Voilà le grand débat qui agite
quelques cervelles ces derniers temps. Le but est simple, du moins pour ceux
qui souhaitent que l’appellation de migrants soit abandonnée au profit de celle
de réfugiés : susciter la compassion et ainsi faire avaliser le fait qu’on
doit accueillir tous ces gens, ces pauvres hères devenus vagabonds par
nécessité, qui pour fuir la guerre, qui pour fuir les persécutions, qui pour
fuir la misère.
Migrants pourtant c’est bien
pratique et tellement plus juste, car la notion englobe tous ces gens qui
veulent changer de continent, changer de pays, changer de vie, quoique sur ce
dernier point j’ai quelques doutes, mais j’y reviendrai parce que c’est
essentiel, et ce quelles que soient les raisons qui les motivent. Si on les
nomme réfugiés, on brouille totalement les cartes, on confond
délibérément les causes mettant sur le même pied le chrétien d’Irak qui a fui
les islamistes et qui sinon allait mourir et le jeune sénégalais qui a trop regardé
la télé et qui pense qu’en France bonheur et opulence l’attendent. Et entre ces
deux cas on a toute une palette de motifs ayant provoqué une migration. Et puis
le jeune diplômé ou le cuistot français qui par envie de dépaysement, parce
qu’ils pensent que leur carrière sera meilleure ou qui veulent étoffer leur CV,
sont donc eux-aussi des réfugiés. Et moi aussi d’ailleurs qui ne vit plus en
France.
Non soyons sérieux, tous ne
méritent pas le titre de réfugiés. D’ailleurs en 2014 sur 490000 demandes
d’asiles déposées dans l’UE 305000 ont été rejetées. Ceux à qui on pourrait
attribuer le titre de réfugiés sont évidemment très minoritaires, même si leur
situation dans leur pays d’origine n’est certes pas enviable dans beaucoup de
cas et sans doute dans la majorité.
Néanmoins, il faut bien
évidemment faire le tri, et ce ne sont pas les conditions du voyage, les
risques encourus, la mort d’autre migrants aussi terrible soit-elle, qui
peuvent dispenser d’opérer ce tri. Tout simplement, en premier lieu, pour des
raisons pratiques, parce que selon cette phrase devenue désormais célèbre de
Rocard et reprise depuis à l’infini, on ne peut pas accueillir toute la misère
du monde. Mais il avait ajouté qu’on devait en prendre notre juste part. Qu’est
cela sinon la définition d’un tri nécessaire, un tri par exemple entre ceux
qu’on ne peut renvoyer sans les condamner à mort et ceux qui, certes,
continueront à mener une vie difficile dans leur pays, mais celle qu’ils
mèneraient chez nous serait-elle forcément meilleure ?, mais ne risquent
pas d’être accueillis par une balle à leur descente de l’avion. Cependant les
critères du tri peuvent et doivent évidemment être élargis : doit-on par
exemple accueillir à bras ouverts des diplômés venus pour l’appât du gain parce
qu’ils peuvent nous être utiles, ou les renvoyer sans ménagement pour qu’ils
participent au développement de leurs pays d’origine et participer ainsi à la
progressive éradication des conditions favorisant l’exil des plus
démunis ? C’est une question politique, mais à ce stade il semble que ce
soit un peu la misère sous les crânes de ceux qui sont payés pour prendre des
décisions de ce type. Faut dire que les idéologues ne manquent pas pour
fustiger le retour forcé de qui que ce soit, en particulier des diplômés :
certains se souviendront sans doute du tollé soulevé par une décision de Guéant
de renvoyer dans leurs pays les étudiants étrangers en fin d’études et diplômés
qui auraient raté leur avion de retour ; les mêmes pleureuses se
plaindront qu’on ne fait pas assez pour le développement des mêmes pays d’où
sont issus ces mêmes étudiants en fin de cursus, mais c’est vrai que
l’idéologie voisine souvent avec la connerie. Et c’est bien ce qui
caractérise les bienpensants de gauche, les compassionnels mais toujours dans le
même sens, celui qui place « l’autre » en priorité par rapport à
l’autochtone, au souchien comme on dit, prié de se pousser pour laisser la
place et aussi financer la prise en charge des malheureux réfugies car ils ne
peuvent être que ça. Aussi accueille-t-on les clandestins à l’hôtel tandis que
nos SDF se contenteront de dormir dans des cartons dans la rue ou dans des
structures d’accueil notoirement insuffisantes. Sans doute un choix politique
qui devrait s’accompagner pour la majorité virtuelle qui nous dirige d’un
changement de nom en « parti de l’autre » par exemple. L’erreur
serait là moins grande que celle faisant de tous les migrants des réfugiés.
Mais j’en reviens à mon tri.
Imaginons, miracle !, qu’il s’opère. Cela ne serait encore pas suffisant.
Car que faire de ces migrants, de ces réfugiés pardon, dès lors que l’asile
leur est accordé ? Comment faire en sorte qu’ils se fondent dans le
paysage ? De fait, cette fois on connait la réponse. Elle nous a été
donnée par de fameux rapports critiqués à leur parution, malgré leur grande
qualité reconnue par le premier ministre de l’époque, au point que c’était la
voie à suivre. Les rapports ont été enterrés mais c’est néanmoins leur esprit
qui préside à l’accueil des migrants. C’est : « votre culture, vos
modes de vie valent bien les nôtres et donc nous allons nous adapter pour que
vous puissiez vivre comme vous le faisiez chez vous ». On appelle ça
l’inclusion qui a remplacé l’intégration qui avait remplacé l’assimilation.
C’est en fait le communautarisme qui devient la politique officielle d’accueil
des migrants. Mais chut, faut pas le dire ! Faut continuer à faire comme
si on n’avait rien vu ! Et donc on en vient sournoisement à créer petit à
petit, et on le constate chaque jour de plus en plus, les conditions qui ont
provoqué les flux de réfugiés ( ! ) que nous accueillons de si mauvaise
façon. Quand certains prophétisent une guerre civile, et peut-être ne se
trompent-ils pas, n’est ce pas ce rejet d’une politique d’assimilation qu’ils
regrettent tandis qu’ils dénoncent celle d’inclusion qui mène aux
communautarismes dont on sait quels malheurs ils portent en eux ?
Et si finalement c’était à cause
de ça que ceux qu’on appellent les migrants, que d’autres voudraient qu’on
appelle les réfugiés, sont considérés comme des indésirables par des
parties importantes de la population et plus généralement des populations
européennes ? Et si c’était à cause de ça qu’un petit pays comme la
Slovaquie, pas très riche, et même pauvre, consent à participer à l’accueil des
migrants mais en souhaitant n’accueillir sur son sol que des chrétiens ?
Sans doute intuitivement les Slovaques ont-ils compris que des valeurs communes
fondées sur une religion commune étaient de nature à favoriser l’intégration.
On notera d’ailleurs que les pays dernièrement accueillis dans l’UE, en fait
ceux qui étaient auparavant dans l’orbite soviétique, ne sont pas très chauds
pour accueillir migrants ou réfugiés. L’identité nationale leur a permis de
tenir quand ils n’étaient plus des nations, mais juste des satellites de
l’URSS, et ils conçoivent sans doute mieux que nous les risques d’une
immigration massive non contrôlée et non assortie de conditions drastiques pour
les migrants sommés de s’adapter et non l’inverse. Ceci étant évidemment le contraire
de la politique européenne en terme d’accueil des immigrés. Et voilà donc
pourquoi ces mêmes pays sont critiqués par les dirigeants généreux de l’argent
de leurs peuples et, plus grave, de la cohésion nationale au sein des Etats
tandis qu’ils sont payés normalement pour la garantir, et là on est loin du
compte, surtout en France.
Et voilà pourquoi Schengen n’a
vraiment aucun sens et constitue même une aberration qu’il convient d’éliminer.
Schengen c’est bien sympa pour les Européens (résidant dans l’espace du même
nom) ou pour les touristes désirant ne rester que touristes. Mais au-delà c’est
une catastrophe. Une catastrophe parce qu’il n’y a pas de politique européenne
pour l’immigration, et des quotas de répartition ne sauraient certainement pas en
tenir lieu d’autant plus que le principe de libre circulation les rend
absolument inopérants, une catastrophe pour les pays membres qui ne disposent
pas d’une politique d’immigration affirmée ou n’appliquent pas cette politique,
par exemple la France qui ne renvoie qu’une portion minime, ridicule même, de
ceux à qui elle a refusé l’asile, et qui sont le point de chute privilégié des
migrants. Il est donc facile de critiquer Orban qui fait construire une
barrière entre son pays et la Serbie, il est donc facile de critiquer la
Slovaquie qui souhaite choisir ses migrants en fonction de leur religion, il
est donc facile de critiquer tous ces pays qui « ne jouent pas le
jeu » (mais quel jeu ?). Eux savent ce qu’ils veulent et peut-être
davantage ce qu’ils ne veulent pas et s’en protègent. Plutôt que de les en
blâmer peut-être faudrait-il prendre exemple sur eux, pas forcément, sans doute
pas d’ailleurs, en construisant des barrières, mais en définissant une
politique claire qui ne soit pas préjudiciable à l‘unité nationale, qui ne soit
pas source de conflits potentiels, en définissant combien on peut et qui on
veut accueillir et en fixant des règles auxquelles il faudrait se tenir.
Je n’imagine pas un seul instant,
ni ne le souhaite vraiment d’ailleurs, que cesse l’immigration dans notre pays.
Je n’imagine pas un seul instant qu’on refuse l’asile à des gens en danger.
Cependant tout ça doit être strictement encadré pour le bien de tous. Mais
force est de constater que ça ne l’est pas chez nous, loin de là, et que plutôt
que de décider on préfère se réfugier derrière le compassionnel, lequel
pourtant ne saurait constituer le fondement d’une politique, ni excuser, c’est
davantage le cas, son absence. Tant qu’on en sera à chercher le vocabulaire
pour ne pas désigner les choses, tant qu’on en sera à penser que ce serait
mieux d’appeler les migrants réfugiés pour apitoyer le « bon peuple »
et lui faire accepter ce qu’il ne veut pas, on n’avancera pas.