"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

dimanche 3 mars 2013

Les bobos gauchos veulent investir le Panthéon


Il parait, non il ne parait pas et donc c'est encore pire, qu'une pétition circule visant à enfermer Stéphane Hessel au Panthéon. "Panteon subito!" criait la foule. Mais quelle foule? La foule de ceux qui se sont entichés d'un cabotin nonagénaire, complètement inconnu du grand public avant qu'il ne sorte un opuscule de quelques dizaines de grammes vendu 3 euros qui avait comme seul mérite éditorial un titre bien choisi. "Indignez-vous" qu'il disait l'Ancien. Et attention, pas n'importe quel ancien! Un ancien résistant déporté, et un des rédacteurs de la déclaration universelle des droits de l'homme. Un résistant déporté, sans aucun doute, un des rédacteurs de la DUDH, surement pas. Présent peut-être mais en tant que secrétaire. Entre la DUDH et sa sortie de l'anonymat, une carrière de diplomate, souvent auprès de l'ONU, ce truc qui ne sert à rien, avec ses succès et ses échecs, et un rôle de tâcheron auprès des socialistes quand ils furent au pouvoir, sous la IVème République, puis sous Tonton. Certes une carrière fort honorable menée par une personne cultivée, un normalien, mais qui confina l'homme à ses réseaux et à l'écart de toute notoriété publique jusqu'à tout récemment.
Quant à ses idées, du moins celles qui ont fait son succès, on peut les résumer en quelques mots : le monde est injuste notamment à cause des riches et surtout à cause des israéliens qui oppressent de façon inhumaine les Palestiniens. Oui de façon inhumaine par une occupation bien pire que celle que fut l'occupation de la France par les nazis. Pour preuve les résistants étaient gênés aux entournures à cause de la popularité de l'occupant. Parole de résistant!
Je reconnais que tout ça peut plaire à une frange de la population abreuvée de ces quelques idées simples depuis bien longtemps. Mais cela mérite-t-il une panthéonisation?

C'est vrai que depuis la période révolutionnaire, avec néanmoins de longues interruptions, puisque de 1815 à 1885, entre Antoine-Jean-Marie Thévenard, vice-amiral de la Révolution, sénateur et comte d'Empire, et Victor Hugo, personne n'entra au Panthéon sinon son architecte Jacques-Germain Soufflot en 1829, la France tient à honorer ses grands hommes en fixant leur dernière demeure en ce lieu initialement de culte, devenu temple païen de la République. Nonobstant les Invalides lieu de prédilection des gloires militaires, sauf si elles se nomment Bigeard. Et il faut dire que c'est chichement que la France accorde ce statut de grand homme puisque le monument n'accueille que 71 pensionnaires, parfois de façon partielle, un cœur dans une urne se substituant souvent à la dépouille complète. Et encore, ce bilan peut-il être encore davantage nuancé quand on sait que 43 des pensionnaires furent placés là pendant la période napoléonienne.
Il faut dire que ça avait mal commencé. Ce qui devrait faire normalement réfléchir longuement avant d'accueillir quelqu'un dans la crypte. Car des 6 premiers entrants au Panthéon entre 1791 (Mirabeau ouvrit le bal) en 1794, 4 avaient déjà été éjectés en 1795. Ne restaient plus donc que Voltaire et Rousseau à la fin de la période révolutionnaire. Les grands hommes d'une période donnée peuvent effectivement devenir honnis assez rapidement. D'ailleurs quand fut décidé de sortir Marat, il fut décrété avec sagesse que personne ne pourrait entrer au Panthéon moins de 10 ans après sa disparition. Mesure qui fut oubliée très rapidement.

Néanmoins cela devrait faire réfléchir à la définition du grand homme. Ou du moins à sa perception par les Français. Il serait en effet dommage de se référer à des idées partisanes pour décider qu'un homme ou une femme évidemment est digne d'entrer au Panthéon. Et si nous nous référons aux entrées dans ce lieu depuis la fin de la seconde guerre mondiale, il semble bien que c'est l'idée qui a prévalu: ne faire entrer que des gens faisant l'unanimité ou presque. Je cite dans l'ordre d'entrée : Paul Langevin et Jean Perrin, physiciens tous les deux, Félix Eboué et Victor Schloecher, Louis Braille, inutile de le présenter, Jean Moulin, idem, René Cassin, celui qui a rédigé la DUDH, Jean Monet, l'abbé Grégoire, Monge et Condorcet, les trois à l'occasion du bicentenaire de la Révolution, Pierre et Marie Curie, André Malraux et Alexandre Dumas. Vous remarquerez que je ne me suis senti obligé de décliner les qualités que des deux premiers. Albert Camus fut pressenti mais sa famille refusa.

Alors la question est : Stéphane Hessel a-t-il une place parmi ces grands hommes? Certes il a des points communs avec certains: résistant, écrivain. Mais c'est quand même insuffisant. Sinon prévoyons d'y faire entrer Bigeard ancien résistant et écrivain, ayant servi sa patrie sur bien des fronts, ou dans l'avenir Hélie de Saint-Marc, résistant déporté, écrivain également et ayant lui aussi servi sa patrie jusqu'au fond des geôles de la République pour être resté fidèle à son serment d'honneur. Les deux méritent aussi de la patrie. Non? Pourtant il n'y a aucun risque qu'ils entrent un jour au Panthéon. Parce qu'ils ne font pas l'unanimité. Déjà que des pétitions furent ouvertes et signées par des milliers d'individus, sans doute par ceux qui veulent aujourd'hui panthéoniser Hessel, pour que Bigeard n'entre pas aux Invalides, et ils eurent gain de cause, et pour qu'il ne bénéficie pas des honneurs rendus par la nation lors de son inhumation définitive, sans succès cette fois! Quant à Hélie de Saint-Marc, officier putschiste, ses chances sont extrêmement limitées. Mais personne n'ira pétitionner pour lui, quelque grand soit le personnage. Même ceux qui l'admirent s'en garderaient comprenant bien qu'il ne fait pas l'unanimité. Ne reste donc plus qu'à lui souhaiter une très longue vie.

Par contre les bobos gauchos, eux, rien ne les arrête. Puisqu'ils partagent les idées simples de Hessel, c'est pour eux un droit, une évidence même, qu'il entre directement au Panthéon. Ceux-là, rien ne les arrête. Et ce que peuvent penser les autres des idées de Hessel, ils s'en tapent. Mais alors là complètement.
Pourtant mesdames et messieurs les bobos gauchos, vous vous trompez. Le Panthéon appartient à la France, et non à vous. C'est une reconnaissance unanime de ses mérites de la part du peuple français qui peut y conduire, qui doit y conduire. Oui, il vaut mieux nuancer, car notre époque a ceci de formidable que même les évidences, que même la raison la plus élémentaire, peuvent être balayées d'un revers de la main. Construisez-vous votre monument, à la gloire des porteurs des idées simples que vous vénérez. Mais ne venez pas squatter ceux de la France que par ailleurs vous n'aimez guère.

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