"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

samedi 21 novembre 2015

La semaine d'après : constats et questions





Voilà donc quelques jours des ordures islamistes, certains ont encore du mal avec l'adjectif, notre président en tête, frappaient la France. Le choc a été d'autant plus grand qu'effectivement cette fois c'était la France qui était visée et non plus seulement des juifs ou des blasphémateurs. Cela dit ceux qui se croyaient protégés des exactions des soldats de Allah parce qu'ils n'appartenaient pas à ces catégories auraient dû se souvenir que les attentats de 1995 n'avaient pas fait de distinctions, pas plus que celui du Thalys, il y a peu de temps pourtant, n'en aurait fait si par un hasard miraculeux quelques hommes courageux ne s'étaient pas trouvé là pour stopper l'islamiste de service ce jour-là. Mais c'est ainsi, le besoin de se sentir un peu en sécurité incite à éviter de faire les analyses nécessaires pour comprendre la menace qui pèse sur vous, pour ne pas vivre dans la peur.

Il fait quand même dire que cet évitement du sentiment de peur peut se comprendre. Rassurez-vous je n'entrerai pas dans les arcanes du cerveau et ne me livrerai pas à une analyse psychologique. Je laisse ça à d'autres peut-être plus compétents. Non ça peut se comprendre surtout quand après janvier on a vu se développer, après de grands moments de compassion autant spontanés qu'organisés pour la plus grande gloire de notre chef bien aimé, parallèlement à un discours guerrier un discours compréhensif. Nous avions certes un ennemi qu'il fallait combattre, mais peut-être fallait-il nous combattre d'abord nous-mêmes pour que n'émerge pas au milieu de nous cet ennemi redoutable. Les campagnes morales et relayées efficacement aux niveaux politique et médiatique et qu'on résumera par ce slogan faisant date dans notre République, "pas d'amalgame", interdisaient d'envisager d'autres explications. C'est parfaitement le discours schizophrène tenu par notre premier ministre qui parlait de guerre et même de guerre de civilisation, avec ou sans s, c'est selon, qui fut et vite atténué par des considérations sociologiques dignes du café du commerce, souvenez-vous de l'apartheid, mais aux effets tellement ravageurs dans leurs effet puisque désormais la solution au terrorisme devenait la mélange des gens malgré eux, dans la ville ou plutôt sa périphérie parce que c'est toujours aux mêmes de faire ce genre d'effort, évidemment, et à l'école.
Et donc la peur peut se comprendre quand on parle d'une guerre à laquelle on pourrait peut-être mettre fin en mettant à l'amende le peuple français si peu accueillant et quand on ne prend pas de véritables mesures répressives contre les milieux islamistes et que, partant, peu de choses efficaces sont faites pour éviter de nouveaux actes de terrorisme islamique. Les seules véritables mesures qui ont été prises ont été de faire voter la loi sur le renseignement et de mettre des milliers de militaires dans la rue dont le seul but réel était de se faire voir, pour rassurer la population. Ces pauvres militaires dont je ne détaillerai pas ici les conditions juridiques et matérielles d'ouverture du feu, ça vous ferait pleurer, n'étaient là, ne sont toujours là, que pour participer à la communication gouvernementale tout en servant de cibles potentielles, et tout en obérant les capacités opérationnelles des armées dont les effectifs en baisse continue depuis des années parallèlement à des interventions extérieures qui elles ne faiblissent pas se révèlent insuffisants désormais. Quant à la loi sur le renseignement ses contours sont si vastes qu'ils laissent douter de la véritable cible. Par ailleurs, et même si je serai sans doute le dernier à ne pas croire aux vertus du renseignement, celui-ci pour être efficace doit pouvoir être traité dans de brefs délais, cela impliquant de bien cibler ce qu'on cherche, et par des gens bien rompus à l'exercice. Des recrutements tardifs ne rendront leurs effets que plus tard, évidemment. Mais finalement peut-être que le problème n'est pas seulement dans un renseignement qui ne pourrait pas prévoir tous les attentats. Aucun service ne le peut, hélas. Peut-être faut-il aussi s'interroger sur le sort qui est fait aux renseignements fournis par les services compétents. Compétents, ils doivent d'ailleurs l'être, même s'il existe des défaillances, puisqu'on apprend à chaque attentat que les terroristes, du moins les nôtres, sont fichés comme potentiellement dangereux. Vous savez les fameuses fiches S. Parait qu'il y en a plus de 11 000. Autant que de militaires dans les rues. La bonne question est donc de savoir ce qu'on fait des renseignements et pourquoi il faut attendre que les terroristes aient quasiment les armes à la main pour les intercepter ou qu'ils aient commis leurs actes pour les neutraliser, comme on dit pudiquement.

Oui les Français peuvent avoir peur de voir leur sécurité entre les mains d'incapables. Incapables de faire les bonnes analyses, incapables de mener les actions préventives nécessaires à une limitation du risque terroriste.
L'excuse, car c'en est une, sociologique tient évidemment bien moins la route dès lors qu'on s'aperçoit qu'il ne s'agit pas que de Français en déshérence, en fait des ratés, qui sont au cœur des attentats, mais qu'il s'agit d'une réelle internationale terroriste islamiste. Cette fois on a dépassé le stade des Mehra, Nemmouche, Kouachi, Koulibali et consorts, ceux qu'on nommait pour se rassurer sans doute, à moins que ce ne soit pour masquer la vérité, des loups solitaires, après en avoir qualifié d'autres, vous savez ceux qui se jetaient sur la foule en voiture en criant "allah ouakar", de déséquilibrés. Les terroristes viennent non seulement de chez nous, mais d'autres pays, pays voisins ou lointains, certains s'étant infiltrés parmi les migrants des derniers mois. De ce dernier risque il était interdit de parler il y a encore peu, souvenez-vous. Les migrants étaient une chance pour l'Europe, même si parmi eux les chrétiens avaient la malencontreuse idée parfois de se faire tabasser, voire jeter par-dessus bord en Méditerranée par leurs compagnons d'infortune musulmans. Ce genre d'information ne connaissait pas évidemment une grande publicité. Faut pas stigmatiser!
C'est d'ailleurs sans doute au nom de ce principe que quand à l'été 2014 on pouvait trouver sur les rayons de l'espace librairie des supermarchés des livres prônant le djihad, les services du ministère de l'intérieur répondaient la chose suivante à une sollicitation de journalistes (Metronews) : "On ne peut pas interdire des livres dès qu'ils sont choquants. S’il n'y a pas d'appel à la haine ou d'apologie au terrorisme, on ne peut pas l'interdire. Ce n'est pas un délit de prôner le djihad, ce n'est pénalement pas répréhensible". Le ministère de l'intérieur avait à l'époque une curieuse vision du djihad. Il parait qu'il en a changé depuis menant désormais la chasse aux mosquées où on le prône. Il était temps! Néanmoins, et malgré ce changement de fusil d'épaule, on est en droit de se poser des questions sur la capacité des autorités en charge de la sécurité des Français à remplir leur mission.
La vraie question qui donc se pose est : "pourquoi avoir attendu les attentats du 13 novembre pour faire ce qui devait être fait au moins depuis janvier 2015 et plus certainement depuis la meurtrière équipée de Mehra?" Et celle qui suit logiquement est: "pourquoi devrions-nous faire confiance désormais à ceux qui ont failli et n'ont même pas eu la décence de présenter leurs excuses?". Je n'oserai même pas parler de démission, chose pourtant classique dans des temps pas si anciens que ça quand on avait failli à ses devoirs d'une façon aussi dramatique. Ce n'est plus de mise désormais et l'on voit ceux qui, même aujourd'hui, alors que les derniers cadavres sont encore en voie d'identification, refusent de s'exprimer sur une mesure telle que le retrait de nationalité pour les terroristes, continuer à pavaner à la tête de leur ministère. N'est-ce pas madame Taubira? Et c'est à ça que nous devrions faire confiance? Au nom de quoi? De l'union nationale?

L'union nationale est évidemment une chose souhaitable alors qu'on nous annonce que nous sommes en guerre. Mais peut-elle se faire raisonnablement derrière celle qui ont montré leurs limites, ceux qui par aveuglement idéologique ont refusé d'admettre la nature des menaces qui pesaient sur la France. L'union nationale ne doit pas être un pardon. Et certainement pas une injonction à se taire. On peut s'unir face à un deuil, et communier tous ensemble en allumant des bougies. On doit s'unir face à une menace commune. Mais cet impératif d'union doit être accompagné de la confiance vis-à-vis de ceux derrière lesquels on doit se ranger. Or la confiance ne peut pas exister actuellement. Si l'émotion des premiers jours incite légitimement à éviter les querelles, elle doit laisser très vite place à une exigence d'efficacité qu'on aurait du mal à reconnaitre à l'équipe qui est en place. Et même si les premières réactions aux attentats vont enfin, et cet enfin est important, dans le bon sens, ça ne doit pas enterrer les responsabilités passées. Car dans deux mois, trois mois, alors que l'état d'urgence aura cessé, comment croire que ceux qui ont déjà failli ne se laisseront pas de nouveau guider par leurs fantasmes idéologiques pour mener leur mission de sécurité. Peut-on en effet croire ce revirement sécuritaire durable et même sincère?

Car en effet c'est un revirement qui s'est opéré. Et pas seulement sur le plan intérieur. C'est en effet la même chose sur le plan diplomatique, même si, et on le verra, la sincérité doit là aussi être mise en doute.
L'attitude diplomatique de la France vis-à-vis de ce qui se passe en Syrie depuis 2011 a, en effet, été lamentable. Si on veut chercher une continuité entre les deux présidences Sarkozy et Hollande, c'est bien dans la politique étrangère menée dans cette région qu'on la trouvera. Les deux crânes d'œuf qui se sont succédé au Quai d'Orsay ont, vous savez le "meilleur d'entre nous" et "l'ancien plus jeune premier ministre de la France", sont parvenus par leurs efforts successifs à pourrir la situation en Syrie, en reconnaissant un gouvernement que personne sur place ne reconnait, en sabotant les tentatives de conciliation, notamment les conférences de Genève, en refusant de parler aux interlocuteurs qui ne leur plaisaient pas, et pourtant acteurs majeurs sur le terrain, je pense au gouvernement légal syrien et à l'Iran, en laissant le soin au Qatar et à l'Arabe Saoudite de désigner les forces d'opposition qui étaient assez présentables pour qu'on les arme (quelle garantie, n'est-ce pas?). En fait il n'est pas besoin de s'étendre sur la politique étrangère française dans le conflit syrien. La France s'est mise à la remorque de ses clients, sacrifiant ses intérêts fondamentaux au nom d'intérêts économiques à court terme. Et je me retiendrai de parler des relations individuelles entretenues par politiques de tous bords et journalistes avec le Qatar en particulier.
Dans ce tableau minable, la Russie est par deux fois intervenue, contrecarrant les projets français, du Qatar et de l'Arabie Saoudite pardon. La première fois, à la fin de l'été 2013, en proposant un plan pour le contrôle des armes chimiques détenues par le gouvernement syrien, laissant notre pépère bien seul et bien con à quelques heures d'une attaque programmée contre Damas. La seconde fois en intervenant massivement par des bombardements ne tenant guère compte, c'est une litote, des classifications entre bons et mauvais islamistes opérées par l'Arabie Saoudite, osant même jusqu'à frapper le front al-nosra, émanation d'al qaida, dont pourtant Fabius trouvait qu'il faisait du bon boulot. La Russie fut évidement critiquée pour son soutien à Assad dont le départ devait être un préalable au règlement de la question syrienne et, j'imagine, à l'avènement d'une démocratie heureuse et prospère sous le patronage des démocraties qataries et saoudiennes. C'est d'ailleurs au nom de ce bonheur à venir que Valls refusa une liste de français djihadistes en Syrie que lui proposait le régime d'Assad. Parce que "non monsieur, qui ne méritez pas d'exister sur terre (Fabius), nous on préfère prendre le risque de voir nos ressortissants se faire péter chez nous, que de traiter avec vous! Et toc!". Et boum! Le 13 novembre arriva et avec lui une inflexion, c'est encore une litote, de notre politique étrangère. Désormais Assad peut rester jusqu'au règlement politique, c'est la position russe, et nous nous coordonnerons avec les Russes pour frapper l'EI. Reste que toutefois on attend au moins une prise de distance avec nos alliés qataris et saoudiens pour que ce changement de politique apparaisse comme sincère, et non pas juste opportuniste. Peut-être qu'un changement prochain à la tête du Quai d'Orsay éclairera-t-il la situation.
En attendant, il faut juste constater que notre politique étrangère, intransigeante, tellement déroutante que le Monde Diplomatique écrivait en octobre 2013 que "L'Elysée et le Quai d'Orsay auront réussi le tour de force simultané d'exaspérer Washington, de gêner Londres, de faire lever les yeux au ciel à Berlin, de désespérer Beyrouth, de déclencher un concert de soupirs à Bruxelles et d'amuser les joueurs d'échec de Moscou.", donc que notre politique étrangère a largement contribué à faire perdurer le conflit en Syrie et donc à laisser se développer les forces islamistes en présence. Notons au passage que la France est désormais marginalisée dans les négociations de Vienne. Le discours anti-Assad français a de plus sans doute suscité des vocations dans les rangs d'une jeunesse islamisée qui trouvait un adversaire dont la disparition physique était explicitement souhaitée par l'exécutif.

Toutes ces suites d'erreurs, d'erreurs d'appréciation sur fond idéologique, sur les plans intérieur et extérieur ne sont évidemment pas à l'origine du phénomène djihadiste qui est consubstantiel à l'islam depuis qu'il existe, même si, bien heureusement il ne concerne qu'une partie encore minoritaire des musulmans mais qui semble néanmoins progresser en volume avec les années et les succès qu'il remporte. Mais ces erreurs ont offert un terreau favorable à son développement d'abord sur notre sol puisque "le prôner n'était pas considéré comme un délit" et que tenter de l'analyser sous d'autres angles que ceux autorisés et veillant davantage à "ne pas stigmatiser" qu'à réellement comprendre vous rangeait illico dans le camp des fachos, et ensuite sur le théâtre moyen-oriental en raison notamment d'alliances aussi aveugles que douteuses dont il faudra bien un jour aller fouiller pour en discerner la nature profonde car je doute qu'un tel aveuglement ne soit dû qu'à des intérêts économiques globaux.
Alors c'est clair, la question de confiance se pose. Pas à l'Assemblée, pour cause de conflits d'intérêts. Mais devant le peuple. Quand on pense qu'il y a 10 jours la grande menace pour la France était la prise d'une ou deux régions par le FN!!! On croit rêver! Alors peut-être qu'on pourrait enfin trouver des gens intelligents, dignes de confiance, ayant pour intérêts la France plutôt que leur petite carrière. Peut-être est-il temps de penser que l'union nationale si elle est souhaitable ne peut qu'exister que derrière un gouvernement d'union nationale. On a des Védrine ou des Villepin qui sont disponibles, mais sans doute d'autres même si dans la classe politique, comme ça, spontanément, les noms ont du mal à me venir à l'esprit.

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