"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

dimanche 6 octobre 2013

Lampedusa : la faute aux Européens bien sûr





S'attribuer les malheurs des autres n'est pas différent dans le fond que de s'en attribuer le bonheur.
C'est donc ainsi qu'après le drame de Lampedusa de Rome à Bruxelles, en passant par Paris, surtout par Paris, une fois de plus les Européens ont succombé à cette tentation de s'attribuer la responsabilité de tous ces morts venus d'ailleurs pour profiter du lait et du miel qui coulent en abondance sur notre continent. C'est bien connu.

C'est évidemment parce que nous sommes réticents à les laisser entrer en masse dans nos pays de cocagne que ces malheureux venus de Somalie et d'Erythrée ont sombré avec leur rafiot surchargé venu sans doute de la proche Libye libérée des griffes du tyran Kadhafi par nos soins.

Il y a certes des questions qu'on pourrait se poser, de simples questions qui nous rappelleraient également que la raison, le cartésianisme, fait aussi partie de notre arsenal occidental et en constitue, ou en constituait, un des fondements qui avait pu avec difficulté et malgré des retours en arrière aussi stupéfiants que sanglants nous libérer de toutes sortes d'obscurantismes. C'est d'ailleurs sans doute au nom de la raison qu'un homme politique de gauche déclarait il y a des années que nous ne pouvions pas accueillir toute la misère du monde, même si nous devions en prendre notre part. Et c'est donc ainsi que, certes de manière chaotique, parfois douteuse et souvent inefficace, les pays européens dont le nôtre se sont dotés de politiques migratoires destinées à empêcher tous les malheureux de la terre de se ruer vers une Europe qui ne pouvait pas tous les accueillir. Des règles sont ainsi définies, mal appliquées car polluées par une générosité sans doute excessive, donc mal venue puisqu'elle remet en cause certains de nos équilibres fondamentaux, économiques, démographiques et surtout culturels. Mais ce n'est pas dans ce billet que sera traité l'aspect qualitatif de l'accueil des migrants qui en quelques décennies est passé de l'assimilation à l'inclusion via l'intégration. Nous noterons juste que cette transition, ce changement radical de philosophie, n'a pas aidé ceux qui arrivaient dans notre pays en faisant pour beaucoup des gens bien établis sur notre sol, parce que de souche ou parce qu'assimilés, des étrangers définitifs quelles que soient les mentions portées sur leurs papiers d'identité.

Mais revenons à nos questions.
Parmi toutes les bonnes âmes autorisées qui se sont exprimé sur ce drame combien se sont demandé pourquoi ces personnes misérables issues de la corne de l'Afrique avaient décidé de tenter ce grand voyage plein de dangers d'abord à travers leur continent, puis lors d'une traversée risquée pour atteindre l'Europe? Combien se sont demandé comment de tels voyages sont possibles? Répondre à ces questions est évidemment un préalable. Mais non, il est préférable sans doute de se frapper la poitrine et de se flageller en se lamentant au cri de "c'est notre très grande faute!". C'est un peu comme si un voleur, supposons-le très pauvre pour que cela soit en phase avec un sentiment de culpabilité, se rompait le cou après avoir glissé sur une peau de banane échappée du sac poubelle réservé aux déchets organiques que vous aviez déposé dans la benne prévue à cet effet la veille au soir, et que vous en éprouviez une profonde tristesse coupable vous accusant ensuite de ne pas avoir éclairé suffisamment votre terrasse et laissé votre porte ouverte. Il n'est pas dans mes intentions de comparer ces migrants à des voleurs, mais de comparer des situations dont l'une est avérée (la mort des migrants) et l'autre peu probable (vos pleurs après le décès accidentel de celui qui voulait vous dérober vos biens). Pourtant dans les deux cas, la problématique est la même : un ou des démunis viennent se procurer de quoi mieux vivre chez des gens mieux lotis qu'eux. Et ceci par des moyens illégaux, car il est autant illégal de pénétrer en Europe sans visa que de pénétrer chez vous par effraction. Et dans les deux cas l'issue est, ou devrait être car par les temps qui courent c'est beaucoup moins vrai, l'enfermement, prison ou centre de rétention, pour les contrevenants.

J'en reviens à mes questions et aux réponses qu'on pourrait leur apporter.
Si ces gens veulent venir en Europe selon un mode particulièrement dangereux et devant les mener en cas de réussite dans un camp de rétention, c'est évidement parce qu'ils sont mal chez eux. Guerre civile, régime dictatorial, misère,…, tels sont les motifs qui généralement poussent des gens à quitter leur foyer pour tenter de trouver une vie décente ailleurs. Il ne faut pas leur en vouloir, beaucoup d'entre nous auraient la même idée s'ils étaient confrontés à la même vie qu'eux. Ils vont donc là où ils supposent que les conditions de vie sont meilleures, seront meilleures de toute façon. Mais ce ne sont pas les pays riches qu'ils visent seulement. On n'a guère vu de migrants débarquer illégalement en masse au Qatar ou en Arabie Saoudite. Car ils savent comment ils seraient traités là-bas (vu les conditions dans lesquelles sont traités les migrants – travailleurs – volontaires, les raisons sont effectivement bonnes d'éviter ces pays). Alors ils vont là où ils savent qu'ils seront traités humainement, où leur dignité sera respectée, même s'ils sont en infraction vis-à-vis des lois locales. Ils vont là où on les nourrira, là où on les soignera, là où ils auront des droits. Et pour beaucoup d'entre eux un avenir.
C'est donc de cela dont nous serions coupables. D'avoir davantage d'égards pour eux, de mieux les respecter qu'ils n le furent jamais dans leurs pays d'origines. En fait d'être attractifs. Oui sans doute, car quand défier les lois permet de vivre mieux, c'est qu'il y a quelque chose de vicié. Si ces migrants arrivant en masse savaient qu'en Europe, il n'y a pas d'issue pour eux, que leur destin est leur retour de là où ils viennent, ils ne viendraient pas et le droit d'asile retrouverait le sens qu'il a perdu dès lors qu'il est utilisé massivement et admis dans cette configuration par les autorités des pays chargés de définir ceux qui y ont droit. Pour info il y a eu 61000 demandes d'asiles en France en 2012 (seules 14000 furent acceptées, ce qui ne signifie pas que les 47000 recalés sont quitté le pays). Ce qui signifie clairement que le droit d'asile a perdu tout son sens dès lors qu'il a atteint de tels chiffres et telles proportions par rapport à l'immigration en général, légale ou non. Si donc ceux qui utilisent le droit d'asile abusivement savaient qu'ils seraient immanquablement renvoyés chez eux, ils hésiteraient à venir. Or ils viennent parce qu'ils savent que leur demande acceptée ou non ils pourront de toute façon rester, même si c'est de façon illégale. Ils auront droit aux différentes prestations, disposeront parfois d'un emploi, peut-être au noir, et leurs enfants seront éduqués et ceux nés dans les pays adeptes du droit du sol en auront la nationalité. Donc si nous voulons effectivement invoquer nos responsabilités dans ce drame, dans les précédents et dans ceux qui viendront, c'est là qu'il faut la chercher, dans cette incapacité à refouler ceux que nous ne pouvons pas accueillir. Refoulons-les, refusons leur ces droits que nous leur donnons alors qu'ils sont hors-la-loi, et ils ne viendront plus en masse. Ce n'est pas une volonté d'exclusion, c'est juste se donner les moyens de respecter un politique d'immigration qui devrait pouvoir nous permettre d'accueillir ceux que nous voulons et ceux que nous pouvons. Pas moins, mais pas davantage non plus.
J'en entends déjà certains, ceux qui ne m'auront pas d'ores et déjà exclu de l'humanité, dire qu'il faudrait les aider chez eux. Nous n'arrêtons pas de le faire, peut-être de façon insuffisante, mais mal de toute façon. Mais si nous le faisions bien, c'est-à-dire en contrôlant l'usage des aides apportées nous serions immanquablement taxés de néo-colonialisme. Et je ne parle pas des échecs lors d'interventions directes comme en Somalie dans les années 90 par exemple. Oui, nous pourrions sans doute régler certains problèmes, mais selon des méthodes qui révulseraient les mêmes qui disent qu'on n'en fait jamais assez. Il n'y a donc pas de solution satisfaisante et il convient donc de nous rabattre sur celle la moins pire, celle qui correspond le mieux à nos intérêts, c'est-à-dire celle qui ne consiste pas à accueillir toute la misère du monde, et à en prendre notre part… calculée.

Reste à répondre à la seconde question : "Comment de tels voyages, dans ces conditions, sont possibles?". Ce sera bref. A cause du profit évidemment. Des gens, pas nous, s'enrichissent ainsi, profitant de la misère de ceux qu'ils transportent.
Comment lutter contre ça? C'est quasiment impossible dès lors que les autorités des pays concernés n'agissent pas. Kadhafi avait ses défauts, mais au moins il était capable de limiter les départs à partir des côtes libyennes. On pourrait par une action de police internationale tenter d'enrayer ces réseaux, mais ce serait peine perdue, un travail de Sisyphe, la demande créant toujours de l'offre.
Les Européens ne sont pas coupables de cela non plus. S'ils veulent pousser leur logique larmoyante au bout, il ne leur reste plus qu'à organiser ces voyages illégaux, ou à supprimer les visas d'accès.

Il ressort de la réponse aux deux questions posées que les premiers coupables sont évidemment les dirigeants des pays auxquels appartiennent ces migrants ainsi que les réseaux qui s'engraissent sur la misère du monde en organisant ces voyages qui parfois conduisent à la mort.
Les Européens s'ils veulent absolument se sentir coupables ont une seule chose à se reprocher : leur générosité. Ou leur laxisme. Chacun choisira le terme qui lui convient. Pour donc limiter le nombre de ces accidents dramatiques, il leur faut soit prendre les mesures (et surtout les appliquer) qui dissuaderont les migrants illégaux de venir sur leur territoire, soit pousser leur logique de coupables à son terme et déclarer l'Europe "terre ouverte", et voir même financer et organiser les voyages des migrants. Il ne peut y avoir de moyen terme satisfaisant. Sauf que nous y sommes avec les résultats que l'on voit.

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