Ces jours-ci le porc est à l’honneur.
Pas parce qu’un homme politique d’envergure s’est signalé pour des
comportements inappropriés, comme on dit pudiquement. Non il s’agit du porc, du
vrai du seul, celui qui fait grouik en permanence, et pas seulement en quelques
occasions que je ne souhaite pas décrire ici.
Il y a évidemment cette crise,
jusqu’ici récurrente, mais devenue cette fois-ci particulièrement aigüe de la
filière porcine française, mais aussi cette décision du tribunal de rejeter le
référé de je ne sais quelle association de musulmans qui se sentent maltraités,
snif !, pour annuler l’arrêté du maire de Chalon-sur-Saône supprimant les
menus alternatifs à ceux comprenant du porc dans les cantines de sa ville. L’affaire
n’ayant pas été jugée sur le fond, mais juste sur la forme, elle reste en
suspens pour quelques mois. D’ici là ceux qui n’aiment pas le porc pour un tas
de raisons aussi respectables les unes que les autres, la peur du cholestérol
en étant une parmi les autres, auront eu le temps de s’adapter ou peut-être qu’un
vendeur de merguez ambulant, merguez de mouton bien sûr, aura eu la bonne idée
d’installer sa camionnette aux portes de l’école, ce qui au passage ne résout pas
le problème de ceux qui refusent de manger du porc pour des raisons diététiques
et qui pourront se sentir deux fois stigmatisés.
Existe-t-il un lien entre les deux
affaires ? Peut-être finalement ! Nous y reviendrons.
Où donc est passée cette belle
époque, qui semble hélas définitivement révolue, quand la formule suivante
avait la faveur presque unanime des Français au point que finalement ça aurait pu
être une des formules-symbole de la République, ou d’une République attachée
aux terroirs, aux traditions gastronomiques, quand donc on disait sans avoir
peur d’être écouté par une oreille hostile ou malveillante : « dans
le cochon tout est bon ! ».
En écrivant ces mots, de vieux
souvenirs remontent, se bousculent dans la tête. Eh oui, j’ai passé mon enfance
et une partie de mon adolescence, en fait jusqu’à ma majorité, à la campagne,
là ou selon la formule consacrée « on tuait le cochon » de façon
périodique pour remplir saloirs et congélateur. Ça commençait tôt le matin,
avec la mise à mort de l’animal dont on recueillait pieusement le sang pour
faire le boudin plus tard dans la journée, ça finissait tard le soir ou même
dans la nuit quand les saucisses avaient été préparées, les grillades
découpées, les jambons mis à saler et les hommes en état d’ébriété plus ou
moins avancée. Ça donne soif de « tuer le cochon » ! Mais je me
trompe, ce n’était pas encore terminé. Ce qui me plaisait le plus c’était de
voir pendant de longues semaines les saucissons pendus au plafond sécher avec à
côté les jambons sortis du saloir qui pendaient et dont les odeurs qui en
émanaient étaient autant de promesses de bonnes choses dans l’assiette. Et tous
ces souvenirs pour moi, ça vaut quand même toutes les madeleines de Proust.
Peut-être dans un avenir plus ou moins proche, quelqu’un écrira-t-il « A
la recherche du boudin perdu », œuvre qui sera diffusée clandestinement
comme les samizdats l’étaient en Union Soviétique.
Mais revenons à nos cochons !
Comment se fait-il que ce pauvre
animal, pauvre peut-être parce que génétiquement il est si proche des hommes
(et des femmes aussi, mesdames, ne vous réjouissez pas trop vite), après avoir
connu tant de gloire dans nos contrées fasse l’objet de tels débats ?
Comment se fait-il que la filière porcine soit autant sinistrée ?
Il y a bien sûr plein de raisons,
le porc allemand, le porc espagnol, enfin tous ces porcs venus de l‘étranger et
qui coutent moins cher à l’élevage, notamment à cause du dumping social et des
conditions d’élevage. Il y a l’embargo russe qui est un facteur aggravant. Mais
peut-être aussi qu’il y a un problème d’offre et de demande.
S’agissant de l’offre et je peux
me référer à mon expérience personnelle, il existe des endroits en France où si
vous n’êtes pas prêt à faire quelques kilomètres, vous aurez du mal à trouver
du porc. Car s’il y a des magasins classiques qui offrent du hallal, les
boucheries du même nom qui ont remplacé en certains lieux celles qui existaient
précédemment n’offrent pas de porc à la consommation. Où j’habitais avant de
quitter la France, il existait quand je suis arrivé 3 boucheries qui n’étaient
pas hallal. Quand il n’en est resté qu’une, le propriétaire a inscrit en
grosses lettres « boucherie française » sur sa devanture (et là je
suis très sérieux), ce qui, ma foi relevait d’un certain courage, mais lui
garantissait de la clientèle en nombre surtout les jours de marché. Puis
ce brave boucher a pris sa retraite et devinez ce qui se passa… Je pense que c’est
fait. Et tout ça s’est passé en une dizaine d’années !
Quant à la demande, je me réfère
à ce que dit le maire de la ville citée plus haut, et qui est la cible de tout
ce qui se fait de bienpensant, et donc de capitulard, autant à gauche qu’à
droite. Notre gracieuse ministre de l’éducation nationale a même parlé « d’enfants
pris en otage ». Donc le maire en question a déclaré que du porc avait été
servi 17 fois pendant la dernière année scolaire. Et selon les attendus du tribunal
chargé d’étudier le référé, le premier repas avec porc ne sera servi à la
cantine que le 15 octobre, soit un mois et demi après la rentrée. Dans mes
souvenirs, moi qui ait été un grand habitué de la cantine scolaire, j’ai plutôt
l’impression que le porc c’était en gros un repas sur deux ou sur trois au
pire, ou au mieux selon ses gouts. Ce qui veut dire que la consommation au
moins en ces lieux de restauration collective est devenue minime. Et parfois
même inexistante, certains édiles municipaux ayant fait le choix simple et lâche
de ne plus proposer du tout de porc dans les cantines. Sur ce sujet il existe d’autres
variantes. Mais la tendance reste la même, avec plus ou moins de force selon
les lieux, c’est la disparition plus ou moins progressive du porc des assiettes
des enfants en âge scolaire. Et qui, sans doute, n’y reviendront pas plus tard.
Ainsi vont les choses. Ce qui
faisait partie de nos habitudes alimentaires s’est métamorphosé en quelques
petites décennies. Je vous laisse en trouver les causes.
En attendant la filière porcine
française, ne pouvant plus espérer développer ses débouchés en France, c’est
exactement le contraire qui s’est et se produit, ne peut même plus compter sur
un patriotisme alimentaire. Et comme donc seule l’exportation reste son seul
espoir, il ne lui reste plus qu’à produire moins cher, donc plus dégueulasse,
pour rester compétitive. Ce qui fera encore moins aimer le porc, évidemment.
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