"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

dimanche 8 novembre 2015

CD…DDI...DID…IDD? CDégueulasse



Ben oui quoi, poser une question basique à une ministre sur un sujet basique relevant de son domaine de compétences, enfin disons plutôt d'attributions, ça ne se fait pas. C'est même un piège grossier.

Reprenons. Un journaliste-vedette, même si on ne sait pas trop pourquoi, devient le point de passage obligé de tous ceux qui ont quelque chose à dire et surtout rien. C'est devenu une règle. On peut échapper à Ruquier d'abord parce qu'il n'est pas journaliste et parce que les interrogatoires qui sont menés dans son émission le sont par de sales cons, con et conne pardon, faut pas oublier la parité, dignes représentants d'une gauche des bons sentiments qui n'existent plus que sur les plateaux-télé et dans Libé, et auxquels j'imagine que celui qu'ils assomment de leurs questions idiotes et de leurs réprobations morales quand il n'appartient pas au camp du bien a au bout d'un moment davantage envie de leur coller des baffes que de se livrer à un simulacre de dialogue. Du coup si on n'est pas sûr de pouvoir se retenir, mieux vaut ne pas aller dans ce genre d'émission. Mais Bourdin, lui, on ne peut guère y échapper. Même si le fait qu'il ait été pressenti pour aller faire la pige chez Ruquier qui dut renoncer à cause de son tarif trop élevé, c'est une vedette, non?, peut donner une image du personnage. Mais statut oblige. Et donc tout le gratin de la politique finit devant Bourdin dont le but, son statut de vedette l'y obligeant, est de casser son invité, de montrer sa nullité, son incompétence, et de mettre en évidence le fait qu'il usurpe son poste ou n'est pas capable de tenir celui auquel il prétend. C'est une certaine vision de l'information. Qu'on aime ou qu'on aime pas, on doit subir.

Cela dit quand on va chez Bourdin, connaissant tout cela, il est de bon ton de se préparer, voire même d'apprendre le B.A BA de son boulot si on ne l'a pas fait encore.
Aussi m'est-il difficile de trouver la moindre circonstance atténuante à la faute commise par notre jeune et récente ministre du travail. C'est en plus une double faute qu'elle a commise. Sans parler de celles commises ensuite quand elle tenta de se dédouaner de ce fâcheux incident, car évidemment ce n'est pas elle qui pouvait être mise en cause, après ce flagrant délit d'ignorance avoué, donc à moitié pardonné, après un immonde bafouillage et une piteuse tentative d'éluder la question en répondant à côté. Du coup le demi-pardon est annulé. Et toc!
En effet, Madame El Khomri, ministre du travail en titre, ignorait une chose élémentaire, en plus une mesure prise quelques semaines avant sa prise de fonction par le gouvernement auquel elle appartenait déjà en tant que secrétaire d'Etat à la ville, une chose que j'imagine chaque salarié du privé connait parce que le CDD fait trembler ceux qui y sont soumis. Et comme par ailleurs un quart des chômeurs le sont suite à une fin de CDD, on pourrait s'imaginer que le ministre du travail faisant partie d'un gouvernement ayant fait de la lutte contre le chômage, et avec le succès que l'on sait, sa priorité, puisse s'intéresser à ces petites choses. Première faute professionnelle donc!
Ensuite en allant chez Bourdin, notre jeune ministre devait s'attendre à une question de ce type. Question trop facile peut-être, et donc pas vraiment un piège, et qui l'a prise à contrepied. Reste néanmoins qu'en tant que membre du gouvernement elle ne peut se rendre à ce genre d'invitation qu'en ayant tous les biscuits. Elle est là pour porter une parole, une parole supposée redonner confiance aux millions de chômeurs que compte notre pays. Ceux-là auront été servis. Elle se doit d'avoir une communication d'autant plus irréprochable que désormais nos politiques ne sont plus guère que ça, des communicants. Seconde faute professionnelle.
Du coup, son CDD à elle pourrait bien et même devrait être révoqué avant son terme. Mais chez ces gens la faute professionnelle grave ne saurait être un motif de révocation. Sinon il n'y en aurait plus beaucoup en place.

Voyons maintenant les arguments de la défense. Bien pitoyables.
Enfin que du classique quand il s'agit d'interventions venues de ceux qui, parce qu'ils ont la carte du parti, parce qu'ils sont sympathisants, parce qu'ils sont de cette bonne vieille gauche qui ne saurait faillir.
On a évidemment les trucs habituels du genre : "oui mais, Truc (évidemment de droite) ne savait pas combien coûtait une baguette lors des élections de 1902 (la date importe peu évidemment)", "Et Machine qui croyait que le ticket de métro coutait 4 euros, ah ah ah!. Elle est pas nulle, elle?". En tout cas pas plus nulle que ceux qui brandissent ces arguments-massues. Peut-on d'abord excuser l'incompétence des uns par celle des autres? Si c'est le cas, le prochain gouvernement va être peinard. Et par ailleurs, quel est le rapport avec le sujet. Le ministre du travail c'est son job de connaitre un minimum des règles régissant le droit du travail, et le sujet de la question fait, à mon avis, partie de ce minimum. Quant aux autres, ils montrent, mais s'en étonnerait-on, et ceux qui sauteront comme des cabris parmi les hommes politiques en disant "j'ai eu tout bon, je savais" en donnant le prix exact du ticket de métro qu'ils ne prennent pas sont évidemment dans le même cas, qu'ils sont bien déconnectés des réalités du peuple qu'ils prétendent gouverner. Ce n'est pas un compliment, bien sûr.
Et puis on a l'argument-choc, celui qui devrait faire taire tout le monde, mais qui fait rigoler, le truc du style "Demande-t-on au ministre de la santé d'être chirurgien et donc de savoir découper un patient?". C'est un peu comme si vous posiez cette question: "Demande-t-on au ministre du travail de savoir travailler?". Sauf que les réponses ne sont pas les mêmes évidemment. A la première on répondra par la négative, et à la seconde par l'affirmative, et même que tous les ministres devraient travailler. Au moins leurs dossiers. Et concernant le ministre du travail, ce serait même un plus s'il avait un peu travaillé ailleurs que dans la politique, et encore même mieux s'il avait travaillé en entreprise, au moins histoire d'en connaitre le milieu autrement que par le biais des partenaires sociaux. Hélas, et ça vaut pour tous les partis, c'est rarement le cas, très rarement. Ce n'est pas un secret que notre classe politique est complétement déconnectée de ce qu'on appelle curieusement "la vraie vie", cela supposant que la leur n'en est pas une. J'aime bien ces expressions devenues courantes comme "les vraies gens" qui en disent quand même long.

Et puis on a l'intéressée elle-même qui tente de se défendre, sans doute après s'être pris un avoinée par Pépère au conseil des ministres, même si finalement cet épisode l'arrange bien, faisant passer l'histoire ridicule de Lucette au second plan. J'imagine aussi le lâche soulagement du Catalan prognathe et de Bercy. On en viendrait presque à croire que El Khomri, en tant que dernière arrivée et benjamine est victime d'un bizutage salvateur pour tous ces incapables.
Voilà donc ce qu'elle dit pour sa défense.
Tout d'abord la chose classique, tout rejeter sur l'interviewer : "Jean-Jacques Bourdin avait préparé son coup, il voulait son buzz, il a eu son buzz, je ne suis pas la première, je ne serai pas la dernière." C'est évidemment s'enfoncer car si elle savait que c'est un truc classique chez Bourdin, elle devait d'autant plus se préparer à affronter l'interview, ou se faire porter pâle et envoyer un grouillot de service à sa place.
Et puis il y a des choses assez amusantes : "J’ai répondu trois parce que, pour moi, c’est trois contrats. Donc voilà, ce n’était pas exact par rapport à la question du renouvellement, mais ça fait trois contrats quand on peut renouveler deux fois." C'était donc juste un problème d'intervalles, comme ceux qui préoccupaient les petites têtes blondes quand j'étais à l'école primaire. Entre deux poteaux il y a un seul espace, combien y a-t-il d'espaces quand il y a trois poteaux? La prochaine fois on parlera de robinets qui coulent ou de trains qui se croisent.
Ou encore des trucs qui embrouillent la tête : "La vérité, c’est que pour répondre à cette question, il y a autant de formes de CDD possibles qu’il y a de dérogations possibles, et si, justement, nous menons cette réforme du droit du travail, si nous apportons ces clarifications, c’est bien, en effet, parce que c’est complexe." Et ben voilà! On a compris! Elle a fait l'âne par égard pour nous ou pour ne pas monopoliser l'antenne pendant des heures! Mais on peut être rassuré, grâce à elle et à sa réforme, les choses vont changer. Après tout on est capable de réformer sans connaitre l'existant quand on est ministère socialiste.
Que ceux donc qui voudraient lui faire un procès en incompétence en soient pour leurs frais. Le ministère est entre de bonnes mains. Parait même que le nombre de chômeurs a baissé depuis l'arrivée de ce brillant ministre.

Je ne voudrais pas terminer ce billet sans une petite mise en garde qui prendra la forme d'une invitation à la réflexion. Mais rassurez-vous c'est facile, bien davantage que les histoires d'intervalles.
Certains, pas réflexe, penseront que mon propos est sous tendu par le fait que Madame El Khomri est issue de la diversité et que c'est une femme, ce qui n'est évidemment pas le cas même si je pense la même chose pour Dati, Yade, Belkacem. Du coup je commence à avoir un doute. Cela dit avant d'entrer dans une longue introspection, je me demande, et la présence dans ce même gouvernement d'une double compatriote de ce ministre à un poste important où son action est particulièrement fantasque (j'aurais pu dire dangereuse, irresponsable, calamiteuse…) si sa nomination n'est pas due davantage à cela qu'à des compétences avérées, vérifiées. Je dis ça évidemment après avoir jeté un œil sur le CV de la dame.
Et vous qu'en pensez-vous?

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