ces principes on ne peut plus vagues, au moins en termes de modalités d'exécution)
  • Faut-il (ou fallait-il) soutenir les révolutions arabes ? (Question aussi délicate ou vous devrez maintenir l'équilibre entre le soutien et la non-ingérence. Bien évidemment vous soutenez tous les mouvements démocratiques dans le monde. Il faut d'ailleurs aider les pays à se développer pour garantir l'enracinement de la démocratie. Si vous parlez de l'intervention libyenne, camouflez-vous derrière l'ONU –sauf Sarkozy- et faites de même si on vous demande s'il faut intervenir en Syrie, c'est-à-dire, refilez les problèmes aux autres)
  • Faut-il sortir enfin de la Françafrique ? (Bien sûr)
Sorti de ces quelques questions on ne devrait pas trop vous ennuyer sur ce thème de la politique étrangère. Si vous suivez mes conseils et ne répondez donc à rien, ça devrait suffire.
Et donc maintenant, je vous livre en vrac, en essayant toutefois de respecter les pôles d'intérêts, toutes ces questions qui passionneront les Français et qui vous vaudront une victoire ou une défaite.

Economie/ dette :
  • Comment retrouver la croissance ? (Evidemment, comme les autres, vous ne savez pas trop parce que structurellement et mondialisation aidant, c'est foutu ou ça ne dépend pas de vous, ce que vous ne pouvez pas dire. Donc parlez de réindustrialisation –dur à faire avaler quand-même -, de mesures contraignantes pour ceux qui veulent délocaliser – même si vous n'avez aucun moyen de pression réel-, de pôles d'excellence que le monde nous envie – priez pour qu'on ne vous demande pas qui -, des PME que vous allez aider et qui porteront cette croissance – classique- …)
  • Comment résorber le déficit budgétaire ? (baratin classique : retour de la croissance dont rentrées fiscales importantes, économies de l'Etat sans pour autant toucher à la qualité du service public qui d'ailleurs va être même renforcée…)
Social :
  • Que comptez-vous faire pour les plus défavorisés?
  • Que comptez vous faire contre les plus riches ? (Voilà deux questions qui semblent complémentaires, même si ce n'est pas le cas, tant les gens sont persuadés que s'il y a des pauvres, c'est parce qu'il y a des riches, et réciproquement. Il ne vous appartient pas de démonter cette logique populaire, car on vous classerait tout de suite dans le camp des riches. Donc fustigez certains abus, montrez vous le champion des luttes contre les inégalités sociales sans quand même trop en faire, car si les riches n'expliquent pas forcément les pauvres, leur absence en garantit de supplémentaires)
  • Quel avenir pour la sécu ? (Mettez les différents acteurs devant leurs responsabilité, c'est-à-dire ne proposez rien)
Société (ou vivre ensemble), immigration, laïcité, sécurité: (c'est un peu le fourre-tout, mais d'aucuns prétendront que c'est intimement lié)
  • Quelle est votre position par rapport à l'immigration légale ? (Vous commencerez par rappeler les bienfaits de l'immigration, cette chance et ce besoin pour la France –il y a trop de personnes d'origine immigrée en France pour faire l'impasse. Ensuite, tenez évidemment compte des derniers sondages pour répondre – plus, mois, pareil)
  • Comment comptez-vous lutter contre l'immigration clandestine? (Ne fustigez pas les clandestins qui sont évidemment des malheureux qui n'avaient pas d'autres choix. Rappelez néanmoins certains principes sur lesquels vous resterez fermes sans négliger toutefois l'aspect humain ou humanitaire qui fera que certains seront, bien sûr, régularisés –même si à terme ce sera la majorité-. Bien entendu les reconductions se feront selon les principes les plus humains qui font l'honneur de la France, même si vous envisagez d'anesthésier ou de bâillonner ceux qu'on va charger dans les avions d'Air France pour qu'ils cessent d'importuner les autres voyageurs. Après tout votre humanité se porte peut-être vers ces derniers. S'il est dans vos intentions de régulariser tous les sans papiers, dites-le et perdez l'élection)
  • Etes-vous pour le vote des étrangers à certains scrutins? (Là vous éludez. Vous n'êtes pas foncièrement contre –donc pas complètement pour-, mais l'aval des Français est indispensable pour ce genre de réforme)
  • Peut-on remettre en cause le principe de laïcité face aux revendications de certaines religions ? (Question embarrassante. Bon, évidemment certaines des revendications sont légitimes. Mais vous êtes bien entendu attaché au principe de laïcité comme à votre femme ou votre mari –mauvais exemple?-. En conséquence de quoi vous êtes prêt ou pas à faire des concessions et par exemple à construire des mosquées avec des aides publiques)
  • Que comptez-vous faire pour améliorer la sécurité des Français? (Comme ni l'angélisme, ni le discours de fermeté n'ont fonctionné, vous avez les deux pieds et les deux mains dedans. Vous pouvez parler de construire de nouvelles prisons car il manque 20000 places actuellement, mais ça en plus des mosquées et accessoirement des logements sociaux ça commence à faire beaucoup. Et puis parler de prison ce n'est pas porteur. Vous ne devez pas dire non plus que la petite délinquance est désormais complètement ou presque impunie, car vous vous mettriez les juges à dos. Ne dites pas non plus que ce n'est pas une réalité mais juste une perception, sinon, c'est foutu pour vous. Donc démerdez-vous. C'est quand même bien vous qui voulez être président(e), non ?)
  • Comment maintenir la cohésion nationale alors que se réveillent de plus en plus des forces centrifuges ? (Vous êtes bien entendu contre le communautarisme, même si par ailleurs vous pouvez être favorable à la diversité. Les gens ne comprennent pas tout donc ne vous privez pas de certaines incohérences. N'oubliez pas que si vous prônez l'assimilation, vous êtes un néo-réac donc quasiment un facho)
Ecologie :
  • Comment comptez-vous promouvoir une politique écologique ? (ici pas question de dire que ce n'est pas votre souci. Il faut être écolo dans l'âme. Si vous êtes de gauche, n'oubliez pas de dire que l'écologie est une valeur de gauche, même si historiquement c'est complètement faux, mais comme les pays communistes ou anciennement communistes ne sont pas un lieu privilégié de tourisme, les gens ne le savent pas forcément. Si vous êtes de droite dites que l'écologie n'est ni de gauche ni de droite, mais un devoir pour les générations futures. Pour le reste un peu de blabla –évitez le réchauffement climatique, ça ne passe plus- sur les énergies propres et renouvelables, et roule. Si vous êtes écolo favorable à la décroissance, méfiez-vous des questions sur l'économie et la croissance, parce que vous allez atteindre vite vos limites déjà bien étriquées)
  • Quel avenir pour l'énergie nucléaire ? (Question d'autant plus facile à éluder que vous ne serez même pas concerné pendant votre éventuel quinquennat. Donc conformez-vous à l'air du temps)

 
Bon, je crois que je vais m'arrêter là, même si je suis conscient que bien d'autres questions pourraient être posées. Mais après tout ce travail est gratuit et il ne faut quand même pas trop en demander. Mais rappelez–vous ces quelques principes :
  • Vous n'êtes surtout pas obligé de répondre aux questions qui vous sont posées.
  • Il ne faut pas oublier de flatter tout le monde, même ceux que vous exécrez.
  • Si vous pouvez passer le ballon à d'autres ne vous privez pas. Si c'est aux instances internationales, on dira que vous êtes respectueux de l'ordre du même nom. Si c'est aux Français, auxquels vous projetez de demander leur avenir, on dira que vous êtes attaché à la démocratie. Si c'est à l'avenir, c'est encore mieux.
  • Et n'oubliez pas de remercier aimablement celui ou celle qui vous aura posé ces questions essentielles qui vous auront permis de faire connaitre votre position… même si vous n'avez fait que brasser du vent.

3 commentaires:

  1. excellent, on s'y croit!

    vous avez oublié les fonctionnaires et leurs nefs

    en même temps ça plombe un peu, mais si ça pouvait nous mettre du plomb dans la cervelle

    Mais du plomb dans la cervelle on en a déjà

    Je fais lourd

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  2. Hi Vlad,

    Je crois que je suis pret a me presenter, j'ai une majorite de bonnes reponses, et pour les autres, je ferais semblant, personne ne remarquera je suis sur.

    Question subsidiaire. Vous ne voulez toujours pas echanger? Le notre il a des reponses a toutes les questions. :-)

    O.

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  3. Hi Osceola,

    oui vous pouvez essayer. Les journalistes chez nous sont incapables de noter les contradictions, donc pas de problème.

    Bon, vous pouvez garder votre spécimen. Remarquez, nous on n'en manque pas. J'espère néanmoins pour vous que la bonne nouvelle de la fin de Ben Laden ne devra pas être compensée par un regain de popularité trop important de celui qui a donné l'ordre, ce que j'imagine n'importe qui aurait fait, du moins j'espère.

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