"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

vendredi 7 août 2015

« Ça coûte rien, c’est l’Etat qui paie ». Ben oui mon gros !





On se souvient de cette phrase prononcée par notre minuscule timonier lors d’une émission de télévision censée nous montrer à quel point la majorité des électeurs s’étant exprimés en mai 2012 avaient eu raison. Quelle belle sortie ! 
C’est ainsi donc que parlent ceux qui nous gouvernent oubliant que l’Etat c’est nous, et plus moi. Mais au moins ont-ils cette funeste cohérence de mettre en application ce qu’ils disent dans ces moments d’égarement médiatique, en nous faisant payer leurs fantaisies, leurs copineries, leurs reculs, leurs allégeances, et j’en passe.

Quelques exemples en vrac avant de passer au plat de résistance du jour qui sera, vous vous en doutez sans doute, la résiliation du contrat de vente des navires de type Mistral à la Russie.

Fantaisies : Fabius arrivant au Quai d’Orsay en 2012 engage des dépenses somptuaires pour enjoliver le cadre. Actuellement il démantèle l’activité des consulats français à l’étranger, sans qu’on en parle d’ailleurs. Après tout, les expatriés sont des nantis.

Copineries, crapuleries : les accords électoraux du PS avec le PRG, dernier allié, se soldent désormais par des lois. Le président sortant de la région Languedoc-Roussillon, ne trouvant pas son compte dans les accords électoraux, enfin pas un poste présumé en cas de victoire digne de sa personne, s’arrange avec Valls pour que soit créé par voie parlementaire un poste de président de région délégué qui lui échoira éventuellement. Mais comme c’est du domaine de la loi, ce sont les 13 régions qui verront la création de ce poste. « Combien ça coute ? » « T’inquiète c’est le contribuable qui paie ! » La parole est au parlement.

Reculs : l’écotaxe votée à l’unanimité lors de la précédente législature est abandonnée dès lors que s’agitent des paysans en colère. Cet acte d’autorité de l’Etat, même pas capable de faire appliquer les lois votées, nous coûtera quelques centaines de millions.

Ce ne sont que des exemples mais qui pourraient être multipliés dans chaque cas, comme des petits pains, mais pas comme l’argent que nous n’avons plus et que ça nous coûte. Mais c’est pas grave qu’on vous dit, puisque c’est l’Etat qui paie. Et l’Etat dispose d’une rente. Pour certains c’est le pétrole ou le gaz, voire les deux, mais pour nous, c’est la dette qui gonfle, qui gonfle.

Non, je n’ai pas oublié l’allégeance. C’est le gros du sujet d’aujourd’hui, actualité oblige.
Après plusieurs mois d’atermoiements le dossier Mistral est enfin clôt. Selon des termes qui laissent dire à notre chef suprême que c’est un bon accord. Sans doute même que grâce à son habileté légendaire et son ascendant sur le président Poutine, les Russes ont été roulés dans la farine. N’en doutons pas. C’est que c’est un gros malin notre président.
Résumons les faits qui nous ont amené à cet accord si bon pour notre pays.
Suite aux événements en Ukraine, et une série de sanction suivies de contre-sanctions dont on commence à découvrir les conséquences, n’est-ce pas chers éleveurs et autres, nos alliés, quel drôle de terme pour désigner ceux qui sont aussi nos concurrents dans le domaine en question, demandent avec insistance que ne soient pas livrés les navires commandés à la France au terme d’un contrat passé en 2011 sous le gouvernement précédent. La réponse est sans équivoque : un contrat est un contrat, la parole de la France c’est pas de la crotte, et donc, même si ça ne vous plait pas, nous honorerons les deux. Quelques semaines plus tard, le ton change. Méthode Hollande ou art de la synthèse foireuse qui fonctionnait si bien rue de Solférino, la bien nommée, ou au conseil général de Corrèze : on livrera le premier à l’automne 2014, comme prévu, et pour le second on verra. Mais c’était sans compter sur la réunion des chefs d’Etat membres de l’Otan du début de l’automne. La veille de la réunion, notre audacieux chef s’inquiète soudain de devoir affronter ses homologues, appelons-les ainsi en faisant fi des liens de subordination et d’allégeance, de se prendre réflexions et peut-être baffes en coulisses, et décide avec tout le courage qu’on lui connait que la vente est désormais suspendue. Entre temps, un équipage russe, égaré par les paroles prétendant que la parole de la France c’était pas de la crotte, est arrivé en France pour s’acclimater au premier navire avant d’en prendre livraison. Il repartira par la voie des airs pour fêter les fêtes de fin d’années en famille, mais peut-être pas les mains vides. Je passe sur la suite, et sur le prétexte ukrainien qui subsiste pour ne pas livrer alors qu’il est de notoriété publique que le gouvernement de Kiev se bat les balloches des accords de Minsk patronnés par la France et l’Allemagne.

Nous voici donc au moment où tout s’achève ou presque, même si c’est pas prêt d’être fini. Ça marche comme ça chez les socialistes avec leurs bons accords.
Voilà la suite dans les grandes lignes. Contrairement à ce qui a été dit les deux navires ne sont toujours pas pleine propriété de la France. Il faudra attendre que soit démonté tout ce qui est russe dessus, en particulier tous les systèmes de transmission et de navigation, en espérant que le petit bouchon au fond de la cale n’ait pas été conçu dans les chantiers navals de Saint-Pétersbourg. La signalétique ainsi que la documentation de bord sont également à reprendre à zéro. Quand nous en serons à ce stade, les deux bateaux seront un peu vides. Il faudra donc à cette étape trouver le ou les clients pour combler ce vide, à savoir adapter les navires à leurs besoins. Comme ceux-ci ont été conçus pour les mers froides, il faudra peut-être revoir quelques points de détails. Etc., etc.. Certains estiment tous ce cirque à plusieurs centaines de millions, peut-être 500 (le contrat initial était de 1,2 milliards). Mais en attendant que le client pointe son nez et que toutes les opérations soient effectuées, il faut payer maintenance courante, assurances, gardiennage, enfin tout ce qui relève des frais relatifs à deux navires militaires à quai pour une longue durée. Quelques millions, peut-être dizaines, en plus donc. Bien évidemment tout ceci ne met guère la France en position de force pour négocier un bon prix.

Bon, on comprend que pour un bon accord, c’est un bon accord. Entre le remboursement des sommes et frais engagés par la Russie (le chiffre n’a pas été dévoilé, mais du côté russe on parle de 1,16 milliards - déjà remboursés semble-t-il -, ce qui doit correspondre sans doute à la réalité puisque le Drian disait que c’était inférieur à 1,2 milliards), le démantèlement et la remise à d’autres normes, les frais de gardiennage et tout ce qu’on ne voit pas on s’approche allègrement des 2 milliards, à moins qu’on les dépasse.
Mais ce n’est pas tout. L’accord franco-russe prévoyait la construction de deux autres unités en Russie. Et il est évident que nos industriels devaient prendre part à cette opération. La hauteur de ce qu’ils auraient perdu est selon certaines sources de 500 millions. Les transferts de technologie (motorisation et structures notamment) par contre permettent à la Russie de construire seuls des navires de même classe, en plus gros. C’est déjà programmé pour 2020. Avec donc un nouveau concurrent pour les chantiers navals français.
J’oublie sans doute quelques autres éléments, même si je n’écarterai pas un dernier point, mais voilà ce qui constitue un bon accord selon notre président.

Mais c’est vrai que ça ne coutera rien. Ce n’est même pas l’Etat qui paie. Du moins dans un premier temps. C’est d’abord la Coface (Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur) qui crachera au bassinet, avant que ce soit répercuté dans le budget de l’Etat, à partir de 2017 évidemment. Faut bien rentrer dans les clous, et c’est bien difficile, de la commission de Bruxelles d’ici-là. Ensuite, comme on aura changé de gouvernement, hein ! De gouvernement, certes, mais pas de peuple. En attendant, la petite magouille solférinienne se porte bien.

Ce n’est pas tout évidemment. C’est sans doute bien plus grave que ces milliards et centaines de millions perdus. C’est le crédit de la France qui est sérieusement entamé. Il est désormais acquis que les contrats d’armement passés, signés par la France ne valent rien, que ceux-ci ne se réaliseront que si les Etats-Unis sont d’accord. J’imagine fort bien la mine de Obama, Merkel et Cameron quand la nouvelle fut connue que la France ne livrerait pas les mistrals. On a dû fêter ça ! Les Russes aussi d’ailleurs, puisque concurrents comme les trois autres sur les marchés d’armements.
Et au-delà de tout ça, c’est la fin de la diplomatie française qui aura été actée. L’économie se traite à Bruxelles, la diplomatie à Washington. Restent les lois sociétales.
Vive la France !

Mais puisqu’on vous dit que c’était un bon accord !

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