"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mercredi 27 mars 2013

Vers la fin de notre défense (2)


"Le scénario de Bercy vise à tuer le ministère de la Défense. Dès 2015, si on le suit, il ne lui restera que la sécurité nationale (la gendarmerie), les forces spéciales et la dissuasion"
Ce propos n'est pas de moi, sinon il serait évidemment exagéré. Non, il est de Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale à l'assemblée nationale. Je précise que cette dame est socialiste, ce qui pourrait faire penser à certains membres où sympathisants du PS qu'ils ont été infiltrés ou qu'il existe des traitres parmi eux. Mais non, c'est juste une femme responsable, chose évidemment rare au parti de la rose, ne parlons pas de ses alliés verts pour lesquels la dissuasion devrait passer par des bisous et des câlins à nos éventuels agresseurs. Un peu comme la politique de notre ministre le la justice vis-à-vis des délinquants.

De fait les militaires auraient tort de se plaindre, de penser que les élus nationaux et surtout locaux ne les apprécient pas, même s'ils ne leur témoignent pas en régime de croisière toujours de la sympathie ou, s'agissant des maires ne font pas non plus parfois d'efforts pour aider leurs familles à s'implanter sur leurs communes. Oui, ils auraient tort de se plaindre, car quand leur présence est remise en cause, quand un régiment est soit dissous, soit appelé à déménager, on les voit se mobiliser pour éviter cette catastrophe. Catastrophe économique évidemment. Fini ce millier de militaires qui consomment, finies les rentrées fiscales… C'est dans ces moments difficiles que les militaires comprennent combien ils sont aimés. C'est évidemment une manière de voir le problème.

L'autre manière, et je me permets quand même de penser que c'est celle qui motive notre députée ainsi d'ailleurs que son homologue au sénat, c'est que la défense d'un pays constitue un des piliers de son indépendance, de sa souveraineté, de son rayonnement international, sans oublier évidemment sa sécurité et que la remettre en cause menace tous ces éléments.

Donc comme évoqué dans mon précédent billet, en cette période de vaches faméliques budgétaires, l'idée est venue à certains, les occupants de Bercy pour être précis dont pour paraphraser Mélenchon, je commence à penser qu'ils pensent davantage finances publiques que français, de sacrifier l'outil de défense de la France. Ceci dit, et à leur décharge, c'est leur boulot de penser finances publiques et de proposer des solutions (espérons qu'ils sont allés au-delà de celles visant à baygoniser la défense), tandis que c'est le boulot de notre chef à tous d'arbitrer, de choisir, de décider. Sauf que quand on est gouverné par quelqu'un qui gouverne comme un conseiller général s'occupe de son canton, c'est pas gagné. Je commence à adorer les socialistes et notamment ces députés qui décrivent si bien notre président. Même plus besoin de se casser la tête pour lui trouver les qualificatifs adéquats, ils le font eux-mêmes. Merci Monsieur Cherki!
Bon trêve de plaisanterie, ce billet se veut quand même sérieux. Même si je ne sais pas trop par où commencer.

Bon essayons de raisonner logiquement. Il existe un document de base qui devrait à partir d'une appréciation des menaces et des ambitions de la France de peser sur les affaires du monde permettre de décliner un contrat opérationnel pour les armées et partant leurs format, matériels majeurs et structures. Ce document s'appelle le livre blanc de la défense et a généralement une durée de vie de 15 ans. Or, dès son arrivée au pouvoir notre président a décidé de faire procéder à la rédaction d'un nouveau document alors que celui en vigueur actuellement date de 2008. Cette décision déjà a mis la puce à l'oreille a quelques uns qui ont compris qu'on allait se servir de ce nouveau document pour opérer des coupes sombres dans la défense. D'ailleurs il n'a pas fallu en attendre sa parution pour que dès l'été dernier des décisions soient prises pour réduire les crédits d'équipement, geler les recrutements et diminuer d'un tiers les tableaux d'avancement. Ce qui a fait dire aux chefs d'état-major des différentes armées, mais discrètement, en commission de défense, mais après tout ça intéresse qui, qu'ils ne pouvaient plus tenir le contrat opérationnel fixé par le livre blanc 2008. Dès lors on aura très bien compris le processus en cours, ce que confirme la parution sans cesse différée du nouveau livre blanc, qu'il s'agira essentiellement de mettre celui-ci en adéquation avec le budget qu'on décidera d'attribuer aux armées. Ce qui, reconnaissons-le, constitue une démarche assez originale, soyons polis, qui vise finalement à mettre les menaces en adéquation avec le format retenu des armées et non l'inverse. C'est un peu comme le déficit budgétaire ou le chômage : on donne des chiffres, des objectifs en espérant que la réalité s'y pliera. Mais comme on a pu le remarquer ça ne marche pas, le monde imaginaire de bisounours Hollande se heurtant injustement à la dure réalité. Et bien pour les menaces ce sera pareil. Ce que d'autres, sauf en Union Européenne, ce rêve qui vire au cauchemar, ont sans doute compris en portant un effort substantiel sur leur défense. Chine, Russie, Brésil par exemple, mais d'autres encore, renforcent leur défense. Sans parler évidemment des efforts constants que font les Etats-Unis dans ce domaine. La menace, sinon la volonté de peser davantage sur la marche du monde, augmente partout, sauf en Europe. Et la France, à l'instar de la Grande-Bretagne, qui pouvait encore l'impression de constituer une force militaire de bon niveau, se demande s'il ne serait pas préférable d'emboiter le pas à cette Europe qui n'a ni réelle ambition politique, ni volonté de se protéger.

Pour tenter d'être davantage précis, voilà les deux scénarios probables entre lesquels il va falloir choisir. Il y a le scénario du pire, celui qui émeut à juste titre la présidente de la commission de la défense nationale, mais aussi le ministre de la défense, et un scénario disons plus acceptable, cet adjectif étant à comprendre comme ce que peut ressentir un individu auquel on présente deux options, soit l'ablation d'un bras, soit l'ablation de la tête.
Le premier scénario, celui du pire, s'appuie sur le postulat faux que les guerres interétatiques relèvent de l'histoire ancienne et sur le postulat faux également que nous pourrions bénéficier ad vite aeternam de la protection des Américains qui pourtant reportent de plus en plus leur intérêt vers la zone Asie-Pacifique. Dans ces conditions on se contente d'un minimum, à savoir la sanctuarisation du territoire par la dissuasion nucléaire, et quelques forces d'intervention (forces spéciales) pour aller jouer le cas échéant les cow-boys en Afrique, mais de façon très ponctuelle. Dans ce scénario, on table aussi sur un renforcement de la coopération militaire en Europe, dont l'intervention au Mali nous a montré qu'elle était évidemment sur la bonne voie!!! Les conséquences de ce scénario qui est celui défendu par Bercy implique une réduction immédiate du budget de la défense de 3 milliards, soit plus de 10%, avec comme perspective un budget se situant à 1,1% du PIB à l'horizon 2025, soit 20 milliards d'euros. Cela suppose la suppression de 50000 postes dans les armées, la dissolution de 30 régiments de l'armée de terre sur les 80 dont elle dispose, une réduction des deux tiers du parc d'avions de combat, et, c'est une hypothèse, la dissolution du groupe aéronaval, donc la vente, ou au mieux la "mise sous cocon" du Charles-de-Gaulle qui lui-même doit jouer à la centrifugeuse au fond de son cercueil. Ce scénario prévoit également l'arrêt des chaines de construction du Rafale, et l'abandon de certains programmes d'armements dont celui de l'A400M, cet avion qui devait enfin nous doter de capacités de transport aérien. Pour être clair, c'est la fin de l'armée telle qu'on la connait et la mise à sac de l'industrie d'armement.
Le second scénario, celui défendu par l'hôtel de Brienne (le ministère de la défense), en faisant beaucoup de concessions, car c'est déjà un scénario catastrophique pour beaucoup, tient compte de la conjoncture budgétaire et constitue la participation de la défense aux efforts nationaux, aux efforts consentis par les autres ministères, du moins ceux qui ne sont pas protégés. C'est un budget qui est en phase avec les propos de Le Drian qui concède une participation de la défense aux efforts, mais en proportion de ce que doivent consentir les autres ministères et pas davantage. Ce scénario est baptisé par le ministère "hypothèse de survie", ce qui déjà en dit long. Il suppose une stabilisation du budget à 29 milliards, soit un peu plus de 1 milliard d'euros de réduction par rapport à l'actuel avec à terme un budget qui serait de 1,3% du PIB. Cela suppose une réduction des effectifs de l'ordre de 30000 personnels au sein des armées, et 15000 au sein de l'industrie de l'armement. Cette hypothèse réduit très fortement les capacités de projection dont nous disposons actuellement. Des opérations du type Mali, donc des opérations dans la durée deviendraient très difficiles à mener.
Le point commun à ses deux scénarios est le maintien de la force de dissuasion nucléaire. Ce qui me parait une absurdité, compte tenu de la nature des menaces prévisibles dans les prochaines années. S'il est indispensable de conserver une capacité, il l'est sans doute moins de conserver un arsenal dont la configuration géopolitique du monde suppose qu'on n'aura pas à s'en servir.

Un billet supplémentaire, et j'espère que ce sera le dernier, sera nécessaire pour tenter de dégager les conséquences de tout cela.

1 commentaire:

  1. Cher Expat,
    J'attends le numéro 3 pour intervenir, mais sans doute sur mon blog (en mettant copie en commentaire ici car le sujet est intéressant et important) ; bien sûr, "marsouin" de 2ème classe, je n'y ai pas votre compétence dont je me suis souvent félicité. Usbek

    RépondreSupprimer