"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

vendredi 19 septembre 2014

Le lever du Roy



Il est huit heures. François réveillé par une délicieuse odeur de croissants chauds profite de ses dernières secondes bien au chaud sous la couette douillette. Il conserve ses yeux clos voulant profiter de ces derniers instants avant une journée qui sera rude. Davantage que la précédente et moins que la prochaine. Il tend machinalement son bras gauche tout en sachant que ce n'est que le vide qu'il va rencontrer. Ça y est, Julie est partie, elle l'a congédié sans communiqué après avoir appris que la femme de sa vie était toujours l'impétueuse Valérie pourtant elle-même congédiée quelques mois plus tôt par un communiqué alliant sobriété et goujaterie. Il a donc pris l'habitude de se réveiller dans un grand lit vide, un lit immense, fait pour mesure pour y caser de Gaulle, renforcé pour supporter le poids de Pompidou, élargi pour Mitterrand qui faisait ménage à trois, et peut-être même à quatre.

Pourtant et à sa grande surprise, ce matin, les doigts de sa main gauche, nous ignorons ce que fait la droite à cet instant, rencontrent une touffe de poils. Dans son demi-sommeil, tout en esquissant un sourire béat, allez savoir pourquoi, il pense pourtant n'être pas descendu si bas, aussi bas que dans les sondages d'opinion. "Quelque chose ne va pas! Encore!" pense-t-il, par réflexe. Et brutalement avec une vitesse d'exécution surprenante pour cet homme si mou, il fait un bond et se retrouve assis à observer la forme qui git à ses côtés. Et là il se souvient. C'est Claude, son fidèle conseiller en communication qu'il a invité dans sa chambre pour qu'il lui prodigue ses conseils toujours avisés, sinon où en serait-il dans les sondages?, à la veille de la grande conférence de presse de ce soir. "Il aura dû s'endormir en me parlant tandis que je dormais déjà", songe-t-il.

Sans bruit, car contrairement aux riches et aussi aux pauvres il l'aime son conseiller, il saute du lit, comprendre il se laisse choir dans ses pantoufles, et se dirige vers la salle de bain. Il constate avec plaisir que l'intervention subie il y a 3 ans à la prostate a été un véritable succès. Néanmoins il songe avec nostalgie à l'époque, c'était la même, où il avait retrouvé une faculté  déjà  perdue puis revenue de pouvoir se regarder uriner. De cette époque ne restent que la teinture et les implants capillaires. Le bide, lui, a repoussé. C'est pas facile de vieillir et de rester svelte quand on est gourmand.
"C'est pas facile!". "Tiens cette expression me plait", se dit-il. "Elle résume bien ma vie, car c'est pas facile d'être moi. Va falloir que je la recase. Tiens, ce soir. Je vais en faire une anaphore, ma marque de fabrique."

"Claude!!!"
"Oui, quoi? Qu'est-ce que je fais ici?"
"J'ai une idée géniale pour ce soir, je vais faire une anaphore avec c'est pas facile. T'en penses quoi?"
"C'est pas facile à dire! Mais pourquoi pas, nonobstant la faute grammaticale. Après tout, ça te va comme un gant, toi qu'arrives jamais à décider, à choisir. Dis-leur qui tu es. Ils le savent déjà, mais c'est mieux de leur dire ".

Curieux conseiller, ne trouvez-vous pas qui va insister sur le défaut majeur et visible d'un président dont on aura compris finalement que pour lui ce n'est pas facile d'être président tout court. Comment ça, un président aurait donc des décisions difficiles à prendre? Et ne sachant les prendre il s'avérerait être le plus nul des présidents ayant eu à gouverner ce pays? Et lui donc pour couronner le tout irait s'en plaindre au peuple qu'il gouverne?
"Vous m'avez élu pour prendre des décisions. Bande de salauds! C'est pas facile et vous auriez dû vous en douter. Et maintenant vous me reprochez d'être là où vous m'avez placé. En plus d'être des salauds, vous êtes des cons, car vous étiez avertis. Alors cessez de vous plaindre, c'est moi qui suis à plaindre, pas vous."
Bon on n'avance pas avec ça, mais au moins on partage la responsabilité de la catastrophe. Si on en remet une couche sur l'héritage, sur les patrons qui ne jouent pas le jeu, sur la méchante chancelière et sur l'Europe qui nous reprochent de façon inconsidérée de ne pas respecter  les engagements que nous avons pris et réaffirmés régulièrement, et bien nous voilà exonérés de nos faiblesses.

"C'est ça Claude, je vais leur dire que c'est de leur faute à eux et aux autres et que moi je fais ce que je peux! T'en penses quoi?""
"De toute façon faut bien dire quelque chose. Après avoir dit que tu maitrisais, que le bonheur était à portée de main, que la croissance était là, que le chômage allait baisser, faut bien trouver des excuses puisque c'est exactement l'inverse qui s'est passé. Et puis, un conseil! Parle leur de la prochaine guerre, pour ça t'es quand même un cador, trois en moins de deux ans! Et aussi de la montée du FN, mais ça je pense que tu y avais déjà pensé."
"Ah oui la guerre, ça c'est important. Je vais même commencer par ça. Mais j'espère juste qu'ils ne vont pas m'interroger sur la Mali et la Centrafrique."
"T'inquiète, ça ils s'en foutent. L'essentiel c'est de faire la guerre. Pourquoi? Les résultats, les perspectives, ça ils 'en tapent."
"Je vais te dire un truc, Claude. T'est vraiment un as. On devrait dormir plus souvent ensemble, tu crois pas? Allez viens on va manger les croissants".

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