Il déambulait dans les rues de
Vandoeuvre, avec ses ministres et ses conseillers lesquels se disaient "qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour
le faire exister? Aller jusque dans le trou du cul du monde pour aller se taper
un café avec une vieille dont il n'y a plus qu'à espérer qu'elle a retenu la
leçon qu'on lui a apprise hier! P….in, quel métier! Heureusement qu'on est payé
en conséquence!".
Il marchait le long des rues
désertes, le service d'ordre avait voulu éviter que se reproduisent les incidents
de la Courneuve et avait au préalable testé le dispositif dit "sans les indigènes" avec le premier
ministre, accompagné de 17 ministres qui se demandaient ce qu'ils faisaient là,
sauf la fayotte, vous savez celle qui sourit tout le temps, lors de son
déplacement hautement médiatisé, coûteux et inutile aux Mureaux . Ça avait
marché admirablement, pas un sifflet, pas une huée, et personne sur le trajet
pour avoir de si sombres pensées puisqu'il n'y avait effectivement personne. C'était donc le bon dispositif, celui qui
serait désormais utilisé. Et donc ainsi testé, le président pouvait en profiter.
Chemin faisant, lui aussi avait
appris le scénario concocté par maitre Gantzer, Gégé pour les intimes, le président
stoppa, fit une courte pause le temps de se remémorer de ce qu'il devait dire
et surtout à qui il devait le dire. Gégé, l'énarque punk, avait pourtant été
simple et même compréhensible, chose rare pour quelqu'un sorti de cette
brillante école formant nos élites de demain après avoir formé avec le succès
qu'on sait celles qui nous dirigent aujourd'hui. Ça y est, ça lui revenait.
Jeter un coup d'œil vers la gauche, et faire constater au maire du bled placé à
sa droite comme le veut le protocole qu'il y avait de la lumière et que ça
sentait bon le café là où il y avait de la lumière. Il ne pouvait pas se tromper,
l'ami Gaspard ou Gégé, mais seulement pour les intimes, lui avait expliqué
qu'on aurait vidé le quartier et que donc il ne pouvait y avoir qu'une seule lumière.
Le président après avoir vu cette dernière se tourna donc une nouvelle fois vers
la gauche, vit la tronche d'un de ses ministres venu là on ne sait trop
pourquoi, lui-même serait volontiers resté à Paris, s'aperçut donc qu'il y
avait une erreur et se tourna cette fois, avec succès, ça lui changeait, vers
la droite.
"Monsieur le maire, ça sent bon le café par ici" dit-il en
indiquant du nez dont le bout devenait rouge à cause du froid l'endroit d'où venaient
lumière et odeur. "La lumière et l'odeur", il avait enfin trouvé ce
qui le distinguait de Chirac qui n'avait pas vu la lumière mais entendu le
bruit. Il se sentait enfin de gauche!
"Ah, mais oui, Monsieur le Président, je connais, c'est chez Lucette,
une brave retraitée qui a voté pour vous, je le sais d'autant mieux qu'elle m'avait
donné procuration. Elle serait bien contente de vous voir et de partager son
café avec vous!", répliqua la maire qui lui aussi avait passé la nuit
à réviser le scénario de Gégé, ceci expliquant davantage que l'abus de
mirabelle, spécialité locale à laquelle pourtant le président n'aura pas droit,
les grosses cernes qui lui pendaient sous les yeux.
"Vous croyez?" dit le président avec un œil égrillard qui
n'aurait pas plu à Gégé s'il l'avait remarqué. Déjà, le coup de la procuration
qui n'était pas de lui, on peut être énarque et pas complètement con, lui avait
moyennement plu. Heureusement il était un peu en arrière et ne voyait que la
partie charnue du président, celle sur laquelle il s'asseyait du moins.
"Eh bien, c'est simple, allons frapper à sa porte et nous le saurons!"
dit le maire de façon mécanique.
Toc, toc, toc (voire dring pour
ceux qui sont entrés dans la modernité)
Lucette ouvre la porte et
s'exclame
"Ben ça quelle surprise! Le Président! Je ne vous attendais point à c't
heure. Mais entrez donc, je viens justement de faire le café, vous en prendrez
ben une p'tite tasse. Ce sera de bon cœur vous savez!"
Le président entra suivi de son
aréopage et fit mine de ne pas voir les 72 journalistes entassés au fond de la
pièce et dont on se demande ce qu'ils faisaient là. En tout cas, ce qui
changeait de la majorité des participants à ce grandiose scénario, eux le
savaient. Même si par ailleurs cela semait un sérieux doute sur la spontanéité
des choses telles que décrites dans le scénario. C'est là effectivement que les
choses se compliquent. Si on monte un scénario réaliste, et donc si dans le cas
qui nous intéresse le président vient boire son café de façon impromptue chez
Lucette, les journalistes n'ont pas leur place. Et ça ne sert à rien en termes
de communication. Soit on monte un scénario auquel les journalistes sont
associées et ça n'est plus crédible. Mais la force de la communication
n'est-elle pas de rendre crédible ce qui ne l'est pas? Donc on fait semblant et
surtout les journalistes ne parlent que de la visite impromptue sans évidemment
s'interroger sur leur propre présence. Et ça marche sauf si un grain de sable…
Nous verrons ça plus loin.
S'ensuivit alors un échange surréaliste
interrompu par le loufiat de service, celui préposé au café dont on pouvait se
demander ce qu'il faisait là. Un truc du style :
"Et bien ici on est bien mieux qu'à l'Elysée. Au moins on respire!".
Cela étant dit malgré la densité d'occupation des 20 mètres carrés du salon où les
92 personnes présentes tentent d'aspirer un air qui se fait rare.
"Ça c'est ben vrai, M'sieur l' Président. Et ça c'est grâce à vous, à
votre politique audacieuse et tellement perspicace du logement qui m'a permis
d'emménager entre ces murs tandis que j'occupais auparavant un appartement
vétuste en HLM. " Elle avait bien appris sa leçon la Lucette et elle
savait qu'il ne fallait surtout pas parler du bruit et de l'odeur quand elle
évoquait son ancienne résidence. On le lui avait assez répété. Elle avait bon!
Peut-être même qu'elle pourrait garder les tasses de la mairie. Les chaises,
elle n'en avait pas l'utilité, une pour elle et l'autre pour son chat ça
suffisait. Mais par contre les tasses…
C'est donc ainsi que notre
président passa un agréable moment avec une vraie française, attentif à ses
préoccupations et convaincu, puisque Lucette le lui avait dit, que sa politique
était la bonne. Il était tellement content, surtout de lui, qu'après être sorti
de l'appartement il appela Gégé et lui demanda, non pas s'il avait été bien,
car de ça il ne doutait pas, il n'en doute d'ailleurs jamais, mais s'il avait
bien tweeté les photos immortalisant cette rencontre destinée à renforcer sa
gloire auprès des Français qu'il aime tant mais ne lui rendent que fort peu.
Gégé n'osa pas lui rappeler qu'il était un pro et se contenta d'une réponse
affirmative. Content le président lui dit "Tu diras à l'équipe que dans deux jours, pour les récompenser, je leur
paie, enfin les Français, une omelette chez la mère Poulard, au Mont. C'était
vraiment une bonne journée. Bravo Gégé, t'es un as!".
Sauf que Gégé n'avait pas imaginé
qu'une journaliste travaillant sur une chaine sans doute en accointance avec
l'opposition irait fouiner à Vandoeuvre pour mettre Lucette sur le grill afin
qu'elle lui raconte ce qui s'était réellement passé, pas tellement pendant, car
ça tout le monde l'avait vu, mais avant et après.
La Lucette qui est bonne fille et
d'une génération à laquelle on apprenait que le mensonge n'était pas moral ne
se fit pas prier pour raconter ce que tout le monde sait désormais. Enfin savait
déjà mais faisant semblant de ne pas savoir, selon les règles d'une bonne communication
gouvernementale.
Elle voulait dire, entre autres,
au président qu'elle préférerait qu'il s'occupe des Français dans la misère
plutôt que des migrants. On lui a déconseillé de le faire. Peut-être en lui
disant que c'est la même chose que ce que dit le FN, peut-être en la menaçant
d'avoir à accueillir une famille de Somaliens dans son appartement dont elle
est si contente. On ne saura pas. En tout cas, elle savait qu'il ne fallait pas
le dire et elle ne l'a pas dit. Du moins en présence du président. Après, si!
Du coup elle n'aura sans doute
gardé de cette visite que les fleurs qui seront vite fanées. Et peut-être la
joie d'avoir eu son quart d'heure warholien. Quant à notre président, une fois de plus il
s'est ridiculisé.
Vive Lucette! Gégé, démission!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire