"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

samedi 12 mars 2016

Un détail oublié au sujet de la loi El Khomry




La fameuse loi El Khomry a eu cet effet de jeter dans la rue pas mal de monde dont une partie non négligeable n'est pas vraiment concernée par elle. Mais inutile de s'appesantir là-dessus, c'est en effet un classique en France de voir ceux qui n'ont encore jamais travaillé et ceux qui bénéficient d'un statut protégé descendre dans la rue dès lors qu'on traite de lois à destination des salariés du privé.
Du reste je suis quand même inquiet pour l'avenir quand je vois des jeunes étudiants ou lycéens se préoccuper davantage du montant de leur retraite dans 40 ou 50 ans, de fait d'ici là les données auront tellement changé que c'en est ridicule, ou encore du temps de travail hebdomadaire tandis que leur préoccupation principale devrait être de s'instruire pour engranger les atouts afin trouver un boulot qui leur plaise à la fin de leurs études. Il faut dire que tant qu'ils se choisiront des représentants comme hier Bruno Julliard qui à l'âge de 28 ans, limite d'âge de son poste, s'était quand même hissé au niveau du master, et aujourd'hui un certain William Martinet, bientôt lui aussi atteint par la limite d'âge et qui aura au bout de 9 ans, au lieu des 3 ans requis normalement, décroché une licence de biologie, ils resteront loin de cet objectif qu'on pourrait supposer devoir être le leur. Mais ne nous inquiétons pas pour William : à l'instar de de Bruno, un temps conseiller éducation au cabinet de Vincent Peillon, sa riche expérience universitaire représentant un atout majeur, et désormais adjoint au maire de Paris, avant sans doute de devenir député, il finira par s'en sortir. Je mise en attendant que sa riche expérience puisse être convertie en mandat électoral national sur une villégiature au conseil économique, social, et environnemental, dont on a l'impression qu'il est un peu fait pour ça. Quant à ceux que Bruno et William auront entrainés derrière leur panache, c'est une autre histoire que nous ne raconterons pas. Il ne manque pas de motifs d'être triste.

Sinon s'agissant de la loi et de ce qu'on en connait ordinairement, elle n'est ni bonne, ni mauvaise, tout juste logique et peut-être même nécessaire dès lors que notre pays avec tant d'autres ont choisi délibérément, par le biais de l'Europe pour nous, pour d'autres par le biais de traités similaires à ce que sera le traité transatlantique pour nous encore, de s'engager dans la mondialisation "heureuse", celle que nous chante par exemple Attali, voire même Cohn-Bendit (ce dernier étant cité pour montrer une certaine inéluctabilité), il n'y a guère d'autre choix que d'adopter ce genre de loi. En effet dès qu'un Etat renonce à ses leviers économiques, monnaie, protectionnisme (ciblé et/ou conjoncturel) en particulier, il ne lui reste plus que le levier du social, celui qu'on s'est au niveau des instances supranationales toujours refusé et à dessein de prendre en main, pour préserver sa compétitivité. Le refus d'une l'harmonisation sociale, et aussi fiscale, implique que la concurrence sera forcément féroce entre les Etats à ces niveaux-là et qu'on ira bien au-delà des espoirs des libéraux les plus acharnés. Et que donc il faut se résoudre, dès lors qu'on veut être européen,  à faire une croix sur ce qu'on appelle les acquis sociaux. C'est comme ça, quand on choisit de s'engager dans une voie (pour nous ce fut l'approbation du traité de Maastricht), on ne peut plus échapper à la logique qui s'en dégage. La droite a trahi de Gaulle, la gauche (Mitterrand, Aubry) a trahi la gauche. Et il est pour le moins hypocrite de la part de ceux, pensons encore une fois à Attali et Cohn-Bendit, qui ont applaudi ces évolutions de se plaindre des conséquences des causes qu'ils ont chéries (pardon à Bossuet pour ce plagiat!). J'ajouterai, pour couronner le tout, que les alternatives politiques qui nous sont offertes (!), on se demande même si elles sont possibles (voir comment Tsipras s'est fait éreinter par le reste de l'Europe), ne sont pas vraiment crédibles. C'est un euphémisme. En fait je fais partie de ceux qui pensent que la démocratie en occident n'existe plus, même si on en conserve les signes à titre de simulacre. Les élections et les manifestations font partie de ces signes.

J'en arrive au point particulier que je voulais évoquer. Au moins pour justifier le titre de cet article.
L'article 6 du projet de loi El Khomry stipule la chose suivante : " la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché".
Voilà donc actée l'entrée du religieux dans l'entreprise. Il pouvait jusqu'ici exister des accords, ce qu'on nomme à tort des accommodements raisonnables, négociés au sein de l'entreprise. C'était déjà trop, à mon avis. Mais désormais, il n'y plus de négociation. C'est au chef d'entreprise de prouver (devant quelle instance?) que son refus de prendre en compte les revendications d'ordre religieux exprimées par n'importe lequel de ses employés est justifié. Ça va donc être à ce qui sera une juridiction extérieure dont on devine que les membres ne connaitront absolument rien de l'entreprise et de ses impératifs de finalement imposer, en cas de litige, un pan entier du règlement intérieur de cette dernière, sans évidemment être en aucun cas responsable des conséquences des jugements rendus.
C'est un premier point. Mais au-delà c'est une atteinte aux principes républicains, et en premier lieu à la laïcité qui est quand même un principe constitutionnel. C'est favoriser le communautarisme, et donc les rivalités au sein de l'entreprise. C'est une mise en péril de cette dernière.
Ceux qui voudraient se convaincre des dangers du communautarisme dans l'entreprise n'ont qu'à penser à ce qui se passe à la RATP où ses dérives ont été amplement décrites. Quand dans une entreprise parce qu'au nom de ses convictions religieuses on refusera d'obéir à une femme ou même de lui serrer la main, quelle pourra être la réaction de son chef. S'il peut faire valoir l'obéissance puisque c'est du bon fonctionnement qu'il s'agit, quel motif pourra-t-il invoquer pour éviter une ségrégation de fait entre ses employés de sexes différents?
Le communautarisme est une plaie. Il commence déjà à gangréner certaines de nos institutions, et de façon inquiétante quand il s'agit de la police ou de l'armée.
Les entorses à la laïcité dans les commissariats, même si elles demeurent marginales, commencent à inquiéter les autorités.
Les refus d'aller combattre dans des pays musulmans par des militaires refusant d'avoir à combattre leurs coreligionnaires sont une réalité depuis des années, même si on n'en parle pas. Certes ça reste marginal mais inquiétant.

Le communautarisme est une réalité qu'il faut combattre. La loi El Khomry le favorise. Mais ceux qui sont descendus dans la rue des derniers jours et se préparent à recommencer pour protester contre cette loi ont choisi d'autres motifs pour le faire. Ce serait d'ailleurs pour une partie d'entre eux, s'ils la connaissaient, comme le reste du dispositif d'ailleurs, une bonne chose que cette disposition qui va évidemment dans le sens du progrès. Car c'est hélas à cela que se réduit de plus en plus ce qu'on nomme le progressisme.

13 commentaires:

  1. Bonjour Vlad. Je n'ai pas retrouvé notre récent échange de commentaires relatif à votre départ du Nouvel Obs, aussi je me pose la question de savoir si vous souhaitez des fils de discussion sur le présent blog, ou préférez ne pas gé(né)rer de débats.

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    1. Bonjour Nolats,

      non pas de souci.
      De toute façon c'était déjà trop tard, le taré de Bourg-La-reine avait déjà fait ses courses.

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  2. heureux de vous retrouver ici Vlad je me désespérait de ne plus vous voir sur les blogs du NO.
    signé filou ici serein sur le NO

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    1. Filou, n'est-ce pas le diminutif de "Fildariane" sur l'Obs?

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    2. Eh oui Filou, j'ai déserté l'obs. Je me replie ici et sur agoravox

      C'est qui jeff nolats? en tout cas filou avait déjà donné la réponse à la question posée.

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  3. Bonjour Vlad, tout d'abord Jeff Nolats, c'est Nolats, car bizarrement selon que j'utilise IE ou Firefox, le pseudo s'affiche avec un seul ou deux identificateurs du compte attaché à mon gmail.
    Ma remarque à propos de "filou" était de me demander si Serein était également Fildariane sur l'Obs.

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    1. Excusez-moi, mais ayant fait l'objet d'attaques dernièrement par qui vous savez je me méfie.
      Non Filou, c'est Serein sur l'obs, pas fildariane.

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    2. Je comprends, on finit par devoir se méfier de sa propre ombre :-)

      Pour des raisons inexpliquées, mon Firefox se met parfois à mouliner frénétiquement en déclenchant le ventilateur du PC (une purge puis réinstallation n'a rien changé), aussi j'ai pris l'habitude de réutiliser IE, qui finalement fait correctement le job.

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  4. Je suis assez d'accord sur les considérations générales du début de votre article, à savoir que nous sommes immergés dans la mondialisation libérale relayée par l'UE, et que de ce fait nous sommes confrontés à la concurrence low cost nécessitant d'augmenter notre compétitivité, ce qui était l'objectif de la loi -elle a un peu changé de nature depuis-. Le cas Tsipras évoqué dans l'article montre qu'il y a guère d'échappatoire. Mais même hors de l'UE, les pays du monde sont confrontés exactement aux mêmes conditions, à moins d'être un paradis fiscal ou un pays pétrolier.
    Il aurait évidemment pu en être autrement, non pas seuls dans notre coin, mais si l'UE avait donné la primauté à l'intérêt des peuples de l'Union plutôt qu'aux multinationales (voir l'article de Plumeplume sur les lobbies).
    Dans la droite de gouvernement, les libéraux au sens classique ont peu à peu pris le pas sur les gaullistes, Les Républicains, c'est un peu le Parti Républicain de Madelin.
    A gauche, le courant internationaliste était naturellement porté au mondialisme -pas seulement alter-, et le libertarisme fait bon ménage avec le libéralisme (Cohn Bendit en est l'illustration).
    Les courants souverainistes -hors ultranationalistes- (seguinisme, chevènementisme) sont minorisés, on voit du reste leur difficulté de positionnement avec le glissement à droite de NDA et à gauche de Mélenchon. Le FN a phagocyté un bon nombre de suffrages patriotes, faute d'une offre crédible modérée.

    A propos de l'article de la loi travail relatif à l'expression des convictions, le principe n'est pas nouveau puisque constitutionnel, l'apport de la loi est donc justement l'énoncé de conditions/restrictions. Certains débordements comme ceux évoqués à la RATP sont incompatibles avec ces restrictions, et seraient sanctionnables au regard de cette loi.

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    1. Nous sommes bien d'accord sur la première partie. Et vous avez raison de noter le poids des lobbies dans l'UE.
      Il est difficile d'échapper au modèle mondialiste dès lors qu'on ne peut pas être auto-suffisant et que on est amené à se soumettre à des règles supranationales, comme la monnaie d'échange par exemple qui nous est imposée et dont ceux qui veulent y échapper comprennent vite leur douleur (Irak et Libye par exemple). On rajoute à ça les institutions supranationales comme le FMI ou l'OMC et on est vite corseté. Par ailleurs le système tend à se verrouiller lui-même par ces fameux traités (transpacifique, transatlantique à venir, transaméricain) qui shuntent les Etats en limitant leurs marges de manœuvre en terme de législation dans des domaines divers, comme les normes écologiques ou de santé publique par exemple, tout durcissement dans ces domaines pouvant amener les multinationales à invoquer un manque à gagner.
      Ce que j'observe c'est que tant qu'existait des Etats communistes, le libéralisme savait se contenir. Il fallait montrer à ceux qui vivaient dans le "monde libre" combien leur situation était avantageuse, et aussi à ceux qui vivaient en économie planifiée combien était enviable la vie de ceux qui vivaient dans le système capitaliste. Dans ce cadre une bonne protection sociale constituait un outil de propagande efficace. Dès lors qu'il n'y a pas d'alternative au libéralisme, tout cela devient superflu et le social, comme le reste, devient un objet de concurrence... à la baisse.

      Sur l'article 6, je ne crois pas que les chefs d'entreprise aient eu à se soumettre à des exigences d'ordre religieux. Ils pouvaient le faire, mais rien ne les y obligeait. La loi si elle passe en ces termes devient une obligation à laquelle on ne peut que se soustraire à condition d'amener des éléments de preuve quant à leur caractère négatif pour le fonctionnement de l'entreprise. C'est une contrainte pour l'entreprise et, je persiste, une voie ouverte à la communautarisation et les inconvénients que ça suppose derrière.
      Je donne un exemple (je l'ai vécu dans l'armée et on a pu sortir du problème grâce à un rabbin qui a remis la personne concernée à sa place). Si dans une entreprise, on est amené à travailler le samedi par exemple (et ça ne manque pas), si un jouf décide que lui n'a pas à travailler parce qu'il fait shabbat ce jour-là. Qu'est ce qui se passe? Est-ce que la juridiction qui doit trancher (on se demande d'ailleurs laquelle)dit vous avez assez de personnel pour pallier aux inconvénients induits pas cette demande, ou le bon fonctionnement de l'entreprise exige que... Déjà j'imagine que les réponses ne seront pas toutes identiques selon la juridiction. On en arrive donc à se dire qu’immanquablement, en fonction de ses activités ou des emmerdements qu'il pressent le recruteur va tenter de s'enquérir avant embauche de la religion des candidats. Mais ça c'est interdit. Par contre il devrait supporter les conséquences de la ferveur religieuse de ses employés. Vous voyez ce que ça peut donner en termes de discrimination cachée.

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    2. Vlad, je partage votre constat sur le fait que lorsqu'existait le bloc communisme, le libéralisme était davantage contenu. Désormais il triomphe sans vergogne.

      Concernant l'article incriminé, force est de constater que ce genre de problème existait peu naguère et tend à se répandre, d'où le besoin d'une loi pour "canaliser". Surtout que des pratiques abusives se sont parfois instaurées de facto. Inversement, on ne peut pas exiger dans toute la société les mêmes restrictions que dans les services publiques représentants l'état. Si donc un(e) salarié(e) affiche son adhésion à un courant d'opinion (écolo avec sigle WWF, musulmane avec un foulard, etc.), c'est considéré comme licite. Concernant des demandes spécifiques concernant les modalités de travail, c'est tributaire du bon fonctionnement de l'activité. Mais je retiens votre remarque qu'il peut y avoir mise en difficulté si cela donne lieu à dépôt de plainte, mais cela serait d'autant plus le cas en absence de loi exprimant explicitement des restrictions.

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    4. Concernant les discriminations à l'embauche, elles existent déjà dans les faits, par des biais bien évidemment; la loi ne devrait pas aggraver cet état de fait, mais peut-être "rassurer" en fixant des conditions aux doléances religieuses.

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