"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

jeudi 13 août 2015

Le porc, objet de tous les débats





Ces jours-ci le porc est à l’honneur. Pas parce qu’un homme politique d’envergure s’est signalé pour des comportements inappropriés, comme on dit pudiquement. Non il s’agit du porc, du vrai du seul, celui qui fait grouik en permanence, et pas seulement en quelques occasions que je ne souhaite pas décrire ici.

Il y a évidemment cette crise, jusqu’ici récurrente, mais devenue cette fois-ci particulièrement aigüe de la filière porcine française, mais aussi cette décision du tribunal de rejeter le référé de je ne sais quelle association de musulmans qui se sentent maltraités, snif !, pour annuler l’arrêté du maire de Chalon-sur-Saône supprimant les menus alternatifs à ceux comprenant du porc dans les cantines de sa ville. L’affaire n’ayant pas été jugée sur le fond, mais juste sur la forme, elle reste en suspens pour quelques mois. D’ici là ceux qui n’aiment pas le porc pour un tas de raisons aussi respectables les unes que les autres, la peur du cholestérol en étant une parmi les autres, auront eu le temps de s’adapter ou peut-être qu’un vendeur de merguez ambulant, merguez de mouton bien sûr, aura eu la bonne idée d’installer sa camionnette aux portes de l’école, ce qui au passage ne résout pas le problème de ceux qui refusent de manger du porc pour des raisons diététiques et qui pourront se sentir deux fois stigmatisés.
Existe-t-il un lien entre les deux affaires ? Peut-être finalement ! Nous y reviendrons.

Où donc est passée cette belle époque, qui semble hélas définitivement révolue, quand la formule suivante avait la faveur presque unanime des Français au point que finalement ça aurait pu être une des formules-symbole de la République, ou d’une République attachée aux terroirs, aux traditions gastronomiques, quand donc on disait sans avoir peur d’être écouté par une oreille hostile ou malveillante : « dans le cochon tout est bon ! ».
En écrivant ces mots, de vieux souvenirs remontent, se bousculent dans la tête. Eh oui, j’ai passé mon enfance et une partie de mon adolescence, en fait jusqu’à ma majorité, à la campagne, là ou selon la formule consacrée « on tuait le cochon » de façon périodique pour remplir saloirs et congélateur. Ça commençait tôt le matin, avec la mise à mort de l’animal dont on recueillait pieusement le sang pour faire le boudin plus tard dans la journée, ça finissait tard le soir ou même dans la nuit quand les saucisses avaient été préparées, les grillades découpées, les jambons mis à saler et les hommes en état d’ébriété plus ou moins avancée. Ça donne soif de « tuer le cochon » ! Mais je me trompe, ce n’était pas encore terminé. Ce qui me plaisait le plus c’était de voir pendant de longues semaines les saucissons pendus au plafond sécher avec à côté les jambons sortis du saloir qui pendaient et dont les odeurs qui en émanaient étaient autant de promesses de bonnes choses dans l’assiette. Et tous ces souvenirs pour moi, ça vaut quand même toutes les madeleines de Proust. Peut-être dans un avenir plus ou moins proche, quelqu’un écrira-t-il « A la recherche du boudin perdu », œuvre qui sera diffusée clandestinement comme les samizdats l’étaient en Union Soviétique.

Mais revenons à nos cochons !
Comment se fait-il que ce pauvre animal, pauvre peut-être parce que génétiquement il est si proche des hommes (et des femmes aussi, mesdames, ne vous réjouissez pas trop vite), après avoir connu tant de gloire dans nos contrées fasse l’objet de tels débats ? Comment se fait-il que la filière porcine soit autant sinistrée ?
Il y a bien sûr plein de raisons, le porc allemand, le porc espagnol, enfin tous ces porcs venus de l‘étranger et qui coutent moins cher à l’élevage, notamment à cause du dumping social et des conditions d’élevage. Il y a l’embargo russe qui est un facteur aggravant. Mais peut-être aussi qu’il y a un problème d’offre et de demande.

S’agissant de l’offre et je peux me référer à mon expérience personnelle, il existe des endroits en France où si vous n’êtes pas prêt à faire quelques kilomètres, vous aurez du mal à trouver du porc. Car s’il y a des magasins classiques qui offrent du hallal, les boucheries du même nom qui ont remplacé en certains lieux celles qui existaient précédemment n’offrent pas de porc à la consommation. Où j’habitais avant de quitter la France, il existait quand je suis arrivé 3 boucheries qui n’étaient pas hallal. Quand il n’en est resté qu’une, le propriétaire a inscrit en grosses lettres « boucherie française » sur sa devanture (et là je suis très sérieux), ce qui, ma foi relevait d’un certain courage, mais lui garantissait de la clientèle en nombre surtout les jours de marché. Puis ce brave boucher a pris sa retraite et devinez ce qui se passa… Je pense que c’est fait. Et tout ça s’est passé en une dizaine d’années !

Quant à la demande, je me réfère à ce que dit le maire de la ville citée plus haut, et qui est la cible de tout ce qui se fait de bienpensant, et donc de capitulard, autant à gauche qu’à droite. Notre gracieuse ministre de l’éducation nationale a même parlé « d’enfants pris en otage ». Donc le maire en question a déclaré que du porc avait été servi 17 fois pendant la dernière année scolaire. Et selon les attendus du tribunal chargé d’étudier le référé, le premier repas avec porc ne sera servi à la cantine que le 15 octobre, soit un mois et demi après la rentrée. Dans mes souvenirs, moi qui ait été un grand habitué de la cantine scolaire, j’ai plutôt l’impression que le porc c’était en gros un repas sur deux ou sur trois au pire, ou au mieux selon ses gouts. Ce qui veut dire que la consommation au moins en ces lieux de restauration collective est devenue minime. Et parfois même inexistante, certains édiles municipaux ayant fait le choix simple et lâche de ne plus proposer du tout de porc dans les cantines. Sur ce sujet il existe d’autres variantes. Mais la tendance reste la même, avec plus ou moins de force selon les lieux, c’est la disparition plus ou moins progressive du porc des assiettes des enfants en âge scolaire. Et qui, sans doute, n’y reviendront pas plus tard.

Ainsi vont les choses. Ce qui faisait partie de nos habitudes alimentaires s’est métamorphosé en quelques petites décennies. Je vous laisse en trouver les causes.
En attendant la filière porcine française, ne pouvant plus espérer développer ses débouchés en France, c’est exactement le contraire qui s’est et se produit, ne peut même plus compter sur un patriotisme alimentaire. Et comme donc seule l’exportation reste son seul espoir, il ne lui reste plus qu’à produire moins cher, donc plus dégueulasse, pour rester compétitive. Ce qui fera encore moins aimer le porc, évidemment.

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