Mon dernier billet présentait une
vision de la laïcité, une vision que certains trouveront, ont même trouvé
restrictive. Et j'ai en particulier un contradicteur (voir mon blog jumeau sur l'obs) (en la personne de Nolats)
qui, si je l'ai bien compris, m'explique que compte tenu d'une diversité
observable, il faut pour promouvoir le vivre ensemble dans un cadre national,
prendre en compte cela et, tout en fixant des limites permettre à d'autres
sensibilités, en fait d'autres valeurs que les nôtres traditionnelles, de
s'exprimer. En fait c'est ce qu'on appelle les accommodements raisonnables qui
ne le sont évidemment pas. On voit d'ailleurs que les limites proposées par
notre aimable contradicteur sont déjà largement dépassées, assez souvent ou
ponctuellement, quand il parle de l'abattage rituel ou des menus de
substitution. De fait il se place entre les adeptes du multiculturalisme et ma
position.
Simultanément à cette discussion,
tournant il est vrai au dialogue de sourds, sans doute parce que nos acceptations
de la nation sont différentes, ainsi d'ailleurs que celles de la laïcité, se
développe à un tout autre niveau une polémique ouverte il y a quelque temps,
suite à l'appréciation peu élogieuse du rapporteur de l'observatoire de la
laïcité d'une intervention de Elisabeth Badinter nous invitant de cesser
d'avoir peur d'être taxés d'islamophobes et donc à oser réfléchir à ce qui
était encore peu tabou. Notre premier ministre qui vient de se souvenir que cet
observatoire était placé sous son autorité s'est saisi de cette polémique. Lui
et Bianco, président du machin sont donc entrés en conflit, le premier accusant
l'observatoire d'avoir une vision dénaturant la laïcité, le second défendant
son rapporteur et sa boutique, avec sans doute le fromage qui va avec, et
l'indépendance de cette dernière.
On peut observer que dans les
deux cas, le cœur du problème est bien une divergence de vision de la laïcité.
Pauvre laïcité!
D'abord, elle n'a pas vraiment de
chance puisque à la loi de 1905, qui est tellement vague, s'attachant
d'ailleurs surtout à des affaires de patrimoines, que mise à part la séparation
de l'église et de l'Etat, on peut faire dire à peu près ce qu'on veut. Et donc
on a ceux qui voient dans la laïcité un outil de protection du religieux et de
l'expression des croyances s'y rapportant, tandis que d'autres, dont je suis, y
voient plutôt l'instrument d'une protection de la société et des individus
contre les tentatives des religions d'influer sur les modes de vie collectifs.
Pour être davantage précis sur ma conception de la chose, la laïcité est, à mon
sens, le prolongement du processus d'émancipation de l'individu démarré sous la
Renaissance et confirmé par les Lumières, un bouclier contre le retour toujours
possible, et oserai-je dire sinon probable au moins palpable, d'un
obscurantisme aliénant.
On voit donc qu'évidemment une nouvelle
loi sur la laïcité pourrait être écrite. Cela dit avec les cocos qui nous
gouvernent, il vaut peut-être mieux ne pas s'y risquer. Le mot laïcité ne
figure même pas dans celle de 1905. Et si elle précise que "La République assure la liberté de
conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules
restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.", ce
qui peut se rapporter à cela dans la suite de la loi ne concerne que les lieux
de culte dans son titre V portant sur la police des cultes réaffirmant la
possibilité de surveillance de la part des autorités sur ce qui s'y passe et
l'interdiction de tenir dans ces lieux des propos d'ordre politique. On voit
avec quel bonheur ces deux dispositions ont été respectées ces dernières
années!!!
Certes on pourrait se contenter
de cela et en déduire que le libre exercice des cultes ça se passe dans les
lieux prévus à cet effet, et là uniquement quand on est dans l'espace public.
Mais il semble que certains se soient arrêtés à l'article 1 de la loi sans
aller d'ailleurs plus loin que "garantit
le libre exercice des cultes", le reste passant à la trappe. Ça c'est
la position de ceux qui sont favorables aux accommodements qu'ils disent
raisonnables, juste pour nous enfumer, de ceux qui parlent de laïcité positive,
ouverte ou je ne sais quoi la vidant de son sens, et que la pratique du culte
ou l'exhibition de ses croyances dans l'espace public ne dérangent pas. C'est
du reste aussi la position des pires obscurantistes.
De fait ce fut, c'est peut-être
encore, même si les temps ne s'y prêtent plus guère, la position de quelques
gouvernements successifs. Dont celui-ci il y a encore peu, la querelle opposant
aujourd'hui Valls et Bianco étant éminemment conjoncturelle. Il faut quand même
rappeler que cet observatoire de la laïcité voulu par Chirac en 2003, créé par
de Villepin en 2007 et installé par Hollande en 2013 a une histoire
particulière. On pourrait s'interroger sur les 6 années qui séparent sa
création de son installation. Mais ça n'a que peu d'importance puisque Sarkozy
adjoignit pendant cette période une mission laïcité au HCI (haut conseil à
l'intégration). C'est l'installation qui est intéressante. Elle se fit au
détriment du HCI dont les rapports alarmistes sur l'intégration n'avaient pas
l'heur de plaire. Le dernier(2013) ne fut purement et simplement pas publié par
de Documentation Française comme c'était l'usage. Faut dire que par exemple la
mission laïcité y préconisait l'interdiction du voile à l'université. Le HCI
disparut donc par non renouvellement de sa mission en 2013, tandis que
commençaient les riches heures de l'observatoire de la laïcité. Rattaché au premier
ministre (Ayrault à l'époque) ce fut pourtant l'Elysée qui se chargea de sa
composition. Et comment! Par le biais d'un casting mené par une jeune
conseillère de l'Elysée qui eut quand même le cran de demander à Elisabeth
Badinter de se présenter elle et ses travaux. De ce casting élyséen furent
refoulés tous ceux qui se montraient les plus virulents en termes d'intégration
et de laïcité, les deux vont de pair. Et finalement il en ressortit un truc
dont les rapports disent que tout va bien en termes de respect de la laïcité, et
du coup on se demande à quoi sert cet observatoire puisque tout va pour le
mieux, et qui ne voit pas de problèmes par exemple dans la recrudescence de
voilées à l'université contrairement à la mission laïcité du HCI,… Bon enfin quelque
chose qui prône une laïcité "ouverte" comme l'a proclamé encore très
récemment son président. En l'occurrence ça me fait plutôt penser aux cuisses
largement ouvertes de la République, tellement ouvertes que ça en devient même
insupportable à certains membres de cet observatoire entrés désormais en
dissidence avec leur président et son rapporteur depuis l'affaire Badinter.
La laïcité donc, pilier de la République, vous
savez cette chose et ses valeurs dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles
tandis qu'on ne cesse de les trahir, a largement été sacrifiée depuis un
certain temps. Pour un tas de raisons : par "amour" de la diversité,
par lâcheté pour préserver une paix sociale en danger tout en sachant
d'ailleurs que quand ça éclatera ça fera beaucoup plus mal, mais ce sera à
d'autres de se charger du problème, enfin peut-être, par calcul électoral,
terra nova l'a si bien expliqué…Et aussi, peut-être surtout parce que la
laïcité constitue un obstacle majeure à l'émergence de la nouvelle société dite
inclusive. J'évoquerai ça en fin de billet Or cet abandon de la laïcitéest
terrible. C'est un obstacle majeur à l'intégration, pour être plus précis aux
capacités des individus subissant la loi du groupe (religieux) de s'en
extraire, de s'émanciper.
Et j'en viens donc à cette
fameuse diversité, dont selon certains, puisqu'elle existe, il faut tenir
compte de ses particularismes pour que tout le monde, eux, les autres, enfin
tous ceux que ça intéresse de venir, et puis nous quand même, mais enfin
faudrait pas trop qu'on gêne, puisse vivre harmonieusement au sein de notre
belle nation. Il conviendrait au passage aussi de redéfinir ce mot pour que le
passé, l'identité, les valeurs, enfin tout ce qui a fait et fait la France, ne
prennent pas trop de place.
Mais voyez-vous, je me méfie de
la diversité comme de la peste. Je n’ai rien contre les échanges culturels et
certains de leurs apports. Mais je préfère me référer à Lévi-Strauss qui écrit
: "Chaque culture se développe grâce
à ses échanges avec les autres cultures. Mais il faut que chacune mette une
certaine résistance, sinon, très vite, elle n’aurait bientôt plus rien qui lui
appartienne en propre à échanger.", et considère d'un œil au
moins dubitatif, souvent inquiet, les joyeux apôtres du "merveilleux métissage"
à venir.
Je suis d'autant plus inquiet
quand une partie de la diversité par la bouche d'un président décédé depuis explique
que le ventre de "nos" femmes
"nous" donnera la victoire. Je suis d'autant plus inquiet quand
un ancien premier ministre devenu depuis président de son pays explique que "Grâce à vos lois démocratiques, nous vous envahirons. Grâce à nos lois
religieuses, nous vous dominerons.", déclare aux ressortissants de son
pays que l'assimilation est un crime contre l'humanité tout en les encourageant
à prendre la nationalité du pays où ils ont émigrés pour mieux y influer en
faveur du leur (et là on commence à s'inquiéter de la bi-nationalité, n'est-ce
pas?). Et je suis conforté dans mon inquiétude quand un monarque décédé depuis
explique de façon tout à fait honnête lors d'une émission de grande écoute qu'il est vain d'espérer que ses sujets
s'assimilent un jour. Par contre on ne s'inquiétera pas de voir qu'un de
nos ministres fait partie d'un organisme émanent
de ce pays en France. Il y a plein de postes en France qui requièrent une
habilitation au secret-défense, mais pas celui de ministre. Et c'est bien
dommage car certaines actions, vu les dégâts prévisibles, dans le domaine de
l'éducation par exemple, pourraient être expliqués hâtivement par une double
allégeance.
Alors moi, si j'étais dirigeant
de ce pays, tout ça m'inquiéterait. L'heureuse diversité m'empêcherait parfois
de dormir. Et donc je prendrais certaines mesures de précaution. Ce principe
n'est-il pas inscrit désormais dans la constitution? Par exemple je
n'accorderais aucune naturalisation à des gens dont il ne serait pas établi
qu'ils sont parfaitement assimilés. Je n'ai pas dit intégré, mais assimilé! Après
tout que ceux qui ne veulent pas s'assimiler assument leur choix et demeurent
étrangers. Et puis aussi je veillerais à ce que l'expression de toutes choses
relatives à une culture étrangère, religion incluse, reste confinée soit au domaine privé, soit à des
manifestations dument autorisées et contrôlées. Et c'est là évidemment que la laïcité prend
toute son importance. Quand des gens arrivent en masse et se réclament d'une
religion prétendant gérer toute leur vie jusqu'au plus petit détail, quand des
pratiques liées à cette religion, rapports hommes-femmes par exemple, sont tout
à fait incompatibles avec nos valeurs, quand certaines hautes personnalités
comme par exemple le recteur de la mosquée de la capitale précisent que les
lois de dieu sont supérieures à celles de la République, alors on verrouille,
on fait même du zèle en ne laissant rien passer de cette religion, en ne
répondant à aucune de ses demandes et en contrôlant étroitement l'exercice du
culte. En fait l'inverse de tout ce qui a été fait.
Pour résumer, j'essaierais de
trouver cette bonne distance, celle évoquée par Levi-Strauss et qui devrait
garantir l'intégrité de la nation et les intérêts du peuple. Pour cela la
meilleure façon c'est de s'adresser aux individus et non à des groupes qu'on
appelle communautés. Et là je reprends le principe oublié qui découle de ce que
proposait Clermont-Tonnerre à la Révolution pour les juifs : "Il faut tout refuser aux
juifs comme nation et tout accorder aux juifs comme individus." C'est
le seul principe, et évidement appliqué à tous, qu'il convient d'observer.
Comment intégrer des gens dont certains feront le pas de l'assimilation dès
lors qu'on les confine dans le discours officiel à une communauté? Comment
espérer que les individus puissent ainsi s'émanciper de ce groupe où on les
assigne. Parler de communauté revient à légitimer le contrôle social qu'ils
subissent au sein de leur groupe? C'est pourtant ce que font nos dirigeants
depuis pas mal de temps désormais, souhaitan[AG1] t sans doute en finir avec la seule communauté qui vaille et qui
est la communauté nationale.
Faut dire
que là ils y mettent le paquet et que seule la résistance populaire à leurs
noirs desseins pourra les arrêter. On se rappellera par exemple puisqu'on parle
de noirs desseins de ce fameux rapport Thuot prônant la société inclusive,
c'est-à-dire une société où toutes les communautés seraient sur le même pied (en
attendant peut-être le basculement démographique) et des 5 rapports qui en constituaient le prolongement en définissaient
les modalités pratiques de sa mise en œuvre et dans lesquels la France était
priée de s'effacer. Ces rapports conduits sous l'égide de plusieurs ministres,
dont le premier actuel alors ministre de l'intérieur et dont on peut après ça
douter de la sincérité de ses discours actuels ou dans la querelle qui l'oppose
aujourd'hui à Bianco, et qui émerveillèrent le premier ministre de l'époque ne
furent remisés dans les étagères que sous les pressions extérieures, en fait la
colère de ceux pour qui les mots nation et république ont encore un sens. Mais
n'en doutons pas, ils ressortiront en temps opportun ou alors seront mis en application
sournoisement. La réforme des programmes scolaires est une illustration
parfaite de cette tentative sournoise d'effacer la France des esprits des plus
jeunes. C'est d'ailleurs astucieux de commencer par là.
Dernière
chose, et qui devrait vous faire réfléchir et comprendre que l'abandon des principes
républicains que sont la laïcité et la nation est une catastrophe : si vous
aimez la diversité soyez convaincus qu'elle ne vous aime pas. Chaque jour
fournit son cortège de preuves, et certains avec une éloquente horreur.